QUELQUES FACTEURS DE LA PRODUCTIVITÉ QUANTITATIVE ET QUALITATIVE DES
ESSENCES CHEZ LES LAVANDES (LAVANDULA TOURN.) ( 1 )
E. BARBIER
Station
expérimentale
d’Agruinieullure,Centre de Recherches
agronomiques d’Alg,frie, Boufa y ih (Algérie)
PLAN DU
MÉMOIRE
Introduction I.
Historique
II. Matériel végétal
III. Extraction des essences à la vapeur d’eau
IV. Évolution des rendements et de la
qualité
des essences au cours de lavégétation
V.
Conséquences
diverses dubutinage
des abeilles VI. Discussiongénérale
Conclusions
INTRODUCTION
Les lavandes sont des
plantes spontanées
de la flore méditerranéennequi
onttoujours
faitl’objet
d’une cueilletteplus
ou moinsimportante.
C’est vers rgr2 que les
premiers
essais de culture de lavande vraie furent entre-pris.
Maisdepuis trente-cinq
ans la découverted’hybrides
naturels à fort rendement donna à ces cultures uneimportance
considérable dans lesdépartements
du sud estde la France et
plus particulièrement
dans celui desBasses-Alpes
où elles couvrent,sur le
plateau
deValensole,
d’immenses surfaces.Parallèlement au
développement
de la culture deslavandins,
dont les innom- brables fleurs offrent aux abeilles un abondant nectar,l’apiculture
locale a suiviune
progression
constante ; mais cetteprogression
s’est étendue aussi àl’apiculture
des
régions
voisinesqui, grâce
à lapratique
de la transhumance desruches,
a pu bénéficierégalement
de cetteprovende.
La
transhumance, principalement
sur les cultures deLavandins,
est siimpor-
tante
qu’il
n’en n’existe pas decomparable
en France. Elle a pourconséquence
deprovoquer localement un
grand
rassemblement de ruches cequi, jusqu’à
ces dernierstemps,
n’avait pas soulevé de difficultésmajeures.
( 1
) Thèse d’Université soutenue à la Faculté des Sciences de l’Université de Paris, en juin 1902.
Toutefois en 1955,
peut-être
à cause de laplus
forte densité des ruches ou àcause de la venue de nouveaux
apiculteurs
ne connaissant pas les habitudeslocales,
certains lavandiculteurs ont cru devoir rendreresponsables
lesabeilles,
des diminu- tions de rendement en essence de leurs cultures.Cette
interprétation
d’un fait malheureusementtrop vrai,
mais dû en réalité à une toute autre cause que lebutinage
desabeilles,
était mêmeaccompagnée
dechiffres ;
c’est ainsi que des diminutions de rendement allant de 7 à 10 pour cent et mêmejusqu’à
30 pour cent étaient avancées sansqu’à
notre connaissance ceschiffres aient été obtenus par des essais
régulièrement
conduits.Néanmoins ces rumeurs avaient
provoqué
des réactions assez vives de lapart
deslavandiculteurs,
réactionsqui
s’étaient traduites par l’envoi auxapiculteurs
de
correspondances
destinées à leur interdire detransporter
leurs ruches sur le terri- toire de certaines communes.C’est au cours d’une réunion de la Société
d’Apiculture
du Var tenue àBrignoles
en mars
195 6,
que nous avons eu connaissance de ceproblème
siparticulier
desrapports
entre lesplantes
et les abeilles.Sans vouloir
porter
ces interdictions sur leplan juridique
où elles font quereprendre
l’éternelopposition
des droits des nomades face aux droits dessédentaires,
nous avons voulu
envisager
ceproblème
sur unplan
essentiellementtechnique.
La thèse des
apiculteurs,
au cours de la réunion deBrignoles,
était que le miel de lavandinn’ayant
pas l’odeur del’essence,
les abeilles neprélevaient
pas d’essence et, de cefait,
ne causaient aucun mal aux récoltes.Cette action directe devant être
écartée,
car il est exact que le miel de lavandinne sent pas l’odeur d’essence de
lavandin,
restait lapossibilité
d’une action indi- recte. Eneffet,
nous avions pu remarquer au cours d’études sur la sécrétion necta- rifère que,lorsque
les fleurs de lavandin étaient butinées par lesabeilles,
les corolles restaientépanouies pendant
2 à 3jours
alors que si les fleurs sontprotégées
de lavisite des insectes les corolles restent
épanouies pendant
12 à 13jours.
