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SBT n°23-24 - Histoire de Marseille- Supplément à la BT 400/401

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Texte intégral

(1)

bliothè vat

23-24

HISTOIRI Dl MARSIIlU

1

PAR

Luoien GAILLARD

éDITIONS DE L'ECOLE MODERNE FRANÇAISE - CANNES

(2)
(3)

BIBLIOTHÈQUE DE TRAV- AIL

Textes d'Auteurs

HISTOIRE

DE

MARSEILLE

TEXTES RECUEILLIS PAR

Lucien GAILLARD

!ID

~DITIO~$ DE L,EOOLE MODERNE FRANÇAISE - CANNES

(4)

La fondation de Marseille 3

Etablissement des Grecs en Provence . . . 4

La constitution grecque de Marseille . . . 6

Deux navigateurs marseillais . . . 7

Le siège de Marseille par César . . . 7

Gloire intellectuelle de Marseille dans l'Antiquité . . . 8

Marseille au temps des Croisa~es . . . 9

Joinville s'embarque à Marseille ... :. 10

Vie des passagers à bord des navires marseillais . . . 10

Le siège de Marseille par Charles-Quint . . . 11

Par la brèche ... ·. . . 13

Arrivée de galères ... :. . . . . . 14

La peste de 1720 . . . 15

Courage et dévouement du Chevalier Roze . . . 16

Le port au XVIII0 siècle ~.... .... ... 18

La naissance de « La Marseillaise » ; . . . 19

Les volontàires marseillais . . . 20

Marseille «ville sans nom » . . . 21

Désirée Clary . . . 22

Aux Marseillais en révolte contre la Convention . . . 23

Les bourgeois marseillais contre la République . . . 24

Victor Gelu ...•. > ...•.• ,; ...•.••••..•...••...•..•••... 24

Le Vieux-Port en 1860 . . . 25

La Commune . . . .. . . 27

Gambetta, député de Marseille ... :. . . . . . . 27

La destruction des Vieux-Quartiers . . . 29

Exécution de résistants marseillais . . . 29

Les F.F.l. s'emparent de la Préfecture . . . 30

La capitulation allemande . . . 31

La citation de Marseille ... , , ... , . . . 32

(5)

MARSEILLE 3

Textes d'Auteurs

Hl STOl RE DE MAR SEl LLE

La fondation · de Marseille

Aristote, dans la «République des Marseillais», raconte que ce furent des marchands phocéens d'Ionie qui fondèrent Massalia. Le Phocéen Euxénos était l'hôte du roi Nanos (ainsi s'appelait ce roi). Ce Nanos célébrait le mariage de sa fille et invita au festin Euxénos qui se trouvait là par hasard. Or, voici comment se faisait le mariage : après le repas, la jeune fille devait entrer et tendre à celui des prétendants présents qu'elle voudrait pour époux, une coupe de vin mêlé d'eau ; celui à qui elle la donnait devenait son époux.

La jeune fille entra donc et, soit hasard, soit pour une autre cause, elle donna la coupe à Euxénos ; elle-même s'appelait Petta. La chose s'étant ainsi accomplie, et le père ayant jugé que c'était en vertu de la volonté divine, Euxénos reçut comme femme la je~ne fille et vécut avec celle-ci, qui changea son nom en celui d'Aristoxéné. Et aujourd'hui encore, il y a à Massalia une famille issue d'elle, que l'on appelle Protiades, car le fils d'Euxénos et d' Aristoxéné s'appela Protis.

ATHËNËE (1) (Banquet des Sophistes).

(1) ATHtNtE - grammairien et rhéteur du 3a siècle. So.? récit ée la fondation de Marseille différe un peu du suivant dans le nom des personnages, mais le (onJ est le même,

(6)

Aux temps du roi Tarquin, une bande de jeunes gens de Phocée en Asie, débarqués aux bouches duTibre, fit amitié avec les Romains, puis partis de là avec leurs navires pour le~

rivages les plus reculés de la Gaule, ils fondèrent Massalia au milieu des Ligures et des sauvages peuplades gauloises ...

Car les Phocéens, obligés à cela par l'exiguïté et la maigreur de leur territoire, passaient beaucoup plus de leur vie sur mer que sur terre. C'est ainsi que, ayant osé s'avancer jusqu'à l'ex- trême bord de l'Océan, ils arrivèrent dans le golfe de la Gaule à l'embouchure du Rhône. Séduits par ce lieu charmant, ils racontèrent, de retour chez eux, ce qu'ils avaient vu et enga- gèrent un plus grand nombre de compagnons.

Les chefs de la flotte furent Simos et Protis. Ils vinrent donc trouver, pour lui demander son amitié, le roi des Segobrige~,

Nanus, sur le territoire duquel ils dé~iraient fonder une ville.

Il se trouva que ce jour-là, le roi était occupé aux prépa- ratifs de mariage de sa fille Gypt;s. Il allait la donner en mariage selon la coutume de fa Nation, à un gendre choisi pendant le festin. Tous les invités à la cérémonie étant arrivés, on prie les hôtes grecs de prendre part au festin. La jeune fille est en- suite introduite, et son père lui ordonne d'offrir de l'eau à celui qu'elle choisirait pour époux. Alors, sans offrir à aucun des autres elle se tourne vers les Grecs et tend la coupe à Protis. Celui-ci devenu ainsi, de simple hôte qu'il était, gendre du roi, reçut de. son beau-père un territoire· pour y fonder une ville.

JUSTIN. (1)

{1) JUSTIN - historien latin du 21! siJcle. Son texte est généralement préféré au précédent.

Etablissement des Grecs en Provence

C'est en 599 que les Phocéens pénétrèrent dans l'échan- crure du Vieux-Port, débarquèrent sur la rive septentrionale, au pied de la butte Saint-Laurent, et créèrent sur cet emplace- ment, dont ils avaient sans doute depuis longtemps reconnu les avantages, un véritable organisme urbain. Il était de peu d'étendue : le fort Saint-Jean, l'église Saint-Laurent, la place de Lenche, la rue des Martégales et le rivage. Telles sont les bornes de ce noyau primitif, dont le développement s'accusera lors de la Thalassocratie (1) marseillaise aux Ille et fiC siècle~,

et se poursuivra régulièrement jusqu'au temps de César.

(1) Thalassocratie : En grec "Thatassa" signi{le la mer. La Thalassocratie est donc le qouvern~mcnt de la mer.

(7)

&

MARSEILLE 5

Installés au milieu des peuplades ligures, les Grecs en obtiennent les terres indispensables à leur subsistance. La culture du blé et plus encore celle des arbustes, vigne et olivier, leur fournissent les ressources alimentaires que la mer va com- pléter. C'est vers celle-ci surtout que leur activité ·se porte : elle est pour eux, d'abord, un réservoir d'aliments et matières premières : las poissons y vivent en abondance, particulière-

ment la muge, le rouget et le thon, si appréciés des anciens.

Les étangs littoraux qui s'égrènent du cap Bénat aux Bouches- du-Rhône, donnent aux colons le sel ; des fonds voisins de la côte, ils tirent le corail et, à l'exemple des Phéniciens, le murex.

La mer était encore plus pour eux : elle constitue à l'ori- gine l'unique moyen de circulation, le seul trait d'union avec l'hellénisme, dont Massalia n'est qu'un lointain prolongement.

Longtemps, elle demeurera la route par excellence, route beau- coup plus sûre certes, et plus familière que les chemins de terre.

C'est par elle que les Grecs immigrés reçoivent les pro- duits de l'Orient hellénique, notamment ces étoffes et ce·s vases peints qu'ils feront pénétrer par la suite dans tout l'Occident.

C'est elle encore qui conduira les forces nouvelles de la jeune cité, Je trop-plein de sa substance, vers d'autres points du litto- ral: un siècle seulement après sa naissance, la nouvelle Phocée va allumer à son tour de nouveaux foyers de civilisation le long des côtes de Gaule et d'Espagne.

