Modules sur les anneaux principaux et formes bilin´ eaires
(Les exercices 3, 4, 5, 6, 7 et 9 sont des exercices sur ce th`eme, les exercices 1 et 2 sont essentiellement des exercices sur la notion de module libre de dimension finie sur un anneau arbitraire, l’exercice 8 est un exercice tr`es ´el´ementaire concernant les fractions rationnelles.)
Exercice 1. Soit A un anneau. Soit L un A-module, on pose L
∗= Hom
A(L, A) (comme dans la cas o` u A est un corps, L
∗s’appelle le dual de L).
1) Montrer que si le A-module L est libre de dimension n alors il en est de mˆ eme du A-module L
∗. Montrer plus pr´ ecis´ ement que si {e
1, e
2, . . . , e
n} est une base de L alors {e
∗1, e
∗2, . . . , e
∗n} est une base de L
∗, e
∗1, e
∗2, . . . , e
∗nd´ esignant les ´ el´ ements de L
∗d´ efinis par
e
∗i(e
j) =
(
1 si j = i 0 sinon.
(Comme dans le cas o` u A est un corps, {e
∗1, e
∗2, . . . , e
∗n} s’appelle la base duale de la base {e
1, e
2, . . . , e
n}.)
Soit b : L× L → A une application A-bilin´ eaire. On note respectivement δ
bet γ
bles applications A-lin´ eaires de L dans L
∗d´ efinies par (δ
b(x))(y) = b(x, y) et (γ
b(y))(x) = b(x, y) .
2) On suppose que L est libre de base {e
1, e
2, . . . , e
n}. Quelles sont les ma- trices des applications A-lin´ eaires δ
bet γ
bdans les bases {e
1, e
2, . . . , e
n} et {e
∗1, e
∗2, . . . , e
∗n} ? Montrer que les conditions suivantes sont ´ equivalentes : (i) δ
best un isomorphisme de A-modules ;
(ii) γ
best un isomorphisme de A-modules ;
(iii) le d´ eterminant de la matrice [b(e
i, e
j)] (carr´ ee d’ordre n) est un ´ el´ ement inversible de A .
Comme dans le cas o` u A est un corps, on dit que b est non-d´ eg´ en´ er´ ee si la
condition (i) est v´ erifi´ ee.
Exercice 2. Soit A un anneau. Soient M et M
0deux A-modules ; soit b : M × M
0→ A une application A-bilin´ eaire.
Soit n ≥ 1 un entier ; soient e
1, e
2, . . . , e
ndes ´ el´ ements de M et e
01, e
02, . . . , e
0nde M
0. On note respectivement L et L
0les sous-modules de M et M
0en- gendr´ es par e
1, e
2, . . . , e
net e
01, e
02, . . . , e
0n.
On suppose que le d´ eterminant de la matrice [b(e
i, e
0j)] (carr´ ee d’ordre n) est un ´ el´ ement inversible de A.
1) Montrer que les A-modules L et L
0sont libres de dimension n.
2) On note L
0⊥le sous-module de M constitu´ e des ´ el´ ements x v´ erifiant b(x, x
0) = 0 pour tout ´ el´ ement x
0de L
0(on dit que L
0⊥est l’orthogonal de L
0, par rapport ` a b). Montrer que l’on a :
M = L ⊕ L
0⊥.
Exercice 3. Soient L un Z -module libre de dimension n et b : L × L → R une application Z -bilin´ eaire.
1) Soit {e
1, e
2, . . . , e
n} une base de L ; montrer que le d´ eterminant de la matrice [b(e
i, e
j)] (carr´ ee d’ordre n) est ind´ ependant du choix de cette base.
On le note D(L, b).
2) On suppose que L est somme directe de deux sous-modules M et N orthogonaux par rapport ` a b (c’est-` a-dire que l’on a b(x, y) = 0 pour tout x dans M et tout y dans N ). Montrer que l’on a :
D(L, b) = D(M, b
|M) D(N, b
|N) b
| −d´ esignant la restriction de b ` a un sous-module.
3) Soit L
0un sous-module de L tel que le quotient L/L
0est fini. On note [L : L
0] le cardinal de L/L
0; montrer que l’on a :
D(L
0, b
|L0) = [L : L
0]
2D(L, b) .
Exercice 4. Soit L un Z -module libre de dimension n (non nulle) ; soit b : L × L → R une application Z -bilin´ eaire sym´ etrique. On pose :
m(L, b) = inf
x∈L−{0}
|b(x, x)| .
L’objet de cet exercice est de d´ emontrer l’in´ egalit´ e d’Hermite :
m(L, b) ≤ ( 4 3 )
n−1
2
|D(L, b)|
n1(la notation D(L, b) est introduite dans l’exercice 3).
On dit qu’un ´ el´ ement e de L est indivisible s’il est non nul et si l’´ egalit´ e e = ae
0avec e
0∈ L et a ∈ Z implique a ∈ Z
×(c’est-` a-dire a = ±1).