Or, quelle pouvait
être l’influence du raccourcissement de la vie de la corollesur l’accumulation de l’essence dans la
plante ?
Si pour les arbres fruitiers et pour l’ensemble des
plantes
àpollinisation
entomo-phile,
le rôle trèsimportant
des abeilles est bien connu, encore que souvent sous-estimé,
il faut bien reconnaître que nos connaissances sur lesconséquences
de lapollinisation
chez uneplante
àparfum
et par surcroîtstérile,
comme l’est le lavan-din,
étaient tout à fait insuffisantes pourpouvoir répondre
à laquestion.
Aussiavons-nous
proposé
que desexpériences
soienttentées,
cequi
futaccepté.
Pour l’avenir de
l’Apiculture
dans le sud-est de laFrance,
uneréponse négative
à la
question
ainsiposée
étaitlargement
suffisante. Mais dupoint
de vue de labiologie végétale,
uneréponse positive, qu’il
y aitaugmentation
ou diminution durendement, présentait
uneimportance qu’il
n’estpas
besoin desouligner.
Les résultats des
premières expériences
réalisées en195 6
sur lavandins furent si intéressantsqu’ils développèrent
un vif courant de curiosité dans les milieuxagricoles
etapicoles.
Nousreçûmes
à cetteoccasion,
de lapart
des services officiels intéressés et aussi de lapart
des deuxprofessions,
desencouragements
et des concours dévouésqui
nouspermirent
de mener à bien la suite des travaux.Ces
expériences
furentreprises
et étendues ensuite aux lavandes vraies mais elles nous conduisirent aussi à examiner les diversaspects
dudéveloppement végé-
tatif et de la floraison chez les lavandes et lavandins ainsi que l’accumulation des
essences et l’évolution de leurs
caractéristiques physico-chimiques.
Parailleurs,
une étude de la distillation des essences par entraînement à la vapeur d’eau a été
ajoutée
car il n’est paspossible
d’utiliser tout au cours de ce travail unetechnique qui
fournit toutes les données de baseindispensables
sans en connaître lespossibi-
lités et les insuffisances.
Que
notre travail ait pu éclairer d’unjour
nouveaul’important problème
durôle
physiologique
des essences chez les lavandes etapporter
des indicationssur l’évolution de leurs
caractéristiques physico-chimiques, qu’il
ait montré lesconséquences
inattendues de lapollinisation
sur labiologie
florale et sur l’accumu-lation et l’avenir des essences, il ne fera
cependant qu’apporter
unparagraphe
deplus
à lapublication
d’HnMS!,!TOrr( 194 6)
intitulée « Theindispensable Honeybee
».Que
lesApiculteurs
y trouvent la preuvequ’ils pourront
continuer à récolter le miel délicieuxproduit
par les lavandins.Que
les Lavandiculteurs ypuisent
les
renseignements susceptibles
depréciser
le meilleur moment de la coupe, de distil- ler d’unefaçon plus
rationnelle et en définitive de tirer un meilleurprofit
de leursefforts,
et le butprimitivement poursuivi
aura étélargement dépassé.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
:1. - Les
Lavandes, priiieipaleiiieiit
en FranceLes Lavandes sont des
plantes
de la famille des Labiées. Ellesappartiennent
au genre Lavandula
qui
groupe une trentained’espèces,
mais certaines d’entre ellespeuvent
n’être que des variérés ou sous-variétés ou mêmesimplement
des formesvégétatives
d’uneespèce
bien définie.L’aire de
végétation
actuelle du genre LavanduLa s’étend depart
et d’autre de laMéditerranée,
del’Atlantique
à l’AsieMineure ;
elle seprolonge
à l’Estjusqu’aux
Indes orientales et au
Sud,
d’unepart jusqu’en Érythrée, Somalie,
confins Soudano-Égytiens,
d’autrepart jusqu’aux
iles duCap-Vert
et Canaries.Par ailleurs la survivance de deux
espèces
dans leHoggar permet d’envisager qu’à
uneépoque
relativementproche,
les lavandes couvraient unegrande partie
du nord du continent africain alors que le Sahara n’était pas encore transformé
en désert.
C IIAY T
OR
(Citée
parG A T T E FOSS E, Ic!3c!)
subdivise le genre Lavandula en 5 sectionsdont deux seulement intéressent la France :
1
° Section Stoechas avec Lavandula stoechas I,. et
çà
et là L. dentata Ir. en culture ornementale dans lesjardins
du midi.2
° Section
S!ica
avec Lavandula vera DC L.LatifoLia Vill.,
sans oublier leurshybrides désignés
sous le nom de « lavandins ».Du
point
de vue des essences, seule cette 2e section est à retenir.I. - IaAVANDUI,A VERA D. C.
