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Éducation à la citoyenneté et participation politique

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Academic year: 2021

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Haute Ecole Pédagogique Lausanne

Mémoire professionnel de Master Secondaire I

Éducation à la citoyenneté

et participation politique

Travail présenté par : Jérôme Moix, étudiant Sous la direction de : Lucy Clavel Raemy, professeure formatrice

Expert, membre du jury : Christophe Calame, professeur formateur Date de la défense : mercredi 18 juin 2014

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Table des matières

1. Introduction...2

2. Cadre théorique...5

2.1 Etat de la recherche...5

2.2 Compétences politiques...5

2.3 Compétences et intérêt pour la politique...7

2.4 Impact du plan d'études...7

3. Démarche de recherche...9

3.1 Définition de la question de recherche...9

3.2 Opérationnalisation de la question de recherche...10

3.3 Retour sur l'étude préliminaire...10

3.4 Population...11

3.5 Méthode...13

3.6 Outils...15

3.7 Calcul des résultats...15

4. Résultats...16

4.1 Résumé des mesures effectuées...16

4.2 Corrélation compétence - intérêt - participation...16

4.3 Impact des cours de citoyenneté en général...17

4.4 Impact du facteur cours autonomes de citoyenneté en particulier...17

4.5 La variable âge...18

4.6 La variable du genre...20

5. Analyse...21

5.1 La largeur du plan d''étude...21

5.2 L'autonomie des enseignants...22

5.3 La grille horaire...23

5.4 Distance entre théorie et pratique...23

5.5 Place de la participation politique au secondaire II...23

5.6 Conclusion de l'analyse...25

6. Discussions et développement...27

6.1 Agir sur les causes...27

6.2 Autres pistes...28

6.3 Opportunité d'une étude qualitative...28

6.4 Les questions...28

6.5 Les experts interrogés...30

6.6 Les facteurs de désintérêt des jeunes pour la politique...30

6.7 Les solutions pour relancer l'intérêt et la participation politique des jeunes...31

6.8 La question des réseaux sociaux...32

7. Conclusion...35

8. Bibliographie...37

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1. Introduction

Plusieurs études ont montré que la participation politique en Suisse tend à diminuer depuis le début des années 1970. Au vu de cette diminution, de nombreuses initiatives émanant des autorités ont vu le jour dans les années 2000 pour tenter de stimuler la participation politique, en particulier chez les jeunes qui constituent les citoyens de demain. En 2002, le député Jérôme Christen a déposé un postulat au Grand Conseil vaudois1 dans lequel il regrettait la culture politique « vacillante » des jeunes Vaudois et par lequel il demandait, afin de lutter contre ce phénomène, la revalorisation de l'enseignement du civisme à l'école par l'instauration d'un cours de citoyenneté autonome des autres enseignements (notamment de l'histoire ou du droit). Comme lui, la majorité des responsables politiques de l'époque a estimé qu’une initiation à la politique solide était nécessaire à la future participation. Alors, dans son rapport de 2004 répondant notamment au postulat de Jérôme Christen, le Conseil d'État vaudois émettait les conclusions suivantes :

« Le Conseil d'État partage l’analyse développée par les postulants et dans le rapport de la commission. Il a la volonté de voir se concrétiser les perspectives lancées à l’occasion du Bicentenaire en matière de formation citoyenne, à savoir:

• offrir aux élèves et aux enseignants des activités pédagogiques porteuses de sens en matière de citoyenneté démocratique, grâce notamment à des moyens d’enseignement adaptés ;

• modifier le Plan d’études vaudois pour y faire apparaître un enseignement du civisme, en conformité avec les finalités et les objectifs de l’école publique romande ;

• aménager la grille horaire des derniers degrés de la scolarité obligatoire, que le PECARO2 soit avalisé en l’état ou non, d’ici la rentrée scolaire 2006,

afin d’y inscrire une heure effective d’éducation à la citoyenneté.

Le Conseil d'État entend par là-même respecter la volonté des constituants qui, aux articles 46 et 85 de la nouvelle Constitution, ont donné mission à l'État de préparer nos jeunes à l’exercice de la citoyenneté » . (Conseil d'Etat [Vaud], nouvembre 2004 17/04, p.9)

Les dispositifs répondant à ces attentes devaient passer tant par le biais d’expériences politiques (Parlement des jeunes, visites du Parlement fédéral et/ou cantonal, simulation de vote dans les classes d’école, etc.) que par celui de cours spécifiques d’éducation à la citoyenneté (EC). Dès lors, dans le canton de Vaud, à la rentrée 2006, un enseignement d'éducation à la citoyenneté a été mis en place par le Département de la formation et de la jeunesse (DFJ) suite à une décision du Grand Conseil vaudois, s’appuyant notamment sur le 1 Voir annexe 1 : postulat de Jérôme Cristen du 8 octobre 2002.

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rapport du Conseil d'Etat de 2004. Les objectifs de ce cours inscrits dans le plan d'étude vaudois étaient les suivants :

« On étudie la citoyenneté à l’école pour : – se doter d’une culture générale politique, juridique et économique qui permette de comprendre le monde dans lequel on vit ; – réfléchir aux règles et au fonctionnement de la société du point de vue de ses droits, de ses obligations, de sa vie quotidienne et de ses relations avec les divers acteurs qui la constituent ; – développer ses capacités à agir en citoyen critique et autonome, respectueux des autres et de son environnement » (Direction générale de l’enseignement obligatoire [Vaud], 2006, p. 2).

Avant 2006, des séquences de civisme étaient théoriquement intégrées au cours d'histoire, mais les enseignants ne traitaient pas toujours ce volet, le temps à disposition étant déjà occupé par des programmes souvent chargés. Puis, en 2010, avec l'instauration du plan d'étude romand (PER), les objectifs fondamentaux liés à la citoyenneté devaient encore s'élargir3. Enfin, la nouvelle grille horaire avalisée par le Grand Conseil vaudois pour la rentrée scolaire 2013-2014 a mis un terme à l'autonomie de l'EC. Dorénavant, celle-ci est intégrée à la géographie à raison d'1/4 du temps et des évaluations.

L'objectif de ce travail, en regard de ce contexte, est d'établir le bilan de ces sept années d'autonomie de la branche en interrogeant son impact sur le volet spécifique de la participation politique. En d'autres termes, nous cherchons à identifier si la décision prise par les parlementaires vaudois était adaptée à leur objectif de susciter l'intérêt et la participation des jeunes à la politique. Afin de mesurer cela, nous comparons deux populations similaires qui ont comme unique marque distinctive le fait d'avoir suivi, ou non, des cours d'éducation à la citoyenneté tels qu'ils ont été donnés dans les écoles vaudoises dès 2006. Cette comparaison se fait à l'aide d'un questionnaire axé sur les trois objectifs du PEV ci-dessus.

À partir des résultats, nous menons une analyse sur les mesures à prendre ou à encourager afin de favoriser ce lien. Une étude qualitative, comprenant des entretiens avec quatre experts de la politique ou de la communication, vient compléter cette analyse. Enfin, nous concluons avec les perspectives actuelles et futures pour ce lien entre éducation à la citoyenneté et participation politique.

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2. Cadre théorique

2.1 Etat de la recherche

Un des buts de la mise en place de cours d'éducation à la citoyenneté autonomes était d'encourager le développement d'un socle de compétences qui devait permettre aux élèves de comprendre le jeu politique et ses enjeux afin qu’un jour, devenus adultes, ils participent à la vie citoyenne. En effet, selon plusieurs études, le lien entre compétence et participation politiques est avéré. De nombreuses études ont montré l’importance de ce lien dans l’explication de la participation politique, dont celle de Daniel Gaxie (1978). Ces compétences sont constituées par la connaissance et la familiarisation à l'histoire des institutions, par la connaissance des acteurs politiques et par celle des enjeux des débats discutés dans l'arène politique. En d’autres termes, la mise en place d’un tel enseignement part du principe que des compétences politiques sont nécessaires pour susciter l’intérêt à la politique, intérêt qui à son tour devrait susciter la participation politique.

