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Progrès engendrés par les nouvelles techniques de séquençage : ADN tumoral circulant dans le cancer du sein

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Cancers du sein et biologie moléculaire

Progrès engendrés

par les nouvelles techniques de séquençage : ADN tumoral circulant dans le cancer du sein

Progresses achieved using new sequencing techniques:

circulating tumor DNA in breast cancer

F.C. Bidard*

* Oncologie médicale, institut Curie, Paris et Saint-Cloud.

Les développements technologiques récents per- mettent de détecter et de quantifier des molé- cules d’ADN tumoral circulant (ADNtc) dans le sang, avec 2 grandes applications potentielles :

la détection et le suivi quantitatif de la charge tumorale ;

la détection et le suivi par “biopsie liquide” des mutations prédictives de réponse ou de résistance à un traitement.

La mesure de la validité clinique de ce biomarqueur fait l’objet des résultats actuellement rapportés, alors que sont initiés les premiers essais visant à en démontrer l’utilité clinique.

Biologie de l’ADN circulant

La présence de molécules d’acides nucléiques dans le sérum a été décrite pour la première fois au milieu du XXe siècle par des chercheurs français (1). Cet ADN libre circulant est le plus souvent appelé en anglais “cell-free circulating DNA” (cfcDNA), dont la concentration chez des individus sains est l’ordre de 3 à 10 ng/ml de plasma. La longueur de ces molécules d’ADN est limitée, variant entre 60 et 250 paires de bases, avec un pic aux alentours de 120-160 paires de bases. Ce pic de longueur correspond plus ou moins à la longueur de l’ADN présent dans un nucléo- some, unité élémentaire de compaction de l’ADN. Cet ADN fragmenté provient des cellules mortes de l’or- ganisme, avec éventuellement de légères différences selon le mode de mort cellulaire (nécrose, apop- tose, etc.). De subtiles différences de longueur des molécules d’ADN libres peuvent survenir lorsque les facteurs de transcription se lient à l’ADN (et déplacent

majorité des molécules d’ADN normal circulant sont issues des tissus se régénérant rapidement (moelle osseuse, etc.) [2]. À cet ADN normal, dont la quantité varie dans le temps, un excès d’ADN issu des masses tumorales s’ajoute donc chez les patientes atteintes d’un cancer du sein : l’ADNtc correspond donc à une fraction, variable, du cfcDNA.

Il faut rappeler ici que la coagulation est responsable de la lyse de nombreux leucocytes, libérant de l’ADN normal qui va “diluer” d’autant la fraction d’ADNtc initialement présent dans le prélèvement. Cette dilution affecte fortement les méthodes rapportant une fréquence allélique (notamment le séquençage), alors que les méthodes de quantification absolue (PCR digitale, cf. infra) restent relativement effi- cientes. Les conditions pré analytiques optimales de la détection de l’ADNtc comprennent donc l’analyse d’échantillons de plasma frais, centrifugés dans les quelques heures suivant le prélèvement sanguin.

Il existe cependant des tubes de prélèvement sanguin dédiés qui permettent de limiter la lyse des leucocytes.

Méthodes de détection

Il s’agit, quelle que soit la méthode retenue, de distinguer l’ADNtc de l’ADN normal circulant grâce aux modifications que présente l’ADN tumoral : anomalie de séquence (variation nucléotidique, délétion, insertion, fusion, etc.) ou modification épigénétique (méthylation, etc.). La séquence détectée peut être virtuellement située n’importe où dans le génome, les oncogènes et gènes suppres- seurs de tumeurs restant les cibles favorites de la

© La Lettre du Sénologue 2017;76:22-8.

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10 % Sanger qPCR qPCR modifiée NGS

Bi-PAP PCR NGS modifié ddPCR/ BEAMing 1 %

0,1 %

0,01 %

Molécule unique

ADNtc : ADN tumoral circulant.

