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Texte intégral

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« Anticiper, c’est prévoir pour agir »

Sommaire

15 octobre 2009

1- Perspective

Crise systémique globale - L'Union Européenne à la croisée des chemins en 2010 : Complice ou victime de l'effondrement du Dollar ?

Selon LEAP/E2020, l'année 2010 va placer l'Union européenne au cœur de quatre contraintes stratégiques qui vont lui imposer des choix urgents dans un contexte d'effondrement accéléré du camp occidental, que l'on pourrait simplifier en le résumant au destin du Dollar US. Ces choix définiront durablement le rôle des Européens dans le monde d'après la crise... (page 2)

2- Telescope

Les quatre contraintes stratégiques qui pèseront sur l'UE en 2010

LEAP/E2020 développe ses anticipations concernant les quatre contraintes stratégiques pour lesquelles l'UE va devoir apporter des solutions dès 2010. L'accélération de la crise dans un contexte de dislocation géopolitique mondiale rend impossible toute tentative d'évitement de la part des dirigeants européens. Les réponses européennes façonneront de manière durable le monde d'après la crise… (page 7)

Dislocation géopolitique mondiale - La dissémination nucléaire contrôlée : une urgence pour éviter un prochain conflit direct Israël/Iran

La stratégie consistant à transformer les impasses en opportunités, il existe un moyen d'utiliser cette crise du nucléaire iranien pour à la fois stabiliser le Moyen-Orient et offrir à la planète plusieurs décennies de stabilité stratégique mondiale. Ce moyen, c'est la transformation du traité de Non Prolifération Nucléaire, devenu entièrement obsolète, en un traité de Dissémination Nucléaire Contrôlée… (page 15)

3- Focus

Le risque-pays (2009-2014) à l'intersection des deux phases terminales de la crise, phase de décantation et phase de dislocation géopolitique mondiale - Cinq groupes de pays aux évolutions très différentes

Dans ce GEAB N°38, notre équipe présente la mise-à-jour annuelle de son « risque-pays » face à la crise. Fondée sur une analyse intégrant neuf critères, cet outil d'aide à la décision a déjà fait preuve de sa pertinence en anticipant fidèlement les évolutions des douze mois passés (voir GEAB N°28)… (page 19)

Recommandations stratégiques et opérationnelles . Devises/Or : L’absolue nécessité

. Taux d'intérêt : Attention ! Danger droit devant . Actions/Obligations : Retournement en vue

. « Appétit pour risque » : Une explication iconoclaste (page 22)

4- Le GlobalEurometre

Résultats & Analyses

Le mécontentement des citoyens en ce qui concerne l'action européenne des gouvernements par rapport aux attentes de leurs peuples se maintient à des niveaux stratosphériques (95%). Visiblement, la ratification du Traité de Lisbonne par les Irlandais n'a pas changé l'impression des Européens sur l'action européenne de leurs dirigeants…

(page 23)

Erratum GEAB N°37

Une erreur s'est glissée dans la version française uniquement du dernier GEAB N°37 (15 septembre 2009) à la page 12 dans la phrase « Aux Etats-Unis, un retour à la situation ex-ante demanderait environ 2.500 milliers milliards de liquidités dans l'économie chaque année ». Il s’agit en fait de 2.500 milliards.

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1- Perspective

Crise systémique globale - L'Union Européenne à la croisée des chemins en 2010 : Complice ou victime de l'effondrement du Dollar ?

Les grandes tendances des phases 4 et 5 de la crise systémique globale (phase de décantation et phase de dislocation géopolitique mondiale) se dévoilent chaque jour un peu plus1. Tout le monde a désormais compris que les Etats-Unis sont emportés dans une spirale incontrôlable associant insolvabilité généralisée du pays et incompétence flagrante des élites US à mettre en œuvre les solutions nécessaires. La cessation de paiement annoncée des Etats-Unis est bien en cours comme l'illustrent la chute du Dollar et la fuite des capitaux hors du pays : seuls le nom du liquidateur et la reconnaissance de la faillite sont encore inconnus, mais cela ne saurait tarder. Et, à l'image de son leader, l'Occident, dont le Japon s'éloigne un peu plus chaque jour avec la mise en œuvre de ses nouvelles orientations politiques, économiques, financières et diplomatiques2, est déjà en pleine déliquescence à l'image de l'OTAN en Afghanistan3. Ainsi, selon LEAP/E2020, l'année 2010 va placer l'Union européenne au cœur de quatre contraintes stratégiques qui vont lui imposer des choix urgents dans un contexte d'effondrement accéléré du camp occidental, que l'on pourrait simplifier en le résumant au destin du Dollar US. Ces choix définiront durablement le rôle des Européens dans le monde d'après la crise. Soit ils s'affirmeront comme des acteurs-clés de la structuration du monde de demain en affirmant leur propre vision de l'avenir et en cherchant les partenaires ad hoc sans exclusive ; soit ils se contenteront d'être des victimes consentantes du naufrage de l'Occident en suivant aveuglément Washington dans sa descente aux enfers. Dans le premier cas, l'UE assumerait pleinement sa finalité historique de redonner aux Européens la maîtrise de leur destin collectif ; dans le second, elle se révèlerait n'être que le pendant occidental du Comecon4, appendice sans avenir de la superpuissance tutélaire.

Les tendances lourdes sont déjà identifiables et vont, selon notre équipe, fortement pousser l'Europe dans des directions anticipables dès aujourd'hui. Cela dit, la faiblesse intellectuelle de l'actuel leadership politique européen (Union et Etats membres confondus) oblige à moduler les pronostics.

Dans tous les cas, l'UE étant la première puissance économique et commerciale mondiale5, les conséquences de ces évolutions auront un impact direct et rapide dans le monde entier sur de nombreux facteurs économiques, financiers et géopolitiques essentiels : taux de change, prix des matières premières, croissance, systèmes sociaux, équilibres budgétaires, gouvernance mondiale.

Dans ce GEAB N°38, outre ses recommandations stratégiques et opérationnelles pour faire face à la crise et ses anticipations 2009-2014 des risques-pays face à la crise, notre équipe analyse donc les quatre contraintes stratégiques pour lesquelles l'UE va devoir, dès 2010, apporter des réponses lourdes de conséquences, à savoir :

1 Voir GEAB précédents.

2 Voir GEAB N°37 à ce sujet. Le changement radical de politique monétaire est en soi le coup le plus brutal porté au Dollar et aux achats de Bons du Trésor US par un « allié » depuis des décennies.

3 Des Pays-Bas à l'Allemagne ou l'Italie, les pays de l'Alliance engagés dans le conflit afghan évoquent de plus en plus ouvertement leur désir de se dégager d'Afghanistan en 2010, tandis que le Japon a annoncé l'arrêt de son soutien logistique à la coalition.

4 Organisation d'entraide économique du bloc communiste, dirigée par l'URSS, et qui fut dissoute deux ans après la chute du Mur de Berlin. Source : Wikipedia

5 L'UE est par ailleurs la seule dotée d'une monnaie pouvant jouer un rôle d'alternative au Dollar US, tout en détenant les troisièmes réserves mondiales d'actifs libellés en Dollars et les plus grandes réserves d'or de la planète, et en ayant un commerce extérieur peu dépendant du consommateur américain. Coincée dans une situation intenable, elle représente un acteur extrêmement puissant, devenu cette année la zone la plus riche du monde devant l'Amérique du Nord. Source : Bloomberg, 15/09/2009

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1.

Faire face à la rupture du système monétaire fondé sur le Dollar et éviter de se retrouver sans recours devant la perspective d'1EUR=2USD

2. Eviter l'explosion des déficits budgétaires à la mode américaine et britannique

3. Répondre à l'aggravation de la crise Iran/Israël/USA et de la guerre en Afghanistan en définissant une position spécifiquement européenne

4. Apprendre à travailler de manière indépendante et constructive avec les nouveaux acteurs clés du monde d'après la crise : Chine, Inde, Brésil et Russie notamment.

En effet, sur tous ces points cruciaux pour les Européens et le reste du monde, il n'est pas envisageable d’attendre au-delà de 2011. Il suffit pour s'en rendre compte d'imaginer que les Européens restent collectivement passifs face à ces quatre contraintes pour se rendre compte de l'impossibilité d'attendre au-delà de 2010 :

1.