De 480 à 350, les Massaliotes fondent Tauraentum, Citha- rista, Olbia, Antibes, Nice, Monaco, et ils établissent des vigies dans les îles d'Hyères ; sur le Rhône inférieur, ils font naître Héraclée et Rhodanousia, tandis qu'au delà, vers l'Ouest, ils créent les colonies d'Agde, de Rosas, d'Ampurias et d'Hémé- roskopéien.

Ainsi, Massalia égrenant ses satellites autour du golfe du Lion, se ménage à la fois des débouchés et des appuis stra- tégiques : non seulement, en effet, ces ports ~ont un intense cabotage vers le Lacydon, particulièrement ceux d'Espagne, qui y envoient l'argent, le fer et le textile, mais leur existence même tient éloignés les rivaux étrusques et carthaginois. En peu de temps, Massalia affirme sa prépondérance maritime et commerciale dans l'Ouest de la Méditerranée, et le 1vc siècle voit s'y épanouir une véritable ~halassocratie marseil.laise, an~­

logue en puisssance aux empires navals que les c1tés phéni- ciennes avaient jadis exercés en Orient.

Gaston RAMBERT.

(Marseille - La formation d'une grande cité.) (Maupetit - Editeur)

(8)

L a C onstitution grecque de Marseille

Marseille vivait libre et heureuse sur ses institutions. Tous les auteurs de l'antiquité ont vanté la sagesse de ses lois. Poètes, orateurs, historiens, philosophes vantent Marseille comme la ville modèle, comme la République par excellence et le séjour de l'élégance, de la politesse et du bon goût. Aristote composa un livre sur la République de Marseille, livre dont la perte est regrettable.

Marseille, retraite nécessaire au milieu d'une mer ora- geuse, Marseille, ce lieu où les vents, les bancs de la mer, la disposition des côtes ordonnent de toucher, fut fréquentée par les gens de la mer. La stérilité de son territoire détermina ses concitoyens au commerce d'économie.

Il fallut qu'ils fussent laborieux pour suppléer à la nature qui se refusait ; qu'ils fussent justes, pour vivre parmi les nations barbares qui devaient faire leur prospérité ; qu'ils fussent mo- dérés, pour que leur gouvernement fût toujours tranquille ; enfin, qu'ils eussent des mœurs frugales, pour qu'ils pussent toujours vivre d'un commerce qu'ils conserveraient plus sûre- ment lorsqu'il serait moins avantageux.

MONTESQUIEU: L'Esprit des lois.

Les Massaliotes ont un gouvernement aristocratique, et il n'y en a pas dont les lois soient meilleures: ils ont établi un con- seil de 600 membres qui gardent cette dignité toute leur vie et qu'on appelle timoukhes. Ce Conseil est présidé par quin- ze membres à qui est attribuée l'administration des affaires courantes; les quinze sont à leur tour présidés par trois d'entre eux qui ont la plus grande puissance, sous la direction d'un seul.

Nul ne peut être timoukhè s'il n'a pas d'enfant et si le titre de citoyen n'est pas dans sa famille depuis trois générations.

Les lois sont celles de l'Ionie. Elles sont exposées en public ...

STRABON (Célèbre géographe grec, né 60 ans avant J.C).

(9)

MARSEILLE 7

- Deux navigateurs marseillais

Euthymènes qui vivait 350 ans avant notre ère parcourut la côte occidentale d'Afrique et reconnut le Sénégal. Pythéas est plus illustre encore. Comme beaucoup de navigateurs de cette époque, il s'adonna avec assiduité à l'étude des astres. Il nous a légué une précieuse observation de la hauteur solsticiale du soleil, et, le premier, il attribua le flux et le reflux de la mer à la croissance et à la décroissance de la lune; c'est lui, enfin, qui dé- termina la latitude de Marseille qu'il estima à 43° 17' 18", calcul qui ne diffère que de quelques secondes du résultat obtenu par les astronomes modernes, cette latitude étant de 43° 17' 52."

Géographe et navigateur aussi bien qu'astronome, Pythéas fut envoyé vers le Nord afin de trouver une voie plus courte et plus favorable pour se procurer les objets nécessaires au com- merce de Massalia et spécialement l'ambre de la Baltique. Il pas- sa les colonnes d'Hercule, remonta jusqu'à la Manche et, lon- geant la côte orientale des îles Britanniques, s'avança jusqu'à 66° 30' de latitude septentrionale. Dans un second voyage, il franchit le détroit du Sund et monta jusqu'à la Vistule. Il rappor- ta de cette double expédition -une riche récolte d'observations sur la physique du globe, l'histoire naturelle, le commerce et les mœurs des peuples qu'il avait visités.

E. CAMAU : La Provence à travers les si~cles, tome 1, p.238.

Le siège de Marseille _ par César

Les Marseillais, épuisés par tous leurs r,nalheurs, arrivés à une extrême disette de blé, deux fpis battus dans un combat na- val, repoussés dans de nombreuses sorties, affligés en outre d'une grave épidémie causée par la longueur du blocus et le changement de nourriture (car tous se nourrissaient de panic(1) vieilli et d'orge corrompu dont, depuis longtemps, ils avaient entassés une provision commune en vue d'un siège de ce genre),

(1) Panic : pain de millet

(10)

voyant leur tour abattue, une grande partie de mur démolie, n'ayant plus de secours à attendre des provinces et des armées qu'ils savaient passées aux mains de César, décident de se ren- dre ...

... Les Marseillais, conformément à nos ordres, apportent hors de la ville, leurs armes et leurs machines (2~, font sortir leurs vaisseaux du port et de l'Arsenal, remettent 1 argent du trésor public. Quand ce fut fini, César, ayant plus d'égard au renom et à l'antiquité de la Cité qu'à ses agissements envers lui (3), con- serve la ville, y laisse deux légions en garnison, envoie les autres en Italie ; lui-même part pour Rome.

CESAR : De bello Civili (Commentaires de la guerre civile).

Traduction Maurice RAT- Edition Garnier

(2) Machines : machines de guerre.

(3) César, comme c'était l'habitude à Rome, parle de lui-même à la troisième personne. Sa magnanimité ne fut, d'ailleurs, pas aussi grande qu'il le dit.

Gloire intellectuelle de Marseille dans l'antiquité

Après la conquête Romaine, Marseille perd toute impor- tance politique, mais elle demeure un centre important de ·la cul- ture grecque.

Comme les Barbares du haut pays d'alentour s'apprivoi- sent sans cesse, et, grâce à la domination romaine, ont déjà aban- donné la guerre pour la vie civile et l'agriculture, l'application aux travaux (militaires et maritimes) dont nous parlons ne saurait plus être aussi grande chez les Massaliotes: on le voit bien à l'esprit qui, aujourd'hui, y règne : tous les gens distingués s'y portent vers l'éloquence et la philosophie, si bien que leur ville qui, depuis peu, était devenue une école ouverte aux Barbares et avait rendu les Gaulois philhellènes au point de rédiger leurs contrats en langue hellénique, a présentement persuadé aux plus i !lustres des Romains de renoncer au voyage d'Athènes et de venir à Massalia pour l'amour de l'étude ...

~TRABON, Livre IV.

(11)

MARSEILLE 9

Marseille au temps des C roi sad es

Toute la vie, tout le mouvement de l'agglomération mar- seillaise avait son foyer dans la ville basse, surtout dans le Port-Vieux. Deux tours en défendaient l'entrée, la tour Saint- Nicolas sur la rive abbatiale (1), la to~r Saint-Jean en face, et il était séparé en outre de la ville basse proprement dite, par un haut rempart contre lequel s'adossaient, à l'intérieur, les maisons des rues parallèles. De place en place, la muraille for- tifiée était percée d'ouvertures appelées grottes, que l'on fermait le soir venu avec des grilles de fer, et qui faisaient communiquer la ville et le quai, formant des entrepôts et des boutiques où l'on étalait, sitôt débarquées, les marchandises de toute prove- nance et de toute nature, que les portefaix extrayaient sans cesse des flancs arrondis des grandes naves (2).