Techniques

• Biopsie liquide

(stade métastatique, forte masse tumorale et tumeur en progression)

• Biopsie liquide (stade métastatique et localisé)

• Cinétique et réponse au traitement

• Rechute métastatique

• Sous-clones résistants

• Dépistage

• Maladie résiduelle Applications Fréquence allélique

ADNtc ADN normal + ADNtc

=

Figure 1. Sensibilité des principales techniques de détection des variants rares et applications potentielles dans le cancer du sein.

portera soit sur une mutation précise, précédemment caractérisée dans la tumeur, soit sur des mutations fréquentes (récurrentes) que la tumeur pourrait éventuellement présenter.

Il existe 2 grandes approches techniques pour la détection de l’ADNtc, qui utilisent respectivement la PCR et le séquençage massivement parallèle (aussi appelé “de nouvelle génération” [NGS]) :

Les techniques de PCR ont une excellente perfor- mance dans la détection de variations structurales ayant été précédemment caractérisées par séquen- çage de la tumeur. Concernant la détection de varia- tions nucléotidiques (mutations ponctuelles), la sensibilité de la PCR quantitative ne permet pas de détecter l’ADNtc en dessous de 5 à 10 % de fréquence allélique (figure 1). De nombreuses variations techniques favorisant l’amplification des variants recherchés ont été développées (CAST-PCR, COLD-PCR, par exemple), permettant d’améliorer un peu la sensibilité de détection. La technique de bi-PAP PCR permet théoriquement d’obtenir une sensibilité absolue (détection d’une seule molécule d’ADN muté dans un tube), mais reste laborieuse à développer (4). La technique de référence actuelle

est la PCR digitale en gouttelettes (droplet digital PCR [ddPCR]), qui repose sur une compartimentali- sation à l’extrême de l’échantillon d’ADN, de manière à n’obtenir qu’une seule molécule d’ADN dans chaque gouttelette. Après amplification, chacune des goutte lettes est analysée (lecture de la fluores- cence) et comprend – en excluant les gouttelettes sans ADN – soit de l’ADN muté, soit de l’ADN non muté. Ce résultat binaire, “digital” (valeur de type “0”

ou “1” pour chaque gouttelette), explique le nom de la technique, qui permet de détecter en routine, et pour un prix modéré, des fractions alléliques allant jusqu’à 0,1 % ou 0,01 % (1 copie mutée dans 1 000 à 10 000 copies normales). Il faut noter que la tech- nique de BEAMing, très utilisée par les industriels, correspond à un équivalent de la ddPCR plus complexe, plus onéreux et sans gain évident de sensibilité (5).

Les techniques de NGS permettent de détecter des mutations sur des séquences beaucoup plus longues (par exemple, un panel de gènes) que les quelques nucléotides ciblables par les approches de PCR. Leurs limitations restent leur coût, le temps nécessaire à l’obtention des résultats ainsi qu’une sensibilité

Essai PADA-1

Highlights

»ctDNA has been extensively developped as a liquid biopsy tool.

»A French trial is now assessing the clinical utility of rising ESR1 mutation tracking at metastatic stage.

»Other applications, relying on early screening, minimal residual disease detection or dynamic changes during therapy are now foreseen.

Keywords

Circulating tumor DNA Liquid biopsy Breast cancer PADA-1 trial

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Cancers du sein et biologie

moléculaire Progrès engendrés par les nouvelles techniques de séquençage : ADN tumoral circulant dans le cancer du sein

limitée par les erreurs de séquençage – théoriquement de l’ordre de 1 % pour le NGS classique. La détection de fréquences alléliques inférieures à 1 % demande un séquençage à grande profondeur combiné à l’ajout de séquences d’ADN code-barres (6) et/ou à l’utilisation d’algorithmes bio-informatiques de contrôle des taux d’erreurs locaux (7).