Ainsi, si les Européens se contentent de regarder le Dollar couler, leurs exportations vers les Etats-Unis et de nombreux autres pays aux monnaies liées au Dollar US vont d'ici un an être totalement sinistrées, aggravant la crise économique et sociale dans l'UE.

2. Si les Européens, et surtout les dirigeants de la zone Euro, laissent filer les déficits publics, à l'image de ce que fait la France, la zone Euro va être soumise très vite à des conflits internes brutaux entre Européens du Nord et Européens du Sud.

3.

Si les dirigeants européens se contentent de suivre l'axe Israël/Washington dans la question du nucléaire iranien et d'emboîter le pas à l'administration Obama pour l'Afghanistan, ils vont entrer dans un processus de confrontation avec leurs opinions publiques pour lequel ils ne sont ni préparés, ni en position de force, gage d'instabilité politique grave au sein de chaque Etats membres.

4.

Si les Européens refusent de discuter de manière indépendante de leurs intérêts communs éventuels avec les Chinois, les Indiens, les Brésiliens et les Russes, ils se privent tout simplement de tout moyen de faire valoir leur vision des choses en ce qui concerne les trois contraintes précédentes puisque ces pays représentent aujourd'hui les puissances sans lesquelles rien de décisif ne peut plus être mis en œuvre6.

Evolution historique de la part du PNB mondial du tandem Chine-Inde (1500-2008) - Sources : Bloomberg / Gluskin Sheff - 2009

6 Comme l'a bien constaté Barack Obama en signalant la fin du G7, et comme l'illustre le graphique ci-dessous. En effet, non seulement le tandem Chine-Inde a vu sa part du PNB mondial augmenter de près d'un tiers en 10 ans, mais, en plus, sur la longue durée, mis à part les deux derniers siècles, ces deux pays ont représenté en général près de 50% de la richesse mondiale. Difficile pour les Européens de faire l'impasse sur ce « détail durable ».

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Selon nos chercheurs, il est donc certain que 2010 est une année cruciale pour les Européens et leur avenir collectif. La position de l'UE, et plus particulièrement de la zone Euro, face au Dollar va être déterminante pour les Européens, comme pour le Dollar et l'ordre monétaire mondial. Non pas que les Européens aient choisi l'année (2010) ou le sujet (le Dollar) (les dirigeants de l'Euroland préfèreraient certainement continuer leur « business as usual »), mais l'Histoire est douée d'une remarquable ironie qui met les « alliés » des Etats-Unis désormais au pied du mur : sombrer maintenant avec Washington ou s'en sortir sans Washington.

Or, à l'image du déroulement de l'ensemble des phénomènes impliqués dans la crise systémique globale en cours, le temps connaît une forte contraction : tout va beaucoup plus vite. A ce propos, on peut d'ailleurs s'étonner de voir les « experts » en tout genre présenter comme farfelu l'article de Robert Fisk

« Le crépuscule du Dollar »7, rapportant que Russes, Chinois, Français, Japonais et pays pétroliers du Golfe discuteraient une quotation des prix du pétrole dans une autre devise que le Dollar US d'ici neuf ans. Pour LEAP/E2020, le seul élément surprenant de cette information tient au délai de neuf ans. Cette évolution surviendra bien plus vite, d'ici 2 ans, sous la pression des évènements.

Rappelons-nous le monde d'il y a neuf ans pour comprendre l'extraordinaire accélération de l'Histoire que constitue cette crise : il y a neuf ans, G. W. Bush venait tout juste d'être élu ; le 11 Septembre n'aurait lieu que deux ans plus tard ; les Etats-Unis ne s'étaient pas encore enlisés en Afghanistan et en Irak ; Katrina n'avait pas encore rasé la Nouvelle-Orléans ; un Euro valait 0,9 Dollar ; la Russie n'était qu'un pays à la dérive ; l'UE croyait élaborer une constitution populaire ; la Chine était un acteur international pauvre ; l'économie US était montrée en exemple au monde et le Royaume-Uni faisait la leçon ultra- libérale à toute l'Europe ; les banques d'affaires de Wall Street paraissaient invincibles, … la liste pourrait continuer longuement. Ce qui en ressort c'est que chacun de ces évènements aurait paru impensable à la plupart des « experts » quelques semaines seulement avant qu'ils surviennent. Alors penser qu'il faudra neuf ans pour payer le pétrole en autre chose qu'en Dollar, monnaie qui ne tient plus que par la volonté (de plus en plus mauvaise) des banques centrales à acheter, acheter et encore acheter cette devise pour éviter qu'elle ne s'effondre, c'est franchement faire preuve d'une naïveté historique désarmante.

Déjà au second trimestre, les banques centrales du monde entier ont entrepris de mettre fin à leur accumulation de Dollars US (le Dollar n'a en effet représenté que 37% de leurs achats de devises alors qu'il représente 63% des réserves)8. Déjà en Juillet 2009, ce sont près de 100 Milliards USD de capitaux nets qui ont quitté les Etats-Unis9, et ce au moment même où le pays prétend réussir à faire entrer dans ses caisses plus de 100 milliards USD par mois pour financer le déficit fédéral (sans parler des autres déficits publics).

Dans ce cadre, une question essentielle se pose : qui achète vraiment ces 100 milliards de Bons du Trésor US chaque mois ? Certainement pas les citoyens américains qui sont endettés au-delà du raisonnable et n'ont plus ni épargne, ni crédit. Certainement pas les opérateurs privés étrangers qui s'inquiètent chaque jour un peu plus de l'état de santé des Etats-Unis. Certainement pas non plus les banques centrales chinoise, russe, japonaise qui entreprennent, d’un côté de cesser leurs achats de bons à long terme, et de l’autre, de commencer à vendre les T-Bonds ou à transformer leurs bons à long terme en bons à court terme. Etrangement, seule la Banque d'Angleterre semble avoir encore cet appétit10. Alors, il ne reste plus que les « usual suspects », à savoir la Fed et son réseau de « primary dealers », c'est-à-dire de la

« planche à billet » d'une ampleur bien plus importante que celle reconnue par la Fed avec sa politique de

« quantitative easing » officielle.

7 Sources : The Independent, 06/10/2009 et pour des versions linguistiques en traduction libre : « Le crépuscule du Dollar », Contre- Info, 07/10/2009 ;

8 Source : Bloomberg, 12/10/2009

9 Source : ShockedInvestor, 16/09/2009

10 Mais vu l'état des finances publiques britanniques, cela ne peut pas être d'un bien grand secours pour les Etats-Unis. Le parti conservateur semble en effet prêt à jouer le rôle du FMI avec son programme de coupes radicales dans les dépenses publiques tandis que Gordon Brown vend les « bijoux de famille » de l'Etat. Sources : BBC, 06/10/2009 ; BBC, 12/10/2009

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Evolution des achats étrangers de bons du Trésor US à long terme (1979 – 2009) - Source : Market Oracle / Sean Brodick - 09/2009

Avec l'annonce de budgets fédéraux en déficit de 1.000 milliards USD par an sur la décennie à venir11, qui peut honnêtement penser que le reste du monde va accepter pendant encore neuf ans d'être payé en monnaie de singe ? Peut-être ceux qui pensaient impossible l'effondrement de Wall Street en Septembre dernier ? Ou qui croyaient qu'Obama allait changer l'Amérique et le monde12 ? Ou qui persistent à croire que le consommateur américain va renaître de ses cendres et alimenter l' « impossible reprise »13 ?

Contrairement à l’année dernière, l'actuelle rechute du Dollar ne bénéficiera pas d'un répit inespéré du fait de la panique. Cette fois-ci, la devise américaine fait figure d'épouvantail et non plus de refuge, car le découplage du reste du monde (Asie, Amérique du Sud et Europe en particulier) est à l'œuvre14. C'est d'ailleurs pour cela que 2010 est une année si cruciale pour les Européens. S'ils laissent les évolutions en cours se poursuivre, c’est l'Euro qui va devenir une monnaie-refuge et son cours étouffera l'économie européenne. La zone Euro doit donc devenir plus agressive et débattre avec les autres grands acteurs économiques et financiers pour éviter cette situation, pour éviter que l'Euro ne s'envole face au Yuan, au Yen et autres monnaies de ses partenaires commerciaux.