L'état de la recherche sur la question de l'impact des cours de citoyenneté est pour le moins contrasté. Une des premières études sur le sujet a été menée par Langton et Jennings en 1974. Celle-ci a montré que les cours de citoyenneté n'avaient pas d'impact sur la participation politique des élèves, une fois ceux-ci devenus adultes. Cette étude a été corroborée en 1998 par Niemi et June. Toutefois, ces travaux ont été remis en cause par McDevitt et Kousis en 2006, après Meirick et Wackman, en 2004. Enfin, dans une étude parue en 2009, J. Hutchens et William P. Eveland se sont proposé de s'intéresser à l'enseignement en tant que tel en comparant les résultats de deux approches : la première est celle de l'enseignement par la discussion et le débat ; la seconde est celle de l'enseignement dit « traditionnel » (transmission de connaissances factuelles). Leurs résultats montrent une corrélation négative entre la participation politique et les deux approches.

2.2 Compétences politiques

Afin d’interpréter les « compétences politiques » de manière tout à fait précise, nous nous basons sur Le cens caché de Daniel Gaxie (1978). Ceci nous permet de mettre en évidence ce concept que nous allons compléter avec des études plus récentes pour arriver à une plus grande précision. La compétence politique est comprise chez Gaxie comme regroupant généralement deux éléments : se sentir ou « être fondé à intervenir en même temps que suffisamment informé, pour le faire de manière pertinente » (Gaxie, 1978, p. 2). Plus

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précisément, c'est au travers de la maîtrise d'outils spécifiques que l'individu parvient à donner un sens politique aux informations qu'il reçoit.

Cette maîtrise permet aux individus d'évaluer et de classer les phénomènes qui se déroulent dans le jeu politique, au travers de la « connaissance phénoménologique […] des acteurs, partis, hommes politiques, […] des règles du jeu » (Gaxie, 1978, p. 85) politique et de ses enjeux. C'est cet ensemble d'éléments qui conduit les individus à la détention d'une compétence politique et du sentiment de la détenir. Dans les systèmes spécialisés et concurrentiels, comme le sont les différents systèmes politiques des démocraties représentatives actuelles, la compétence politique se concrétise, en quelque sorte, par la capacité à apprendre et reprendre le langage des professionnels de la politique.

Dans une perspective critique de l'apport de Gaxie (1978) au concept de compétence politique défini ci-dessus, Jean Chiche et Florence Haegel (2002) soulignent l'importance d'une approche pluridimensionnelle des compétences politiques. Pour eux, il s'agit de différencier le poids des différentes variables qui composent la compétence politique. Effectivement, les compétences sont composées par le sentiment d'être « autorisé » à intervenir politiquement : ce qui est largement déterminé par la position sociale de l'individu. Un individu qui comprend le jeu politique développe un esprit critique qui lui permet de se positionner. Par ce positionnement, il se sent autorisé à donner son avis, puisqu'il en a un. Au contraire, un individu qui ne comprend pas les codes du champ politique n'est pas capable se positionner à l'intérieur de celui-ci, et donc de donner son opinion puisqu'il ne la connaît pas. L'enseignement a également un impact déterminant, puisque les compétences politiques sont partiellement composées de connaissances factuelles.

À ce titre, il semble important de préciser que les cours d'EC vont apporter des connaissances factuelles aux élèves. Si l'on se base sur le PEV4, à travers l'enseignement, ceux-ci devraient notamment être amenés à connaître leurs droits et leurs devoirs en tant que citoyens, les institutions politiques suisses (communales, cantonales, fédérales) et internationales, les concepts de base (la démocratie comme mode d'organisation politique de la société, les différents régimes politiques), les formes de participation (les modes de scrutins, le référendum, l'initiative) et les acteurs (les partis politiques, leurs idéologies)..

2.3 Compétences et intérêt pour la politique

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1978, p. 46). En d'autres termes, elle représente l'intérêt que les individus accordent à la politique. Cette définition n'est pas suffisante, car elle ne permet pas d'expliciter le lien entre compétences politiques et intérêt. Selon le même auteur, ce lien est fort et, dans un premier temps, unilatéral : les compétences politiques sont une condition nécessaire à la politisation ou au développement d'un intérêt pour la politique.

Ce ne serait donc pas l’intérêt qui susciterait les compétences politiques, même si une fois acquis, cet intérêt pourrait à son tour engendrer plus de compétences. On trouve ici l'idée qu'au travers des compétences politiques, les individus détiennent certaines clés de décodage des phénomènes se déroulant dans le jeu politique. Cette vision plus nette du jeu en tant que tel devrait les amener à s'y intéresser. Par conséquent, la mise en place de cet enseignement dans le canton de Vaud se fonde sur le postulat suivant : l'intérêt que les élèves auront développé par le biais d’un socle de connaissances et de compétences (savoir-faire), puis par le biais de la compréhension du jeu politique, les incitera ensuite à y participer.

2.4 Impact du plan d'études

Comme nous l'avons vu plus haut, l'étude de Gaxie (1978) a mis en avant l’importance des compétences politiques et donc de la politisation pour expliquer le fait que certains votent tandis que d’autres ne votent pas. Dans ce sens, nous ne pouvons rester insensibles à l’impact que peuvent potentiellement avoir les cours d’EC sur la participation des futurs jeunes citoyens aux pratiques civiques. Effectivement, si la compétence politique est constituée, selon Gaxie (1978), d'autant de prédispositions que de capacités théoriques et du sentiment de les détenir, il serait donc dans l’absolu possible d'améliorer les compétences d'une grande partie des élèves par l'enseignement.

Si, comme le soulignent Bourdieu et Passeron, « les inégalités devant la culture ne sont nulle part aussi marquées que dans le domaine où, en l'absence d'un enseignement organisé, les comportements culturels obéissent aux déterminismes sociaux » (Gaxie, 1978, p. 173), alors l'école, au travers des cours d'EC, permettrait peut-être de pallier ces écarts sociaux de politisation. Dans le même sens, on peut dire que « les inégalités scolaires fonctionnent comme un cens électoral, comme un cens culturel, d'autant plus efficace qu'il est plus caché » (Gaxie, 1978, p. 222). Or, si ce sont les inégalités sociales qui fonctionnent comme une « interdiction » à la politisation de certains, un changement dans l'enseignement par la transmission de connaissances politiques pourrait permettre une amélioration de la politisation.

C'est sur cette idée, dont le bien-fondé est controversé chez les chercheurs, que s'est basé le Grand Conseil vaudois lors de sa décision d'introduire des cours de citoyenneté autonomes

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des autres branches. Notre recherche se base sur ce postulat. Toutefois, nous gardons à l'esprit que la présence de cours d'éducation à la citoyenneté dans le plan d'étude n'est pas une indication suffisante en elle-même. Il est nécessaire de regarder à l'intérieur du plan d'étude pour voir ce qui s'y trouve. Enfin, il faut s'intéresser également aux conditions matérielles dans lesquels l'enseignement de cette discipline est donné. La grille horaire et les années scolaires sont également des facteurs à prendre en compte pour la pleine estimation du résultat de la décision des autorités vaudoises.

