J
OURNAL DE
T
HÉORIE DES
N
OMBRES DE
B
ORDEAUX
L
IONEL
F
OURQUAUX
Produits de Petersson de formes modulaires associées
aux valeurs de fonctions L
Journal de Théorie des Nombres de Bordeaux, tome
14, n
o1 (2002),
p. 171-185
<http://www.numdam.org/item?id=JTNB_2002__14_1_171_0>
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Produits de Petersson de formes modulaires
associées
auxvaleurs de
fonctions
L
par LIONEL
FOURQUAUX
RÉSUMÉ. Considérons les formes linéaires
f ~
L( f, ~, 1)
sur l’es-pace vectoriel des formesparaboliques
depoids
2 pour le groupede congruence
03930(p),
avec ~ un caractère de Dirichlet modulo p.Par le
produit
scalaire dePetersson,
on peut leur associer desformes
paraboliques.
Cet article détermine leproduit
scalaire de deux de cesformes,
pour deux caractères de Dirichlet non triviauxde
parités
différentes.ABSTRACT. The linear forms
f ~
L(f, ~, 1)
on the vector spaceof cusp forms of
weight
2 for the congruence group03930(p), with ~
a Dirichlet character modulo p, can be associated to cusp formsthrough
the Petersson scalarproduct.
This article shows how tocompute the scalar
product
of two suchforms,
for two non-trivial Dirichlet characters withopposite parities.
Cet article
présente
un résultat sur leproduit
de Petersson de formes modulaires associées à des valeurs de fonctions Lque j’ai
obtenu au cours de monstage
de DEA. Je voudrais remercier à cette occasion M. Loïc MEREL pour toute l’aide et les conseilsqu’il
m’aapportés
tout aulong
de celui-ci. Je remercieégalement
lerapporteur
pour toutes les corrections etadditions
qu’il
m’asuggérées.
1. Introduction
Soit
S2
(ro (p) )
l’espace
vectorielcomplexe
des formesparaboliques
holo-morphes
depoids
2 pour le groupe de congruenceavec p un nombre
premier
fixé.Sur cet espace, on a le
produit
scalaire de Petersson(cf.
[Ser70]
et[Ogg69]),
qui
est défini paroù D est un domaine fondamental de ro 11, étant le
demi-plan
de Poincaré.Si
f
ES2
(ro (p)),
onpeut
écrireet poser
Soit X
un caractère de Dirichlet modulo p. Il définit uneapplication
p-périodique
de Z dansC,
que l’on notera aussi x, avecX(O)
= 0. On pose aussiLes fonctions s H
L(f,
s)
et s t-tL(f,
X,s)
seprolongent
en des fonctionsholomorphes
sur C.L’application f
eL( f, x,1)
est une forme linéaire surs2
(ro (p».
Il luicorrespond
donc uneunique
formeparabolique
h~
ES2
(ro (p))
telle quePosons enfin :
la somme de Gauss associée
à x,
) le
premier
nombre de Bernoulligénéralisé
n=1
Théorème 1. Si x et
x’
sont deux caractères de Dirichlet modulo p nontriviaux,
deparités différente,
on a&... _..
,
Remarque
1. Le cas où l’un des caractères est trivial se déduit de lapreuve de la
proposition
14 dans[Mer].
Supposons
parexemple
que X soitle caractère
trivial,
noté ici 1.(En
particulier,
c’est un caractèrepair;
onprend
1(n)
= 0 si n estmultiple
dep).
Soitx’
un caractèreimpair.
Onobtient :
Remarque
2. Un résultatanalogue
se trouve dans l’article[KZ84].
On considère cette fois-cil’espace Sk
(SL2 (Z))
des formesparaboliques
holo-morphes
depoids
1~ pour le groupeSL2
(Z),
avec k un entierpair supérieur
ouégal
à 2. On définit :prolongé
analytiquement
sur CSi q
est un entiercompris
entre 1 et k -1,
ilexiste donc une
unique
fonctionhq
ESk
(SL2 (Z))
telle queLes auteurs obtiennent alors une formule pour
(hq,
hr~,
si q
et r deux entierscompris
entre 1 et k - 1 deparités,
par un calculdirect,
contrairement à cequi
est fait ici.Remarque
3. Onpeut
s’interroger
sur la nécessité de la condition sur lesparités
descaractères X
etx’.
Lapremière
égalité
du théorème 1 est alorsfausse,
comme on le voit en considérant le cas X= x’
(le
membre de droite étant nul dans cecas).
Enrevanche,
la secondeexpression
duproduit
scalaire estpeut-être
exacte,
même si la méthodeemployée
ici nepermet
pas de le montrer.