En fait, sur ce point, elle n'a pas vraiment le choix, car acheter chaque jour des milliards USD qui valent de moins en moins étant donné le rythme croissant auquel ils sont créés, ne peut pas tenir lieu de politique durable15. Et qui plus est, celle qui dispose vraiment d’une marge de manœuvre pour négocier au FMI, c'est bien l'UE, tant pour supprimer le droit de véto des Etats-Unis que pour faire de la place aux puissances « ré-émergentes »16.

11 Et on peut supposer sans grande crainte de se tromper que ces estimations seront très inférieures à la réalité puisqu'elles s'appuient sur les prévisions de croissance du gouvernement fédéral. Source : US Congressional Budget Office, 08/2009

12 Visiblement, il en reste encore quelques uns, par exemple dans les neiges norvégiennes, parmi ceux en charge du Nobel de la paix.

13 Voir GEAB N°37

14Voir les anticipations des risques-pays face à la crise dans ce GEAB N°38.

15C'est d'ailleurs l'un des messages qu'ont voulu faire passer les citoyens japonais en changeant radicalement le pouvoir en place à Tokyo il y a un peu plus d'un mois.

16 Quand on connaît l'Histoire, il est en effet un peu difficile d'appeler la Chine, l'Inde ou la Russie des puissances « émergentes ».

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Poids des principaux acteurs dans la richesse mondiale - Source : FMI - 2009

Comme souvent, ce sont les évènements extérieurs qui vont imposer aux Européens d'agir de manière unie et volontariste. En l'occurrence, pour LEAP/E2020, le Dollar va être l'un des puissants aiguillons de l'action européenne de l'année 2010. Et l'Histoire, dont l'équipe de LEAP/E2020 souligne toujours que son seul « sens » est celui de l'ironie, s'apprête visiblement à donner aux Européens un rôle que tout le monde s'attendait à voir jouer par les Chinois…

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2- Telescope

Les quatre contraintes stratégiques qui pèseront sur l'UE en 2010

LEAP/E2020 développe ses anticipations concernant les quatre contraintes stratégiques pour lesquelles l'UE va devoir apporter des solutions dès 2010. L'accélération de la crise dans un contexte de dislocation géopolitique mondiale rend impossible toute tentative d'évitement de la part des dirigeants européens.

Les réponses européennes façonneront de manière durable le monde d'après la crise. Les quatre contraintes identifiées par notre équipe sont:

1.

Faire face à la rupture du système monétaire fondé sur le Dollar et éviter de se retrouver sans recours devant la perspective d'1€=2$

2. Eviter l'explosion des déficits budgétaires à la mode américaine et britannique

3.

Répondre à l'aggravation de la crise Iran/Israël/USA et de la guerre en Afghanistan en définissant une position spécifiquement européenne

4. Apprendre à travailler de manière indépendante et constructive avec les nouveaux acteurs clés du monde d'après la crise : Chine, Inde, Brésil et Russie notamment.

L'incertitude sur la qualité du leadership européen : limite de l'anticipation pour l'UE en 2010 Avant d'aborder plus en détail les quatre contraintes, attardons-nous sur le phénomène modulateur qui amplifiera ou au contraire réduira l'impact des décisions européennes, à savoir l'état du leadership politique de l'UE. En effet, selon sa compréhension des enjeux et son aptitude à décider souverainement des réponses à apporter, les tendances de fond identifiées par LEAP/E2020 se traduiront par des réponses efficaces ou, à l'inverse, des habillages cosmétiques destinés à faire illusion.

On peut avoir en 2010 des mascarades semblables à celle sur les bonus lors du récent sommet du G20 à Pittsburgh17. A cette occasion, les dirigeants européens, notamment MM. Sarkozy, Brown et Mme Merkel, ont démontré une incompétence qui n'a d'équivalent que leur inconséquence : le montant des bonus des traders, leur grande affaire pour ce sommet, n'est qu'un effet secondaire des problèmes fondamentaux dont se nourrit la crise. Ainsi les dirigeants européens, au lieu de s'attaquer aux problèmes stratégiques (nouvelle monnaie de réserve à la place du Dollar, contrôle effectif des bilans des banques, « nettoyage » des principales places bancaires et réorganisation des institutions internationales) se sont contentés d' « amuser la galerie » avec leur revendication sur les bonus (qui sera contournée allègrement par les milieux financiers), tout en se faisant manipuler par Washington qui a réussi à imposer sa propre réforme des fonds propres bancaires au bénéfice des banques US18. L'incompétence, c'est de s'être fait roulé par Washington19. L'inconséquence, c'est de se tromper de priorités en choisissant le démagogique (les bonus) au détriment du pédagogique (Dollar, contrôle des banques,...).

17 Nos lecteurs auront remarqué que LEAP/E2020 n'a pas fait d'état particulier du sommet du G20 de Pittsburgh, pas plus avant qu’après sa tenue. C'est pour une raison très simple : nous estimons depuis l'occasion manquée du Sommet de Londres que ces réunions du G20 n'ont qu'une valeur médiatique, sans aucune aptitude à traiter le fond des causes et des conséquences de la crise.

18 Il serait intéressant de savoir si les Bons du Trésor US ou les Gilts sont encore des actifs solides ? Pour ce qui est du débat sur les fonds propres et la décision du G20, la lecture des trois articles ci-après donne des points de vue très différents. Sources : SeekingAlpha, 24/08/2009 ; Financial Times, 07/09/2009 ; Le Vif, 04/09/2009

19 Non seulement aucune décision contraignante n'a été pris sur les bonus mais , en plus, les banques européennes ont dû organiser à la va-vite des levées de capitaux pour respecter les nouvelles règles sur les fonds propres qui avantagent les banques américaines puisque l'assiette de calcul de ces fonds propres est beaucoup plus laxiste aux Etats-Unis.

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Au-delà de cet exemple éloquent, les derniers mois ont largement prouvé qu'aucun leader politique européen actuel n'avait l'envergure pour comprendre et encore moins affronter les difficiles choix collectifs que la crise génère. Angela Merkel fait désormais figure de « visionnaire »20 comparée à l'inconsistance du trio Sarkozy/Brown/Berlusconi, mais elle n'a, hélas, aucune vision européenne à faire partager. Les dirigeants de pays plus petits sont absents de la scène et ne parviennent pas vraiment à peser dans une crise où le poids économique, commercial et financier détermine tout.

Evolution du taux de chômage européen (2000 – 09/2009) (en gris : zone Euro ; en noir : UE) -Source : EuroStat, 10/2009

Ces derniers temps paradoxalement, c'est plutôt du côté des technocrates que les Européens peuvent espérer avoir de bonnes surprises. La Banque Centrale Européenne est sortie grand vainqueur de la compétition entre banques centrales. Elle qui apparaissait comme fragile et impuissante il y a seulement deux ans est désormais la plus écoutée. C'est aussi la seule (certes parce qu'elle n'en a pas le pouvoir) qui ne passe pas son temps et son argent à racheter les obligations émises par son gouvernement21. A l'image de l'Euro, elle est ressortie plus forte de cette première étape de la crise.

Cependant, des risques pèsent sur cette aptitude de la BCE à incarner un intérêt européen spécifique. En effet, dans deux ans, le mandat de Jean-Claude Trichet arrivera à échéance et déjà, à Washington comme à Londres, on s'active pour essayer de faire nommer un « meilleur » gouverneur des intérêts financiers et monétaires européens. Face à une candidature assez naturelle d'Axel Weber, actuel patron de Bundesbank, et adepte d'une vision proprement européenne de la conduite de la BCE, on voit apparaître le nom de Mario Draghi, actuel patron de la Banque centrale italienne et, surtout, … ancien de Goldman Sachs dont il fut un vice-président pour l'Europe de 2002 à 2005. Sans s'engager plus avant dans ce débat à ce stade, l'équipe de LEAP/E2020 souhaite néanmoins recommander aux dirigeants européens d'interdire systématiquement l'accès de toute fonction stratégique européenne aux anciens de Goldman Sachs22. On a vu comment cette institution financière a infiltré tout l'appareil de pouvoir aux Etats-Unis, il faut prendre un soin radical pour empêcher une telle situation en Europe.