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3. Démarche de recherche

3.1 Définition de la question de recherche

Nous pensons que si une partie des compétences politiques s’acquiert par des connaissances factuelles, un tel enseignement devrait faire augmenter la compétence politique. En conséquence, nous soutenons qu'un enseignement scolaire sur le thème de la citoyenneté apporte aux individus des connaissances factuelles sur le jeu politique. Ces éléments nous confortent dans l’idée qu’il est nécessaire de tester, premièrement, le lien entre acquisition de connaissances dans le cadre des cours de citoyenneté et augmentation des compétences politiques, puis, deuxièmement, de tester le lien entre l’augmentation des compétences politiques et le développement de l’intérêt politique. Nous ne pouvons faire l’impasse sur les compétences qui, comme l’a montré Gaxie (1978), transforment les connaissances en intérêt. De ces différentes perspectives théoriques et du contexte exposé dans l'introduction découle notre question de recherche, à savoir :

« Dans quelle mesure l'autonomisation de l'éducation à la citoyenneté a-t-elle eu un impact sur l'intérêt et la participation politiques des élèves une fois devenus citoyens ? »

Cette question de recherche se fonde sur trois hypothèses :

•Hypothèse 1 (H1) : les connaissances factuelles acquises durant les cours de citoyenneté augmentent les compétences politiques des élèves.

•Hypothèse 2 (H2) : les compétences politiques acquises par le biais des connaissances factuelles augmentent l’intérêt pour la politique.

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3.2 Opérationnalisation de la question de recherche

Notre question de recherche se compose de trois indicateurs.

La compétence politique

L'étude de Gaxie (1978) a montré que les connaissances politiques apportent des clés de lecture du monde politique que l'on peut qualifier de compétences politiques. Ces compétences auront pour impact une capacité à s'intéresser aux phénomènes politiques. Cet indicateur comportera trois volets :

•l'histoire des institutions politiques, •la connaissance des acteurs politiques,

•la compréhension des enjeux de pouvoir au sein d'une société.

L'intérêt politique

Cet indicateur sera là pour tester à l'interne la thèse de Gaxie (1978). En effet, il sera possible de voir si une corrélation existe entre les compétences et l'intérêt. Des questions tant objectives (ex. « combien de fois discutez-vous de politique ? ») que subjectives (ex. « êtes-vous intéressé par la politique ? ») seront posées.

La participation

Bien que ce concept ne soit pas directement significatif puisque intrinsèquement lié à l'intérêt, comme l'ont montré les études de Gaxie, il nous paraissait intéressant de le marquer explicitement, en particulier car il est à la base de la décision du Grand Conseil vaudois. Les indicateurs mesurant ce concept sont la fréquence de la participation à des manifestations politiques, de la signature de pétitions, initiatives, référendums, et du vote.

3.3 Retour sur l'étude préliminaire

Par rapport à notre étude préliminaire du printemps 2013, nous avons modifié certains éléments du questionnaire pour les points suivants :

•Les compétences. Les questions sur les compétences ont été simplifiées. En effet, certaines questions semblaient dépasser le cadre des compétences liées à la participation. Par exemple, la nuance entre démocratie directe et semi-directe n'est pas vraiment significative d'un niveau de compétence attendu pour participer mais d'un niveau de connaissance spécialisé des institutions politiques.

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•L'intérêt et la participation. Les réponses proposées aux questions subjectives ont été divisées systématiquement par trois afin de faciliter le traitement des données. Nous avons estimé que cette division par trois était plus simple et suffisamment précise pour qu'une personne estime sa relation à la fréquence de ses activités liées à l'intérêt ou à la participation.

•La question de l'origine sociale. Nous voulions initialement poser la question du statut socio-professionnel des parents mais nous avons pris la décision de ne pas la poser, en raison, d'une part, de la complexité de la stratification sociale, et, d'autre part, du fait que ce facteur est neutralisé en grande partie par le type de fréquentation en première année de BP HEP qui, selon une étude de 2006, serait homogène socialement. En outre, l'étude de Charles et Cibois (2010) indique que :

d'une manière générale, les dernières enquêtes sur les accédants à la profession de professeurs des écoles [primaires] montrent que la figure dominante des futurs enseignants [...] est une femme issue du côté du père en majorité des classes supérieures et des fractions supérieures des classes moyennes, pour qui l'accès au groupe professionnel s'est traduit très fréquemment par une promotion sociale vis-à-vis de l'activité occupée par sa mère (Perrier, 2001 ; Charles et Legendre, 2006 ; Charles 2006) (Charles & Cibois, 2010, p. 32 )

3.4 Population

La population interrogée est composée de l'entier des étudiants de Bachelor de première année (BP) de la HEP. Un questionnaire leur a été envoyé par courriel en novembre 2013. Nous avons reçu 84 réponses entre le 13 novembre et le 5 décembre 2013. Afin de nous assurer une plus grande visibilité, une enseignante de la HEP a rappelé aux étudiants l'importance de répondre à notre questionnaire. Cette population nous a semblé adéquate pour plusieurs raisons :

1. Elle est composée d'étudiants ayant suivi des cours de citoyenneté autonome, intégrés à une autre branche ou qui n'ont pas eu de cours de civisme dans leur cursus.

2. Les étudiants sont âgés de plus de 18 ans, ils peuvent donc participer au jeu politique formel (vote, élection, référendum, initiative).

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3. Ces étudiants sont en majorité suffisamment jeunes pour avoir suivi des cours de citoyenneté autonomes des autres branches. Ceux qui avaient entre 14 et 15 ans en 2006 étaient âgés en 2013 de 21 à 22 ans.

4. Ils ont, dans les grandes lignes, le même parcours professionnel (école obligatoire -gymnase - HEP). Nous isolons de ce fait les variables socio-professionnelles. Sachant que les variables familiales jouent aussi un rôle dans la profession, cela va également neutraliser le biais lié au contexte familial dont nous avons parlé ci-dessus.

5. L'homogénéité de cette population se retrouve aussi dans la branche étudiée. Comme ces étudiants suivent un cursus pour devenir enseignants généralistes, ils sont confrontés à toutes les matières et ne sont pas spécialisés dans une ou deux branches, ce qui pourrait déséquilibrer l'échantillon. Cela évite plusieurs biais, notamment celui des études universitaires liées à une branche qui amènerait plus de connaissances des institutions (science politique, droit, histoire, sociologie).

6. Notre échantillon est composé à 88% de femmes. En excluant les hommes (12%), nous pouvons neutraliser la variable « genre ».

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De cette population sont retirées les personnes ayant suivi leur scolarité obligatoire à l'étranger. Les réponses des personnes ayant suivi leur scolarité obligatoire dans un autre canton suisse sont conservées car le système politique est organisé de la même manière dans tous les cantons ; seuls les noms de certaines institutions politiques changent, mais celles-ci ne figurent pas dans le questionnaire. Enfin, cette population est facile d'accès pour notre étude et la questionner ne présente pas de restriction légale.

3.5 Méthode

Concepts Définition

Compétence

politique Le concept de compétence politique peut se définir par le niveau de connaissanced'un individu dans : •le fonctionnement et l'histoire des institutions politiques ;

•les acteurs agissant dans le champ politique dans lequel il vit ; •les enjeux et débats politiques actuels.

Intérêt

politique Attention accordée au déroulement de la compétition politique présente dans lechamp dans lequel l'individu évolue. Lien entre les

deux concepts Les connaissances politiques apportent des clés de lecture du monde politique quel'on peut qualifier de compétences politiques. Ces compétences auront pour impact une capacité à s'intéresser aux phénomènes politiques et aux enjeux citoyens.