(Il
serait intéressantd’essayer d’adapter
la méthode de[KZ84]
pour essayer d’éliminer cettecondition).
Remarque
4. Onpeut
aussi noter que si est une base orthonormée deS2
(ro (p) ) (par
exemple
celle des formes propres pour lesopérateurs
deHecke),
alors on aet donc le
produit
scalaireauquel
on s’intéresse s’écritD’autre
part,
la théorie deséquations
fonctionnellesapprochées
fournit uneapproximation
pour les valeurs de fonctions L considérées :On en déduit alors
ce ’
-où l’on a
posé
gj(z)
=E aj,ne 2,in,.
Ord’après
la formule de Petersson n=1(cf.
[Iwa97],
théorème3.6,
page54,
ainsi que laparagraphe
4.2),
on aavec la somme de Kloosterman
et le
symbole
de Kronecker. Onpeut
procéder
de même pour la sommeL
aj,naj,n’. Afin depouvoir
traiter les deux sommesrestantes,
choisissonsj
les
formes 9j
de sorte que les soient tous réels.(Il
suffit deprendre
une base sur R del’espace
propre associé à la valeur propre 1 pourl’opérateur
f
H(z
~f ( -z) ) ) .
On obtient alorsSi l’on
supprime
les termes contenant des sommes de Kloosterman danscette dernière
formule,
on trouvedonc on trouve
approximativement
1
On retrouve donc la seconde formule du théorème 1.
Remarquons que l’on
n’a pas eu besoin de faire intervenir la
parité
descaractères,
cequi
suggère
encore que cette condition estsuperflue.
Néanmoins,
il nes’agit
ici que decalculs
approchés.
D’autrepart
on a omis les termes contenant des sommes de Kloosterman. Ceciindique
que l’onpourrait
sans doute reformuler le théorème 1 sous forme d’une relation entre sommes de Kloosterman.2. Traduction en termes de
produits
d’intersectionLa
première étape
de ce calcul va être de transformer ceproblème
de formesparaboliques
en unequestion
d’intersections de chemins. Pourcela,
rappelons
un résultat bien connu sur les surfaces deRiemann,
dont une démonstration estrappelée
en fin d’article(cf.
partie
5) :
Lemme 1. Soit X une
surface
de Riemann nonvide,
compacte,
connexe. Pour toute1-forme différentielle harmonique
existe uneunique
classed’homologie
C,,
EHl
(X, C)
telle que- -
-pour toute
1-forme différentielle harmonique
w’. Deplus,
on a(C ·
C’désigne
leproduit
d’intersection de C et deC~).
Définissons
l’espace
S2
(ro
(p))
des formesparaboliques antiholomorphes
par :
et
l’espace
de formesparaboliques harmoniques
commeSoit
Xo
(p)
la surface de Riemann roAlors,
sif
Es2
(ro
(p»,
f (z)
dz donne par passage auquotient
une 1-forme différentielleholomorphe
surXo (p),
et demême,
si f
ES2
(ro
(P)), f (z)
dZ donne une 1-forme différentielleantiholomorphe
surXo
(p).
Les deuxapplications
ainsi définiessont des
isomorphismes,
et l’on en déduit unisomorphisme f H
wf del’espace
vectorielS2
(ro
82
(ro (p))
surl’espace
vectoriel des 1-formesdifférentielles
harmoniques
surXo
(p).
Si f et g
sont des formesparaboliques holomorphes,
on a alors :et cette dernière
expression
permet
deprolonger
leproduit
de Petersson en une forme bilinéaire nondégénérée
surl’espace
S2
(ro (p)) ~
S2
(ro
(P))
des formesparaboliques
harmoniques.
Notons C H C
l’application
induite par laconjugaison complexe
sur les coefficients dansl’espace
Ri
(Xo (p), C) .
Pour toute forme différentielle VJ, on aCCIJ
=Qj.
Le lemme 1 affirme donc que pour toute forme
parabolique harmonique
f
il existe ununique
C,,f
EHl
(Xo (p), C)
tel quepour toute forme
parabolique harmonique
g, et deplus
Déterminons maintenant une autre classe
d’homologie
associée àl’appli-cation
f H
L( f, X, 1),
pour uncaxactère X
non trivial.Si a est un entier
compris
entre 1 et p -1,
on noteraoo}
la classed’homologie
del’image
dansXo
(p)
du chemingéodésique
relianta/p
à ioo dans il.(Ce
sont bien des chemins fermés cara/p
et ioocorrespondent
aumême
point
deXo
(~)).