Synonymes =
Lavandulaspica
L.(en partie)
= Lavandulao!cinalis
Chaix= Lavandula
augustifolia
Mill. = Lavandulavulgaris
I,amark.(en partie).
En
français
elle estappelée
lavande vraie ou lavande fine ouplus simplement
« fine ».
Cette
plante
donne par distillation des sommitéesfleuries,
une huile essentielleappelée
Essence de Lavande.Lavandula vera D. C.
présente
ungrand
nombre detypes
assez différents lesuns des autres par leur
développement,
lapilosité
des feuilles et descalices,
la couleur de ces derniers ainsi que descorolles,
la forme del’épi,
etc. sans oublier leparfum
de l’essence..... ..!._--.- .- --- ---.-! -’--T---’-!- --!
Ces nombreux
types morphologiques
ont conduitJ ORDAN
à diviserl’espèce
en Lava!cdula
f yagrans,
à rameauxgrêles, épis
courts, formeramassée,
essence à odeurfine et odorante et en Lavandula
delphinensis,
à rameauxpuissants, épis
fourniset à essence
plus
grasse etplus
riche en esters.Mais FONDARD
( 1922 )
a montré que cette division del’espèce
est artificielle et que les caractèresfragrans
sont ceux queprend
toute lavande dans un sol secalors que les caractères
delfifiinensis
sont ceux de toute lavandepoussant
en sol humide et moins ensoleillé.Cette
espèce
est abondante enFrance, principalement
au sud desAlpes
entre4
00à 500m d’altitude
jusqu’à
r 50o menviron,
mais ces limites sont assezsouples
etc’est ainsi
qu’on
trouve des lavandesprès
de Nice à moins de 100m d’altitude etprès
du col d’Allos aux environs de 2 00o m
2 - I,AVANDUI,A I,ATIFOI,IA VILL
Synonymes —
LavandulaS!ica
I,.(en partie)
= LavandulaS!ica
D. C. = Lavan-dula
vulgaris
I,amark(en partie).
En
français
elle estappelée grande lavande,
lavande mâle par les uns, lavande femelle pard’autres,
ouSpic
et leplus
souventAspic.
Lavandula
latifolia
Vill sedéveloppe
àplus
basse altitude quel’espèce précé-
dente
(du
niveau de la merjusque
vers 600 menviron)
mais ici encore cette limiteest assez relative. La
plante
existe au sud desAlpes ;
elle est abondante dans lesgarrigues
duI,anguedoc,
mais son pays deprédilection
semble êtrel’Espagne.
Comme la
précédente,
cetteespèce
est très variable et on ne cite pas moins decinq
variétés.Du
point
de vue industriel onpeut
en extraire une huile essentielleappelée
huile ou essence
d’As!ic qui
est riche encamphre
et n’estplus
utilisée actuellement.L’aspic
serait donc sansimportance
pour cette étudesi,
parhybridation
avec lalavande
vraie,
il ne donnait les lavandins.- HYBRIDES OU LAVANDINS
Là où les aires de
végétation
des deuxespèces
serejoignent
on voitapparaître
des individus
qui
se caractérisent par leurvigueur,
maisqui morphologiquement
sontassez dissemblables les uns des autres.
G
IRAUD
(r92!) signale
que dans lespopulations
de lavandin les nombreuses formes que l’onpeut
remarquer constituent autant de termes de transition entre letype
Lavan-dacta vera D. C. et celui de Lavandula
latifolia Vill,
mais les lavandins cultivés sont assez voisins de Lavanduta vera D. C. dont il estparfois
difficile de les différencier.Ces individus étaient bien connus des distillateurs et avaient été
remarqués
par les botanistes du siècle
dernier ;
certaines formes avaient étédécrites,
sous desnoms reconnaissant leur
origine hybride :
Leur formation est due à la
pollinisation
croisée résultant dubutinage
des insec-tes et
plus particulièrement
des abeilles.Le sens du croisement semble bien être Lavandula
Lati f olia
X L. vera. C’estd’ailleurs en
pollinisant l’aspic
avec dupollen
de lavande vraie que lesÉtablissements
C
HIRIS
( 1927 ) produirent
pour lapremière
fois des lavandins. Le croisementinverse,
s’il n’est pasimpossible,
est certainement très rare par suite ducycle végétatif
deslavandes vraies
qui
s’arrête en été.Caractères
distinctils
sOn reconnaîtra les
Lavandins
aux caractères suivants :1 - A bsence de
graines.