Mesure de la charge tumorale

Dépistage

Le dépistage du cancer du sein est actuellement débattu, et une approche complémentaire par ADNtc pourrait être intéressante. Deux obstacles notables existent néanmoins : l’absence de mutation récur- rente dans le cancer du sein et la quantité d’ADN tumoral disponible dans un tube de sang. L’absence de mutation récurrente impose d’utiliser un panel composé des mutations les plus fréquentes dans le cancer du sein. Cette approche par panel connaît 2 étapes limitantes. Par définition, le séquençage d’une combinaison de gènes dont au moins 1 est muté dans 70 à 80 % des cancers du sein ne pourra pas dépasser 70 à 80 % de sensibilité dans une stra- tégie de dépistage en population générale. Cette sensibilité maximale théorique est elle-même dimi- nuée par la sensibilité réelle des techniques de détec- tion : le séquençage de nouvelle génération parvient éventuellement à détecter 1 molécule d’ADN muté dans 1 000 molécules sauvages (0,1 %), mais reste encore loin de la détection d’une molécule d’ADN unique. Enfin, dans le cas de petites tumeurs, le volume de sang à analyser pour détecter une molé- cule d’ADN tumoral muté est possiblement impor- tant : dans 4 ml, une approche ciblée par ddCPR n’a pas détecté d’ADN muté chez près de 25 % des patientes entamant une chimiothérapie néo-adju- vante pour un cancer du sein triple-négatif (8). Des taux similaires avaient été rapportés dans une large étude pan-cancer (9).

Compte tenu de ces limitations dans la population générale, nous avons mis en place une étude de preuve de concept de dépistage (CirCA-01, NCT02608346), qui exploite le fait que tous les cancers liés à BRCA1 présentent une mutation de TP53. Biologique- ment, les cellules tumorales doivent en effet obliga- toirement inactiver TP53 lors de la perte du deuxième allèle de BRCA1, sous peine de mort cellulaire. Les femmes porteuses d’une mutation constitutionnelle

de rechute d’un éventuel cancer précédemment traité) et font l’objet d’un suivi rapproché standardisé, ce qui permet donc d’avoir, dans cette situation particulière, une sensibilité théorique de 100 % avec le ciblage dans le plasma du seul gène TP53. Il devrait également être possible de distinguer la rechute d’un éventuel cancer précédemment traité (réapparition de la même mutation de TP53) de l’apparition d’un nouveau cancer (nouvelle mutation de TP53, dans la plupart des cas).

L’étude CirCA-01 a presque complété son recrutement (n = 200 patientes) ; le suivi est en cours, avec prélè- vement sanguin à chaque visite de suivi.

Une piste pour contourner les limitations évoquées ci-dessus repose sur la détection d’autres anomalies génétiques, notamment de la méthylation de l’ADN tumoral. Cette approche est séduisante, car elle permet la détection simultanée d’un nombre impor- tant de loci méthylés, avec une sensibilité théorique supérieure à celle des panels de gènes, comme déjà rapporté dans le cancer colorectal (10). La spécificité (pour affirmer l’origine tumorale de l’ADN détecté) des anomalies de méthylation de séquences non codantes est cependant inférieure à celle des muta- tions d’oncogènes ou suppresseurs de tumeurs.

Valeur pronostique, stade localisé La valeur pronostique de la détection de l’ADNtc chez des patientes atteintes d’un cancer du sein localisé, avant traitement, n’est pas exactement définie. La quantité d’ADNtc étant influencée par la taille tumo- rale et la prolifération, il est attendu que l’ADNtc ait une valeur pronostique – tout au moins en analyse univariée. Les cellules tumorales dans le sein étant à l’origine de la majeure partie de l’ADNtc détectable, la présence d’une dissémination tumorale à distance ne peut être affirmée par sa quantification. Il existe enfin un niveau supplémentaire de complexité : les mutations détectées peuvent avoir des valeurs pronostiques intrinsèques (ou par leur association avec un sous-type tumoral, par exemple PIK3CA et sous-type luminal, TP53 et sous-type basal-like), compliquant l’interprétation de données pronos- tiques non centrées sur un unique gène.