Rappelons
quesi X
est un caractère de Dirichlet non trivial et sif
E52
(rp
(p)),
on aavec 9le s assez
grand,
et pour(On
trouve cette formule parexemple
dans[Ogg69],
chapitre
I,
théorème 1 page 1-5 : c’est àpartir
de cetteexpression
que l’on obtientl’équation
fonctionnelle de la fonction
L).
On a alorsNotons maintenant que
f
décroîtexponentiellement
à l’infini et ena/p,
cequi permet
deprendre s
=1,
parprolongement analytique.
On en déduit le résultat suivant :Lemme 2. Si x est un caractère de Dirichlet non
trivial,
on a :A
où
Exprimons
8x
àpartir
deProposition
1. Si x est un caractère de Dirichlet nontrivial,
on aPreuve. Si
f
est une forme modulaireholomorphe,
alors on a :~ Il ,.
D’autre
part,
sif
est une forme modulaireantiholomorphe,
alors1
est une forme modulaireholomorphe,
si bien que l’on obtient :- - ,
-On a donc :
pour toute forme
parabolique harmonique f ,
d’où laproposition.
On en déduit
Etudions
h57~ -
Pourcela,
sif
est une formeparabolique
holomor-phe,
définissonsf
est alors une formeparabolique holomorphe,
et on a les deuxpropriétés
suivantes :Lemme 3. Si
f et g
sont deuxf ormes paraboliques holomorphes,
on aCorollaire 1.
S1 16
est un caractère deDirichlet,
on aPreuve. Le lemme s’obtient par un
simple changement
de variable dansl’expression
commeintégrale
double duproduit
dePetersson,
en utilisant la relation =f (-z).
Son corollaire s’en déduit alors immédiatement :
donc
hç
=hp
puisque
leproduit
de Petersson est nondégénéré.
Ainsi,
on a :si bien que l’on obtient la
proposition
suivante :Proposition
2.Si x
et~’
sont deux caractères de Dirichlet nontriviaux,
on a
-3. Calcul du
produit
d’intersectionCalculons
8x~ .
°Si b est un entier
compris
entre 1 et p -1,
on notera b*l’unique
entiercompris
entre 1 etp - 1
tel que b b* - -1(mod p) .
On
s’appuiera
sur le lemme suivant(lemme
descordes),
prouvé
dans[Mer96] :
Lemme 4. Soient a et a’ deax éléments de
{1,... ,p 2013 1}~
vérifiant
a’ et
a ~
a’*,
alors leproduit
estégal
au nombre21ria* 21ria 21ria’*
d’intersection de la corde reliant e p à e P avec la corde reliant e
, 2nia’
a
Que
sepasse-t-il
si a = a’ ou a =a’*?
Dans lepremier
cas, les cheminssont
identiques,
donc leproduit
d’intersection est nul. Dans lesecond,
remarquons que
u v
E
ro
(p),
et v sont tels que au + pv =1,
envoie
a/p
sur oo et oo sura’/p.
On a donc deux fois le mêmechemin,
au sens de parcoursprès,
et leproduit
d’intersection est encore nul.Il reste à savoir calculer effectivement ces nombres d’intersection.
Mon-trons :
Lemme 5.
Sz v, w, x
et y sontquatre
nombres réels deux à deux distinctscompris
entre 0 et1,
le nombre d’intersection de la corde reliant lepoint
d’angle
aupoint d’angle
2xy
avec la corde reliant lepoint d’angle
2xv aupoint d’angle
21rw estégal
àoù
Bi
(u)
est lepremier
polynôme
de Bernoulli rendupériodique :
Bi (u) _
= Bi (u)
pour tout u e R.Preuve. Il suffit de montrer que
si les
points
d’angles
21rx etk - 1 21rv se succèdent dans cet ordre
ÊJ(X-W)
-È,(X-V)
dans le sens
trigonométrique,
B
si les
points
d’angles
2xz etk 2-xw se succèdent dans cet ordre dans le sens
trigonométrique,
pour un réel k
indépendant
de x. Or les deux membres del’égalité
ci-dessus sont1-périodiques
en x, v et w, si bienqu’on peut
se ramener à xet v
compris
entre w et w + 1(mais
plus
nécessairement entre 0 et1),
etl’on a dans ce cas :
d’où le
résultat,
avec k = v - w. DOn en déduit :
Proposition
3. Si x etx’
sont deux caractères de Dirichlet nontriviaux,
alors on a la relationPreuve. En
effect,
en combinant le lemme 4 et le lemme5,
on a :4. Retour sur le
produit
scalaireComparons
laproposition
3 avec laproposition
2. On obtient alors :Posons
Rappelons
l’identitésuivante,
qui
donne la valeur d’une somme de Jacobi en fonction de sommes de Gauss(cf.
