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La réorganisation d’un espace de contenus et le développement de nouveaux usages CANAL-U

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La réorganisation d’un espace de contenus et le développement de nouveaux usages

YVES ARDOUREL

CANAL-U est un service public qui permet aux universités françaises qui le souhaitent, à partir d’un site internet performant, de diffuser les documents audiovisuels qu’elles produisent. En relation avec la politique de développement des Universités numériques thématiques, CANAL-U est confronté à la fois à une demande croissante des publics et à la nécessité de prendre en compte les évolutions des usages de l’internet et des pratiques de formation universitaire.

Une structure de diffusion de ressources numériques comme Canal-U participe à l’évolution des formes institutionnelles de l’apprendre et la réflexion sur les usages des différents utilisateurs doit être intégrée à sa stratégie de développement.

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Un espace numérique pour les ressources audiovisuelles universitaires Un site de contenus de plus en plus consulté

Les statistiques 2009 concernant la consultation du site internet Canal-U sont précises : 1 336 875 visiteurs en 2009 soit 36,6 % de plus qu’en 2008. La progression du nombre de pages vues est également impressionnante : 259 903 en novembre 2009 et 510 837 en janvier 2010 ! On note également que 1 204 ressources vidéos on été mises en ligne en 2009, soit 2,2 fois plus qu’en 2008.

La statistique dans sa précision indique que des usagers ont d’une façon ou d’une autre, porté un intérêt à ce site mais n’informe en rien sur les raisons de cet intérêt. Le site Canal-U est ouvert depuis dix ans ; quels sont les événements qui peuvent expliquer cette progression ? Est-ce un effet de certaines réorganisations stratégiques au sein de Canal-U ou d’une évolution générale du rôle de l’internet dans la société ?

Canal-U, un site du service public

Le site Canal-U se présente comme « la vidéothèque numérique de l’enseignement supérieur » selon ce qu’annonce le bandeau de sa page d’accueil.

Figure 1. Partie actuelle du bandeau du site www.canal-u.tv

Il est édité et animé par le CERIMES (Centre de ressources et d’information sur les multimédias pour l’enseignement supérieur), organisme public du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, associé au Centre national de documentation pédagogique (CNDP), actuellement placé sous la tutelle de la Sous-direction des technologies d’information et de communication pour l’enseignement (SDTICE). Le CERIMES a en particulier pour mission : « de faciliter l’accès des enseignants, chercheurs et étudiants de l’enseignement supérieur aux ressources multimédias (textuelles, iconographiques, sonores) et de les aider à les intégrer dans l’enseignement. À ce titre, il participe au repérage de ces ressources, à leur organisation et leur indexation, leur gestion, leur diffusion et leur valorisation, en particulier en ce

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qui concerne les ressources produites par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche ».

L’ambition du projet Canal-U

Le site internet Canal-U ouvre en 2001. Le projet consiste à fédérer des

« chaînes » audiovisuelles portées par des structures universitaires qui réalisent des films scientifiques à destination des publics étudiants, enseignants et autres.

Le premier Canal-U, regroupant 12 chaînes thématiques identifiables.

Figure 2. Canal-U conçu comme une webtélévision universitaire en 2001

Lors de cette phase initiale de l’histoire de Canal-U, il ne s’agit pas de valoriser l’université qui porte le projet d’une de ces « chaînes » ; il s’agit surtout de promouvoir une « chaîne » scientifique originale et identifiable. Ainsi chacune des « chaînes » de Canal-U détermine de façon indépendante sa politique de production et sa logique éditoriale ; ensemble, elles coopèrent pour la diffusion sur un site unique, ensemble elles organisent un espace rassemblant les contenus conçus et réalisés au sein d’organismes universitaires.

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Les enjeux universitaires de la production audiovisuelle

Les questions de la production et de la diffusion des ressources audiovisuelles au sein des universités sont l’objet aujourd’hui comme hier, d’enjeux institutionnels, scientifiques et pédagogiques. Comme à chaque mutation technologique, l’université s’interroge sur le rôle et la place de ce type de ressources en son sein. Un article du Monde de l’éducation titrait en septembre 2008 « L’avenir en rose des télés universitaires ». En notant que les « Web TV du supérieur sont appelées à jouer un rôle pédagogique central dans l’enseignement », l’article prenait acte d’un double mouvement au sein de l’université et de la recherche :

– la prise en compte des potentialités offertes par l’audiovisuel numérique dans le champ de l’internet qui fait évoluer l’expression filmique traditionnelle vers la constitution d’un « nouveau média » ;

– l’établissement de nouvelles pratiques professionnelles qui ne sont pas sans conséquences sur les contenus mêmes des savoirs enseignés.

En France, parmi les télés du web, à côté d’initiatives privées comme

« TVsciences » sur le créneau de la diffusion de la culture scientifique, on trouve issues du monde universitaire « La diffusion des savoirs » de l’École normale supérieure de Paris (www.diffusion.ens.fr) ou « la web TV du service de formation continue de l’Université de Montpellier-3 » (sufco.univ-montp3.fr). Il y a aussi des institutions comme le CNES (Centre national d’études spatiales) qui proposent des télés web scientifiques (www.cnes-tv.net).