De nombreux auteurs ont insisté sur ce fait
qui
est bien établi : LAMOTHE( 191 2)
- GIRAUD
( 1927 )
-Établissements
CHIRIS( 19 26)
- IGOLEN(1944).
Seul FONDARD
( 1922 )
affirme avoir rencontré unLavandin produisant
desgrai-
nes, mais IGOLEN
( 1944 )
considèrequ’il
a pu y avoir confusion avec uneLavande vigoureuse.
2 - Forme des bractées de la base des
épillets.
HU MB E R
T cité par FONDARD
(1922)
et FONDARD lui même reconnaissent l’im-portance
des bractées pour caractériser les lavandins. Nous avons pu constater(BARBIER, 19 6 2 )
que lerapport longueur/largeur
de ces bractées varie dans lesproportions
suivantes.5
,8
à6, 7
pour LavandulaLatifolia Vill ;
i à 1,40 pour Lavandula veya D.
C.;
1 , 94
à 2,17 pour les lavandins.
3 - Présence et
f orme
des byactéoles et sous bractéoles à la base des calices.F OND A
RD
( 1922 )
et IGOLEN( 1944 )
considèrent laprésence
de cespièces
comme
caractéristiques
des lavandins. Or ces bractéoles et sous-bractéoles sonttoujours présentes,
aussi bien chez les lavandins que chez lesparents,
bien que de tailleparfois
réduite chez Lavandula vera D. C.(BARBIER 19 6 2 ).
Leur forme est
simple
chezl’aspic,
souvent bifide chez la lavande vraie et chez leslavandins,
mais chez ces derniers la taille estplus développée.
4- Présence
d’é!illets
secondaires à la base del’épi -
Ce caractère retenu par FONDARD
( 1922 ),
IGOLEN( 1944 ),
GATTEFOSSE(1927),
semble être très constant ; on note de 2à 6
épillets
secondaires.5 -
Vigueu y .
C’est ce caractère
qui
a fait attirer l’attention sur les lavandins. Il se manifeste soit par lalongueur
deshampes florales,
soit par leurrobustesse,
maistoujours
onnote une
grande
abondance de calices(BARBIER tg62).
Deplus
lesystème
radiculaire est trèspuissant
etpermet
unevégétation normale,
même par les fortes sécheresses de l’été.6 - Essences
Pour différencier les
plantes
onpeut
rechercher dans leparfum qui
sedégage
desépis
froissés l’odeurcaractéristique
ducamphre,
mais ce caractèresuggestif
estassez difficile à
interpréter
et nepeut
être retenu que par des personnes averties.Le
camphre
est abondant dans l’essence de Lavandulalati f olia Vill,
inexistantou presque dans celle de Lavandula vera D. C. et
présent
enproportion
variable dans les essences des lavandins.7 - Stérilité du
pollen
Les travaux de GAGNE PAIN
( 1901 ),
Diu,EMAN( 1954 ),
montrentqu’une
forteproportion
depollens
avortéspeut
être considérée comme une preuve del’origine hybride
de laplante.
F
ONDARD
( I gaa) signale
bien que chez les lavandins lespollens
ont des dimensions variables selon les individus et IGOLEN( 1944 ) indique qu’ils
sont très peu abondants et souvent inexistants.Nous avons constaté ailleurs
(BARBIER I g55)
que lesgrains
depollen
sont aussiabondants dans les étamines des lavandes que des lavandins
( 900 environ),
mais quechez ces derniers ils sont en
grande partie
avortés.On note en effet les taux suivants de
pollens ayant
une forme normale .Lavandula
lati f olia Vill,
g7p. Ioo ; Lavandula veraD.C., 9 6
à 99 p. 100 ; Lavan-dins,
I,g à I5,4 p. 100selon les échantillons pour lesplantes spontanées
ou selon les« cultivars » pour les
plantes
cultivées.13. - Extraction des essences
DIVERS MODES D’EXTRACTION
Pour l’extraction des huiles essentielles contenues dans les
plantes, plusieurs procédés
sont utilisés.-
L’ex!ression
pour des essences contenues dans des cellulesépidermiques
internes : fruits des Citrus
(orange
-citron).