Concepts Dimensions Indicateurs

Compétence

politique Connaissancesfactuelles A. Connaissance des institutions et des processus :1.Dans quel type de régime politique vivons-nous en Suisse ? – liste de pointage

2.Les personnes qui vivent en Suisse habitent dans une commune. Quelle autre unité géographique caractérise la Suisse ? - liste de pointage

3.Ces institutions existent-elles en Suisse ? - dichotomique / liste 4.Comment se nomme le gouvernement en Suisse ? - réponse courte

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pointage

6.Quels sont les trois pouvoirs que l'on trouve en Suisse ? - réponse courte

7.Lesquels de ces termes qualifient correctement le système politique suisse ? - liste de pointage

8.Quelle est selon vous la principale fonction des syndicats ? - liste de pointage

9.Quelle est parmi les choix ci-dessous la caractéristique principale d'une économie de marché ? - liste de pointage

B. Connaissance du jeu politique :

1.Comment choisit-on les dirigeants en Suisse ? - liste de pointage 2.Classez les partis politiques suivants de gauche à droite - liste à classer

3.Le peuple peut-il annuler une décision du gouvernement? - liste de pointage

C. Connaissance des acteurs :

1.Dans la liste ci-dessous, indiquez quels sont les membres du gouvernement de la Suisse. - liste de pointage

2.Comment s'appelle le syndic de votre commune ? - réponse courte

Intérêt et participation politique

Objectifs A. S'informer

1.A quelle fréquence lisezvous des articles traitant de politique ? -réponse courte

2.A quelle fréquence regardez-vous les informations à la télévision durant une semaine ? - réponse courte

B. Discuter

1.Avez-vous des discussions politiques avec des membres de votre famille ? - dichotomique

2.Avez-vous des discussions politiques avec vos collègues ou vos amis ? - dichotomique

C. Participer

1.Avez-vous déjà signé une pétition ? - dichotomique

2.Votez-vous : à tous les scrutins ? Uniquement si le sujet vous intéresse ? Jamais ? - liste de pointage

3.Avez-vous déjà participé à une manifestation ? - dichotomique 4.Vous êtes-vous déjà présenté à une élection ? - dichotomique Subjectifs A. Se sentir intéressé

1.Etesvous intéressé de manière générale à la politique ? -dichotomique

2.Pensez-vous que la politique a un impact sur votre environnement ? - dichotomique

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3.6 Outils

Un questionnaire de récolte des données est utilisé. Outres les quatre questions sur le profil des répondants (âge, sexe, lieu de scolarité obligatoire, cours liés aux institutions politiques), 17 questions ont été posées : neuf questions sur les compétences politiques et dix questions sur l'intérêt pour la politique, dont huit sont objectives et deux subjectives. Il n'y a pas de réponse de type textuel demandée aux participants. Les questions sont constituées d'échelles et de listes de pointage. Les questions sur les connaissances sont posées en premier, les questions sur l'intérêt en deuxième et enfin les questions sur les statuts du répondant en troisième lieu.

3.7 Calcul des résultats

En ce qui concerne nos trois critères, nous avons attribué des points pour chaque question. Les questions avaient un poids plus ou moins équivalent. Nous avons établi trois totaux. Le total des points pour chaque critère n'est pas déterminant dans le calcul des corrélations puisque les formules utilisées écrasent le total pour le transformer en pourcentage.

Critère 1 Critère 2 Critère 3

Type Compétences Intérêt Participation

Minimum (points) 0 0 0

Maximum (points) 11.25 14 11

À partir de ces trois totaux, nous avons interrogé les sept variables qui étaient à notre disposition5.

Variables testées: Participation Cours en général Âge

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4. Résultats

4.1 Résumé des mesures effectuées

Compétence Intérêt Participation

Compétence 0.477149127 0.3889257296 Intérêt 0.477149127 0.5344980426 Participation 0.3889257296 0.5344980426 Citoyenneté -0.0637534881 -0.0489780766 -0.2237658034 Cours en général 0.0129319217 0.0643101514 -0.0928204706 Genre(femme) -0.2651678691 -0.4078382481 -0.2708624087 Âge -0.2276005556 -0.0195167361 0.2145386643

4.2 Corrélation compétence - intérêt - participation

Cette corrélation confirme ce que nous avons pu voir dans l'étude de Gaxie (1978). Nous ne sommes donc par surpris que les compétences d'un individu dans un domaine soient liées à son intérêt. Cela vaut pour la politique mais il nous semble que ce constat, s'il n'est pas universel, vaut également pour d'autres domaines.

Échantillon total Compétence Intérêt Participation

Compétence 0.477149127 0.3889257296

Intérêt 0.477149127 0.5344980426

Participation 0.3889257296 0.5344980426

Au vu de cette corrélation, la décision du Grand Conseil, qui était basée sur le présupposé que les compétences allaient susciter l'intérêt pour la politique, semble cohérente. Il en va de même pour ce qui est de la participation puisque les corrélations avec les intérêts et les compétences sont significatives.

4.3 Impact des cours de citoyenneté en général Légende:

corrélation significative corrélation faible corrélation inexistante

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étude, n'a pas d'influence sur l'intérêt, les compétences ou la participation. Cela confirme les études de Langton et Jennings (1968), Niemi et June (1998) et J. Hutchens et William P. Eveland (2009). En effet, comme vu précédemment, ces études montraient que les cours de citoyenneté n'avaient pas d'effet direct sur la participation. Toutefois, contrairement à notre étude où aucune corrélation n'est observée entre les compétences et les « cours », dans l'étude de Langton et Jennings (1968), l'indicateur « compétence » était corrélé positivement avec la variable cours.

Echantillon total Compétence Intérêt Participation

Cours en général (civisme +

citoyenneté) 0.0129319217 0.0643101514 -0.0928204706

4.4 Impact du facteur cours autonomes de citoyenneté en particulier

Ce facteur est à la base de notre étude. En effet, c'est ici que se situe l'enjeu de la question de recherche. Nous remarquons que ce facteur ne présente pas de corrélation significative avec les compétences. On peut en conclure que des cours autonomes de citoyenneté n'apportent pas plus de compétences théoriques à long terme en matière d'institutions politiques que lorsqu'ils sont intégrés à d'autres branches (variable « cours »). Comme les compétences et l'intérêt sont corrélés, il en va de même de l'impact des cours de citoyennetés sur l'intérêt. Tel qu'ils sont donnés, ils n'ont pas plus d'influence que s'ils étaient intégrés à une autre branche.

Echantillon total Compétence Intérêt Participation

Citoyenneté -0.0637534881 -0.0489780766 -0.2237658034

Ce qui est surprenant est que le facteur des cours de citoyenneté autonomes présente une corrélation négative avec la participation. À première vue et de manière contradictoire, cela signifie que les cours de citoyenneté auraient une influence négative sur la participation. Toutefois, il ne s'agit que d'une corrélation et non de causalité. Si on analyse plus finement les corrélations, nous remarquons que l'âge a une corrélation positive avec la participation. C'est-à-dire qu'un individu plus âgé aura tendance à participer davantage à la politique. Notre variable de contrôle se situe au niveau du lien marqué entre l'âge et les cours de citoyenneté.

4.5 La variable âge

Les cours autonomes de citoyenneté ayant été intégrés en 2006, il est logique que la population la plus jeune soit celle qui ait suivi les cours autonomes de citoyenneté. La population la plus âgée de notre panel a, quant à elle, soit suivi des cours de civisme, soit des

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cours de civisme intégrés à une autre branche, soit pas de cours du tout. Elle est également la population la plus participative. Il est intéressant de noter que la participation et les compétences sont liées à l'âge mais que l'intérêt y est imperméable.

