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Enseigner les conflits d’intérêts avec l’industrie – l’importance du "modèle de rôle"

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Academic year: 2022

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Enseigner les conflits d'intérêts avec l'industrie – l'importance du

"modèle de rôle"

AEBISCHER, Gaspard, SOMMER, Johanna Maria

Abstract

Les médecins de famille doivent savoir enseigner aux étudiantes les enjeux concrets des conflits d'intérêts avec l'industrie. S'il est essentiel de connaître en amont l'importance de ces conflits dans la recherche et les publications biomédicales, il est tout aussi crucial de mesurer les implications pratiques de conflits rencontrés dans la pratique quotidienne, qu'il s'agisse de rendez-vous avec les représentantes médicauxales, de cadeaux offerts par l'industrie, ou encore de financement privé pour la formation continue. C'est par la connaissance de ces influences quotidiennes et la mise en œuvre d'un code de conduite strict dans leur pratique que les médecins de famille, comme « modèles de rôle » possibles, peuvent transmettre une approche déontologique solide aux étudiantes sur la question des conflits d'intérêts avec l'industrie.

AEBISCHER, Gaspard, SOMMER, Johanna Maria. Enseigner les conflits d'intérêts avec

l'industrie – l'importance du "modèle de rôle". Revue médicale suisse , 2021, vol. 17, no. 738, p. 912-914

PMID : 33998188

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:152584

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 12 mai 2021

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Enseigner les conflits d’intérêts avec l’industrie – l’importance

du  «  modèle de rôle »

Les médecins de famille doivent savoir enseigner aux étudiant�e�s les enjeux concrets des conflits d’intérêts avec l’industrie. S’il est essentiel de connaître en amont l’importance de ces conflits dans la recherche et les publications biomédicales, il est tout aussi crucial de mesurer les implications pratiques de conflits rencontrés dans la pratique quotidienne, qu’il s’agisse de rendez- vous avec les représentant�e�s médicaux�ales, de cadeaux offerts par l’industrie, ou encore de financement privé pour la formation continue. C’est par la connaissance de ces influences quoti- diennes et la mise en œuvre d’un code de conduite strict dans leur pratique que les médecins de famille, comme « modèles de rôle » possibles, peuvent transmettre une approche déonto- logique solide aux étudiant�e�s sur la question des conflits d’intérêts avec l’industrie.

Teaching conflicts of interest with industry as a « role model »

General practitioners should be trained to teach their student about conflicts of interest with the private sector. Beyond the common issues linked to biomedical research and publications, the daily repercussions of these conflicts of interest on medical practice and prescribing must be recognized, whether it be about medical representatives, gifts, or continuing medical education.

Only with a complete understanding of these daily challenges to professional ethics will it be possible to represent an appropriate

“role model” for students.

INTRODUCTION

Le médecin de famille est un important « modèle de rôle »1 pour les étudiant�e�s. S’il est fréquent d’invoquer ce fait pour mieux en souligner l’importance dans la transmission du savoir biomédical et relationnel, il faut aussi rappeler son influence déterminante sur la compréhension pratique des questions déontologiques. Les enjeux posés par les conflits d’intérêts avec l’industrie devraient occuper une part consé- quente de ces questionnements. Il s’agit ici de parcourir les principaux axes autour desquels s’articulent ces conflits dans le quotidien des praticien�ne�s, afin de fournir aux médecins de famille des outils concrets, utiles à l’enseignement et à leur propre pratique.

VISITES DE REPRÉSENTANT�E�S MÉDICAUX�ALES ET CADEAUX DE L’INDUSTRIE

VIGNETTE « CLINIQUE » N° 1

Alors que vous terminez votre matinée de consultation avec votre stagiaire, votre assistant�e médical�e vous informe avoir fixé un rendez-vous prochain avec le�la représentant�e d’une entreprise pharmaceutique, qui souhaite vous faire connaître les derniers produits mis sur le marché par sa firme. Le�la stagiaire vous questionne sur le but de ces visites.

Proposition 1. Vous acceptez le rendez-vous et répondez à votre stagiaire que ces visites contribuent à vous tenir informé des innovations thérapeutiques.