1) Montrer que l’on a
m(L, b) = inf |b(e, e)| , e d´ ecrivant l’ensemble des ´ el´ ements indivisibles de L 2) Soit e un ´ el´ ement indivisible de L.
2.1) Montrer que le quotient L/hei, hei d´ esignant le sous-module de L en- gendr´ e par e, est un Z -module libre de dimension n − 1.
On note π : L → L/hei la surjection canonique.
2.2) Montrer qu’il existe une application Z -bilin´ eaire sym´ etrique b
e: L/hei × L/hei → R ,
uniquement d´ etermin´ ee, telle que l’on a, pour tout x et tout y dans L : b
e(π(x), π(y)) = b(e, e)b(x, y) − b(e, x)b(e, y) .
2.3) On suppose n ≥ 2. Montrer que l’on a :
D(L/hei, b
e) = b(e, e)
n−2D(L, b) .
[On commencera par supposer b(e, e)6= 0 (en fait cette restriction ne serait pas g´enante pour la suite de l’exercice) et on consid´erera l’application bilin´eaire sym´etrique b(e,e)be .]
2.4) On suppose n ≥ 2 et b(e, e) 6= 0. Soit ξ un ´ el´ ement de L/hei, montrer que l’on a :
x∈π
min
−1(ξ)|b(e, x)| ≤ 1
2 |b(e, e)| . 2.5) On suppose n ≥ 2. Montrer que l’on a :
|b(e, e)| m(L, b) − 1
4 |b(e, e)|
2≤ m(L/hei, b
e) .
[Soit ξ un ´el´ement non nul de L/hei; observer que l’on a par d´efinition b(e, e)b(x, x) = be(ξ, ξ) +b(e, x)2 pour toutxdansπ−1(ξ). En d´eduire l’in´egalit´e
|b(e, e)| m (L, b) ≤ |be(ξ, ξ)|+|b(e, x)|2 . Conclure `a l’aide de 2.4.]
3) V´ erifier que ce qui pr´ ec` ede conduit ` a une d´ emonstration par r´ ecurrence de l’in´ egalit´ e d’Hermite.
[Observer que l’hypoth`ese de r´ecurrence et les questions 2.3 et 2.5 impliquent l’in´egalit´e
|b(e, e)| m (L, b) ≤ (4 3)
n−2
2 |b(e, e)|n−2n−1 D (L, b)n−11 + 1
4|b(e, e)|2 . Conclure `a l’aide de la question 1.]
Exercice 5. Soient L un Z -module libre de dimension n et b : L × L → Z une application Z -bilin´ eaire sym´ etrique. On suppose que l’on a D(L, b) = ±1 (la notation D(L, b) est introduite dans l’exercice 3) et que b est anisotrope, c’est-` a-dire que l’on a b(x, x) 6= 0 pour tout x 6= 0 dans L.
Montrer que si l’on a n ≤ 5, alors il existe une base {e
1, e
2, . . . , e
n} de L v´ erifiant :
- b(e
i, e
i) = ±1 pour tout i ; - b(e
i, e
j) = 0 pour i 6= j .
[Utiliser l’in´egalit´e d’Hermite (Exercice 4) pour montrer qu’il existe un ´el´ement e1 de L v´erifiantb(e1, e1) =±1 puis observer que l’on aL=Ze1⊕(Ze1)⊥et D ((Ze1)⊥, b|(Ze
1)⊥) =
±1,Ze1 d´esignant le sous-Z-module engendr´e pare1, (Ze1)⊥ son orthogonal par rapport
`
a bet b|(Ze
1)⊥ la restriction deb `a cet orthogonal.]
Montrer que l’on a en outre :
- b(e
1, e
1) = b(e
2, e
2) = . . . = b(e
n, e
n) .
[Se rappeler quebest anisotrope !]
(On montre en fait que l’on peut remplacer ci-dessus n ≤ 5 par n ≤ 7 ; le r´ esultat est alors optimal, voir Exercice 6.)
Exercice 6. Soient b : Z
9× Z
9→ Z l’application Z -bilin´ eaire sym´ etrique d´ efinie par
b ((x
1, x
2, . . . , x
8, x
9), (y
1, y
2, . . . , y
8, y
9)) =
8
X
i=1
x
iy
i− x
9y
9et u l’´ el´ ement (1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 1, 3) de Z
9. 1) V´ erifier que l’on a la congruence
b(x, x) ≡ b(u, x) mod 2 pour tout x dans Z
9.
2) Soit L l’orthogonal de u par rapport ` a b, c’est-` a-dire le sous- Z -module de Z
9constitu´ e des ´ el´ ements x v´ erifiant b(u, x) = 0 . Montrer que les propri´ et´ es suivantes sont v´ erifi´ ees :
- Z
9= Z u ⊕ L , Z u d´ esignant le sous- Z -module de Z
9engendr´ e par u ;
[Observer que l’on ab(u, u) =−1.]