Variations en cours de traitement, stade localisé

Comme mentionné ci-dessus, nous avons pu rapporter les résultats de la première étude pros-

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sein triple- négatif (8). L’ADNtc a été détecté par ddPCR personnalisée pour chacune des patientes en fonction des mutations de TP53 caractérisées par le séquençage de la tumeur – l’intérêt de TP53, outre sa forte prévalence dans le cancer du sein triple-négatif, étant que ses mutations sont clonales, présentes dans l’ensemble des cellules tumorales.

Pour résumer, les résultats montrent que :

l’ADNtc est détectable avant traitement chez 75 % des patientes dont la tumeur présentait une mutation de TP53 ;

il existe une diminution très rapide de la quantité d’ADNtc après seulement 1 cycle de chimiothérapie, celui-ci devenant indétectable chez la plupart des patientes ;

il n’existe pas de relation significative entre les variations du taux d’ADNtc et l’obtention d’une réponse complète pathologique ;

les patientes ayant rechuté précocement (suivi de 2 ans) présentaient des cinétiques de décroissance de l’ADNtc plus lentes que les patientes n’ayant pas rechuté. Il existe donc un éventuel intérêt de l’ADNtc comme marqueur pronostique précoce en cours de chimiothérapie néo-adjuvante, à confirmer par d’autres études.

Ces données ne sont pas exactement superposables à celles rapportées antérieurement, de manière rétro- spective et avec des techniques de sensibilité similaire, par l’équipe de N.C. Turner (11) : chez des patientes présentant des sous-types tumoraux variés et avec une détection de mutations diverses, la proportion de patientes présentant de l’ADNtc détectable en fin de chimiothérapie adjuvante était plus élevée ; de même, plusieurs patientes présentaient des taux détectables d’ADNtc après la chirurgie, reflétant donc l’existence d’une “maladie résiduelle”. Il existe des explications méthodologiques à ces résultats différents, l’étude anglaise ayant inclus différents sous-types tumo- raux (dont la chimiosensibilité est moindre que celle des tumeurs triple-négatives), éventuellement N3 (l’atteinte ganglionnaire étendue n’étant pas entière- ment réséquée lors de la chirurgie) et après un bilan d’extension initial possiblement limité. D’autres études sont donc requises pour établir avec certitude la cinétique des niveaux d’ADNtc en cours de chimio- thérapie néo-adjuvante et leur impact potentiel.

Détection de la maladie résiduelle La détection de la maladie résiduelle après exérèse complète de la tumeur primitive est un enjeu majeur

proposer les traitements adjuvants qu’aux patientes présentant des cellules tumorales résiduelles et disséminées à distance. L’étude anglaise mentionnée ci-dessus a rapporté que l’ensemble des patientes présentant des taux d’ADNtc encore détectables après chirurgie post-chimiothérapie néo-adjuvante ont rechuté au cours de la période de suivi courte de l’étude (de l’ordre de 24 mois) [11]. Ces résultats très intéressants de prime abord démontrent cependant, en creux, que les rechutes plus tardives – qui consti- tuent l’essentiel des cas de rechute dans le cancer du sein – correspondent à des patientes chez qui le niveau d’ADNtc n’était pas détectable en postopéra- toire par les techniques utilisées. En d’autres termes, les patientes de l’étude présentaient probablement une maladie métastatique en cours de croissance, plutôt qu’une maladie résiduelle. Des résultats simi- laires ont été observés dans le cancer colorectal, où la détection d’ADNtc en postopératoire était suivie de rechutes métastatiques inhabituellement précoces, vraisemblablement en cours de croissance lors de la chirurgie (12).