C'était, avec les rues avoisinantes, le rendez-vous de tous les voyageurs. Entre les maisons dont les toits se touchaient presque tant elles étaient étroites, comme sous les voûtes des grottes, régnait l'animation la plus pittoresque. On y parlait toutes les langues connues et inconnues, on y coudoyait les ty- pes les plus étranges vêtus des costumes les plus chatoyants, on y re~pirait une atmosphère de parfums et d'épices, d'herbes aromatiques et de cuisine, mêlés à l'odeur du goudron et de la mer que la brise du large y chassait par bouffées, en même temps que l'écho des refrains bizarres que chantaient, en s'accompagnant d'instruments ignorés, des marins étrangers sur le château d'arrière de quelque navire à l'ancre.

Dans les boutiques et les entrepôts s'entassaient toutes sortes d'objets disparates et curieux qui exercaient sur les imagi- nations un attrait irrésistible, la séduction de cet Orient dont les chansons de croisade et les récits de p é 1er in s avaient fait entrevoir au monde occidental le mystère et la volupté.

Gabriel MOU REY. Sainte Douceline-Béguine de Provence Editions du «Monde Moderne»

(1) Rive abbalia/t• : celle sur laquelle est bâtie l'abbaye de Si Victor.

(2) Naves : navires.

(12)

Joinville s'embarque à Marseille

Au mois d'Août, nous montâmes sur nos vaisseaux à la Roche de Marseille. Le jour où nous y entrâmes on fit ouvrir la porte au navire et l'on y fit entrer tous les chevaux que nous de- vions emmener outre-mer; puis on referma la porte et on la bou- cha bien, comme quand on noie un tonneau, parce que, quand le navire est en pleine mer, toute la porte est dans l'eau.

Quand les hommes furent embarqués, notre maître pon- tonnier cria à ses hommes qui étaient sur la proue du vaisseau :

«Votre besogne est-elle prête?» Et ils répondirent «Oui, Sire : que les clercs et les prêtres s'avancent». Quand ils furent venus, il leur cria : « Chantez, de par Dieu ! »

Et tous clamèrent d'une seule voix: «Veni creator spiritue >>.

Alors, il cria à se~ nautonniers : « Faites voiles, de par Dieu ! » Ce qu'ils firent.

En peu de temps, le vent soufflant dans nos voiles, nous eut fait perdre de vue la terre et nous ne vîmes plus que le ciel et l'eau, et chacjue jour, le vent nous éloigna davantage du pays où nous étions nés ...

JOINVILLE. Vie de Saint Louis

Vie des passagers

à bord des navires marseillais

Au XIIIe siècle, le grand nombre de passagers, partant de Marseille pour la Grèce, l'Asie Mineure, la Syrie et Alexandrie, ainsi que l'importance du tonnage à transporter avaient amené la création de véritables compagnies de navigation dont les nom- breux navires effectuaient au cours de la période dite de «la belle saison», c'est à dire de la fin Mars au début d'Octobre, des voya- ges que l'on pourrait qualifier de réguliers.

Des règlements spéciaux avaient été édictés. C'est ainsi que le prix du passage et de la nourriture était fixé pour prévenir les abus. La nourriture devait être de bonne qualité et choisie (si l'on peut dire) selon que les passagers appartenaient à la clas- se logée sous le château arrière nommé le PARADIS ou à celle logée sous l'entrepont et à qui il n'était accordé pour chaque per- · sonne qu'un espace de 1,82 m sur 0,65 my compris l'emplacement

de ses bagages.

(13)

MARSF.ILLE Il

Les voyageurs du Paradis disposaient sinon de couchet- tes, du moins de bat-flancs avec paillasses. Il y avait même pour les privilégiés quelques étroites cabines autour de la « grand chambre» arrière où logeaient le capitaine et les principaux de l'équipage.

Le menu n'était pas très varié et si le jour et le lendemain du départ il pouvait être servi de lrt viande, à partir du 3ème jour, il ne fallait plus compter que sur des légumes secs, poissons salés, fromage et soupe de pain trempé.

De grandes précautions étaient prises contre l'incendie.

L'unique fourneau du bord placé sur le pont était solidement amarré et vite éteint lorsque le roulis était trop accentué. La nuit, de rares fanaux à vitres de cornes plus ou moins transparentes, était le seul éclairage autorisé.

L'eau de boisson était distribuée parcimonieusement, mais le «cargotan> (1) avait dans la cambuse quelques barriques de vin dont il ne demandait qu'à vendre le contenu.

Commandant Auguste BERENGlER «Les Equipages»

Dans «Navires de Provence»

(Editions Detaille -Marseille)

(1) Cargolar Intendant, celui qui était chargé de la nourriture des passagers,

Le siège de Marseille par Charles-Quint

Le connéfa!)le, s'apercevant que la force ouverte ne réu·3sis- sait point, eut recours aux vieilles ruses de guerre. D'abord, il voulut se ménager des intelligences dans la place ; ensuite, il donna des ordres pour creuser une mine ; enfin, il démolit les aqueducs qui portaient l'eau aux habitants. Nos aïeux burent l'eau des puits, repoussèrent les mineurs par une contre-mine et pendirent les espions aux remparts.

Le connétable, irrité du peu de succès de ses opérations, ennuyé des plaisanteries de Pescaire, dirigea tous ses canons sur un seul point, fit une brèche et commanda l'assaut. Mais les Marseillais avaient élevé pendant la nuit un nouveau rempart derrière la brèche ; des dames, immortelles héroïnes, avaient secondé de leur exemple et de leurs travaux les derniers efforts de leurs fils et de leurs époux et, comme les femmes de Sparte et de Carthage, elles vinrent, au jour du péril, défendre les murs

qu'elles avaient élevés.

(14)

Ce fut le 24 septembre 1526 que le Duc de Bourbon donna 1 'assaut général. Que pouvaient son génie et son courage con- tre les Français qui combattaient à côté de leurs dames, contre des hommes chez qui l'amour de la liberté ne pouvait être com- paré qu'à celui qu'ils portaient à leur patrie et à leur souverain ?

Le Marquis de Pescaire, qui s'était toujours opposé à ce siège, et qui en avait prévu les funestes conséquences, ne per- dit pas l'occasion de faire de nouvelles phrases, quand l'évène- nement eut justifié ses prédictions.

Il se rendit à la tente du connétable mystifié et dit à haute voix, devant I'Ëtat-major : « Vous voyez, Messieurs, de quelle manière les Marseillais se sont préparés à nous recevoir ; ceux qui sont las de vivre peuvent encore les attaquer, pour moi, à qui la vie n'est point à charge, je pars ... Croyez-moi, retournons en Italie, nous avons laissé ce pays dépourvu de soldats, et l'on pourrait bien y prévoir notre retour ».

Pescaire tint parole ; il sortit de la tente sans dire adieu au Duc de Bourbon; les officiers qui tenaient encore à leur vie suivirent le Marquis et le Connétable se vit abandonné

Dans la nuit du 29 septembre, on alluma de grands feux de- vant les lignes ennemies, pour donner le change aux Marseil- lais, et l'armée battue et repoussée défila sous nos murs en ob•

servant le plus strict incognito, mais nos sentinelles vigilantes avaient aperçu les fugitifs; elles crièrent aux armes et l'artille- rie des remparts les salua pour la dernière fois d'une volée de canons. le connétable fut poursuivi et harcelé jusqu'au Var par les gendarmes du duc de Carcès et par les troupes du Maré- chal de Chabanne.

Joseph MERY: Marseille et les Marseillais (Ca/mann-Lévy) 1884.

(15)

MARSEILLE

Par la brèche ...

Le roi Louis XIV est entré par la brèche ...

Les trompettes sonnaient dans l'air ardent et bleu i Qu'il était jeune et beau, que sa mine était fraiche !

. .

Cent cinquante mousquets n'ont fait jaillir qu'un feu Les cloches balayaient l'azur à grand coups d'ailes ...

Des cavaliers piaffaient criant: « Place, morbleu ! » Sa bonne ville, au roi Louis sera fidèle i

Roi de Paris, reçois la reine du rn idi ...

Voici les clefs d'argent de mes portes, dit-elle.