[Lan90],
chapitre
1,
propriété
GS 3page
4) :
1avec 16
et16’
des caractères non triviaux tels que leurproduit
soit non trivial.On en déduit :
Lemme 6.
Si 0
et e’
sont denx caractères nontriviaux,
on a la relationAinsi,
on a :Si
x et
y’
sont deparités différente,
on obtient :,,,,, , ,- -- - ,
"’"’’" , ,
Enfin,
cette formulepeut
êtreexprimée
en termes de valeurs de fonctions L deDirichlet,
à l’aide del’expression
bien connue deL(~,1) (cf.
[Lan90],
chapitre
3,
page74,
en corollaire du théorème2.2) :
Théorème 2 S1 est un caractere ,
ampazr, .
alorsL(,1)
=i(--1)
Théorème 2. Sio
est un caractèreimpair,
alors1)
=T
B 1/J J ,0/
5.Appendice
Prouvons maintenant le lemme 1. Pour
cela,
considérons sur la surface X uncomplexe A,
formé desommets,
d’arêtes orientées et de facessimplement
connexes(par
exemple
unetriangulation).
On
peut
maintenant choisir uncomplexe
dual de A(cf.
[PG78]),
noté A* . Pourcela,
prenons à l’intérieur dechaque
face F unpoint
sF, et pourchaque
paire
de facesadjacentes
selon une arête a, relions les deuxpoints
associéspar une arête
a*,
orientée de sorte que l’intersection de a et a* se fasse dans le sens direct. Les sommets SF et les arêtes a* forment alors lecomplexe
dual 0*. On
peut
supposer que ses faces sont aussisimplement
connexes(par
exemple
enprenant
pour A
unetriangulation
assezfine).
Notons que le bidual A** de àpeut
être choisi comme A avec les sens de parcours des arêtes renversés.On a alors
Définissons donc
Cw
comme la classed’homologie
dansHl
(X, C)
duqui
estfermé,
car si s est un sommet deA,
on aConsidérons en effet le membre de
gauche.
Renversons l’orientation des arêtespartant
de s, alors l’orientation des arêtes duales est aussirenversée,
donc lesintégrales
associéeschangent
designe. Finalement,
on obtientl’intégrale
de w sur un chemin fermé autour de s, cequi
est bien nulpuisque
les faces ducomplexe
dual sontsimplement
connexes.D’autre
part,
parconstruction,
on acomme voulu.
A
priori,
C~ dépend
de A. Ils’agit
maintenant de prouver l’unicité.Soient deux
cycles
C etC’
vérifiant lapropriété :
pour toute 1-forme différentielle
harmonique
Alorspour toute 1-forme différentielle
harmonique
cequi
entraine que C etC’
sont dans la même classe
d’homologie
(cf.
[Lan82],
cettepropriété
découle du théorème de RiemannRoch).
Donc on al’unicité,
etGw
nedépend
pas de A.Enfin,
en choisissantcomme
représentant
deC~,~,
on obtientcar si a et b sont deux arêtes de
A,
on apar construction du
complexe
dual et par définitiondu
produit
d’intersection(cf. [PG78])
ce
qui
termine la preuve du lemme.Bibliographie
[Iwa97] H. IWANIEC, Topic in Classical Automorphic Forms. American Mathematical Society,
1997.
[KZ84] W. KOHNEN, D. ZAGIER, Modular forms with rational periods. Modular Forms
(Robert A. Rankin, ed.), Ellis Horwood Limited, 1984.
[Lan82] S. LANG, Introduction to Algebraic and Abelian Functions (Second edition). Springer
Verlag, 1982.
[Lan90] S. LANG, Cyclotomic Fields I and II (Combined Second Edition). Springer Verlag, 1990. [Mer] L. MEREL, Sur la nature non-cyclotomique des points d’ordre fini des courbes elliptiques. [Mer96] L. MEREL, Bornes pour la torsion des courbes elliptiques sur les corps de nombres.
Invent. Math. 124 (1996).
[Ogg69] A. OGG, Modular Forms and Dirichlet Series. W. A. Benjamin, Inc, 1969.
[PG78] P. GRIFFITHS, J. HARRIS, Principles of Algebraic Geometry. Wiley-Interscience, 1978. [Ser70] J-P. SERRE, Cours d’Arithmétique. PUF, 1970.
Lionel FOURQUAUX
École Normale Supérieure
45, rue d’Ulm 75230 Paris Cedex 05 France