Détection précoce

des rechutes métastatiques

L’article princeps dans ce domaine est suédois et signé par E. Olsson et al. (13). Pour chacune des 20 patientes incluses et atteintes d’un cancer du sein localisé, les auteurs ont mis au point plusieurs tests spécifiques de détection de l’ADNtc après séquen- çage des tumeurs et caractérisation des réarrange- ments chromosomiques. Les échantillons de plasma collectés au cours du suivi de ces patientes (suivi supérieur à 10 ans) ont ensuite été analysés. Avec la limite d’un faible volume de plasma par échan- tillon (0,5 ml), les auteurs ont montré que l’évolution métastatique pouvait être détectée grâce à l’ADNtc en médiane 11 mois (intervalle : 0-37) avant le diag- nostic clinique de récidive métastatique. Ces données sont tout à fait compatibles avec les tentatives de détection d’une maladie résiduelle mentionnées ci-dessus : les niveaux d’ADNtc ne semblent devenir détectables, par les techniques actuelles, que dans les mois précédant la rechute métastatique. Des résultats similaires ont été décrits dans d’autres types de tumeurs. L’utilité clinique d’une détection précoce des rechutes métastatiques est considérée jusqu’à présent comme limitée dans le cancer du sein, mais cette notion pourrait peut-être évoluer avec l’utilisation précoce de thérapies ciblées.

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Cancers du sein et biologie

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Variations en cours de traitement, stade métastatique

Plusieurs études ont rapporté la valeur pronos- tique de la détection d’ADNtc avant le début d’une nouvelle ligne de traitement au stade métastatique, que ce soit dans le cancer du sein ou dans d’autres types tumoraux (9, 14). Cet impact pronostique s’explique par le lien fort entre le niveau d’ADNtc et le volume tumoral (voire la prolifération) et ne semble donc pas devoir apporter une information pronostique indépendante.

L’aspect le plus intéressant est celui des varia- tions quantitatives en cours de traitement : de nombreuses études de taille limitée ont rapporté les variations importantes et précoces du niveau d’ADNtc selon l’efficacité des traitements entrepris.

La preuve du concept a été rapportée par l’équipe de C. Caldas en 2013 chez 40 patientes (14).

La cinétique précise de ces variations n’est pas exactement connue : s’il semble que la quantité d’ADNtc diminue fortement en quelques semaines d’un traitement efficace (devenant éventuelle- ment indétectable), la cinétique de réapparition de l’ADNtc avant une progression tumorale reste à caractériser. De nombreuses études observation- nelles sont en cours et permettront de préciser les seuils de variation précoce associés à une réponse au traitement et d’anticiper une progression tumo- rale survenant après une réponse initiale. Une fois ces seuils déterminés, la question se posera de leur utilité clinique : prendre en compte ces varia- tions précoces améliorera-t-il la prise en charge actuelle ?

Biopsie liquide

Les données obtenues ne sont pas strictement équivalentes entre biopsie liquide et biopsie solide : l’intérêt de l’analyse de l’ADNtc est qu’il est constitué d’un mélange de fragments d’ADN issus des différentes métastases présentes chez une patiente. Par exemple, il est parfois possible de retrouver, dans l’ADNtc d’une même patiente, plusieurs mutations d’ESR1 (5), ce qui suggère que différents clones tumoraux (correspondant éventuellement à des métastases distinctes) ont acquis des mutations de résistance différentes au cours d’un traitement par déprivation hormonale ; chez ces patientes, une biopsie solide d’une méta- stase ne retrouverait probablement qu’une seule

plus importante des approches de découverte de mutations par biopsie liquide est la sensibi- lité restreinte vis-à-vis des mutations autres que ponctuelles : insertion/délétion, réarrangement et variation du nombre de copies. Les insertions, délétions et réarrangements sont plus difficiles à analyser en biopsie liquide qu’en biopsie solide du fait de la grande fragmentation de l’ADNtc, limitant les performances des algorithmes d’ali- gnement (mapping) de brins courts d’ADN dont la séquence est fortement modifiée par rapport à la séquence de référence. Ces limitations peuvent être en partie levées dès lors que ces anomalies sont connues à l’avance (soit par séquençage préalable de la tumeur, soit parce que l’anomalie ciblée est récurrente – un exemple en est les délétions affec- tant l’exon 19 d’EGFR dans le cancer bronchique).