Echantillon total Compétence Intérêt Participation

Citoyenneté -0.0637534881 -0.0489780766 -0.2237658034

Âge -0.2276005556 -0.0195167361 0.2145386643

Les études les plus récentes montrent, en premier lieu, que le désintérêt politique vient d'un sentiment d'insatisfaction des générations plus jeunes. Anderson et Guillory (1997) ont cherché à analyser ce phénomène général qui était également la source des inquiétudes du Grand Conseil. Leur étude cherche à démontrer que le niveau de satisfaction envers la démocratie et les institutions a énormément chuté depuis les années 1990. Au-delà des explications communément admises, comme la comparaison avec le système communiste qui n'était plus possible, ou encore la hausse des difficultés économiques, ces chercheurs émettaient l'hypothèse que l'insatisfaction grandissante des citoyens envers les institutions démocratiques en Europe de l'ouest était liée au manque d'adéquation entre les demandes des citoyens (être plus écouté en favorisant une démocratie participative) et les réponses que les institutions démocratiques avaient tendance à donner à leur requête.

Il y aurait donc une baisse de la participation politique suite à celle de la confiance des citoyens dans les autorités, notamment quant à leur capacité à résoudre les problèmes. L’étude d’Anderson et Guillory date de 1997, mais un sondage réalisé en 20096 semble montrer que ce phénomène s'est encore accentué depuis la crise de 2008. En effet, ce sondage montre que 70% des personnes interrogées (en Suisse) faisaient moins confiance aux politiciens que 5 ans auparavant. Ce phénomène toucherait plus profondément les jeunes qui sont au stade de leur socialisation politique. Les plus âgés auraient été confrontés à la politique à un moment où la crise de confiance était moins grande. Ils ont été socialisés lorsque les institutions politiques avaient un plus grand crédit dans la population. Sans que cela ne rentre réellement dans le champ de notre étude, nous faisons l'hypothèse que ce crédit leur est resté.

Une étude d'Anne Muxel (2001), intitulée La politique au fil de l’âge, montre qu'en plus d'une question de génération, il y a également une question de parcours de vie. Un individu plus âgé aura simplement eu plus d'opportunités que quelqu'un de plus jeune de participer à des manifestations ou de signer des pétitions notamment. Elle montre également que l'engagement politique ne se fait que tardivement. Une personne qui a déjà un parcours de vie derrière elle,

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défendre ses droits qu'un étudiant de vingt ans ayant fraîchement fini le gymnase. Dès lors, il est nécessaire d'isoler la variable âge de notre population pour vérifier si les cours de citoyenneté autonomes, ou une instruction de civisme en général, ont un impact.

Sous-groupe 19-29 ans Compétence Intérêt Participation

Citoyenneté -0.0119445809 -0.004696066 -0.1737546297

Cours 0.0322774208 -0.1737546297 -0.0882622257

L'isolation de l'âge confirme ce que nous avons vu précédemment. Le cours de citoyenneté autonome n'a pas d'impact sur les trois variables étudiées. De même, l'ensemble des cours de civisme non plus. Il est à souligner qu'une très faible corrélation est visible entre le fait de n'avoir pas suivi des cours de civisme et l'intérêt. Quelqu'un qui n'a pas suivi de cours de civisme aurait donc un intérêt plus élevé. Mais cette corrélation est tellement faible qu'elle ne peut être expliquée que par le spectre peut-être trop large de l'échantillon (étalé sur 10 ans), assez pour montrer des variations à l'intérieur de l'échantillon en fonction de la variable âge qui, on l'a vu, est significative.

4.6 La variable du genre

Cette variable est significative car elle démontre de manière sensible que l'intérêt des femmes est moindre que celui des hommes de notre échantillon. Quant à la question des compétences et de la participation, ces deux chiffres montrent une faible corrélation. Il est donc impossible de dire si elle est significative ou pas.

Echantillon total Compétence Intérêt Participation

Genre (femme) -0.2651678691 -0.4078382481 -0.2708624087

Au vu de ces résultats, la question s'est posée de savoir si, par un certain hasard de l'échantillon ou un phénomène sociologique nouveau, les femmes en première année BP étaient plus jeunes que les hommes et si la variable âge venait interférer. Ceci pourrait également nous montrer que les cours de citoyenneté auraient un rôle significatif. Nous avons donc écarté les hommes en 1ère année de HEP BP et interrogé la corrélation sur l'autonomie

des cours de citoyenneté dans la population féminine de notre échantillon.

Sous-groupe

« femmes » Compétence Intérêt Participation

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Echantillon total Compétence Intérêt Participation

Citoyenneté -0.0637534881 -0.0489780766 -0.2237658034

Ce résultat confirme que le genre n'introduit pas un biais dans notre questionnement de recherche. Les résultats des corrélations vont dans le même sens que ce qui est observé dans l'échantillon total. C'est-à-dire que les cours de citoyenneté ne sont pas un facteur significatif dans les compétences et l'intérêt, et qu'ils le sont uniquement dans le cas de la participation, mais ceci avec le genre en arrière-plan.

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5. Analyse

La réponse négative à la question de recherche, qui était de savoir si l'instauration des cours autonomes d'éducation à la citoyenneté avait un impact sur la participation politique, doit être nuancée par plusieurs éléments méthodiques qui sont exposés dans cette partie.

5.1 La largeur du plan d''étude

Afin d'analyser ce qui devrait, dans l'idéal, avoir été enseigné, nous avons décidé de nous baser sur les compétences associées. Celles-ci étant plus précises que les compétences visées, elles permettent de mieux se rendre compte de ce qui a été enseigné aux élèves. La définition du PEV indique que :

« les compétences associées servent de base à l’élaboration de situations d’enseignement / apprentissage, elles peuvent donner lieu à la définition d’objectifs plus restreints, au niveau de l’établissement / de la classe, les compétences associées sont une explicitation des compétences visées. Elles précisent et délimitent les apprentissages des élèves » (Direction générale de l’enseignement obligatoire [Vaud], 2006, p.1 « Perspectives pédagogiques » ).

Compétence associée Lien direct avec la participation politique : Formel (élection, vote) Informelle. (manifestati on, pétition, etc.)

1. définir les droits civiques du citoyen et connaître leur

utilisation dans la vie démocratique X X

2. repérer les différents intérêts pris en compte dans un choix

politique ou une décision juridique X X

3. analyser une situation en lien avec les concepts du développement durable

4. comparer différents régimes politiques du passé ou du présent X X 5. identifier les principales institutions internationales et leurs

liens avec la Suisse

6. déterminer l’impact de diverses pratiques économiques et

sociales sur la gestion et l’utilisation des ressources naturelles X X 7. déterminer les conséquences de ses choix en tant que

producteur, distributeur ou consommateur d’un circuit économique

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9. effectuer des recherches documentaires sur un sujet

d’actualité X

10. distinguer un fait d’une opinion X

11. mobiliser les connaissances acquises

(éthiques, juridiques, économiques et politiques) pour débattre sur un sujet d’actualité

X

12. exercer des responsabilités au sein du groupe-classe, dans

son établissement ou une association X X

13. prendre des initiatives X

14 collaborer à la conception et à la réalisation de projets collectifs

Au total, sur 14 possibilités, 9 ont un lien direct avec la participation politique, qu'elle soit formelle ou informelle. Ce qui représente un peu plus des deux-tiers du PEV dédié à l'éducation à la citoyenneté (64%). Dès lors, le plan d'étude n'est pas un obstacle à la création d'un intérêt politique, ni à l'exercice de la participation politique.

5.2 L'autonomie des enseignants

L'autonomie des enseignants est un facteur prépondérant. L'enseignement de la citoyenneté n'étant pas soumis à des épreuves cantonales de référence (comparant des volées d'une même année sur l'ensemble du canton) ni à des examens de fin d'année, le profil de l'enseignant joue un rôle majeur dans le choix des matières et l'importance qui leur est attribuée. En effet, un enseignant qui a une fibre pour le développement durable va axer son programme sur ce sujet en particulier. Celui qui est conseiller communal et intéressé à la vie politique locale, cantonale et nationale, va plutôt pencher sur le fonctionnement des institutions.