- L est un Z -module libre de dimension 8 ;
- D(L, b
|L) = 1 , b
|Ld´ esignant la restriction de b ` a L (la notation D( , ) est introduite dans l’exercice 3) ;
- b(x, x) ≡ 0 mod 2 , pour tout x dans L ; - b(x, x) ≥ 2 , pour tout x 6= 0 dans L ;
- m(L, b
|L) = 2 (la notation m( , ) est introduite dans l’exercice 4).
3) On suppose que l’on a L = M ⊕ N avec M et N deux sous- Z -modules orthogonaux par rapport ` a b (ce qui signifie que l’on a b(x, y) = 0 pour tout x dans M et tout y dans N). Montrer que l’on a M = 0 ou N = 0 .
[Observer que M ou N est un Z-module libre de dimension inf´erieure ou ´egale `a 4 et utiliser l’in´egalit´e d’Hermite (Exercice 4).]
Exercice 7. Soit K un corps. Une valeur absolue sur K est une application x 7→ |x| de K dans R v´ erifiant les axiomes suivants :
- |x| ≥ 0 pour tout x et |x| = 0 ⇐⇒ x = 0 , - |xy| = |x||y| pour tout x et tout y ,
- |x + y| ≤ |x| + |y| pour tout x et tout y . Si l’axiome suivant (qui implique le pr´ ec´ edent) :
- |x + y| ≤ max(|x|, |y|) pour tout x et tout y
est v´ erifi´ ee on dit que la valeur absolue est non-archim´ edienne.
1) Soit x 7→ |x| une valeur absolue sur K. Montrer que celle-ci est non- archim´ edienne si et seulement si l’application x 7→ |x|
νest encore une valeur absolue sur K pour tout nombre r´ eel ν ≥ 1.
Soient K un corps, x 7→ |x| une valeur absolue de K et A un sous-anneau de K tels que les propri´ et´ es suivantes sont v´ erifi´ ees :
- On a |a| ≥ 1 pour tout ´ el´ ement non nul a de A.
- Il existe un nombre r´ eel avec 0 < ρ < 1 tel que pour tout ´ el´ ement x de K il existe un ´ el´ ement a de A avec |x − a| ≤ ρ.
2) Montrer que l’anneau A est principal.
3) Soit a un ´ el´ ement de A, montrer que les conditions suivantes sont ´ equi- valentes :
(i) |a| = 1 ; (ii) 0 < |a| < 1
ρ ; (iii) a ∈ A
×.
Soient L un A-module libre de dimension n et b : L × L → K une application A-bilin´ eaire.
4) Soit {e
1,e
2,. . ., e
n} une base de L. Montrer que le nombre r´ eel |d´ et[b(e
i, e
j)]|
est ind´ ependant du choix de cette base.
On le note |D(L, b)|.
On suppose maintenant que b est sym´ etrique et on pose : m(L, b) = inf
x∈L−{0}
|b(x, x)| .
5) En reprenant la d´ emonstration, d´ ecrite dans l’exercice 4, de l’in´ egalit´ e d’Hermite, montrer que l’on a ici :
m(L, b) ≤ ( 1 1 − ρ
2)
n−1
2
|D(L, b)|
n1.
6) Montrer que si la valeur absolue | | est non-archim´ edienne, alors on a en fait :
m(L, b) ≤ |D(L, b)|
n1.
[On pourra utiliser la question 1.]
Exercice 8. Soit k un corps ; on rappelle que la notation k(T ) d´ esigne le corps des fractions rationnelles en l’ind´ etermin´ ee T .
On d´ efinit une application f 7→ |f | de k(T ) dans R de la fa¸con suivante. On se donne un nombre r´ eel q > 1. Si la fraction rationnelle f est non nulle, on
´
ecrit f =
BAavec A et B deux polynˆ omes non nuls de k[T ] et on pose
|f | = q
( deg(A)−deg(B) ),
la notation deg( ) d´ esignant le degr´ e d’un polynˆ ome non nul ; si f est nulle, on pose |f | = 0.
Montrer que l’application f 7→ |f | est une valeur absolue non-archim´ edienne de k(T ) (cette notion est introduite dans l’exercice 7).
Exercice 9. Soit k un corps. Soit L un module libre de dimension n sur l’anneau de polynˆ omes k[T ]. Soit b : L × L → k[T ] une application k[T ]- bilin´ eaire sym´ etrique. On suppose que
- b est non-d´ eg´ en´ er´ ee (voir Exercice 1),
- b est anisotrope, c’est-` a-dire que l’on a b(x, x) 6= 0 pour tout x 6= 0 dans L (comme dans l’exercice 5).
Montrer qu’il existe alors une base {e
1, e
2, . . . , e
n} de L v´ erifiant : - b(e
i, e
i) ∈ k
×pour tout i ;
- b(e
i, e
j) = 0 pour i 6= j .
[Proc´eder comme dans l’exercice 5 en utilisant les exercices 7 et 8.]