Proposition 2. Vous demandez à votre assistant�e de décliner toute proposition de rencontre avec un�e représentant�e médical�e et expliquez à votre stagiaire que toute visite d’un�

d’une représentant�e est intéressée : il s’agit uniquement d’influencer votre prescription par ce biais.

Quels sont les incitatifs à la rencontre entre un�e praticien�ne et un�e représentant�e médical�e ?2 Du point de vue de l’industrie, la réponse est évidente : il s’agit de faire connaître un nouveau produit en cours de commercialisation, afin d’en assurer la rentabilité. Pour le�la médecin, il s’agirait de bénéficier d’une information – voire d’échantillons – profi- table aux patient�e�s. En apparence, il y a donc un conflit d’intérêts « classique » entre un intérêt primaire –  le bien du�de la patient�e  – et un intérêt secondaire –  le profit de l’industrie. Mais en apparence seulement… Car il faut rappeler au�à la stagiaire que les rencontres avec les représentant�e�s médicaux�ales ne servent en rien les intérêts des patient�e�s.

Une abondante littérature a démontré depuis plusieurs décennies la nette corrélation entre les visites de représentant�e�s pharmaceutiques et la transformation des habitudes de prescription des médecins, en faveur de traite- ments plus onéreux (et non plus efficaces).3 L’impact de ces rencontres est donc surtout sensible sur l’évolution des coûts de la santé, et non sur la qualité de la prise en charge, l’information scientifique ainsi délivrée étant –  au mieux  – incomplète.4

Pourtant bien des praticien�ne�s restent convaincu�e�s de l’aspect bénéfique de ces rencontres ; ils peinent à identifier les biais qu’elles induisent sur leur comportement et sur lesquels Dr GASPARD AEBISCHER a et Pre JOHANNA SOMMER a

Rev Med Suisse 2021 ; 17 : 912-4

aInstitut universitaire de médecine de famille et de l’enfance, Faculté de médecine, Université de Genève, 1211 Genève 4

gaspard.aebischer@unige.ch | johanna.sommer@unige.ch

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MÉDECINE DE FAMILLE

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il s’agit de sensibiliser les étudiant�e�s. Là encore, de nom- breuses études en sciences sociales apportent des observa- tions pertinentes : la première est qu’un biais est aisément identifiable chez les autres, bien plus difficilement pour soi-même (ainsi dans une étude, 61 % des médecins hospi- taliers�ères estimaient ne pas être influencés par les présents de l’industrie, mais seulement 16 % conservaient cette opinion concernant leurs confrères).5 La seconde observation déterminante, c’est la démonstration selon laquelle plus un�e médecin reçoit de cadeaux, moins il�elle croira à leur influence sur sa pratique…5

Dans ces conditions, quel est le comportement déontolo- gique à transmettre à la future génération ? L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) rappelle l’influence des visites de représentant�e�s médicaux�ales et des échantillons gratuits sur la prescription, et limite l’acceptation de cadeaux de l’industrie à des présents de valeur « financièrement insigni- fiante »,6 l’association médicale faîtière (FMH) recomman- dant pour sa part de n’accepter aucun cadeau qui « dépasse les signes habituels de gratitude » (art. 38 de son règlement). Si ces directives ont eu le mérite de limiter les excès du passé, elles manquent toutefois leur cible, puisque l’ensemble des études sur le sujet confirme la persistance d’une influence sur les comportements, qui reste indépendante de la valeur financière d’un présent.7 Forte de cette observation, une seule attitude semble devoir prévaloir : montrer à votre stagiaire qu’il est préférable de refuser les visites de représentant�e�s médicaux�ales, puisque l’information scientifique délivrée par ces dernier�ère�s se trouve biaisée et incomplète, et de décliner tous les présents de l’industrie, aussi infimes soient-ils.8

FINANCEMENT PRIVÉ DE LA FORMATION CONTINUE

VIGNETTE « CLINIQUE » N° 2

Vous recevez par courrier l’invitation d’une entreprise pharma- ceutique à un repas dans un élégant hôtel de la région, suivi d’une conférence par un�e spécialiste reconnu�e sur de nouveaux traitements antilipidiques produits par la firme organisant l’événement. Intéressé par le sujet, votre stagiaire demande à vous accompagner.