Concernant les variations du nombre de copies d’un gène, il faut rappeler que, en l’absence de mutation dans la séquence d’ADN, il n’est pas formellement possible de distinguer l’ADNtc de l’ADN normal lors de l’analyse de l’ADN total circulant. Dans les situa- tions cliniques particulières où l’ADN circulant est composé principalement d’ADNtc (volume tumoral important, forte prolifération), il devient assez aisé de reconstituer un profil des gains et des pertes de séquence (15). Un excès de copies d’un gène cible (typiquement, ERBB2) peut être détectable en fonction de la proportion d’ADNtc dans l’ADN total circulant et du niveau d’amplification du gène dans les cellules tumorales, les amplifications de faible niveau étant les plus difficiles à détecter. Les performances de l’ADNtc restent enfin très limitées pour la détection de délétions bialléliques ou, pire encore, monoalléliques (pour affirmer une perte d’hétérozygotie d’un gène suppresseur de tumeur, par exemple) : cela revient, schématiquement, à tenter de détecter si un brin de paille manque dans une botte de foin.

Biopsie liquide au stade localisé

Au contraire d’autres types tumoraux, les approches de biopsie liquide au stade localisé n’ont, a priori, pas ou peu d’intérêt dans le cancer du sein non métastatique, la tumeur étant immédiatement accessible à une biopsie transcutanée, éventuelle- ment répétée à différents endroits de la tumeur et en cours de traitement néo-adjuvant. La sensibilité des techniques de ddPCR ou de NGS est de l’ordre de 50 à 80 % et varie avec la taille tumorale et la

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Première ligne RH+ HER2–

Cancer du sein métastatique Pas de résistance précoce aux inhibiteurs

de l’aromatase (n = 800)

Détection des mutations d’ESR1 dans l’ADNtc tous les 2 mois en temps réel

Suivi des mutations d’ESR1 dans l’ADNtc tous les 2 mois Patientes avec

apparition/augmentation d’une mutation d’ESR1 en cours de traitement

Objectifs primaires - Tolérance (tous les patients) - Efficacité (patients randomisés)

= fin de l’étude= fin de l’étude= crossover

Progression tumoraleProgression tumoraleProgression tumorale Progression tumorale = fin de l’étude

Étape 1Étape 2 Étape 3

Inhibiteur de l’aromatase

Palbociclib

Fulvestrant A

®

Palbociclib

Inhibiteur de l’aromatase B

Palbociclib

Fulvestrant Palbociclib

Figure 2. Schéma de l’essai de phase III PADA-1, testant l’utilité clinique de la détection précoce des mutations d’ESR1 par ADNtc.

L’utilisation d’ADNtc en clinique est validée par l’EMA et la FDA depuis plusieurs années pour la recherche des mutations activatrices et de résistance aux inhibiteurs d’EGFR dans le cancer bronchique métastatique, en substitution des biopsies solides.

Il n’existe pas, à ce jour, d’utilisation validée en routine dans le cancer du sein, non pas du fait de performances inférieures, mais car il n’existe pas encore de mutation ponctuelle reconnue comme prédictive de l’efficacité d’un traitement ciblé.

L’ADNtc n’est donc actuellement utilisé dans le cancer du sein que dans le cadre d’essais cliniques.