Le roi les prend : «Voici mes murs ... » et le roi dit :

« Qu'ils soient rasés, il faut que la France soit une ; Que la rébellion baisse son front hardi.

La voix qui veut monter trop haut m'est importune i Mon pouvoir absolu ne souffre aucun rival i

Mes sujets pour étoile ont ma seule Fortune.

L'Etat c'est moi ! » Le roi presse aux flancs son cheval.

Il va, la tête haute au-dessus de la foule Entre la reine mère et le vieux cardinal.

Et, splendide, après eux toute la cour s'écoule Comme un fleuve d'argent, d'or et de diamants Sur les quais, où toujours le feu des salves roule ...

13

!:mile RI PERT - La Terre des Lauriers (Granet - Edii..)

(16)

Arrivée de galères

Bordé des maisons qui le longent et qu'animait aux fe- nêtres un nombre incroyable de curieux, le port se développait dans toute son étendue, fermé par les murs et la tour du fort Saint-Jean. A l'amarre ou à l'ancre, quantité de navires le rem- plissaient, si bien qu'à certains endroits on ne voyait pas l'eau, ailleurs sillonnée de barques et de chaloupes. Tout cela formait un enchevêtrement de coques peintes à couleurs vives, de proues et de poupes chargées de figures et d'emblèmes, de mâts, de vergues, d'antennes, de cordages, de pavillons et de banderoles qu'agitait un vent léger.

De minute en minute, la foule grossissait; à mesure que le temps passait, elle se faisait plus turbulente, échauffée par ses propres cris. Ils redoublaient lorsque quelque imprudent, pour s'être trop approché du bord, tombait à l'eau. Soudain un coup de canon retentit, suivi d'une grande acclamation et du branle de toutes les cloches. Alors au tumulte succéda un grand silence.

Tous les regards se tournèrent vers la passe par où le port ou- vre sur la haute mer. Les galères approchaient.

La première qui se présenta fut la Réale, que montait le Duc de Verdonne, et qui arborait au grand mât le pavillon carré. Elle a, comme on le sait, vingt-six bancs à sept rameurs. Sa carène est blanche. Son carrosse de poupe, fait en berceau, est cou- vert d'un tendelet de damas, soutenu par quatre flèches dorées.

Ses rameurs portent la casaque et le bonnet bleus, au lieu du rou- ge, qui est ordinaire. Lorsqu'elle fut à l'entrée du port, elle lais- sa brusquement tomber les voiles, en même temps que le sifflet des comites, qui dirigeaient la manœuvre, perçait les oreilles.

Puis aussitôt la voilure à bas, les rames se mirent à frapper l'eau d.'un mouvement égal. A chaque palade, la galére avançait.

Bientôt, on distingua aisément le c~not de rampade et les argousins en veste brune, qui se tenaient debout sur la coursive, tandis que La Patronne, qui suivait de près La Réale, imitait sa manœuvre, que répétèrent tour à tour les autres galères, au nom- bre de sept: La Victoire, La Dauphine, La Force, La Couronne, La Fortune, La Renommée, La Vaillante, qui venait la dernière.

Toutes voguaient lentement au bruit des acclamations, des cloches et du canon.

HENRI DE REGNIER- La Pécheresse, (Mercure de France)

(17)

r

:\IaRSEILLE 15

La peste de 1 720

Des deux côtés de la chaussée, c'était comme une bordure de cadavres, d'abord déposés dans des bières, puis seulement enveloppés dans des linceuls, et bientôt à peu près nus. A la Tourette, sur le cours, le long des quais, ils étaient jetés les uns sur les autres. C'étaient autant de foyers de putréfaction qui s'é- tendaient à vue d'œil ... ; l'infection se répandait partout et une sorte de vapeur empoisonnée planait sur la ville entière. On es- saya d'abord, pour simplifier le travail, d'entasser les cadavres, dans des tombereaux qu'on déchargeait ensuite dans les fosses creusées d'avance, mais ces tombereaux n'étaient pas assez nombreux et ils ne pouvaient ni gravir les pentes de certaines rues, ni même s'y engager à cause de leur étroite~se en sorte que peu à peu, s'accumulèrent de véritables charniers humains d~où

se dégageaient, avec des odeurs infectes, des miasmes dan- gereux.

Les échevins recoururent alors à un moyen suprême. Ils prièrent le commandant des galères de mettre à leur disposition quelques-uns de ses forçats. On promettait la liberté à tous ceux qui survivraient; mais la mort impitoyable les faucha pres- que tous. Au 1er Septembre, ils n'étaient plus que douze. Les corbeaux avaient disparu. Il n'y avait plus ni tombereaux pour en- lever les cadavres, ni chevaux, ni conducteurs. Les échevins crurent alors que tout était perdu. Par bonheur, le sentiment du devoir les ranima. D'ailleurs, le bailli des galères, Langeron, vint à leur aide et leur fournit de nouvélles équipes de forçats.

C'est alors que les échevins n'hésitent pas à payer de leur personne. Revêtus de leurs insignes, ils se mettent à la tête des détachements chargés d'enlever les cadavres et de les porter aux fosses communes. Estelle glisse sur le pavé et tombe si près d'un cadavre qu'il manque l'embrasser. Moustier reçoit en pleine figure un emplâtre encore couvert de la sanie d'un pestiféré ; il se contente de le détacher sans même pousser un cri de surprise, s'essuie avec son éponge vinaigrée et pour- suit sa route.

Audimar se charge du quartier Saint-Jean. Le marquis de Pilles se montre partout. Quant au chevalier Roze, il se met à la tête d'une escouade de braves, saisit par la jambe un des

(18)

cadavres qui pourissaient à La Tourette et le porte jusqu'à la fosse ... Cet acte héroïque s'accomplit le 16 septembre 1720.

Il coûta cher. Presque tous les ouvriers de cette sinistre besogne tombèrent victimes de leur dévouement.

GAFFAREL, dans Encyclopédie des Bouches-du-Rhône,

t.

Ill : « Les Temps Modernes »p. 124.

Nous entrâmes à Marseille à travers plus de 20.000 morts et 9.000 à 10.000 malades ou mourants ...

La mortalité était si rapide et si générale que les cadavres amoncelés devant le portail des églises, des maisons religieu- ses, dans les places publiques et presque dans toutes les rues, y pourrissaient depuis plusieurs jours. La vapeur et la fumée continuelle des lits, des couvertures de laine, des matelas et de toutes les hardes des pestiférés qu'on brûlait sans cesse, pen- dant le jour et la nuit, augmentaient la masse générale de la cor- ruption et de la puanteur. L'atmosphère était surchargée de nua- ges fétides, d'émanations mortelles.

PJERREIN et GUIRAL: Les Bouches du Rhôneo (Editions BORDAS)

Cou rage et dévouement du Chevalier Roze

Toute la cité, comme un vaisseau surchargé qui coule, sombrait sous les morts. Où leur entassement dépassait l'enten- dement humain, c'était sur la petite place de Lenche, si tristement célèbre, et, sur la terrasse de la Tourette, au revers du fort SaintJean. On avait traîné là un millier de cadavres, etcette armée en putréfaction, exposée à la brise de mer empuantissait la ville, y redoublait la contagion.

C'était là le foyer principal d'infection devant lequel chacun reculait. Langeron, Pilles, les échevins, adjurèrent Nicolas·Roze de le déblayer.

Le chevalier n'avait jamais hésité devant un devoir à ac- complir, cet accomplissement dût-il lui coûter la vie. Il commença par un premier acte de véritable hér<;>isme. Il alla visiter les lieux.

,

1

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~IARSF.ILLE !7

Le long des remparts hideusement encombrés entre le fort Saint Jean et la Major, au bas d'une petite tour carrée qui portait une girouette et une lanterne, pour servir de phare, la Touretta ou la Tourette, comme on disait, suivant qu'on parlait français ou provençal, s'ouvraient de vastes cavités encore vides et que nul n'avait encore songé à utiliser. Elles absorberaient l'amas de débris humains qui empoisonnaient la ville, et les con- sumeraient ensuite sous la chaux vive. l

De toute évidence, il ne restait pas autre chose à tenter:

mais comment parvenir à précipiter du haut des murailles des centaines de cadavres? Qui accomplirait ce travail hercurléen?