Proposition 1. Vous déclinez l’invitation, en expliquant à votre stagiaire que ces formations risquent de vous influencer incon- sciemment à prescrire la marque qui vous invite, sans bénéfice pour vos patient�e�s.

Proposition 2. Vous confirmez votre présence, vous réjouissant de cette opportunité de parfaire votre formation continue tout en profitant d’un bon repas en compagnie de votre stagiaire.

Si les voyages sous les tropiques aux frais d’une entreprise privée et sous le couvert d’une conférence médicale appar- tiennent bien au passé, les intérêts industriels n’en restent pas moins fortement représentés dans la formation continue en Suisse. Il est utile de le rappeler à votre étudiant�e : sponso- riser la formation continue des médecins présente un attrait évident, puisque l’industrie s’offre ainsi une tribune publique où vendre ses produits, et à laquelle les praticien�ne�s se voient contraint�e�s d’assister en échange de crédits nécessaires.

Des règles déterminant la reconnaissance des formations continues accréditées par la FMH sont bien fixées par l’ASSM : elles stipulent ainsi qu’une formation continue reconnue se doit d’être financée de manière indépendante, et que lorsqu’un financement privé s’avère nécessaire, celui-ci doit venir de plusieurs sources.9 Cette forme de multisponsoring viserait ainsi à diluer l’influence d’une firme donnée. Mais quiconque a mis un pied dans l’un des congrès organisés par l’une ou l’autre des grandes sociétés médicales helvétiques peut témoigner de l’omniprésence des conférences parallèles proposées par l’industrie. La formation continue des méde- cins en Suisse n’est pas abandonnée aux intérêts privés, mais elle en est en partie tributaire. Et une fois de plus, le bien des patients, ultimes bénéficiaires de ce système de formation dont la qualité se trouverait ainsi garantie, est bien vite mis en avant par l’ensemble des acteurs, sans qu’aucune donnée ne vienne soutenir cet argument.

Il s’agit ainsi de transmettre aux médecins en devenir que les formations proposées par l’industrie, fréquemment accompa- gnées d’un repas, sont inévitablement biaisées, l’information fournie dans ces contextes sponsorisés visant avant tout à servir les intérêts des fabricants, en influençant la prise en charge et les habitudes de prescription des praticien�ne�s.7 Et là encore, le biais consistant à se croire au-dessus de toute influence sévit largement parmi les médecins, ce qui à nouveau souligne l’importance d’une sensibilisation précoce des étudiant�e�s.

Au terme de ces constats successifs, il faut donc en conclure que les médecins de famille devraient rappeler à leurs stagiaires l’importance d’éviter toute formation continue proposée par l’industrie,7 en restant notamment vigilants quant aux limites inhérentes du multisponsoring prôné par l’ASSM.

CONCLUSION

De nombreux cas de figure n’ont pas été abordés dans le présent article, dont les conflits articulés autour de la recherche ou encore de l’élaboration des directives cliniques10 (et sans même mentionner davantage les propres intérêts financiers du médecin de famille, en lien avec sa pratique indépendante). S’il reste essentiel de rappeler au�à la médecin- enseignant�e l’importance de sensibiliser les étudiant�e�s à ces enjeux, notamment par la pratique des journal clubs, ces outils sont plus éloignés du cadre de pratique quotidien du�de la médecin de famille, raison pour laquelle ils ont été ici mis de côté.