20 C'est déjà un signe que les attentes en matière de leadership politique sont tombées bien bas. N'oublions pas que, contrairement aux commentaires médiatiques, elle n'a pas gagné les récentes élections allemandes (la CDU a reçu beaucoup moins de voix qu'il y a 4 ans) : c'est le parti d'opposition, le SPD, qui s'est effondré sur fond d'abstention croissante et d'émiettement au profit des petits partis.

21 La Fed a ainsi acheté plus de 50% des bons du Trésor US au 2° trimestre 2009. Source : GreenFaucet, 21/09/2009

22 A propos du rôle des banquiers dans cette crise, il peut-être utile de lire l'excellent livre d'Eric Laurent sur ce sujet, intitulé la

« Face cachée des banques ».

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Toujours est-il que la BCE peut être créditée pour 2010 d'une volonté ferme de défendre l'intérêt européen. Il n'en est pas de même à la Commission européenne, où la re-nomination de Manuel Barroso constitue le maintien d'une Commission européenne plus préoccupée par la défense de l'intérêt transatlantique que par celui des 500 millions d'Européens.

Bien entendu, au moment où la ratification définitive du Traité de Lisbonne s'approche, il est important de considérer le fait qu'il est possible que Tony Blair devienne le premier président de l'UE. Un tel choix affaiblirait bien évidemment fortement la capacité de l'UE à défendre ses intérêts par rapport aux Etats- Unis et génèrerait un grave affaiblissement politique interne de l'UE puisque les opinions publiques européennes y verraient, sans aucun doute pour notre équipe, une trahison pure et simple de l'intérêt européen23.

En résumé, du côté de la BCE et probablement de la plupart des administrations centrales (Finances, Affaires étrangères, Economie) des pays de la zone Euro, les ressources humaines devraient être à la hauteur des défis stratégiques de l'année 2010. On peut y ajouter Angela Merkel, mais pas de manière pro-active, plus comme une « résistante » à la pression de l' « ami américain » et comme une

« servante » des intérêts économiques allemands qui ont fait une croix sur les Etats-Unis au profit de l'Asie et de la Russie.

En revanche, Sarkozy/Brown/Berlusconi vont être des handicaps majeurs pour l'affirmation des intérêts européens au cours de l'année à venir. Outre le fait qu'ils n'ont aucune vision stratégique européenne particulière24, ces trois dirigeants risquent de rencontrer de graves problèmes politiques dans leurs pays respectifs d'ici l'été 2010 :

Berlusconi s'empêtre de plus en plus dans ses problèmes de mœurs et s'aliène chaque jour un peu plus ses anciens alliés (comme l'Eglise catholique) tout en étant désormais passible d' « enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon » pour paraphraser le titre du film d'Elio Petri.

Brown est déjà donné perdant de l'élection britannique du Printemps 2010 et, dans tous les cas, il est dorénavant sur la défensive.

Quant à Sarkozy, après avoir, comme Brown, bénéficié d'un effet « lutte contre la crise » au tournant des années 2008/2009 alors qu'il était lui aussi en chute libre dans les sondages, on constate le retour d'un profond rejet de l'opinion publique française du fait de l'inefficacité des mesures anti-crise, d'une part, et d'une série d'erreurs politiques concernant ses proches, d’autre part25. Les prochains mois risquent de s'avérer de plus en plus difficiles pour le président français sachant que, paradoxalement, cela pourrait néanmoins servir, par opportunisme, une défense brutale des intérêts européens. Mais rien n'est moins sûr puisque son entourage est profondément ancré dans une vision « occidentale », et donc pro- Washington, de l'UE, et qu'il pourrait choisir comme Brown ou Obama une fuite en avant budgétaire.

Ces précisions sur les ressources humaines politiques et technocratiques étant apportées, il n'en reste pas moins que des tendances lourdes s'affirment qui vont pousser l'UE à prendre brutalement ses distances avec l' « allié américain ». Les entreprises (étouffées par l'Euro trop fort) et les syndicats (radicalisés par une situation sociale fortement dégradée) y pousseront, tandis que même les banquiers, désormais en compétition ouverte et violente avec Wall Street, n'y seront plus vraiment opposés.

23 Nul besoin de s'étendre sur l'image de Tony Blair dans l'opinion publique européenne : entre le soutien à la guerre en Irak et l'effondrement actuel du modèle ultra-libéral de société qu'il a promu au Royaume-Uni, il incarne aujourd'hui ce que les Européens rejettent complètement.

24 Brown est un parfait insulaire pour qui l'Europe est une source de problèmes. Berlusconi se moque de l'Europe comme de sa première call-girl. Et Sarkozy n'y voit qu'une prothèse pour essayer de se hausser à la taille des dirigeants américain, chinois ou russe. Peu d'espoir donc de leur côté.

25 L'actuelle polémique sur la nomination de son fils de 23 ans à la tête de l'Etablissement Public d'Aménagement de la Défense (EPAD), plus important organisme d'aménagement de zone de bureaux d'Europe, n'en est que le dernier épisode en date. Mais, pour nos chercheurs, il peut représenter un moment d'accélération des problèmes politiques, sur fond de crise, pour un président déjà impopulaire. Pour plus d'information, voir ce reportage de France 24 du 13/10/2009.

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Evolution du cours du baril de Brent en Euro (bleu) et en Dollar US (vert) (1999 – 08/2009) - Source : AerobarsFilms, 09/2009

Faire face à la rupture du système monétaire fondé sur le Dollar et éviter de se retrouver sans recours devant la perspective d'1€=2$

Comme l'ont souligné récemment les économistes de Natixis, sans les achats massifs de Dollars effectués par la BCE, l'Euro serait déjà à plus de 2 Dollars26. Et cette analyse a été réalisée il y a quelques semaines, avant l'accélération de la fuite hors du Dollar US que nous connaissons actuellement27. Le problème, déjà largement anticipé par LEAP/E2020 depuis 2006, est dorénavant une dure réalité pour toutes les grandes économies exportatrices de la planète (UE, Chine, Japon) : comment éviter une asphyxie de leur économie du fait de l'appréciation de leur devise face à un Dollar US en pleine déroute ? Pour l'Union Européenne, et surtout pour la zone Euro, cette question va devenir un problème économique, social et donc politique majeur d'ici la fin 2009. Et 2010 sera l'année où les dirigeants européens devront trouver une solution faute de se condamner à perdre les élections sur fond d'accélération des faillites d'entreprises exportatrices et du renforcement de la hausse du chômage sans parler des effets déstabilisateurs des hausses des prix de l'énergie et des matières premières libellés en Dollars28. Que ce soit par des négociations secrètes avec les pays producteurs et les autres grandes économies exportatrices, ou ouvertement, lors des réunions du G20, du FMI ou de l'ONU, les dirigeants européens ne pourront pas faire mine d'ignorer le problème bien longtemps. On assiste bien à l'entrée de plain-pied dans la dislocation géopolitique globale. Les anciennes solidarités se brisent sur les nouveaux rapports de force qui émergent.

Le Royaume-Uni qui a traditionnellement joué le rôle de relai de Washington au sein de l'UE, est aujourd'hui doublement dépourvu d'influence : d'une part, le Royaume-Uni n'appartient pas à la zone Euro ; d'autre part, le pays est dans un tel état de faiblesse économique, monétaire et financière qu'il dépend en fait de plus en plus du bon vouloir de la zone Euro. Il est même concevable que l'arrivée des Conservateurs au pouvoir sur fond de crise historique les conduise, ironie de l'Histoire, à solliciter l'entrée dans la zone Euro pour sauver le pays (qui est techniquement déjà dans une situation budgétaire dont le FMI devrait se saisir en temps normal)29.