- La distillation sèche ou
pyrogénntiovc
utilisée pour les bois(cèdre
-genevrier mélèze, etc.).
-
L’enfleurage
- pour des essences excrétées par des cellules de la corolle des fleurs(jasmin
-tubéreuse).
- L’extraction
par
les solvants volatils -s’applique
à desparfums
très délicats(mimosa
-jacinthe
-violette) qui
nepeuvent
être extraits par leprocédé
suivant.- L’extraction à la
vapeur
d’eazc. C’est leprocédé
leplus généralement employé ;
il
s’applique
à de nombreusesplantes
dont la lavande.En ce
qui
concerne lalavande, quelques
extractions sont réalisées à l’aide de solvants volatils dans certainesparfumeries
de Grassequi disposent
à cet effet desinstallations nécessaires et de la main-d’oeuvre
qualifiée.
Les lavandes sont mises à macérer dans un solvant
(Benzène
- Chlorure deMéthylène, etc.) qui
dissout enplus
des corps constituantl’essence,
descires,
lachlorophylle,
etc.Après évaporation
du solvant on obtient la concrète de lavande. Celle-ciépuisée
par l’alcool donne
après évaporation
de ce nouveausolvant,
l’absolue de lavande dont lescaractéristiques
citées par LANGLAIS( 1954 ) d’après
les laboratoires CHIRIS sont les suivantes.Esters
(en
acétate delinalyle )
= 39,45 à 49 p. 100Ces
caractéristiques
sont très différentes de celles des essences deLavande,
surtout en ce
qui
concerne la densité.Toutefois,
la presque totalité des lavandes et surtout des lavandins est traitée à la vapeur d’eau.DISTILLATION A LA VAPEUR D’!AU
Ce
procédé appelé hydrodistillation
ou distillation de fleurs ouimproprement distillation, s’applique
à l’extraction des essences contenues dans des cellules situéesen diverses
parties
duvégétal
ou encore à desparfums
libérés dans la masse à dis- tiller par unehydrolyse (amande amère).
Sous diverses
variantes,
ceprocédé
estemployé
pour le traitement de très nom-breuses
plantes
dont on distille lesparties
suivantes :- fleurs :
Oranger (essence
deNeroli)
-- Rose- calices :
(en pratique hampe florale)
Lavande —Sauge
sclarée.- feuilles :
Eucalyptus
-Oranger (essence
depetit grain).
-
parties
aériennesplus
ou moinsligneuses : Thym -
Romarin — Menthe —Citronnelle.
- fruits : Baies de Génièvre -
Orange.
- semences :
Angélique
- Coriandre - Badiane - Anis - Amande amère.- bois : Bois de Rose - Santal — Bouleau.
- racines :
Vetyver :
Iris etc...Sous l’action de la chaleur et de l’eau à l’état
liquide
ou sous forme de vapeur, les cellules éclatent et l’essence est entraînée avec la vapeur d’eau. Le distillat est condensé dans unréfrigérant
et les essences sontséparées
des eaux par différence de densité dans unrécipient appelé
essencier ou vaseflorentin.
Ce
procédé
d’extraction par la vapeur d’eau est desplus simples
et est certai-nement le
plus
anciennement connu. Il futimporté
enEurope
par les Arabesqui
letenaient eux-mêmes des
peuples orientaux,
ou encore par les Vénitiensqui
ont eupendant longtemps
lemonopole
desimportations
et du commerce desparfums
etdes
épices
en provenance des Indes et de la Chine.a)
Matériel utiliséA l’heure actuelle
l’antique
alambic à feu nu n’estplus
utilisé. Il secomposait
d’un corps dans
lequel
on introduisait de l’eaupuis,
sur unegrille perforée
maintenueau-dessus du niveau
d’eau,
lacharge
de lavande à traiter. Le couvercleportait
uncol de cygne
qui
conduisait les vapeurs auréfrigérant.
Le
chauffage
était assuré par un feu de bois entretenu sousl’alambic,
d’oÙ l’ex-pression
« distillation àfeu
nu ».Le
principal
défaut de cesappareils
était leur faible débit et lesirrégularités
dela chauffe
communiquaient parfois
une odeur de brulé à l’essence.Ils furent
remplacés
par desappareils
deplus grande capacité,
alimentés envapeur par une chaudière chauffée au bois ou au charbon fournissant la vapeur à i
ou 2alambics sous une
pression
de 5 etmême kg
au centimètre carré.L’extension considérable de la culture des lavandes et lavandins a nécessité l’abandon de ces anciens
appareils
et la création de distilleries modernespermettant
de traiterrapidement
l’énormetonnage
des récoltes.Ces distilleries sont installées dans des
exploitations importantes
ouappartien-
nent à des
coopératives
deproducteurs.