Nicolas Roze redescendit pensif à Rive-Neuve. Il songeait sans doute, comme le Taciturne : «Il n'est pas nécessaire d'es- pérer pour entreprendre ».

Le lendemain, 16 septembre, il rassembla ses hommes, leur exposa l'effort prodigieux qu'il fallait tenter, coûte que coûte pour sauver Marseille. Puis, montant à cheval : « En avant 1

commanda-t-il, et suivez-moi ».

La troupe arrive aux limites du quartier de Lenche. L'air s'avère irrespirable.

« Halte », commande le chef.

Il fait distribuer du vin aux gens de sa troupe, pour sou- tenir leur énergie, leur enjoint d'entourer le bas de leur visage d'un linge fortement vinaigré. Et l'on reprend la marche.

Tel qui n'eût pas tremblé devant la mitraille sentit ses jam- bes fléchir en arrivant su~ la plate forme, qu'encadraient la cathé- drale, la citadelle et deux tours dont subsiste seule aujourd'hui la plus grosse. Devant l'effroyable besogne, à accomplir, les mili- ciens, accoutumés pourtant à de pénibles travaux exécutés sans faiblesse, hésitent et reculent. Ils ne peuvent rien dire sous leur bâillon, mais leur regard, leur attitude expriment leur effroi, leur impuissance. Pour la première fois, ils renoncent à servir.

Le peintre de Troy, dans une célèbre toile, a représenté cette scène de la Tourette ... Avec quelle élégante inexactitude!

Les corps qui n'ont rien de repoussant lui ont servi à de correc- tes études anatomiques, et, au centre du tableau, Roze, à cheval, sa canne de commandement à la main, semble ordonner une parade devant le roi.

Il n'en fut pas ainsi: quand il vit faiblir ses hommes, ce chef admirable ne resta pas loin d'eux. Il sauta à bas de sa monture, marcha le premier vers la sinistre hécatombe, et, dominant les dé- goûts et la peur, il saisit un des cadavres par la jambe, le

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traîna jusqu'au bord, Je précipita par-dessus le parapet. Quand il revint à la charge, il n'était plus seul. Ses soldats brûlaient tous d'égaler son courage et son dévouement.

On travailla sans relâche jusqu'au soir, sans se laisser arrêter, quand J'un ou J'autre, terrassé par les miasmes, roulait parmi les morts qu'il voulait inhumer. Cinq ou six succombèrent ainsi dans la journée. Lorsque tomba le crépuscule, le chevalier ramena à Rive-Neuve sa troupe exténuée. Tous étaient livides, écrases de fatigue, frissonnants sous J'haleine froide du mistral.

Bien peu devaient sortir indemnes de cette terrible épreuve. Leur chef, lui-même, s'aliterait Je lendemain, pour la première fois et demeurerait de longs jours entre la vie et la mort. Mais la place était nette, le funèbre quartier enfin purifié. L'exemple venait d'être donné de façon sublime. Marseille était sauvée.

Armand PRA VIEL. Belzunce et la peste de Mar-seille (Ed. Spes).

Le port au XVIIIe siècle

Le port est une de ces choses qu'on ne trouve que là. Il est fort long et beaucoup moins large à proportion, plein à J'excès de toutes sortes de bâtiments, felouques, tartanes, caïques, bri- gootins, pinques, vaisseaux marchands et galères qui en font le principal ornement. Tout Je côté de terre est garni de boutiques où J'on débite surtout des marchandises du Levant; elles y sont si courues qu'un espace de 20 pieds en carré se Joue 500 livres.

L'autre côté est garni aussi de petites boutiques dans des bateaux où l'on vend des oranges, des merceries, etc ... Les galé- riens, attachés avec une chaîne de fer, ont chacun une petite ca- bane où ils exercent tous les métiers imaginables. J'en vis un qui me parut d'un génie profond: la tête appuyée sur un Descartes, il travaillait à un commentaire philosophique contre Newton.

Un autre faisait des pantoufles, et un troisième contre- faisait tort adroitement, dans une lettre de change, la signature d'un banquier de la ville. Ils mènent là une petite vie assez douce.

Le quai du port, qui est parqueté de briques sur champ, d'une matière commode à marcher, est continuellement couvert de toutes sortes de figures, de toutes sortes de nations et de toutes sortes de sexes: Européens, Grecs, Turcs, Arméniens, Nègres, Levantins, etc ...

Le Président Charles DE BROSSES. Lettres d'Italie.

~ditiQn$ du Raisin. Dijon 1927

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~!AR SEILLE 19

La naissance de «La Marseillaise n

Et du poète l'œuvre à jamais se détache.

Plus il aura l'oubli, l'injure, la prison, Plus il aura l'amour, la gloire et l'horizon 1 Elle va ! Ses couplets s'en vont dans la besace

Des colporteurs. Soudain, oh ! que c'est loin, l'Alsace, Le violon nocturne, et le blanc piano !

A Marseille, dans la ruelle Thubaneau, Qui sent le café noir, le goudron et l'orange,

Le chant prend un accent plus rauque et plus étrange.

Argenté par l'étoile, il se cuivre au soleil.

Pour ne pas trop rester à lui-même pareil

Un chant doit voyager comme font les légendes !

Mais Paris gronde au loin. «Qu'est-ce que tu demandes?»

Vient de crier Marseille à la ville en courroux.

« Six cents hommes sachant mourir l » dit Barbaroux.

Et, traversant la France entière, six cents hommes Rapportent à Paris le chant par qui nous sommes, Et jettent dans les cœurs, que leurs voix font s'ouvrir Le désir d'être libre et de savoir mourir !

Edmond ROSTAND. Le vol de la Marseillaise.

(Fasquelle- Editeur)

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Les volontaires marseillai s

Nous n'avions pas encore posé l'arme à terre qu'une trou- pe d'enfants débouchait en courant du chemin de la Coupe d'Or en criant: «Ils sont là ! ils sont là ! ». Soudain, au tournant de la route, apparaissent avec leurs chapeaux à panaches rouges le commandant Moisson et le capitaine Garnier. Aussitôt qu'ils nous voient, ils tirent leurs longs sabres, recourbés comme des faucilles, se tournent vers le bataillon qui les suit et crient :

« Vive la nation ! » Tous leurs hommes se mettent au pas et d'une seule voix entonnent :

Allons enfants de la Patrie, Le jour de gloire est arrivé! ...

Nous présentons les armes. Ils nous passent devant, tou- jours chantant la Marseillaise qui nous donne le frisson jusqu'aux moëlles. Quel spectacle, mes amis ! Cinq cents hommes hâ- lés par le soleil, basanés comme des caroubes, des yeux noirs flamboyant comme des charbons de feu sous les sourcils épais, blanchis par la poussière de la route. Les uns portent le chapeau de gendarme avec grands panaches en queues de coqs, d'au- tres ont le bonnet rouge avec les mentonnières flottant sur les épaules, la cocarde tricolore sur l'oreille. L'habit de bure vert avec revers rouge comme le mien; chacun au bout de son fusil porte une branche de saule ou de peuplier pour se garantir du soleil, et tout cela produit un ombrage mouvant sur leurs têtes qui les rend étranges ! Mais quand ils reprennent au refrain

« Aux armes, citoyens ! », quand on voit toutes ces bouches ou- vertes comme des gueules de loups, rouges, avec des dents blanches comme en ont les bêtes fauves, il vous en court un frisson glacé tout le long de l'échine. Deux tambours marquent le pas en battant la charge ! Rran ! rran 1 rran 1 «Allons, enfants de la Patrie ... » Et le bataillon passe, s'engouffre sous le porche.