26 Plus exactement, sur une base de 1€=1,30$, si les banques centrales cessaient d'acheter massivement du Dollar US, l'Euro passerait à 1€=2,18$. Avec un Euro à 1,50, et des banques centrales qui continuent à intervenir, c'est vers 1€=2,50$ qu'il faut dorénavant s'orienter. Source : Natixis, 22/09/2009

27 Avec un taux de chômage américain dont même le patron de la Réserve fédérale d'Atlanta reconnait désormais qu'il est en réalité à 16%, plus personne ne parie un Dollar sur la reprise américaine dans un avenir prévisible. Source : France 24, 26/08/2009

28 Source : Bloomberg, 13/10/2009

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On est par conséquent dans un schéma très propice à l'affirmation d'un intérêt européen propre incarné en fait par celui de la zone Euro30. La stratégie des Européens (menée probablement en secret pour éviter de se heurter immédiatement à Washington) va donc consister à négocier en 2010 deux évolutions fondamentales :

. la sortie des monnaies asiatiques (Chine, Corée, Thaïlande,...) et pétrolières (surtout du Golfe persique) hors des pegs Dollars qui les conduisent actuellement à systématiquement suivre le Dollar dans son déclin face à l'Euro ou au Yen ;

. l'harmonisation des évolutions respectives de l'Euro, du Yen, du Yuan, du Rouble et du Real.

L'article de Robert Fisk, mentionné en introduction de ce GEAB, à propos des négociations secrètes sur la devise de facturation du pétrole des pays du Golfe ne fait que refléter des discussions nécessaires, donc nécessairement en cours à des niveaux protocolaires divers (officieux ou secondaires encore à ce stade)31. Le refus des Etats-Unis d'orchestrer cette évolution (une grave faute historique de la part d'Obama comme nous l'avons déjà souligné) impose aux autres acteurs qui ne peuvent plus accepter le statu quo du fait de ces effets dévastateurs, de devoir discuter du sujet en cachette. Loin d'être stabilisatrice, cette méthode accroît tous les risques de dérapage du système monétaire international actuel : il suffit en effet qu'un acteur important prenne peur d'être mis devant un fait accompli ou gère mal sa communication pour que tout se précipite. Une chose est néanmoins certaine : du fait de la nature de l'Euro qui aujourd'hui est la seule alternative monétaire au Dollar US et du fait de son statut de première puissance économique et commerciale du monde, l'UE, et la zone Euro en particulier, sont au codeur de toutes les discussions pour s'affranchir du Dollar. On peut d'ailleurs anticiper pour 2010 une participation européenne au prochain sommet des BRIC, qui sanctionnerait une telle évolution. Les Européens adorent les réunions internationales : ils y nagent comme des poissons dans l'eau !

Graphique : Evolution comparée des exportations des principales puissances commerciales sur les 6 premiers mois de chaque année (1997-2009)

Tableau : Montant des exportations au premier semestre 2009 / Evolution par rapport à 2008 Source : Global Trade Atlas / New York Times, 10/2009

29 Mais, contrairement à notre anticipation, le refus des dirigeants mondiaux de traiter la crise à la racine les conduit à laisser les pays les plus visibles faire « n'importe quoi », sans les sanctionner d'aucune manière. A l'heure actuelle, le Royaume-Uni se finance essentiellement grâce à la planche à billets sans que cela ne provoque la moindre conséquence sérieuse. Pour LEAP/E2020, cet état de fait « extraordinaire » ne pourra pas durer bien longtemps. On a vu l'année dernière comment le « retour du Dollar » ne fut qu'un épisode de quelques mois. Pour le Royaume-Uni et la Livre sterling, on est dans une configuration identique.

30 Depuis les débuts du GEAB en 2006, notre équipe a souligné que progressivement la zone Euro allait s'imposer comme le noyau

« décideur » de l'UE. 2010 devrait voir une étape franchie.

31 Les intérêts objectifs des Etats ne laissent aucun doute là-dessus : « nécessité fait loi » dit le vieux dicton.

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Eviter l'explosion des déficits budgétaires à la mode américaine et britannique

Sur ce point, la situation devient pressante en Europe, et surtout dans la zone Euro. Entre des pays latins, et notamment la France, qui s'enfoncent sans vergogne dans les déficits publics abyssaux, et une Europe germanique qui tente de maintenir ses équilibres budgétaires, les tensions vont s'aggraver brutalement en 2010. La montée croissante du chômage va pousser tout le monde à maintenir les exceptions au Pacte de Stabilité (partout il va falloir accroître les durées d'indemnisation, comme nous l'avions anticipé il y a plus d'un an), mais Berlin et l'Europe du Nord vont demander des garanties à Paris et aux Européens du Sud.

La France sera un acteur crucial de ce débat. Si Nicolas Sarkozy maintient sa politique de déficits incontrôlés32, Angela Merkel n'aura d'autre solution que de clairement menacer d'une rupture du pacte sur l'Euro. Cela devrait suffire à faire rentrer la France dans les clous car personne à Paris n'a envie de revenir au Franc, surtout en pleine crise monétaire mondiale. Le Président Sarkozy agissant essentiellement en fonction des lignes de moindre résistance, un ton ferme et brutal de l'Allemagne permettra de trouver très vite un compromis acceptable pour Européens du Nord et du Sud. Et, qui sait, pendant quelques mois, peut-être cela permettra-t-il d'enrayer la hausse de l'Euro par rapport au Dollar.

Cela conduira aussi à mettre collectivement en musique les incontournables hausses d'impôts, notamment sur les hauts revenus et les revenus du capital. La crise provoque un glissement progressif de l'agenda politique européen vers la gauche en matière économique et sociale (en tout cas dans les déclarations politiques sinon dans les actes). On le voit avec l'affirmation systématique de l'importance du système de protection sociale, et l'abandon du discours ultra-libéral et des baisses d'impôts33. Le recours à l'impôt à la place des déficits et des emprunts va connaître en 2010 une mode identique : la France paraît là encore en retard d'une guerre, mais c'est dans les habitudes des élites du pays. Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, Suède … tout le monde s'y met. Et 2010 marquera donc une rupture dans l'histoire fiscale européenne de ces trois dernières décennies.

Evolution du déficit public de la France (en % du Produit Intérieur Brut) (1959 – 2009) - Source : Idé / Reuters, 14/10/2009

32 Déficit prévu de 140 Milliards Euros pour 2010. Source : Libération, 30/09/2009

33 C'est ce que découvre douloureusement le FDP en Allemagne qui est en train de devoir abandonner ses promesses de baisse d'impôts. Source : Spiegel, 14/10/2009

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Répondre à l'aggravation de la crise Iran/Israël/USA et de la guerre en Afghanistan en définissant une position spécifiquement européenne

Sur ce point, nous serons brefs car un chapitre important de ce GEAB N°38 est déjà consacré au problème de la sortie de crise du nucléaire iranien. Cependant, notre équipe souhaite souligner que 2010 va voir deux crises diplomatico-militaires se dénouer du point de vue européen :

. d'une part, plusieurs membres européens de l'OTAN vont se désengager d'Afghanistan à cette date (Pays-Bas – en Août 2010 - et Italie notamment34), plongeant l'Alliance dans sa plus grande crise depuis sa création puisque les Etats-Unis poursuivent, au contraire, une escalade militaire dans ce pays. Cette situation illustrera par l'exemple le décalage croissant entre les intérêts stratégiques américains et européens.

. d'autre part, le risque croissant d'une attaque israélienne sur les installations nucléaires iraniennes début 2010 va conduire les Européens à constater l'impasse complète de l'actuel processus diplomatique, au- delà du changement de stratégie diplomatique américain. Le problème n'est pas que les américains parlent directement ou non avec Téhéran, le problème est le dialogue de sourd auquel conduit inévitablement l'actuel Traité de Non Prolifération.

Ces deux conflits, vieux d'une décennie désormais, vont trouver en 2010 un épilogue en Europe puisque les Européens vont devoir imaginer autre chose que la poursuite aveugle des intérêts des dirigeants américains ou israéliens en la matière. Sur l’Iran, d'ailleurs, même l'adéquation entre intérêts américains et israéliens n'est plus assurée35. Alors, pour les Européens, là aussi, le temps du choix s'approche rapidement.