Les alambics actuels sont de forme
cylindrique.
Leurcapacité
va de 600 à10
. ooo
litres ;
ils sont leplus
souventgroupés
côte à côte à hauteur d’uneplate-forme
de
chargement.
Ils ne sontplus
chauffés individuellement mais sont alimentés envapeur par une chaudière
indépendante
à bassepression qui
utilise comme combus-tible les
pailles
des lavandes venant d’être distillées.La vapeur est admise à la
partie
inférieure de l’alambic sous unegrille perforée qui supporte
lacharge
de fleurs. Laprésence
de cetteplaque
a encore pour rôle d’assurer une bonnerépartition
de la vapeur.A la sortie des
alambics,
le distillat est conduit par unjeu
detuyauteries
vers unou
plusieurs réfrigérants
àserpentin.
La
quantité
de vapeur utilisée est fonction de lacapacité
deproduction
de lachaudière et surtout de sa marche
laquelle,
avec un combustible comme lapaille,
est très variable. C’est ainsi que nous avons relevé de 600 à 800litres d’eau de distil- lation à
l’heure,
c’est-à-dire 600 à 800kilogrammes
de vapeur à l’heure pour un alambic de 5 000litres. Mais leplus
souvent il est utilisé de 800à 1 200kilogrammes
de vapeur à l’heure.Au cours de
l’opération
le distillateur cherche avant tout à extraire la totalité de l’essence contenue dans l’alambic enprolongeant
la durée et en utilisant le maxi-mum de vapeur.
Cette
pratique
n’est pas rationnelle dupoint
de vue extraction de l’essencecomme nous le verrons
plus
loin. Lagrande
consommation de vapeur a pour consé- quence la destruction despailles
dont une bonnepartie pourrait
être transforméeen
humus ;
deplus
la condensation des vapeurs nécessite unegrande
consommation d’eau deréfrigération.
Ce dernier
aspect
de cettepratique
poseparfois
desproblèmes
bien difficiles à résoudre et, dans bien des cas, les eaux engénéral
très calcaires ont un débit insuffi- sant. Elles s’échauffent fortement à lapartie supérieure
duréfrigérant
etdéposent
un tartre abondant dans les conduites d’évacuation. Ces conduites ont alors un débit
insuffisant ;
leréfrigérant déborde,
cequi
nécessiteinopinément
leurdétartrage improvisé ;
dans certaines distilleries lestuyaux
d’évacuation ont étéremplacés
par des
gouttières
tellement ledépôt
est abondant.Malgré l’importance
que cetteopération présente
pour laproduction
des essencesde lavande et de
lavandin,
l’extraction à la vapeurd’eau, qui
a faitl’objet
dequel-
ques
études,
ne semble pas à notre connaissance avoir été examinée avec toute l’at- tentionqui
serait nécessaire.b)
Reniements etquiliié
des essencesPour les
praticiens,
l’extraction à la vapeur d’eau reste assezmystérieuse,
maisil est admis par tous que la
quantité
et laqualité
de l’essence fournie par une « pas- sée » varientbeaucoup
selonl’opération,
c’est-à-dire que desplantes provenant
d’une même culture donnent des essences différentes àchaque
extraction tant enquantité qu’en qualité.
Oninvoque
à cetégard l’importance
deL’enviscage
ou retenue d’unecertaine
quantité
d’essence dans leserpentin
duréfrigérant.
GATTE FOSS
E ( 192 6)
dans son ouvrage sur la distillation desplantes aromatiques
et des
parfums
remarque : ... « il n’est!as excessif f d’afftrmer
que l’art de ladistillation (i)
est resté tout à
fait
stationnairedepuis
trois ouquatre
millénaires » etplus
loin cc ... noussommes encore tyés
éloignés
de connaître exactement cequi
sepasse
dans un alambic ».LANGLAIS
( 1954 ) signale
que les essences extraites avec les alambics alimentés à la vapeur sont moins solubles que celles obtenues par les alambics à feu nu et nous avons relevé très souvent au cours de conversations avec lesdistillateurs, parfumeurs
et
spécialistes
que ces dernières essences étaientégalement plus
fines.Déjà J!aNCnRD
et SaTW(igoo)
avaientremarqué qu’au
cours del’extraction,
lescaractéristiques
des fractions successives de l’essence delavande,
subissent des variations assezimportantes.