Mais quel est ce bruit de chaînes et de ferrailles ? A la queue, après les derniers, attelés comme des bœufs à la charrue, quatre hommes courbés, ruisselants de sueur, tirent du front et des épaules; ils traînent sur un chariot rouillé une pièce de canon, to-ro to-ro sur les pavés, dans les ornières et les rigoles, ils s'embourbent, se désembourbent, le chariot saute et ressaute avec un bruit d'enfer. Après ce char, en voici un autre, puis un

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MARSEILLE 21

troisième. Celui-ci porte un grand ustensile qui ressemble à un chaudron, il porte un soufflet de forge, des pinces, des tenailles, des marteaux énormes, un paquet d'argile pour construire des moules, c'est la forge qui sert à fondre des boulets rouges 1

Quatre hommes sont encore attelés pour traîner cet engin.

Courbés comme des bêtes, ils tirent, le mollet tendu, ils s'accro- chent des ongles aux pavés, leurs souliers à gros clous glissent et battent du feu. Quand ils passent devant nous, soufflants et suffoqués par l'effort, ils relèvent encore la tête et crient d'une voix enrouée: « Vive la nation ! »

Et tout cela dans un rayonnement du soleil de juin, dans un tourbillon de poussière, une odeur de foule, un bruit de tam- bours, de ferraille, de chants, de cris, d'acclamations, qui vous éblouissent, vous aveuglent, vous coupent la respiration, vous assourdissent, vous emportent et vous transportent, à tel point que moi, Pascal, moi qui vous parle, en présentant les armes, je pleurais, je versais des larmes grosses comme des noisettes.

Félix GBAS. Les Rouges du Midi (Traduit du Provencal) Roumanille- Editeur

Marseille, «ville sans nom »

Voici l'arrêté des représentants en mission débaptisant Mar- seille et décidant qu'elle serait désormais appelée Ville Sans Nom.

Les représentants du peuple près les armées et dépar- tements du Midi considèrent que la commune de Marseille a, la première, sonné le tocsin de la rébellion dans le Midi, qu'une foule de commissaires envoyés par elle dans les départements circonvoisins ont soulevé les paisibles habitants des campagnes, qu'accompagnés de nombreux satellites, ils ont entrainé par terreur ceux qu'ils n'avaient pu séduire par leurs discours sédi- tieux.

Considérant que cette commune a attenté à la souveraineté _nationale en arrêtant des Députés envoyés dans les départ~­

-ments m~ridionaux par la Convention; que ses nombreux batail- lons ont marché, enseignes déployées, contre les armées natio- nales, leur ont livré des batailles, ont assiégé, pris et saccagé des villes qui étaient r~st~es fidèles à la République.

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Considérant que tant de forfaits sont restés impunis, que Marseille, au lieu de les faire oublier par une conduite répu- blicaine, s'est encore dernièrement rendue coupable d'une nou- velle révolte. Considérant que par l'examen des papiers trouvés dans les greffes de l'infâme Toulon, on voit que Marseille et Tou- lon n'avaient qu'un même esprit, une même pensée, une même intention, un même but; que les commissaires communs ont été envoyés aux flottes ennemies ; que l'arrivée seule des soldats de la République dans les murs de Marseille a empêché les An- glais d'entrer dans ses ports.

Arrêtent : le nom de Marseille que porte encore cette commune criminelle sera changé; la Convention nationale sera invitée à lui en donner un autre. Provisoirement elle reste Sans Nom et portera cette dénomination ...

Fait au Port de la Montagne, le 15 nivôse Il de la Républi- que, et ont signé Barras, Frénon, Salicetti, Ricord. Le général de division Lapoype, commandant la ville Sans Nom en état de siège, est chargé de l'exécution du présent arrêté.

Cité par GAFFA REL. Histoire de Marseille sous la Révolution

si rée Clary

<1>

Souvent je pense à vous, reine, dans ce domaine, Dont les arbres, les fleurs, les chemins, la maison Sont toujours ceux que vous aimiez, qui vous ont vue Belle de cet éclat que l'on n'a qu'à vingt ans.

Vous marchez, appuyée au bras de Bonaparte, Le vent balance autour de vous l'ombre des pins, Vous parlez d'achever ensemble votre vie

Devant cet horizon et sous ces humbles toits.

Mais le destin commande et tout change de face;

L'aigle reprend son vol, puis, apaisant vos pleurs, Bernadotte vous guide au trône de Suède.

Et l'on dit que, là-haut, dans vos palais du Nord, Reine, il vous arrivait de regretter Marseille

Et le mas endormi sous les pins azurés ...

Paul SOUCHON. Dans le domaines de Cigales.

(1) Bonaparte, alors simple général se fiança à Désirée Clary, mais le mariage fut rompu. Celle-ci épousa ensuite Bernadotte el devint reine de Suède.

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;\IARSEILLE 23

Aux Marseillais,

en révolte contre la Convention

Voici ce que l'on vous a dit pour vous entraîner dans le précipice qui s'approfondit à chaque instant et qui, peut-être, engloutira la plus belle ville de France, celle qui a le plus mérité des patriotes ; mais on vous a dit que vous traverseriez la France, que vous donneriez le ton à la République, et vos premiers pas ont été des échecs ; l'on vous a dit qu'Avignon pouvait résister longtemps à 20.000 hommes, et une seule colonne de l'Armée, son artillerie de siège, dans vingt-quatre heures en a été maî- tresse. L'on vous a dit que le Midi était levé et vous vous êtes trouvés seuls ; l'on vous a dit que la cavalerie nîmoise allait écraser les Allobroges, et ceux-ci étaient déjà au Saint-Esprit et à Villeneuve. L'on vous a dit que 4.000 Lyonnais étaient en marche pour vous secourir et les Lyonnais négociaient leur accommodement ; reconnaissez que l'on vous trompe, conce- vez l'impéritie de vos meneurs, et méfiez-vous de leurs calculs;

le plus dangereux conseiller, c'est l'amour-propre.

Vous êtes naturellement vifs, l'on vous conduit à votre perte par le même moyen qui a ruiné tant de peuples, en exal- tant votre vanité ; vous avez des richesses et une population considérables, l'on vous les exagère ; vous avez rendu des ser- vices éclatants à la liberté, l'on vous le rappelle, sans faire atten- tion que le génie de la République était avec vous alors, au lieu qu'il vous abandonne aujourd'hui. Votre armée, dites-vous, est à Aix avec un grand train d'artillerie et de bons généraux ; eh bien, quoi qu'elle fasse, je vous assure qu'elle sera battue;

vous aviez 3.600 hommes, une bonne moitié s'est dispersée ; Marseille, et quelques réfugiés du département peuvent vous offrir 4.000 hommes; cela est beaucoup, vous aurez donc de 5 à 6.000 hommes, sans ensemble, sans unité, sans être aguerris ; vous avez de bons généraux, je ne les connais pas. Je ne puis donc leur contester leur habileté, mais ils seront absorbés par les détails, ne seront pas secondés par les subalternes, ils ne pourront rien faire qui soutienne la réputation qu'ils pour- raient s'être acquise, car il leur faudrait deux mois pour orga- niser passablement leur armée, et dans quatre jours, Carteaux sera au-delà de la Durance, et avec quels soldats 1

Napoléon BONAPARTE. Le souper de Beaucaire (1) (Sonsot, Edit.) (1) Le souper de Beaucaire • Sorte de roman é~rit par Napoléon au temps où

il était simple lieutenant d'artillerie.

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ville.

Les bourgeois marseillais et la République

Le Vendredi 25 Février 1848, un coup de foudre éclata sur la On apprit la déchéance de Louis-Philippe et la proclama- tion de la République à Paris ... Marseille n'accueillit la République que comme un déplorable sinistre commercial.

Elle se sentit frappée au cœur, dans sa prospérité, par le mouve- . ment insurrectionnel de Paris. La majorité se désespéra à la pen- sée de perdre les pièces de cent sous amassées, et Il y eut à peine quelques hommes que le mot de liberté fit tressaillir et tira du sommeil épais de l'argent ...

Ce peuple de négociants, conservateurs d'instinct, n'ayant souci que des intérêts matériels, était tout dévoué à la dynastie des Orléans qui, pendant dix huit ans, avait favorisé le large déve- loppement du commerce et de l'industrie ...