34 Sachant que les opinions publiques allemandes, britanniques et françaises sont fortement opposées à l'engagement de leurs pays dans ce conflit. Un changement de leadership politique dans ces capitales ou la montée prévisible des contraintes budgétaires suffiront à faire retirer les troupes présentes en Afghanistan. Sources : Time Magazine, 18/09/2009 ; DutchNews, 07/10/2009 ; NPR, 28/09/2009 ; Independent, 28/07/2009 ; SecretDéfense, 19/08/2009.

35 Source : WorldFocus, 29/09/2009

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Apprendre à travailler de manière indépendante et constructive avec les nouveaux acteurs clés du monde d'après la crise : Chine, Inde, Brésil et Russie notamment

Avec le tiers des voix au FMI, les Européens détiennent la clé de sa réorganisation pour faire de la place aux BRIC. Comme ils ont clairement montré qu'ils refusaient que Washington négocie en leur nom, sans aucun mandat pour ce faire, ils n'ont plus qu'un seul choix : négocier directement avec Pékin, Moscou, New Delhi et Brasilia, car la pression des évènements liés à la crise fait que « ne pas bouger » n'est plus une option.

Le choix des pistes possibles n'est pas très large. En fait, pour éviter un blocage, la seule solution durable consiste faire tomber le droit de véto des Etats-Unis36 (et leur poids de vote à moins de 10%) tout en réduisant à 25% la proportion du droit de vote des Européens. En s'appuyant sur un calcul du poids relatif des économies mondiales sur la moyenne des dix dernières années, et en y intégrant un mécanisme d'évaluation décennale, l'arithmétique devrait utilement appuyer cette évolution. En 2010, quelques considérations appuyées sur le financement du déficit américain permettront de trouver le nécessaire compromis.

Là encore, le rôle des Européens va s'avérer crucial. Non pas parce qu'ils vont affirmer pro-activement une vision des choses, mais parce qu'ils vont réagir aux pressions (des Etats-Unis d'un côté, des BRIC de l'autre).

Le nouveau Japon devrait s'avérer être un allié de poids pour l'UE dans ces négociations car Tokyo souhaite désormais se rapprocher de Pékin et du reste de l'Asie.

Enfin, comme indiqué précédemment, l'accélération de l'Histoire que nous vivons actuellement du fait de la crise systémique, laisse envisager une rencontre UE37-BRIC courant 2010 afin de mettre sur la place publique les nouveaux équilibres mondiaux. Même s'ils n’ont pas eu gain de cause lors du récent sommet du G20 à Pittsburgh, l'unanimité des Européens contre les positions de Washington a été une relative surprise. On peut hélas compter sur la crise, la chute du Dollar et les millions de chômeurs supplémentaires pour « dynamiser » la volonté des Européens en la matière.

Le plus étonnant est que visiblement Chinois, Russes, Indiens et Brésiliens n'attendent que cette opportunité pour travailler ensemble à l'émergence du monde d'après la crise.

36 Actuellement les Etats-Unis bénéficient d'une minorité de blocage au sein du FMI puisqu'il suffit de 15% des voix pour s'opposer à une décision.

37 Même si seuls quelques dirigeants européens y participent : un échantillon des 27 suffit à les représenter tous. C'est une des étranges caractéristiques de l'Union européenne.

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Dislocation géopolitique mondiale - La dissémination nucléaire contrôlée : une urgence pour éviter un prochain conflit direct Israël/Iran

Selon LEAP/E2020, le retour de la question du nucléaire iranien sur le devant de la scène internationale ne doit rien au hasard. Après une année d'interruption du fait de l'implosion de Wall Street en Septembre 2008, toutes les tendances géopolitiques majeures à l'œuvre dans la période qui précédait reprennent le dessus (la reprise de la chute du Dollar US en est un exemple flagrant). Il en est ainsi de la crise du nucléaire iranien qui revient au premier plan des préoccupations géopolitiques mondiales, dans un contexte encore plus volatile qu'il y a 12 mois. En effet, entre temps, les Etats-Unis sont entrés brutalement dans une période d'affaiblissement historique qu'illustre aujourd'hui un nouveau président dont les valses hésitations et l'enlisement progressif dans une multitude de dossiers domestiques et internationaux conduisent les pays impatients à se préparer à forcer le destin, que ces pays s'appellent Iran ou Israël. Pour notre équipe, l'incapacité certaine des Occidentaux à obtenir un arrêt du programme nucléaire iranien d'ici Janvier 2010 va ouvrir une nouvelle fenêtre de tir pour une intervention israélienne directe, dont nous avons déjà expliqué dans des numéros précédents du GEAB qu'elle serait porteuse de chaos régional et mondial.

La stratégie consistant à transformer les impasses en opportunités, il existe un moyen d'utiliser cette crise du nucléaire iranien pour à la fois stabiliser le Moyen-Orient et offrir à la planète plusieurs décennies de stabilité stratégique mondiale. Ce moyen, c'est la transformation du traité de Non Prolifération Nucléaire, devenu entièrement obsolète, en un traité de Dissémination Nucléaire Contrôlée.

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La non-prolifération a échoué

En effet, Européens, Russes et Chinois doivent lancer une réforme profonde du Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP) et de l’ensemble des méthodes et instruments qu’il intègre. Il doit être adapté à la réalité du XXI° siècle et se fonder sur le concept de « Dissémination Nucléaire Contrôlée » (« Controlled Nuclear Dissemination » - CND). Les avancées scientifiques et la baisse des coûts rendent aujourd’hui de plus en plus facile d’accéder à la technologie nucléaire38. De cela découle qu’il est difficile d’opérer la distinction entre les instruments et filières du nucléaire civil et du nucléaire militaire (comme les risques de « bombes sales » l’illustrent). Ceci implique que l’on peut compter aujourd’hui près d’une quarantaine de puissances nucléaires avérées ou cachées et quasi-nucléaires pouvant posséder l’arme nucléaire très rapidement (contre 5 lors de la signature du TNP). De plus, dans un monde qui sait que la dissuasion nucléaire pouvait dans certains cas garantir la paix (Guerre Froide), l’inquiétude majeure est désormais la possession de l’arme nucléaire par des organisations infra-étatiques (terrorisme nucléaire). En bref, le TNP ne marche plus et les tentatives du club occidental nucléaire pour contrôler l'évolution des choses sont vaines depuis au moins deux décennies.

Carte du déploiement des armes nucléaires (Rouge, 5 pays possédant l’arme nucléaire ayant signé le TNP / Orange, autres puissances nucléaires connues / Violet, états ayant possédé l’arme nucléaire dans le passé / Jaune, états soupçonnés

d’être en train de développer l’arme nucléaire et/ou des programmes nucléaires / Bleu, états qui ont eu à un moment donné des armes nucléaires et/ou des programmes nucléaires / Rose, états prétendant posséder des armes nucléaires) - Source :

FuturePresent/TNP, 10/2006

La crise Iran/USA/Israël doit ainsi être traitée comme un moment-clé de la crise générale du système international actuel et en particulier de l’obsolescence de la politique de non-prolifération nucléaire pratiquée depuis 1945. Il marque la fin de l’ordre établi après 1945. Cette crise est une confrontation directe entre deux logiques désormais archaïques : celle des dirigeants iraniens qui ignorent l’intérêt collectif mondial pour se focaliser sur leurs intérêts nationaux à court terme et celle des dirigeants américains et israéliens qui identifient leurs intérêts propres avec ceux du reste du monde. La politique de non-prolifération nucléaire héritée de l’après-Seconde Guerre Mondiale est en crise comme l’illustre le nombre croissant de puissances nucléaires (cf. tableau ci-dessus) qui n’ont pas signé le Traité de Non- Prolifération, la crise actuelle avec l’Iran - pays pourtant signataire du traité, la poursuite - notamment par les Etats-Unis - du développement de nouveaux types d’armes nucléaires comme les « mini-bombes », le rôle non sanctionné du Pakistan en matière de prolifération active, et l’accord récent USA/Inde qui ignore complètement le Traité. Vu ce contexte, et du fait des conséquences très graves d'un éventuel conflit, la crise Iran/USA/Israël ne peut pas être traitée comme un cas particulier. Elle doit être gérée en l’inscrivant dans une vision de long terme, fondée sur de nouvelles méthodes adaptées aux réalités du XXI° siècle.