En posant la question à des enseignants de citoyenneté, je me suis rendu compte que les affinités en matières de citoyenneté étaient souvent fonctions du cursus d'études. Les étudiants en sciences économiques et en droit avaient tendance à enseigner la partie économie et droit de la citoyenneté, tandis que les étudiants en histoire et en sciences humaines penchaient plutôt pour les institutions politiques et le manuel de V. Kucholl (2005), Institutions politiques suisses. D'ailleurs, certains établissements n'ont pas hésité à scinder l'éducation à la citoyenneté en deux parties : en 8ème année, les élèves recevaient un enseignement lié aux

institutions politiques et, en 9ème année, l'EC était principalement axée sur l'économie et le

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La citoyenneté a représenté pour les élèves une période hebdomadaire durant les deux dernières années de leur cursus (qui en totalise 98 au dernier cycle : 7e, 8e, 9e). Ce qui donne un poids d'environ 2% du temps d'enseignement consacré à la citoyenneté. Si l'on ajoute qu'en 9e année, les examens réduisent encore le temps d'enseignement de deux à trois semaines selon les niveaux, cela donne un pourcentage plus faible encore pour l'ensemble du cycle.

5.4 Distance entre théorie et pratique

Les différents concepts clés étudiés en citoyenneté, en lien avec la participation politique telle qu'elle a été opérationnalisée dans le questionnaire, peuvent être abstraits pour des adolescents de 14-16 ans. Il faut ici distinguer les deux types de participation politique définis plus haut. La participation politique informelle est autorisée pour les mineurs, car elle n'est pas liée juridiquement à l'âge ; ils en font parfois l'expérience au sein de leur établissement ou durant les cours d'éducation à la citoyenneté. Cela peut se manifester par les conseils des élèves, la proposition d'activités pour les journées hors-cadre, etc. Il est aussi possible qu'ils participent en dehors de l'école, par exemple en signant des pétitions.

Il en va différemment de la participation politique formelle. En effet, comme ils n'ont pas la majorité civique (18 ans), les élèves étudient des objets dont ils n'ont pas la possibilité de faire l'expérience en réalité. Bien entendu, il est toujours possible de créer une simulation de votation, d'élection, de référendum, mais cela ne remplace pas la pratique effective.

5.5 Place de la participation politique au secondaire II

La population que nous avons étudiée a suivi un cursus de secondaire II. Il se trouve qu'entre la fin de la scolarité obligatoire et l'entrée dans la majorité civique, il se passe entre 2 et 3 ans pour un élève ayant suivi un cursus sans redoublement.

Afin d'identifier une possible continuité en termes de pratique de la participation politique, nous nous sommes penché sur les plans d'études 2013-20147 des institutions de provenance des étudiants questionnés, c'est-à-dire :

•les Écoles de Maturité,

•les Écoles de culture générale et de commerce, •l'École de Maturité spécialisée orientation pédagogie.

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Le plan d'études des écoles de Maturité du canton de Vaud indique que :

« Sur le plan des savoir-être, les sciences humaines permettent à l’élève: de se préparer à assumer ses responsabilités en lui faisant connaître et comprendre de façon critique les institutions, les mécanismes sociaux, politiques, économiques; de débattre de problèmes de société, de problèmes politiques et de gestion de l’espace » (Direction générale de l’enseignement postobligatoire [Vaud], 2013, p. 120).

Si effectivement, il est mentionné ici que l'élève est préparé à la participation politique, cela pose la question de la forme avec laquelle ces deux objectifs (sur un total de sept) sont mis en œuvre. En effet, durant ces trois années, les élèves ne sont pas soumis à un enseignement explicite d'éducation à la citoyenneté. Les compétences ci-dessus s'acquièrent par l'intermédiaire des autres branches estampillées « sciences humaines » telles que la géographie, l'histoire ou l'économie et droit, avec tous les écueils que cela comporte, notamment en termes de temps consacré à la branche ou d'affinité des enseignants avec l'enseignement de la vie politique.

Au niveau des écoles de culture générale, c'est par l'intermédiaire de la branche nommée « histoire et institutions politiques » que le lien avec la participation politique peut être fait :

« L’élève apprend à: développer une attitude réfléchie, curieuse et critique face à l’information historique, médiatique ou politique; distinguer l’existence de cultures et de systèmes de valeurs différents dans un esprit de respect et d’ouverture à l’Autre; prendre conscience de ses attaches avec sa propre culture, de sa place dans la société et de ses responsabilités » (Direction générale de l’enseignement postobligatoire [Vaud], 2013, p. 48).

Ici, l'étudiant n'est pas considéré comme un acteur potentiel du jeu politique. D'ailleurs l'enseignement lié à la vie de la société n'est pas dans la rubrique savoir-faire, mais dans le savoir-être. Toutefois, le développement d'une attitude critique face à l'information médiatique ou politique est un prérequis à la participation.

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d'études se concentre également sur les attitudes.

« L’élève développe: l’esprit critique; l’esprit d’ouverture et de respect à l’autre; une attitude ouverte et réceptive face à la critique et aux points de vue différents; son autonomie, son esprit initiative et son intérêt dans le travail; sa capacité à se forger une conviction qui oriente ses choix et son action » (Direction générale de l’enseignement postobligatoire [Vaud], 2013, p. 18).

Le plan d'études semble être axé principalement sur le métier d'enseignant. « La capacité à se forger une conviction qui oriente ses choix et son action » doit être comprise en termes professionnels car il s'agit de futurs enseignants. Toutefois, il est vrai qu'elle peut être interprétée en termes transversaux. Mais dans les deux cas, on s'éloigne d'une éducation à la participation politique explicite permettant de répondre positivement aux questions y relatives de notre questionnaire.

5.6 Conclusion de l'analyse

En conclusion de cette analyse, l'absence de lien entre la présence des cours de citoyenneté à l'école obligatoire et la participation politique ne surprend pas. Ceci est dû aux écueils constatés dans cette analyse : un plan d'étude très large, une autonomie dans le choix des thèmes traités par les enseignants, une présence presque insignifiante dans la grille horaire, la distance entre le moment d'enseignement (13-16 ans) et celui de mise en pratique (18 ans) et, enfin, l'absence de lien en termes d'éducation à la participation politique au secondaire II.

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6. Discussions et développement

Comme mentionné dans l'introduction, l'éducation à la citoyenneté est au cœur d'enjeux importants. En tant qu'enseignant directement concerné par les décisions politiques liées à l'enseignement de l'éducation à la citoyenneté, il est intéressant de voir dans quelle mesure l'autonomisation d'une telle branche peut avoir une portée sur la réalité de participation. Il s'agit aussi d'apporter une pierre aux différents débats qui ont eu lieu sur la citoyenneté dans le canton de Vaud et qui vont avoir lieu dans les autres cantons. Il s'agit aussi, dans une visée plus large, de voir si l'autonomisation d'une branche a un réel impact ou si elle peut être aussi efficace en étant intégrée à une autre. Cela ne concerne pas uniquement la citoyenneté, mais également la branche « éthique et culture religieuse » qui a été intégrée à l'histoire dès la rentrée 2013, voire même l'informatique qui devient une compétence transversale.

Cette partie a pour ambition de réfléchir aux pistes possibles afin de mettre en œuvre des politiques publiques qui répondraient plus efficacement aux vœux formulés par les autorités vaudoises en 2003, en matière d'intérêt et de participation politique.

6.1 Agir sur les causes

Nous avons constaté dans cette recherche que l'éducation à la citoyenneté n'a pas répondu aux vœux du député Jérôme Chisten en termes de « participation politique ». Ces constats ont fait l'objet d'une analyse et d'une recherche des causes de cet échec. Une des pistes à suivre serait d'agir directement sur ces causes. Dès lors, afin d'avoir une éducation à la citoyenneté qui influerait sur la participation politique des jeunes citoyens, il faudrait notamment :

•Resserrer le plan d'études autour de la participation politique.