L'opinion dominante à Marseille était que le meilleur gou- vernement est celui qui laisse aux spéculateurs le plus de liberté d'action.

Emile ZOLA. Les Mystères de Marseille (Charpentier)

Victor Gelu

Je n'ai vu Gelu qu'une fois. Dans aucune de nos fêtes ni de nos réunions, si fréquentes pourtant depuis la fondation du Félibrige, nous n'avons plus rencontré le terrible chan- sonnier. De même que les lions devenus vieux vont vivre soli- taires au désert, ainsi le vieux poète, qui tout en maniant magis- tralement sa langue avait désespéré de sa résurrection, en voyant monter après lui ces jeunes ivres d'enthousiame et d'es- pérances provençales, fit seul sa bande à part et dédaigneux, muet, laissa courir la farandole.

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Mii.RSEILLE

2 5

Mais cette rése·rve à l'égard des félibres ... ne nous empê- chera pas de saluer en lui un mâle de la race, un poète populaire véritablement populaire qui a su resserrer en chansons, en vers concis, nerveux et colorés, l'antique gronderie, la brutalité sau- vage, les emportements fous, les misères, les cris, les plaintes, les rancunes, les menaces farouches, les âpres appétits, les transports brusques de cette foule ardente, vigoureuse, fanfaron- ne, qui travaille ou qui flâne, qui rit ou qui maugrée, qui grou- ille et gesticule sur les ports de Marseille.

Frédéric MISTRAL.

Avant propos à l'édition des œuvres complètes de V. Gelu.

Traduit du Provençal par l'auteur . Charpentier Ed. 1886

Le Vieux-Port en 1860

C'était à perte de vue un fouillis de mâts, de vergues se croisant dans tous les sens. Pavillons de tous les pays : russes, grecs, suédois, tunisiens, américains ... Les navires au ras du quai, les beauprés arrivant sur la berge comme des rangées de baïonnettes. Au-dessus, les naïades, les déesses, les saintes Vierges et autres sculptures de bois peint, qui donnent le nom au vaisseau ; tout cela mangé par l'eau de mer, dévoré, ruisse- lant, moisi ... De temps en temps, entre les navires, un morceau de mer, comme une grande moire tachée d'huile ... Dans l'enche- vêtrement des vergues, des nuées de mouettes faisant de jolies taches sur le ciel bleu, des mousses qui s'appelaient dans toutes les langues.

Sur le quai, au milieu des ruisseaux qui venaient des sa- vonneries, verts, épais, noirâtres, chargés d'huile et de soude, tout un peuple de douaniers, de commissionnaires, de portefaix avec leur bogheys attelés de petits chevaux corses.

Des magasins de confections bizarres, des baraques en- fumées où les matelots faisaient leur cuisine, des marchands de pipes, des marchands de singes, de perroquets, de cordes, de toiles à voiles, des bric-à-brac fantastiques, où s'étalaient pêle-mêle de vieilles coulevrines, de grosses lanternes dorées, de vieux balais, de vieilles ancres édentées, vieux cordages, vieilles poulies, vieux porte-voix, lunettes marines du temps de Jean Bart et de Du~uay-Trou in. Des vendeuses de moules et de

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clovisses accroupies 'piaillant à côté de leurs coquillage~. Des matelots passant avec des pots de goudron, des marmites fu- mantes, des grands paniers pleins de poulpes qu'ils allaient laver dans l'eau blanchâtre des fontaines.

Partout un encombrement prodigieux de marchandises de toutes espèces: soieries, minerais, trains de bois, saumons de plomb, draps, sucres, caroubes, colzas, réglisses, cannes à sucre, l'Orient et l'Occident pêle-mêle. De grands tas de fro- mages de Hollande que les Génoises teignaient en rouge avec leurs mains.

Là-bas le quai au blé, les portefaix déchargeant leurs sacs sur la berge du haut des grands échafaudages. Le blé, torrent d'or qui se déroulait au milieu d'une fumée blonde. Des hommes .en fez rouge, le criblant à mesure dans de grands tamis de peau d'âne et le chargeant sur des charrettes qui s'éloignaient suivies d'un régiment de femmes et d'enfants avec des balayettes et des paniers à glanes ...

Plus loin, le bassin de carénage, les grands vaisseaux couchés sur le flanc et qu'on flambait avec des broussailles pour les débarrasser des herbes de la mer, les vergues trempant dans l'eau, l'odeur de la résine, le bruit assourdissant des char- pentiers doublant la coque des navires avec de grandes plaques de cuivre.

-Parfois, entre les mâts, une éclaircie. Alors, Tartarin voyait l'entrée du port, le ·grand va-et-vient des navires, une frégate anglaise partant pour Malte, pimpante et bien lavée, avec des officiers en gants jaunes, ou bien un grand brick mar- seillais démarrant au milieu des cris, des jurons et, à l'arrière, un gros capitaine en redingote et chapeau de soie, comman- dant la manœuvre en provençal. Les navires qui s'en allaient en courant, toutes voiles dehors. D'autres là-bas, bien loin, qui arrivaient lentement, dans le soleil, comme en l'air.

Et puis tout le temps un tapage effroyable, roulement de charrettes, «oh hisse ! » des matelots, jurons, chants, sifflets de bateaux à vapeur, les tambours et les clairons du fort Saint Jean, du fort Saint Nicolas, les cloches de la Major, des Accoules, de Saint Victor; par là-dessus le mistral qui prenait tous ces bruits, toutes ces clameurs, les roulait, les secouait, les con- fondait avec sa propre voix et en faisait une musique folle, sauva- ge, héroïque comme la grande fanfare qui donnait envie de partir, d'aller loin, d'avoir des ailes.

A.DAUDET. (Tartarin de Tarascon)

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MARSEILLE 27

La Commune

« Le gouvernement de Versailles a essayé de lever sa bé- quille contre ce qu'il appelle l'insurrection de Paris, mais elle s'est brisée dans ses mains et la Commune en est sortie ...

Rouher (1) a été arrêté. Que pensez-vous qu'on en ait fait?

Eh ! bien, on l'a relaché. Et voilà le gouvernement qui se défend d'être réactionnaire.

Aussi citoyens, les circonstances sont graves. Avant d'aller plus loin, je veux vous poser une question. Quel est le gouver- nement que vous reconnaissez comme légal. Est-ce Paris ? Est- ce Versailles ?»

Toute la salle unanime crie: «Vive Paris 1 »

« A ces cris unanimes qui sortent de vos mille poitrines, reprit Crémieux, nous nous unissons et nous crions«Vive Paris»!

Mais ce gouvernement va être combattu par Versailles. Je viens vous demander un serment, c'est celui de le défendre par tous les moyens possibles, le jurez-vous ?»

- «

Nous le jurons 1 »

«Et nous aussi, s'il faut combattre, nous nous mettrons à votre tête. Nous serons obligés de le défendre dans la rue. Ren- trez choz vous, prenez vos fusils non pas pour attaquer, mais pour vous défendre ... »

Ludovic NEGRE et RABAT AU. L'Insurrection du 23 Mars 1871

(1) Rouher, d'abord ministre, puis Préside.1l d:.J Sé.1al sous Napo/éo.1 Ill.

Gambetta, député de Marseille

Je veux tâter le pouls à l'opinion èt je vais au Grand Théâ- tre Lyrique. Je ne sais comment le bruit s'était répandu en ville que j'avais demandé une loge. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre, et Marseille est venue. La foule a empli la place, la voiture a été arrêtée, il a fallu descendre, monter lentement à travers une muraille humaine les degrés de l'escalier qui conduit au théâtre. Le peuple nous a ac- clamés; au ded~ns 1& salle était comble; quand je suis entré

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on jouait Moise de Méhul; le Pharaon (chose étrange) chantait:

«Voilà le soleil, il paraît et tout s'incline dans la nature». Les spectateurs se sont levés aux cris de : «Vive Gambetta 1 Vive la République !