38 Le président français Nicolas Sarkozy est à lui seul un facteur de dissémination nucléaire puisqu'il passe son temps à essayer de vendre des centrales nucléaires à tous les pays qu'il visite.

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Téhéran et Tel Aviv sont les deux faces d'une même pièce en matière d'armement nucléaire Mais avant d'aborder plus en détail le concept de dissémination contrôlée, revenons brièvement sur le contexte dans lequel se trouve l'Iran. Car pour résoudre un problème, encore faut-il en poser les termes factuellement, hors toute idéologie ou a priori.

Imaginons ainsi les Etats-Unis, sans armes nucléaires, entourés du Mexique et du Canada qui les possèderaient. Ou bien la France encerclée par des pays possédant la bombe atomique (et qui n'auraient signé aucun traité international en matière nucléaire) sans l’avoir elle-même. Combien de temps faudrait-il pour que Washington ou Paris refusent un Traité de non-prolifération39 et se lancent au plus vite dans la construction d’un arsenal nucléaire ? Très certainement moins de temps qu’il n’en faut pour évoquer un tel scénario ! Et Paris comme Washington invoqueraient l’exigence de sécurité nationale pour se justifier et se dégager de tout traité.

Voilà exactement le contexte de la crise iranienne. Téhéran est entourée de puissances nucléaires (Russie, Israël, Pakistan et peut-être l’Arabie saoudite) et, cerise sur le gâteau, depuis trois ans certains de ses plus proches voisins, comme l’Irak, l’Afghanistan ou le Koweït, ont été transformés en bases militaires US.

Alors, même sans un extrémiste à sa tête comme l’actuel président Mahmoud Ahmadinejad, il n’est pas surprenant de voir l’Iran essayer par tous les moyens, et au plus vite, de se doter de l’arme nucléaire. Le contraire eut été étonnant, surtout au vu de la formidable leçon de « real politik » donnée par l’administration Bush qui a prouvé au monde entier qu’un dictateur avec l’arme nucléaire (Corée du Nord) était intouchable alors qu’un dictateur sans arme nucléaire (et avec du pétrole comme en Irak) était une cible de choix. La leçon, l’une des pires qui aient pu alimenter la réflexion internationale ces dernières décennies car évacuant tout autre élément que le simple rapport de puissance brute, a porté. Il est ainsi certain que l'Iran avancera à vitesse grand V dans la voie de la maîtrise de l’arme atomique afin de

« sanctuariser » son territoire, ainsi que l’a fait la France sous l’impulsion de De Gaulle dans les années 60 et Israël dans les années 1960 également40.

Soyons clair, c’est dorénavant une évolution inéluctable, sauf à détruire l'Iran. L’administration Bush et tous les promoteurs de la guerre en Irak ont, par leur indigence intellectuelle et leur avidité pétrolière, accéléré ce processus. Et ce n'est certainement pas aujourd'hui que les Etats-Unis et l'Occident apparaissent de plus en plus affaiblis et divisés (crise financière, économique, sociale, Afghanistan, …), que l'Iran changera d'avis. Tout comme Israël s'est doté de l'arme nucléaire pour assurer sa survie et renforcer sa position régionale, l'Iran agit de même : Tel Aviv et Téhéran sont les deux faces d'une même pièce en matière d'armement nucléaire.

Ainsi, à part des gesticulations à l’ONU et un éventuel embargo à portée très limitée, Washington, Paris, Londres et Berlin n’y pourront rien. Trop tard. Russes et Chinois ont désormais d'autres intérêts et un poids infiniment plus lourd. On ne refait pas l’Histoire41. En revanche, on peut choisir collectivement de sortir d'une impasse en ouvrant un nouveau chemin : dans notre cas, en tournant la page d'une politique de « non-prolifération nucléaire » désormais dépassée et inefficace, pour s'engager sur le chemin d'une politique de « dissémination nucléaire contrôlée » qui, notamment, permettra de garantir leur sécurité à l'Iran comme à ses voisins par un exercice contrôlé de dissuasion régionale.

39 Alors que l'Iran ne rejette pas du tout le Traité qu'il a signé, à la différence d'Israël, du Pakistan et de l'Inde.

40 Les deux pays coopérèrent d'ailleurs pour le développement de la bombe israélienne. Source : Federation of American Scientists, 08/01/2007

41 Les belles phrases creuses de Barack Obama sur la suppression des armes nucléaires illustrent à nouveau combien ce président est totalement déconnecté des réalités géopolitiques (à moins que cela n'ait été qu'un moyen d'obtenir à peu de frais un prix Nobel de la Paix?) dont la principale est que c'est précisément grâce aux armes nucléaires que la crise mondiale actuelle n'a pas déjà tourné à une série de conflits ouverts (comme cela avait déjà été le cas lors de la confrontation américano-soviétique). Hélas cet état d'esprit éloigne les Etats-Unis d'une contribution réaliste à la refonte du TNP.

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Vers un Traité de Dissémination Nucléaire Contrôlée

Le nouveau TNP, le traité CND, doit aussi s’inspirer des évolutions réalisées dans l’ordre international depuis les années 60, avec trois pistes de réflexion prometteuses :

- traiter le développement des nucléaires civil et militaire comme un tout. L’accès au Club Nucléaire ne doit donc plus avoir comme objectif d’empêcher le développement du nucléaire militaire en accordant l’autorisation de développer le nucléaire civil, mais bien de convaincre de l’inutilité du développement du nucléaire militaire ou de l’encadrer pour l’intégrer à un équilibre de dissuasion régionale ou globale dans le cas contraire.

-

définir des règles d’accès au « Club Nucléaire » fondé non pas sur une approche arbitraire des puissances déjà membres du Club mais sur un processus transparent d’adhésion comprenant des règles claires et internationalement reconnues et un contrôle multilatéral de leur respect une fois membre du club. Les exemples du processus d’adhésion à l’Union européenne ou à l’Organisation Mondiale du Commerce peuvent utilement servir d’inspiration pour la définition d’un « acquis politico-nucléaire » qui définisse les conditions d’accès au nucléaire dans son ensemble. Parmi d’autres, il faut inclure : la nécessité d’évolutions politiques internes démocratiques – élections libres, contrôle politique des militaires, la signature d’accords régionaux de sécurité liés si possible à des accords de coopération économique et commerciale régionaux.

-

repenser un certain nombre d’hypothèses fondamentales du TNP désormais rendues caduques par l’Histoire. Il faut intégrer la dimension nouvelle de possession d’armes nucléaires par des entités non-étatiques afin de bannir cette possibilité et d’en définir les sanctions les plus strictes possibles. Parallèlement, il faut abandonner l’hypothèse affirmant que l’arme nucléaire est en soi, et en toutes situations, déstabilisatrice. En effet, l’histoire européenne de la 2° moitié du XX°

siècle a apporté la preuve que cette affirmation était fausse. La dissuasion équilibrée peut apporter également la paix quand il est impossible d’obtenir la création de zones non-nucléarisées (ce qui restera néanmoins le premier objectif de toute politique visant à maîtriser le risque nucléaire).

Comme on le voit derrière la crise iranienne se profile ainsi une étape majeure de la transformation du monde déclenchée après la chute du mur de Berlin. Nous sommes toujours en train de sortir du monde créé après 1945, et la crise systémique globale accélère cette évolution. Pour trouver le chemin du « monde d'après », nous avons le choix entre l’arrogance aveugle d’Achille et l’intelligence affûtée d’Ulysse, entre une non-prolifération qui n'est que l'exercice de plus en plus virtuel d'un pouvoir illégitime fondé sur un préjugé, et une dissémination contrôlée qui vise à intégrer lucidement la réalité pour faire appliquer des règles acceptables par tous les acteurs concernés. Pour LEAP/E2020, essayer d'éviter les pires conséquences de la dislocation géopolitique mondiale en cours, c'est aussi faire preuve d'audace dans le domaine du nucléaire. Le paradoxe, mais il n'est qu'apparent, c'est que c'est certainement le meilleur moyen de garantir la sécurité d'Israël et de tout le Moyen-Orient : la dissuasion nucléaire est un facteur d'équilibre largement testé au XX° siècle qui a empêché des conflits qui, sans la menace de ces armes, auraient sans aucun doute eut lieu.

