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"L'arbre de l'oubli "de Nancy Huston, Cornille

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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J'ai relevé ce passage au sujet de la mémoire, de l'oubli...

Beauté de l'oubli (titre de l’article)

(Pour moi, ne pas oublier, mais pouvoir – le temps venu – laisser derrière soi tout ce qui a pu alourdir votre vie, pour pouvoir continuer avec un sentiment de légèreté… personnellement, je n'aimerais pas être délestée de mes souvenirs ! Ils me constituent, ce sont mes fondations.)

Parfois, et même de plus en plus souvent, j'aimerais avoir une place Chacha où me

rendre, un arbre de l'oubli autour duquel tourner (sept ou neuf fois, peu importe), pour être magiquement délestée du poids de mes souvenirs.

Nancy Huston, Muriel Zeender ·

Un vieil arbre se dresse au centre de la place Chacha, dans la ville d'Ouidah au Bénin. Ici, au cours des siècles qu'a duré la traite négrière, les personnes destinées à être vendues comme esclaves et déportées à l'autre bout du monde exécutaient avant le départ un rituel pour les aider à oublier leur vie d'avant.

En accord avec le nombre de côtes que la croyance populaire attribuait à l'un et à l'autre sexe, les femmes tournaient sept fois autour de l'arbre, les hommes, neuf. Il s'agissait de laisser derrière soi l'essentiel de son identité, pour pouvoir partir léger. Dans le cas peu probable où les esclaves reviendraient un jour d'exil, d'autres rituels étaient prévus pour les aider à réintégrer leur vie africaine.

Parfois, et même de plus en plus souvent, j'aimerais avoir une place Chacha où me

rendre, un arbre de l'oubli autour duquel tourner (sept ou neuf fois, peu importe), pour être magiquement délestée du poids de mes souvenirs. Les Africains avaient raison, ils avaient

devancé la neurologie moderne : ne plus se souvenir, c'est ne plus savoir qui l'on est, puisqu'aussi bien nous sommes ce que nous pensons avoir vécu.

Qu'est-ce qu'un soi, au fond ? L'histoire d'un corps, telle que se la raconte le cerveau de ce même corps. Loin d'être une valeur stable et inamovible, c'est une entité en évolution.

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constante.

Oui, au terme de milliers d'études et d'expériences scientifiques, nous aussi le savons désormais : pour construire un soi, le cerveau passe son temps à éliminer les clashs, à harmoniser les dissonances, à minorer les contradictions, à injecter cohérence et

continuité là où ça coince ou trébuche, à mentir comme il respire, autant dans le domaine des sens que dans celui du sens. Notre identité est une fresque mouvante et miroitante, à la surface consciente de laquelle affleure tantôt une série de souvenirs, tantôt une autre La question «autobiographie ou fiction ?» est sans intérêt, tous les écrivains le savent, d'abord parce que on ne saurait dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité au sujet d'une vie humaine, la sienne ou de celle d'autrui (même débitée sur cent mille pages, l'histoire serait partielle, partiale, tronquée, trouée); ensuite parce que, tout en éliminant une bonne partie de notre vécu à nous, notre cerveau retient et assimile par empathie le vécu des autres...

C'est pourquoi, s'agissant de nos gadgets électroniques, il est gravement inexact de parler de mémoire : ils ne savent pas oublier. Bêtement, ils gardent tout ce qu'on y fourre, telles des poubelles... Non, tels des congélateurs, plutôt, car ils ne laissent même pas pourrir les données; tout au plus parviennent-ils, lors d'un bug, à les perdre.

La mémoire, elle, est indissociable de l'oubli, n'existe que grâce à lui, tout comme la figure ne se voit que grâce au fond. Si tout est figure, on ne voit rien; l'infinie pléthore de détails devient mur opaque qui vous bouche la vue. En nous, avant la mort, pas de destruction véritable. Il arrive souvent qu'à la faveur d'une sensation, d'une odeur, un souvenir banal se ranime de manière aussi subite qu'imprévue. Et si le soi fait rarement un ménage conscient du type «Arbre de l'oubli», il fait en permanence du ménage inconscient, écartant tranquillement de la mémoire accessible non seulement l'inessentiel (le banal, le sans-intérêt, l'archiprosaïque, quotidien, répétitif), mais parfois l'essentiel aussi. Oui, il glisse prestement dans la trappe de l'oubli des choses qui le dérangent pour une raison ou une autre : traumatismes, humiliations, blessures narcissiques.... Tout cela est si gracieusement escamoté que lorsque d'aventure ça ressurgit, on peut avoir du mal à le reconnaître (dans les deux sens du terme, visuel et parental) !

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