Cxzxrs
( 1930 ) signale
que l’écoulement de l’essence devient de moins en moinsabondant ;
il note que pour uneopération qui
a duré 50 minutes7 8, 4
pour cent de l’essence ont été extraits au cours des 20premières
minutes. Il relève encore une cer-taine variation des divers indices
(densité, pouvoir rotatoire,
indice deréfraction,
richesse en esters et en alcools mais conclut « ... les variations peumarquées
des carac-tères
physiques
desliquides
recueillis feraient penser que leurcomposition
est sensi-blement
égale,
mais il fautsignaler cependant
que la valeur olfactive desportions séparées
décroîtrégulièrement
».B
AREL
(ig 5 o)
examinant la teneur en esters de fractions successives fait à sontour les mêmes remarques que CHiRis.
De GIVPAY
( 195 6)
confirme encore les conclusions de CHIRIS et de BAREL mais remarque aussi des «petites
différences decomposition
oud’impression
olfactive »qu’il
attribue à laprésence
de fleursplus
ou moinssèches,
ou de maturitéinégale,
en couches différentes et que la vapeur
attaque
successivement.Mais NICOLOV
( 1957 )
étudiantsept
fractions successives d’une essenceprovenant
de l’extraction à la vapeur d’eau de la menthebulgare,
note des différences très im-portantes
des divers indices et de lacomposition.
Il remarque encore que ces diffé-rences évoluent
régulièrement
au cours de l’extraction.De notre côté nous faisons des remarques
analogues
pour l’essence de lavandin et attachons unegrande importance
à l’indice de réfraction(
BARBIERzg59)!
Enfin NAVES
( 1955 )
a démontré d’unefaçon
indiscutable que la distillation à la vapeur d’eau est directementresponsable
de laprésence
dans les essences de corpsqui
n’existaient pas dans laplante.
C’est ainsi que l’essence de cc clou degirofle
»contient 5 à 12pour cent de
caryophyllène
et celled’Ylang Ylang
60 à65
pour cent d’unmélange
de diverssesquiterpènes,
alors que ces corps sont totalement absents dans cesplantes.
( 1
) Ce mot désigne ici l’extraction à la vapeur d’eau
L’extraction à la vapeur d’eau
apparaît
donc comme uneopération
trèscomplexe qui
mérite d’être étudiée avecprécision
pour en connaître lespossibilités,
car c’estsur les
produits qu’elle
fournit que sera étudiée l’influence dequelques
facteurs surla
productivité
et laqualité
des essences chez les lavandes et lavandins.C. - Productivité des
plantes
et(Itialité
des essencesSignalons
tout d’abord que Lavandula stoechas L. a un très faible rendement enessence et que celle-ci a une odeur
grossière
etcamphrée
sans intérêt commercial(IGOLEN 1944 )
et que Lavandulalatifolia
Villproduit
une essence assez voisine de celle de la lavande vraie maisqu’elle
est riche encamphre.
LAMOTHE( 192 6)
cite desrendements de l’ordre de o,45pour cent d’une essence dont les
caractéristiques
sont :densité 0,904à o,c!22, solubilité : dans 1,2 à 2,5 volumes d’alcool à
70 °,
etqui
titrede 4 à I I pour cent d’esters. Cette essence contient en
particulier: camphre, bornéol, cinéol, camphène
et linalol.1 - I,AVANDUI,A VERA D.C.
La notion de rendement pour la lavande vraie a
toujours
été assezimprécise,
à notre avis pour les raisons suivantes : dans les
hampes,
lestiges
constituent unepart importante
de la masse distillée mais neproduisent
pasd’essence ;
les rendements ont, laplupart
dutemps,
étéexprimés
parrapport
aupoids
vert de larécolte ;
lesque les rendements varient en fonction de l’évolution
végétative.
RATEAUX
( 192 6) signale qu’en
Italie la récolte des lavandes étaitréglementée
par un avis officiel
qui
fixait la date de début de la coupe etqui précisait
en outreque les
hampes
ne devaient pas êtrecoupées
àplus
de 10centimètres sousl’épi.
Il était admis par les
praticiens
que les meilleurs rendements étaient obtenuslorsque
dansl’épi
unepartie
des fleurscommençaient
à flétrir.hoNDARD
( 192 6)
confirme cepoint
de vue par des essais. Ses conclusions sontreprises
par 11’AUR! et VERCIER(I954) puis
par MAIIOUT( I9 6o).