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3- Focus

Le risque-pays (2009-2014) à l'intersection des deux phases terminales de la crise, phase de décantation et phase de dislocation géopolitique mondiale - Cinq groupes de pays aux évolutions très différentes

Dans ce GEAB N°38, notre équipe présente la mise-à-jour annuelle de son « risque-pays » face à la crise.

Fondée sur une analyse intégrant neuf critères, cet outil d'aide à la décision a déjà fait preuve de sa pertinence en anticipant fidèlement les évolutions des douze mois passés (voir GEAB N°28).

L'identification, début 2009, d'une nouvelle phase de la crise (la phase de dislocation géopolitique mondiale) a imposé de prendre en compte de nouveaux paramètres pour intégrer efficacement les tendances qui refaçonnent le système global42. Nos travaux nous permettent ainsi de continuer à présenter des anticipations du « risque-pays » sur la période 2009-2014, en adaptant les catégories à l'évolution de la crise, via cinq groupes de pays caractérisés par un impact différencié de la crise systémique globale.

En effet, si les trois premières phases de la crise étaient essentiellement communes à l'ensemble de la planète, puisqu'elles affectaient le même système global issu de l'après 1945 et de l'après 1989, la quatrième et la cinquième phases se déroulent de façon très diverse selon les pays et la nature de l'impact que la crise a eu sur eux. Le choc fut commun mais les réponses et les parcours à venir divergent désormais de plus en plus. Ils constituent d'ailleurs le processus de réorganisation du système global et préfigurent les nouveaux équilibres qui vont se mettre en place au cours de la décennie prochaine. Face à cette réorganisation chaotique du monde, il existe indiscutablement un « risque-pays » spécifique, qui permet d'anticiper quels sont les pays qui vont « bénéficier » de la crise ou bien « perdre » à cause d'elle.

Pour nos chercheurs, l'ampleur des conséquences de la phase d'impact de la crise sur les différents pays de la planète est ainsi fonction de leur degré de résistance à l'explosion du « détonateur financier » (depuis près de deux ans) et de leur aptitude à amortir le choc social qui est, depuis un peu moins d'un an, au cœur des conséquences économiques de la crise. Plus un pays est « immune » face à ces deux chocs, mieux il traversera la période à venir. LEAP/E2020 a donc étudié la situation des principaux pays et des grandes régions de la planète en fonction de 9 critères précis permettant de mesure le degré d'exposition :

2. Part du secteur financier dans l'économie 3. Part des services dans l'économie 4. Degré d'endettement des ménages

5. Degré d'incertitude sur la qualité des actifs du système financier et des ménages

6. Montant relatif des déficits publics (toutes collectivités publiques cumulées, y compris comptes sociaux)

7. Montant relatif des déficits extérieurs (commerciaux et paiements) 8. Part des retraites par capitalisation dans l'ensemble des retraites du pays 9. Faiblesse du « filet social »

10. Dépendance structurelle envers la demande extérieure.

42 Dès le début 2006, dans le GEAB N°5, l'équipe de LEAP/E2020 avait indiqué que la crise systémique globale se déroulerait suivant 4 grandes phases. « Une crise systémique globale se développe selon un processus complexe qu’on peut découper en quatre phases pouvant se chevaucher : une première phase dite « de déclenchement » qui voit soudain tout une série de facteurs, jusqu’alors disjoints, converger et se mettre à interagir, et qui reste essentiellement perceptible pour les observateurs attentifs et les acteurs principaux ; une deuxième phase dite « d’accélération » qui est caractérisée par la prise de conscience brutale par la grande majorité des acteurs et observateurs que la crise est bien là car elle commence à affecter un nombre rapidement croissant de composantes du système ; une troisième phase dite « d’impact » qui est constituée par la transformation radicale du système lui- même (implosion et/ou explosion) sous l’effet des facteurs cumulés, et qui affecte simultanément l’intégralité du système ; et enfin, une quatrième phase dite de « décantation » qui voit se dégager les caractéristiques du nouveau système issu de la crise. », Source GEAB N°5, 15/05/2006.

Début 2009, dans le GEAB N°32, l'équipe de LEAP/E2020 a identifié une cinquième phase de la crise, dite de dislocation géopolitique mondiale, qui débute en cette fin d'année 2009, suite à l'échec du G20 à lancer un processus crédible de mise en place d'un nouveau système international, notamment dans le domaine monétaire. Cette nouvelle phase est bien entendue intégrée au nouveau calendrier anticipatif présenté dans le GEAB N°38.

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En évaluant les performances des pays pour chacun de ces neuf critères43, notre équipe a identifié cinq grands groupes de pays, qui n'ont souvent que peu de rapports géographiques entre eux, mais dont les profils face à la crise sont particulièrement proches. Afin de faciliter la lecture des résultats, LEAP/E2020 a choisi de les présenter dans ce GEAB N°38 sous forme visuelle en présentant d'une part une carte du monde regroupant les pays selon cinq zones colorées et, d'autre part, un graphique temporel pour la période 2009-2014 mettant à jour nos anticipations. Les explications plus détaillées sont à la suite de chaque graphique.

Carte 2009 du risque-pays face à la crise - Source LEAP/E2020, 10/2009

. Le groupe 1 (en rouge) regroupe les pays pour lesquels l'évaluation globale des neuf critères montre une exposition majeure à l'ensemble des conséquences de la crise (au-dessus de 30). On y trouve notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Islande, la Lettonie ou l'Argentine.

. Le groupe 2 (en orange) rassemble les pays pour lesquels cette évaluation indique une exposition importante (entre 25 et 30), comme c'est notamment le cas du Mexique, de l'Espagne et de la Turquie.

. Le groupe 3 (jaune) intègre les pays qui ont obtenu un résultat entre 20 et 25, comme par exemple la France, l'Italie, la Russie, le Canada, la Suède ou l'Australie.

. Le groupe 4 (vert) regroupe les pays dont le score est situé entre 15 et 20, comme l'Allemagne, la Norvège ou le Brésil.

. Le groupe 5 (étoiles mauves) indiquent les pays les plus susceptibles d'être frappés dans les douze mois à venir par des vagues de violences (internes ou externes), conséquences de la dislocation géopolitique mondiale.

. Les pays laissés en blanc sont ceux pour lesquels notre équipe a jugé ne pas avoir assez d'informations pertinentes pour effectuer une anticipation fiable.

43 Cette évaluation est symbolisée par une notation de 1 à 5 (plus faible au plus fort) pour chaque critère ; ensuite, LEAP/E2020 a établi cinq groupes rassemblant les pays ayant réalisé des scores proches. Le score maximum possible est donc de 45 et le minimum possible de 5.

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Pour ce qui est du déroulement temporel de la phase de sortie de la phase de décantation, LEAP/E2020 a tenté de quantifier la durée des quatre séquences de cette phase, à savoir les crises financière, économique, sociale et politique. Ci-dessous nous présentons nos anticipations pour chacune des cinq zones identifiées précédemment.

Comme l'année dernière, l'évaluation de la durée de chacune des quatre séquences a été effectuée en fonction de trois critères précis :

1. L'ampleur des conséquences anticipées par LEAP/E2020 pour chacune des zones concernées.

Ainsi, plus une zone regroupe des pays pour lesquels les conséquences de la crise sont lourdes, plus la durée de « sortie de crise » est longue.

2. L'existence ou non d'une forte crise sociale et d'une forte crise politique. Ces deux types de conséquence vont en effet considérablement allonger la durée de la « sortie de crise » car elles vont d'une part ralentir tous les processus décisionnels et aggraver les difficultés du pays ; et, d'autre part, elles impliquent la nécessité pour le pays concerné de trouver un nouvel équilibre politico-social (ce qui est un exercice en général long et douloureux).

3. Le degré de préparation des élites (et dans une moindre mesure des opinions publiques) du pays concerné à faire face à de profondes remises en cause du système actuel. Moins elles sont préparées, plus la recherche de solutions efficaces sera longue.

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