»

La représentation a été suspendue, le public et les acteurs ne pouvaient se lasser d'applaudir. Enfin j'ai pu ramener le silence et la représentation a continué. L'épreuve était faite, la victoire assurée pour le lendemain. Je n'ai plus pensé qu'à combiner ma sortie pour n'être pas écrasé.

J'ai laissé Adam et quelques amis sur le bord de la loge, je me suis dérobé derrière ce rideau, mais j'avais compté sans la vigilance du public, et, à la sortie, la même ovation a recom- mencé. On m'a reconduit à l'hôtel, j'ai réuni le plus grand nombre d'amis et je les ai entretenus jusqu'à une heure du matin.

J'ai mis sur les murs une dernière proclamation au peuple de Marseille ... Cette proclamation est devenue le bulletin même de la victoire. C'est fait et bien fait.

GAMBETTA.

Lettre citée par PIERREIN el GUIRAL: Les Bouches du Rhône

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MARSEILLE 29

LA GUERRE DE 1939-1945

La destruction des vieux quartiers

Jamais midi n'a sonné à Marseille comme ce lundi (le 1er Février 1943): un signal de clairon sur le quai: un officier allemand casqué sort en courant d'une des ruelles près du transbordeur et disparaît dans la porte. cochère d'un des bâtiments bas du Port; pendant quelques secondes le quai reste désert, puis lJne détonation énorme. Les cloches du vieux bâtiment gothique au pied de Notre-Dame de la Garda commencent à sonner. Le dé- pl;tcement de l'air les a mises en branle. Un nuage de poussière blanche s'élève de la rue, de petites ombres noires disparaissent vers la rive. Ce sont les rats qui fuient. Une grêle de morceaux de bois et de pierres tombe du ciel. L'exécution du quartier mal famé (1) d.u vieux Port a commencé.

Walther KIAULEHN. «Signal». numéro d'Avri/1943.

( 1) Mal famé 1 ... c'est un allemand qui parle. En réalité teaucoup de vieil/es rves étaient habitées par des pftheurs et des navigateurs tous marseillais ûo viei/le souche.

Exécution de résistants marseillais

Le 18 Juillet 1944 au début de l'après-midi les geôliers du S.D (1) font un tri parmi leurs prisonniers. Ils en cherchent assez pour remplir tout un car; dès que sont occupées les 31 places or- dinairement réservées aux voyageurs, quelques soldats allemands commandés par l'officier PETERMANN complètent l'équipage et aussitôt la lourde voiture roule en direction de Toulon; après une trentaine de kilomètres le véhicule gagne les environs déserti- tiques du village de SIGNES, une clairière: c'est le terme du voyage. Au pied des arbres un cordon de soldats allem~mds. Les prisonniers ont compris: face au soleil de Dieu il va leur être fait un simulacre de procès. Sur une tablé nqe sont disposées quelques feuiJias dactylographiées; d'un doigt distrait un lieu- tenant de la Wehrmacht les feuillette; improvisé greffier, un adju- dant fait l'appel des noms ; l'officier demande alors aux détenus

{1) S.D. : Gestapo, police allemande.

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s'ils ont quelque chose à dire. L'un d'entre eux affirme avoir ren- du de grands services à la cause allemande; à l'égard de tous les autres, J'interprète n'a pas de peine à traduire la décision : c'est la mort. Dans leur prison on avait pourtant promis à ces hommes (et sur J'honneur) qu'ils auraient la vie sauve; l'un d'eux ose le rappeler ; mais la sentence est sans appel : « Il ne s'agit pas de parole d'honneur, explique l'interprète, vous êtes des terroristes, vous serez fusillés.» Pieds nus, les prisonniers des- cendent alors un escalier presque à pic; un cri déchire le poignant silence: «Vive la France ! Vive de Gaulle !» et le groupe des 29 malheureux {2) arrive devant une fosse commune fraîchement creu- sée; de ces lèvres qui vont se taire pour toujours, jaillissent les premiers mots de la Marseillaise; à dix pas, en position sur une banquette de tir construite en pierres, Je peloton du Lieute- nant POLDT ouvre Je feu.

André SAUV AGEOT. Marseille dans la tourmente.

(2) 29 : un d'eux amené par confusion de nom {ut ramené en prison.

Les F. F. 1.

de la

s'emparent

P réfect'u re

Dans une atmosphère joyeuse et presque en fête, Mar- seille a, hier, contraint les Allemands à se terrer pour sa libé- ration ... Vers 16h30 de petits groupes se constituaient .à Castel- lane. Ici et là on se concertait du regard et de la voix ... On y va ? Et en groupes dispersés, sans cesse grossissant, ils descendent la rue de Rome. Un autre groupe plus dense descend la rue d'Aix et bientôt une foule assez compacte se masse devant la Préfecture. On tient en main un tract diffusé par le Front Na- tional: «Vive Marseille 1»

L'enthousiasme est très vif; on sait le Préfet déjà arrêté et tout à coup arrivent les F.F.l. On se gare pour ne pas gêner les opérations, les coups secs et durs des mitrailleuses claquent.

Ici et là des coups splendides assurent la récupération des ar- mes. A l'angle du Boulevard Salvator et de la rue de Rome, un jeune F.T.P voit venir en face un camion allemand, froide- ment il accomplit le sacrifice de sa vie, tire avec sa toute petite mitraillette sur le mastodonte allemand et tue ses deux conduc- teurs, mais touché à son tour, il tombe grièvement blessé; le camion est plein de Qrenades; la récupération est précieuse •.•

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MARSEILLE 31

Devant la Préfecture, maintenant aux mains des F.F.I, arrive une petite auto allemande d'où surgit une jeune femme qui brandit un immense drapeau tricolore; la foule applaudit et obéit au ser- vice d'ordre militaire qui organise la défense du bâtiment.

La Marseill:tise, dernier numéro clandestin du 23 aoOt 1944

La capitulation allemande

Monsieur le Général de Division de Goislard de Mont- sabert.

La situation de mes forces par suite des combats des jours derniers, s'est totalement modifiée depuis notre conversation du 23 août. La plupart des points d'appui ont rendu les armes après une résistance honorable.

Devant la supériorité des forces engagées contre nous, la continuation de la lutte me paraît sans objet. Elle ne condui- rait qu'à l'anéantissement total des forces qui me restent.

Je demande pour la I'JUit qui vient, de 21 heures à 8 heures, un armistice qui permettrait l'élabpratio"n des conditions d'u'ne reddition honorable dans la matinée du 28 Août; sinon, nous n·o.ùs

battrons jusqu'au dernier homme. ·

Signé SCHAEFFER.- Géhéral de division

L'armistice fut accordé et le lendemain matin, le général allemand, le capot d'une Jeep lui servant de pupitre, signait l'acte de reddition,

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La magnifique citation

de Marseille

Par décision du 11 Novembre 1948, le ministre de la Défense Nationale cite à l'ordre de l'armée:

MARSEILLE (B.-du-Rh.)

Vaillante cité qui subit, du fait de sa position stratégique.

les coups des armées alliées et les durs sévices de l'ennemi ; sept bombardements aériens des plus meurtriers, 8.000 habi- tants tués ou blessés, de nombreux immeubles détruits, ses installations portuaires rasées. Mutilée dans ses œuvres vives, Marseille supporte avec courage son tragique et glorieux destin et refuse de s'incliner devant la volonté de l'Allemand. 3.054 de ses habitants meurent en déportation.

A l'heure où la nation lance l'appel aux armes, vingt mille citoyens des forces de la Résistance attaquent, harcèlent, démo- ralisent l'occupant, lui infligent des pertes sensibles et facilitent l'action. offensive et victorieuse de la 1ère armée Française.

Dans son élan patriotique, Marseille participe à la libéra- ration finale du· territoire en levant le régiment La Marseillaise

·qui se joint aux forces françaises de débarquement. Les vo- lontaires de 1792, les mobiles de 1870 et 1871, les F.F.I de 1944 sont les dignes fils de l'illustre cité française, qui a bien mérité de la Patrie reconnaissante.

(Celle citation comporte l'attribution de la Croix de guerre avec palme.)

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