•Instaurer une épreuve de référence ou des examens portant sur des objectifs précis. •Augmenter la dotation horaire de la discipline.

•Retarder l'âge auquel les étudiants ont accès à cette formation pour qu'elle se rapproche le plus possible de l'âge de leur majorité civique.

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6.2 Autres pistes

Plus de douze ans après le postulat de Jérôme Christen, la faible participation politique des jeunes reste une question d'actualité. En témoigne l'émission Forum de la radio suisse romande (Radio-Télévision Suisse) du vendredi 4 avril 2014, qui en faisait l’un de ses gros titres. Le présentateur de cette émission affirmait que seuls 17% des 18-29 ans jouissant du droit de vote avaient rempli leur devoir civique lors des votations du 9 février 2014, qui portaient sur trois objets d'importance fédérale :

- le règlement du financement et de l'aménagement de l'infrastructure ferroviaire, - l'initiative « Contre l'immigration de masse »,

- l'initiative « Financer l'avortement est une affaire privée ».

Pour en parler, le journaliste avait invité un parterre de personnes concernées par la question à en débattre en direct. Une semaine plus tard, le 15 avril 2014, la remise en cause par un politologue du taux de 17% calculé par un institut de sondage, montre que la question de la participation politique des jeunes est soumise à des enjeux (Wuthrich, 14.4.2014, en ligne).

6.3 Opportunité d'une étude qualitative

Au-delà de la discussion sur le chiffre et les méthodes des instituts de sondage, il nous a semblé opportun de contacter les différents invités de l'émission pour leur présenter les résultats de notre étude et leur soumettre les questions actuelles liées à cette problématique, qui mêlent également celles de la communication et des réseaux sociaux. En effet, après la revue des études menées et la réalisation d'une étude quantitative sur l'impact des cours de citoyenneté, cette partie analyse, dans une optique qualitative, les points de vue de quatre « experts » (non scientifiques) de la politique ou des réseaux sociaux. L'objectif de cette démarche est de sortir des études scientifiques globales pour adopter une approche concrète et locale. Notre choix s'est porté sur ces experts, notamment pour leur connaissance et surtout leur pratique du contexte dans lequel a été menée notre étude, celui du canton de Vaud.

6.4 Les questions

Afin d'identifier les grandes lignes de partage des causes et des solutions esquissées, nous avons posé cinq questions aux experts. Nous les confrontons, lorsque cela est possible, avec les réflexions issues de ce mémoire. Leurs réponses8 sont synthétisées et mises en perspective. Avant de répondre au questionnaire, les experts ont été informés du résultat de cette recherche. En préambule, il y a lieu d'apporter quelques précisions sur le choix des questions posées.

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1) Quels sont, selon vous, les facteurs de désintérêt des jeunes pour la politique?

Cette question a pour but de faire l'état des lieux des causes, réelles ou ressenties, du désintérêt des jeunes pour la politique. L'idée est de voir si le constat de départ est partagé ou non afin de mieux comprendre les solutions proposées.

2) Quelles solutions seraient susceptibles de relancer l’intérêt et la participation des jeunes pour la politique?

Les experts ayant été informés du résultat de notre recherche, ils présentent ici les solutions qu'ils imaginent pour répondre au manque de participation politique des jeunes.

3) Comment les réseaux sociaux doivent-ils être utilisés pour susciter l’intérêt politique? La question des réseaux sociaux a été centrale dans l'émission en question, il est important pour nous de voir quelle place elle occupe réellement de l'avis des experts.

4) Quels volets devraient aborder prioritairement les cours de citoyenneté pour susciter l’intérêt des jeunes pour la politique?

Cette question complète la question n°2. En effet, nous avons bien précisé aux experts que, selon notre étude, les cours de citoyenneté n'ont pas eu d'impact sur la participation politique, tels qu'ils ont été introduits dans le canton de Vaud. L'objectif de cette question est de savoir si d'autres manières d'enseigner la citoyenneté étaient envisageables.

5) Les cours de citoyenneté devraient-ils servir également à enseigner le comportement adéquat sur les réseaux sociaux ou le « vivre ensemble numérique »?

Conscient que cette question est un peu en marge de notre sujet de recherche, nous nous sommes tout de même demandé dans quelle mesure la citoyenneté des jeunes serait devenue numérique selon nos experts. Et si, à l'instar du thème du vivre ensemble présent dans le plan d'études romand (2010), un vivre ensemble numérique devait être enseigné (notamment dans la prévention des risques de harcèlement ou d’atteinte à la réputation).

6) Autres remarques, développement, questions de votre part...

Cette question devait permettre aux experts d’ajouter tout élément pertinent qui leur aurait échappé dans les réponses aux 5 premières questions.

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6.5 Les experts interrogés9

Tranche d'âge Profession Mandats politiques (passés ou présents)

Kevin Grangier 26 – 35 ans Collaborateur dans un secrétariat général de parti

Conseiller communal

Magali Philip10 36 – 45 ans Productrice radio

d'une chronique orientée réseaux sociaux

-Julien Rilliet 18 – 25 ans Etudiant, secrétaire général d'un groupe

d'intérêt Porte-parole d'un parti politique

Claude Ruey 55 – 65 ans Avocat-conseil Député au Grand-Conseil, Conseiller d'Etat, président de parti, Conseiller national.

6.6 Les facteurs de désintérêt des jeunes pour la politique

Pas de désintérêt

Un des quatre experts, K. Grangier, ne pense pas qu'il y ait un désintérêt des jeunes pour la politique, mais uniquement un manque d'intérêt. Selon lui, l'intérêt pour la politique vient avec l'âge et les responsabilités. C'est une donnée qui est confirmée par notre étude. En effet, l'âge était corrélé significativement avec la participation. Toutefois il remarque une montée de l'individualisme et une baisse de participation des jeunes à la vie publique au sens large, notamment dans leur investissement dans les sociétés locales.

Manque d'enjeu et montée de l'individualisme

Selon Claude Ruey, c'est un manque d'enjeu au niveau global avec la fin de la bipolarité Est – Ouest qui n'a pas accouché d'une alternative au libéralisme. Nous assistons, selon lui, à un désenchantement face à l'absence de grand projet de société (comme l'avait été celui de l'EEE qui avait mobilisé une grande partie des jeunes).

En lien avec le manque d'enjeu, trois experts pointent le phénomène sociologique de la montée de l'individualisme dans le manque de participation politique. Le politique, en tant que rapport de pouvoir, implique la notion de « collectif » qui serait peu compatible avec l'individualisme. Les jeunes ne s'intéresseraient à la politique que s'ils sont directement touchés (ex. : la remise en question des accords Erasmus d'échange d'étudiants, suite au vote du 9 février, a suscité de fortes réactions sur les réseaux sociaux).

9 Les experts ont accepté d'être cités dans ce travail.

10 Magali Philip a tenu à préciser les éléments suivants quant à ses réponses à nos questions: « je ne suis pas

journaliste politique à la RTS mais productrice d'une chronique orientée réseaux sociaux. Mes réponses concernant la vision que j'ai à propos du désinvestissement des jeunes en politique sans le lien avec les réseaux sociaux sont donc certes le fruit de ma pratique journalistique de la Suisse et de ses institutions mais

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Mainmise de l'économie sur la politique

Pour J. Rillet, le manque d'engagement politique de la jeunesse serait la cause du sentiment d'impuissance politique face au monde économique, relayé par les organisations supranationales qui « dictent les lois ».