Ces essais poursuivent 2 finalités : une partie vise à obtenir un équivalent de biopsie solide à un instant précis de la maladie métastatique, afin d’obtenir une information sur la présence ou non d’alté- rations génétiques qui soient idéalement ciblables et partagées par tous les clones tumoraux ou par la plupart d’entre eux ; les autres essais se proposent de détecter précocement l’émergence de mutations de résistance à un niveau sous-clonal de manière à prévenir ou à retarder la résistance clinique au traitement.

biopsie liquide en tant que substitut de biopsie solide, on peut noter, en France, que l’essai acadé- mique SAFIR02 Breast (NCT02299999), développé dans le groupe de médecine personnalisée d’Uni- cancer, permet d’utiliser l’ADNtc comme maté- riel d’analyse moléculaire servant à la décision thérapeutique pour les patientes chez lesquelles une biopie solide n’est pas réalisable. Les résultats obtenus dans le cancer du sein métastatique par l’étude MOSCATO (dans laquelle l’ADNtc n’était pas décisionnel) laissent à penser qu’il faut privilé- gier la biopsie solide quand elle est réalisable (16).

On peut enfin noter que, l’ADNtc étant soutenu par les autorisations des agences de régulation pour le cancer bronchique, de très nombreuses études industrielles l’incluent actuellement dans des études ancillaires ou comme outil de sélection des patientes dans le cas de thérapies ciblées. Un nombre considérable de données sur les perfor- mances de la biopsie liquide et sur la cinétique de l’ADNtc en cours de traitement devraient donc être rapportées par les essais industriels dans les années à venir, menant éventuellement à une autorisation d’utilisation en clinique.

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Cancers du sein et biologie

moléculaire Progrès engendrés par les nouvelles techniques de séquençage : ADN tumoral circulant dans le cancer du sein

Les essais de détection précoce de l’émergence d’un sous-clone tumoral porteur d’une mutation de résistance en cours de traitement nécessitent, par définition, d’avoir identifié des facteurs génétiques de résistance aux traitements. Il a été par exemple très élégamment démontré que l’appa rition de mutations de KRAS, éventuellement polyclonales, peut être détectée dans l’ADN circulant avant le diagnostic clinique de résistance aux anti-EGFR dans le cancer colorectal et que ces mutations peuvent redevenir indétectables après levée de la pression de sélection (17). Dans le cancer du sein, une situation similaire a été rapportée avec les muta- tions d’ESR1, gène du récepteur aux estrogènes.

Des mutations activatrices d’ESR1 sont détectées chez 30 à 40 % des patientes dont le cancer a résisté à un traitement de déprivation hormonale par antiaromatase, ces mutations pouvant être polyclonales à l’analyse de l’ADN circulant (5). Ces mutations étant a priori sensibles à un traitement ciblant la protéine (de type fulvestrant), l’essai PADA-1 (NCT03079011), mené par l’Intergroupe français du cancer du sein Unicancer (UCBG), en collaboration avec le groupe Arcagy-Gineco, se propose de comparer l’introduction précoce de fulvestrant lors de l’émergence de ces mutations sous antiaromatase et palbociclib (avant progres- sion tumorale objective) à une introduction tardive, après progression tumorale (figure 2, p. 97). Cet

essai de phase III explore donc l’utilité clinique d’une stratégie de “dépistage précoce” de l’appa- rition de mutations de résistance aux traitements ciblés grâce à l’ADNtc. D’un point de vue théo- rique, et même si ce type de stratégie sera proba- blement plus facilement exploré dans les cancers colorectaux et bronchiques que dans le cancer du sein, il s’agit des premières tentatives visant à transformer l’admi nistration séquentielle de trai- tements rythmée par les progressions tumorales en une gestion “dynamique” des traitements selon les différents sous-clones tumoraux détectables tout au long de la maladie métastatique.

Conclusion

L’ADNtc va prendre, dans un avenir proche, une place importante en oncosénologie pour réaliser des biopsies liquides, notamment en cas de muta- tions ponctuelles, et tout particulièrement pour la détection de mutations de résistances émergeant en cours de traitement et non détectables sur la tumeur primitive. Les développements techno logiques pourraient par ailleurs permettre de dépasser la sensibilité actuellement très limitée vis-à-vis des très faibles volumes tumoraux et ouvrir la voie à des applications de dépistage et de détection de

la maladie résiduelle.

F.C. Bidard déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer et AstraZeneca (Advisory boards).

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Références bibliographiques

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