On notera tout particulièrement YouTube, le site dominant de la diffusion vidéo sur internet, qui a annoncé en octobre 2009, l’ouverture d’un espace dédié aux universités dans sept pays (France, Italie, Israël, Pays-Bas, Russie, Espagne, Royaume-Uni), dénommé « YouTube edu » (www.youtube.com/edu).

Sont d’ores et déjà présents sur cet espace plusieurs établissements universitaires français (HEC, Sciences Po Paris…) ainsi que des établissements européens comme les universités de Cambridge et de Madrid. Le principe de cette plate-forme spécialisée est de permettre aux établissements de diffuser des vidéos en ligne en relation avec leurs formations et leurs actions.

Parmi ces différentes initiatives parfois concurrentielles, nous étudions celle portée par Canal-U ; cette initiative du service public a une volonté forte de mutualisation ; les transformations internes de Canal-U, les services qu’il propose, nous semblent particulièrement représentatifs de la mutation profonde de la ressource audiovisuelle à l’université et de ses difficultés d’intégration. Un processus est en cours, son analyse laisse même entrevoir

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quelques caractéristiques de l’évolution des universités dans une société de la connaissance.

Cet article voudrait rendre compte de la façon dont les évolutions de Canal- U, espace numérique de ressources pour apprendre, sont en relation à la fois :

– avec les pratiques de l’internet d’usagers confrontés à l’appropriation de nouveaux supports numériques pour la recherche d’information, la lecture de contenus multimédias et l’échange au sein de communauté virtuelle.

– avec l’évolution des modalités pédagogiques et des cursus universitaires.

L’intérêt, la pertinence et l’utilité de ce type de site proposant des contenus informatifs et scientifiques sont perçus indirectement par les données statistiques de leur consultation. En revanche, il est plus difficile d’avoir des données sur les pratiques que développent les usagers à partir des documents consultés. De même, pour avoir une connaissance précise des besoins en ressources numériques, il faut pouvoir questionner directement les usagers et ce sont des dispositifs d’enquête à mettre en place. Pour le site Canal-U nous avons les données statistiques de consultation (dispositif d’analyse XITI) mais pas de résultats d’enquêtes auprès des utilisateurs, seule façon de pouvoir cerner le statut, l’âge, les objectifs de la consultation, les avis sur les documents consultés, etc. Un questionnaire est mis en ligne à titre exploratoire en juillet 2010 sur le site Canal-U, pour préparer le lancement d’une étude plus large pour le recueil des avis d’utilisateurs. Dans cet article les usages présentés sont avant tout les usages envisagés que les enquêtes à venir devront confirmer et préciser.

Canal-U, le fruit d’une histoire

Avant d’analyser la nature et les raisons des évolutions de Canal-U, il est nécessaire de comprendre combien la naissance de Canal-U est le fruit d’une histoire qui raconte comment les structures de production des universités se sont appropriées les logiques numériques pour valoriser leurs compétences filmiques issues d’une production cinématographique plus ancienne.

La création du SFRS

Lorsqu’on aborde la question de la production et de la diffusion des ressources audiovisuelles au sein de l’université française, il est habituel de citer les travaux de Jean Painlevé dans les années 1930, illustre promoteur de l’audiovisuel scientifique. Fils du mathématicien Paul Painlevé, Jean Painlevé a réalisé près de 200 films « scientifiques », qui concernent le monde des crustacés et des mollusques.

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Grâce à lui et à quelques autres innovateurs, l’idée que le film puisse être un support utile pour la recherche scientifique et l’enseignement s’est imposée. Sur une initiative du Conseil supérieur de la recherche scientifique un service fut créé en 1954 pour produire et diffuser, au plan national et international, les films nécessaires aux scientifiques : le service français du film scientifique (SFRS). Ce service public a dû s’adapter aux évolutions technologiques qui ont marqué les médias audiovisuels : d’abord la vidéo qui concurrença le film 16 mm, support privilégié des premières réalisations du SFRS, puis il fallut intégrer les diverses formes du multimédia, s’adapter à l’arrivée de l’internet et s’approprier de nouvelles logiques de diffusion et de stockage.

En décembre 1994, le ministre chargé de l’Enseignement supérieur, François Fillon, nomme un nouveau directeur qui permettra au SFRS d’évoluer vers un autre service : le CERIMES. (Il s’agit d’Hervé Lièvre, auteur-réalisateur- producteur indépendant et docteur en psychologie sociale, qui connaît bien le service pour y avoir réalisé 17 films depuis 1979. En 2010, il est toujours le directeur de cet organisme).

L’organisation initiale de Canal-U

Canal-U s’organise en chaînes thématiques. Chaque chaîne a une logique éditoriale, un logo, une charte graphique, un format documentaire et un positionnement scientifique.