Au terme de cet article, le�la médecin de famille doit donc se rappeler que son attitude face aux intérêts privés compose une part essentielle de ce « modèle de rôle » incarné auprès des étudiant�e�s. Pour tenir une posture déontologique cohérente aux yeux de ces dernier�ère�s, il convient en conséquence de refuser tout contact avec les représentant�e�s médicaux�ales, en explicitant son choix et ses motivations, et de rendre de même attentifs les étudiant�e�s aux enjeux d’une formation continue, dont l’indépendance ne peut être entièrement garantie par le multisponsoring actuellement en place. Une meilleure sensibilisation des futur�e�s médecins permettra-t-elle

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peut-être d’aboutir un jour à un financement indépendant de la formation continue médicale, voire à un soutien étatique en ce sens, comme cela se pratique déjà dans certains pays proches ?11,12

Conflit d’intérêts : Les auteur�e�s n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Les médecins de famille, en tant que clinicien·ne·s- enseignant·e·s, sont d’importants « modèles de rôle » pour les étudiant�e�s, ce qui implique une attention renforcée aux enjeux déontologiques – dont les conflits d’intérêts avec l’industrie – dans leur quotidien

Toute rencontre individuelle avec un�e représentant�e médical�e doit être évitée, et aucun cadeau de l’industrie ne devrait être accepté, quelle qu’en soit la valeur, puisque influen- çant inconsciemment le�la bénéficiaire

Les choix de formation continue doivent être en particulier guidés par le souci d’accéder à un enseignement aussi dénué que possible de toute influence industrielle, dans les limites du contexte helvétique actuel

POINTS À RETENIR ET À TRANSMETTRE AUX ÉTUDIANT�E�S

1 On peut définir un modèle de rôle comme une personne qui démontre une norme d’excellence à imiter, facilitant l’apprentissage par l’observation (voir par exemple Jochemsen-van der Leeuw, et al. Acad Med, 2013).

2 *Fischer MA, Keough ME, Baril JL, et al. Prescribers and Pharmaceutical Representatives: Why Are We Still Meeting? J Gen Intern Med 2009;24:795- 801. DOI: 10.1007/s11606-009-0989-6.

3 Par exemple, voir Darmon D, Belhassen M, Quien S, et al. Facteurs associés à la prescription médicamen- teuse en médecine générale : une étude transversale multicentrique. Sante publique 2015;27:353-62.

4 Mejia J, Mejia A, Pestilli F. Open Data on Industry Payments to Healthcare Providers Reveal Potential Hidden Costs to the Public. Nat Commun 2019;10:4314.

DOI: 10.1038/s41467-019-12317-z.

5 **Blumenthal D. Doctors and Drug Companies. N Engl J Med 2004;351:1885- 90. DOI: 10.1056/NEJMhpr042734.

6 *Directives de l’ASSM (version 2013).

Collaboration corps médical – industrie, consulté en ligne surwww.assm.ch/fr/

Ethique/Apercu-des-themes/Collabora- tion-corps-medical-industrie.html (02/2021).

7 DeJong C, Aguilar T, Tseng CW, et al.

Pharmaceutical Industry-Sponsored Meals and Physician Prescribing Patterns

for Medicare Beneficiaries. JAMA Intern Med 2016;176:1114-22. DOI: 10.1001/

jamainternmed.2016.2765.

8 Chimonas S, Brennan TA, Rothman DJ.

Physicians and Drug Representatives:

Exploring the Dynamics of the Relation- ship. J Gen Intern Med 2007;22:184-90.

DOI: 10.1007/s11606-006-0041-z.

9 Marti C. Qui paie le bal mène la danse – le professionnalisme des médecins est menacé. Bull Med Suisses 2009;90:1830- 31.10 Un rapide coup d’œil sur la page

« Sponsors » du calculateur en ligne de risque cardiovasculaire GSLA en est un indice parlant (www.gsla.ch/fr/sponsors, consulté en ligne 02/2021).

11 Garattini L, Gritti S, De Compadri P, Casadei G. Continuing Medical Educa- tion in Six European Countries: a Comparative Analysis. Health Policy 2010;94:246-54. DOI: 10.1016/j.

healthpol.2009.09.017.

12 Lambat Emery S, Auer R, Senn N, Locatelli I, Cornuz J. General Practitio- ners’ Willingness to Pay for Continuing Medical Education in a Fee-for-Service Universal Coverage Health Care System. J Gen Practice 2014;2:172. DOI:

10.4172/2329-9126.1000172.

*  à lire

**  à lire absolument

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