Déficit d'image et technocratie

M. Philip souligne « l'image vieillotte » et la hiérarchie « verticale » des partis qui ne parviennent plus à parler aux jeunes, lesquels évoluent dans une dynamique beaucoup plus participative. Les « affaires » de corruption ou de mœurs qui entachent les politiciens, notamment au niveau international, et dont les médias se font l'écho presque quotidiennement, creusent également le déficit d'image de l'engagement politique. Enfin, selon J. Rilliet, la complexité de certains sujets et de leurs intitulés peinent à pousser les jeunes à s'y intéresser.

6.7 Les solutions pour relancer l'intérêt et la participation politique des jeunes

Il est intéressant de constater que les mesures proposées par les experts sont des mesures qui sont parfois déjà mises en place dans les écoles via l'éducation à la citoyenneté. Certaines de ces mesures sont notamment au programme de la formation des enseignants vaudois, dans le cursus de la didactique de l'éducation à la citoyenneté donnée à la Haute école pédagogique de Lausanne. Il s'agit des mesures suivantes:

•Rendre l'élève conscient de ses droits et ses devoirs, •Inviter des élus à venir parler aux élèves,

•Organiser des débats en classe,

•Organiser des démarches participatives à l'échelle de la classe ou de l'établissement •Renforcer les connaissances historiques liées aux institutions politiques

•Expliquer la place de la Suisse dans le monde

Une autre mesure préconisée par les experts est en place dans les plus grandes villes du Canton et à l'échelle de la Confédération:

•La mise en place d'un parlement des jeunes

Enfin, une dernière mesure préconisée se fait déjà ponctuellement, mais pas forcément en lien avec l'éducation à la citoyenneté :

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6.8 La question des réseaux sociaux

Une question centrale

M. Philip indique que 90% des jeunes de moins de 25 ans sont présents sur les réseaux sociaux. Pour elle, ces réseaux ne sont pas considérés actuellement par les représentants du monde politique, tant au niveau institutionnel (Confédération, Cantons) que chez les acteurs (partis, politiciens). Pour susciter l'intérêt politique des jeunes, une réelle prise en compte des réseaux sociaux doit se faire avec l'établissement d'une stratégie de communication ciblée. Ceci notamment au-delà de Facebook, pour toucher d'autres réseaux sociaux tels que Twitter, Youtube, Instagram, Vine, ou Whatsapp.

Une question secondaire

Les autres experts ne pensent pas que les réseaux sociaux aient un véritable rôle à jouer dans la création d'un intérêt politique chez les jeunes. C. Ruey les voit comme des « adjuvants » alors que K. Grangier pense qu'ils sont un instrument d'influence de l'opinion publique plus que de formation des jeunes. J. Rillet, quant à lui, voit une utilité des réseaux sociaux dans la mobilisation des jeunes sur des objets précis ou en réaction à des faits politiques.

Dans un article du Temps du 15 avril 2014, S. Montangéro, ancien responsable des activités de jeunesse d'un parti politique, indique au sujet des réseaux sociaux qu'ils jouent effectivement un rôle, mais pas le premier :

« Les jeunes ne restent pas pour autant en marge de la cité, au sens latin de la civitas. Mais les moyens qu’ils utilisent pour participer évoluent. Aux manifestations de Mai 68, aux engagements altermondialistes, à la mobilisation qui a suivi le rejet de l’EEE ont succédé d’autres instruments, comme les réseaux sociaux. Mais, relativise Stéphane Montangero, les réseaux sociaux, c’est la «démocratie de zapping». Quelqu’un met un sujet en discussion, on dit qu’on aime ou pas, on passe à autre chose, sans voir ce qu’il y a derrière. Sur son blog, Claude Longchamp parle de «démocratie de spectateurs». Quel que soit finalement l’instrument, la rue ou le clic de souris, le décalage entre le temps de l’indignation et le temps politique demeure constant. En 1992, le mouvement né le 7 décembre a cru pouvoir très vite corriger l’échec de l’EEE par une initiative populaire. Il a compris que c’était plus compliqué. Les étudiants qui, aujourd’hui, suggèrent sur Facebook une initiative correctrice du vote du 9 février sont dans la même situation. Les supports de

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l’expression sociopolitique changent, mais les réalités politiques restent immuables. C’est le résultat biaisé du sondage Vox qui a donné l’illusion que le rapport entre les deux avait mué » (Wuthrich, 14.4.2014, en ligne).

En d'autres termes, les réseaux sociaux, loin de créer un intérêt ou une augmentation de la participation politique, sont, selon lui, un support de cela et rien d'autre. Dès lors, la présence du débat politique sur les réseaux sociaux est plus une conséquence de l'intérêt qu'une cause.

Lien avec les cours d'éducation à la citoyenneté

Les quatre experts sont assez unanimes sur ce point. La citoyenneté et les réseaux sociaux sont deux choses différentes qui ne doivent pas être confondues. Si pour M. Philip et J. Rillet, un vivre ensemble numérique doit être enseigné, il ne doit pas se substituer à l'enseignement du vivre ensemble général, aussi souligné par C. Ruey.

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7. Conclusion

Cette étude a montré que le lien entre les cours d'éducation à la citoyenneté et la participation politique n'est pas aussi simple, ni direct, que ne le présentait le postulat de Jérôme Christen. Si ce lien existe, ce n'est pas dans les conditions dans lesquelles a été enseignée l'éducation à la citoyenneté dans le canton de Vaud entre 2006 et 2013. Nous identifions deux sortes de causes : les causes internes, celles sur lesquelles les institutions scolaires peuvent influer, et les causes externes, celles qui sont extérieures aux institutions scolaires.

La largeur du plan d'étude, le faible nombre d'heures attribuées ou l'éloignement de la majorité civique sont des obstacles au lien entre éducation à la citoyenneté et participation politique. Si une volonté de créer ce lien a existé dès 2002, les moyens mis en œuvre ont été insuffisants pour répondre aux ambitions du Canton. L'absence d'éducation à la citoyenneté dans les études PISA joue aussi un rôle. En effet, lors des discussions au Grand Conseil sur la nouvelle grille horaire, dans le cadre de la LEO, les disciplines entrant dans le calcul des comparaisons intercantonales et internationales ont vu leur attribution horaire augmenter, alors que certaines de celles n'entrant pas dans le classement ont diminué, telle la citoyenneté qui, pour les volées soumises à la nouvelle LEO, représente dorénavant 1/4 du temps et des évaluations consacrés à la géographie.

Un certain nombre de causes sont imperméables aux actions des institutions scolaires car elles dépassent leur cadre de compétence. Il s'agit notamment des causes pointées par nos experts sur le déficit d'image et de confiance envers la politique, le sentiment d'impuissance face à l'économie, l'absence de véritables enjeux de société ou l'absence de responsabilité des jeunes. Il n'est pas possible d'influer sur ces causes à l'échelle des institutions scolaires.

Les solutions imaginées par les experts pour dynamiser la participation politique des jeunes, outre la prise en compte des réseaux sociaux, étaient des mesures déjà mises en place dans les cours d'éducation à la citoyenneté dès 2006, dans d'autres cours ou à l'échelle communale. Il semble dès lors que ce ne soit pas dans la matière enseignée que réside le problème, mais dans les heures allouées et dans la planification de cet enseignement au fil du développement de l'adolescent.

Enfin, nous pensons que les dernières décisions politiques en la matière (2013), la réduction horaire et l'intégration de l'éducation à la citoyenneté à la géographie, éloignent encore l'éducation à la citoyenneté et ne promeuvent pas la participation politique des jeunes. Alors, si l'école veut être un lieu d'apprentissage de la démocratie pour tous les futurs citoyens, en plus d'une volonté solide de la part de ses acteurs, de véritables moyens doivent lui être attribués.

(35)

8. Bibliographie

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