I)e leur côté IGOLEN et Br~N!z!T
( 195 8)
étudiant divers clones de lavandevraie, remarquent
que l’évolution des rendements est sensiblement différente.En ce
qui
concerne laqualité,
il est reconnuqu’il
existe des « crus » d’essence etqu’en
altitude les essences seraientplus fines,
mais cesquestions
n’ont pas étéabordées ici.
En réalité les variations de
qualités
des essences de lavande sont assez malconnues.
C HARABO
T
( 1900 )
remarque due les indices des essences extraites à divers mo-ments de la floraison sont différents : il note une
augmentation
de la richesse enesters au moment de la
pleine
floraison et une diminution en fin de floraison.F O ND A
RD
( 194 8)
constateégalement
des variations de diversescaractéristiques physico-chimique
des essences au cours de lavégétation.
2 - LAVANDINS
Pour les
rendements,
les mêmesprincipes qui
viennent d’êtresignalés
pour la lavande vraie ont été admis pour les lavandins et la récolte était faite au moment de lapleine
floraison.Mais IGOI,!N
( 1944 )
étudiant un clone de lavandin remarque que la récoltepeut
commencer à
partir
du moment où toutes les fleurs sontépanouies,
c’est-à-dire versla fin
juillet
etpeut
continuer sans aucuneperte pendant
le mois d’août etpendant
les deux
premières
semaines deseptembre.
Il constate aussi que dans l’ensemble les constantes
chimiques
etphysiques
évoluent
rapidement jusqu’à
lapleine floraison, puis qu’elles
se stabilisent.BARBIER
( 195 8)
fait des constatationsanalogues
pour un autre clone en cequi
concerne les
rendements,
calculés sur lepoids
sec deshampes,
et pour l’indice de réfraction.Puis MAURELet BARBIER
( 195 8)
examinent les évolutions dupouvoir
rotatoireet de la richesse en cétones
terpéniques.
Ce dernierindice,
de 25 pour cent avantl’apparition
despremières fleurs,
tombe à 5 p. 100, à la fin de la floraison.Enfin BARI3I!R
( 195 8) indique
encore que les meilleurs rendements et les valeurs d’indice considérés comme étant les meilleurs sont obtenuslorsque
les dernièresfleurs sont fanées.
Signalons
encore que RovEsTi( 1955 )
étudiant deux labiéesd’!thiopie
jJ eriandrabenghalensis
Benth etThymus
serrulatusHochst,
constate des différences dans lacomposition
des essences fournies par cesplantes
à divers moments de lavégétation.
3 - ESSENCES FOURNIES PAR LES DIFFÉRENTES PARTIES DE LA PLANTE Très peu d’observations ont été faites sur ce
sujet :
JEANCAR
D
et SATIE( 1900 ) remarquent
que les essences extraites des feuilles sont peu abondantes et que leur densité et leur richesse en esters sontplus
élevéesque celles des essences des fleurs. A la même
époque
CIIARASOT( 1901 )
fait des consta-tations
analogues
mais n’en tient pascompte lorsqu’il
formule sa théorie sur l’ori-gine
des esters.1). -
Origine,
formation et rôle des essencesLa
présence
des essences dans lesplantes
atoujours
été unsujet qui
a intéresséles botanistes et les
physiologistes.
La
conception
ancienne selonlaquelle
les essences sont desproduits
de déchetpour les
plantes
et que l’on retrouve encore dans laplupart
des traitésclassiques
de
botanique,
a été combattue dansplusieurs publications
parues entre1 8 99
et190 8
par
C H A R ABOT,
encollaboration,
successivement avecI,AI,ouk,
HEBERT et GATIN. Leurs études constituent une trèsimportante
contribution à nos connaissancessur les
composés
odorants chez lesplantes
et sur leur rôlephysiologique.
Aussi lesconceptions
deCIIA RASO T,
bien que certaines d’entre elles soient actuellementabandonnées,
ont-elles dominépendant
trèslongtemps
lesproblèmes posés
par laprésence
des essences chez lesplantes.
C
HARABOT a émis
l’hypothèse
que les essences étaientproduites
dans le tissuchlorophyllien, puis qu’elles émigraient
dans les cellules devenues desimples
cellulesde réserve
auxquelles
était dénié tout rôle de sécrétion. N’écrivait-il pas :c< Enfin les organes
qui
contiennent le sessences devraient cesser d’êtredésignés
sous le nom