Prenons l’exemple de canal socio, une des chaînes fondatrices du projet Canal- U. Sur la page internet qui lui est attribuée elle présente clairement son objectif de développer un logique éditoriale forte : « L’université Paul Verlaine - Metz a souhaité contribuer au programme national Canal-U en proposant une chaîne thématique dédiée à l’enseignement de la sociologie et de l’anthropologie. Sont diffusés différents types de programmes – entretiens, discussions/débats, documentaires – accompagnés de documents synchronisés, de bibliographies et biographies. Le but fixé est de constituer progressivement un ensemble cohérent et articulé de ressources pédagogiques audiovisuelles et multimédia, enrichies de films documentaires complémentaires, destinées aux étudiants en sciences humaines et sociales. »

Ancrée dans une discipline scientifique, l’université porteuse devient une référence, elle offre un service à toute la communauté universitaire mais assure l’entière responsabilité de la production ; elle partage son travail et sa réflexion mais ne le fonde pas sur une mutualisation. Des partenariats peuvent apparaître, les collaborations sont possibles mais s’organisent autour d’un pôle de production bien identifiée.

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On peut comprendre que le service qui réalise et porte techniquement et scientifiquement un projet de ce type va développer au cours des productions successives des compétences filmiques propres au domaine traité. Une des chaînes qui a probablement le plus travaillé son projet éditorial en relation avec un domaine scientifique tout en prenant en compte les caractéristiques du web, est la chaîne « Sciences en cours » : une production régulière sur un sujet précis qui sait associer des films courts (1 à 3 mn) et des compléments scientifiques dans un grand souci pédagogique et esthétique.

Les qualités techniques et scientifiques du service Canal-U sont reconnues et les consultations du site peuvent apparaître assez vite comme importantes.

Cependant les usages et pratiques pédagogiques semblent plus limités, même s’il n’y a pas eu d’études approfondies sur cet aspect. Cette problématique des usages dans le cadre universitaire va conduire Canal-U à entreprendre en 2007 une nouvelle évolution.

Une nouvelle logique de diffusion

Suite à un audit voulu par le Ministère, la décision est prise en 2007 d’organiser Canal-U non plus selon une logique de chaînes pilotées par les producteurs mais selon une logique thématique s’appuyant sur les sept Universités numériques thématiques (UNT) créées et soutenues par le Ministère depuis 2003. Cette nouvelle logique oblige Canal-U à une délicate mutation qui, sans affecter les pratiques de production, demande à tous les acteurs, anciens (les producteurs) et nouveaux (les UNT) d’inventer un nouvel équilibre.

L’étude a été commandée par la SDTICE et le CERIMES à la société

« Parties prenantes » qui, dans ses conclusions au conseil d’orientation de Canal-U du 26 mars 2006, recommandait une interface pensée « utilisateur » avec des classements thématiques. Au cours de ce conseil, la décision est prise d’adopter « un traitement unique » pour toutes les productions. Après plusieurs réunions du Comité éditorial et technique de Canal-U (CET), un nouveau site, avec un autre logo est mis en ligne le 20 novembre 2007.

Promouvoir des thématiques de contenus

Le projet de développer des Université numériques thématiques prolonge le projet des campus numériques lancé en 2000. Le site Educnet présente ainsi les UNT (actualisation 2009) : « Les Universités numériques thématiques (UNT) ont pour mission, dans le cadre d’une mutualisation à une échelle nationale, de favoriser la valorisation, la production et la diffusion de ressources

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pédagogiques numériques validées produites par les établissements d’enseignement supérieur ». On comprend que le Ministère ait voulu recentrer et coordonner toutes les politiques de production et de diffusion de ressources universitaires et intégrer les ressources audiovisuelles dans cette politique. Les sept UNT reçoivent une subvention annuelle variable (entre 200 000 et 500 000 euros par UNT) pour mettre en œuvre des actions au sein des universités qui valorisent dans les sept thématiques, des ressources numériques, des modules de formation et des pratiques pédagogiques utilisant les TIC.

Une responsabilité confiée aux UNT

La nouvelle logique de Canal-U introduit de nouveaux acteurs : les UNT qui deviennent « responsables » des sept thématiques diffusées par Canal-U. À partir du référencement de ses documents, Canal-U répartit entre les UNT selon leur thématique, les quelques 3 000 documents répertoriés en 2007.

Ainsi chaque UNT se retrouve, sans être intervenue, associée à des productions qu’elle connaît peu ou pas, qu’elle n’a ni commanditées, ni évaluées ni bien sur « labellisées ». Chaque UNT doit donc assurer la responsabilité d’un fonds de ressources audiovisuelles issues de différents producteurs et la co- responsabilité au sein de Canal-U d’une politique de diffusion. Cette responsabilité est scientifique, pédagogique et éditoriale. Pour chaque ressource du fonds hérité par les UNT, des questions se posent :

– Est-ce que cette production correspond bien à la thématique ? Le référencement ayant été fait par le producteur et la répartition réalisée à partir des mots-clés donnés, il peut ne pas y avoir adéquation du document à la thématique. (Par exemple pour l’UNT UVED (environnement et développement durable) le traitement en 2009 d’une centaine de documents affectés à la rubrique

« environnement et développement durable » a permis de repérer une dizaine de productions ne correspondant pas à la thématique).

– Quelle est la valeur scientifique du contenu ? Les documents universitaires proposés ont en général été produits avec le concours de chercheurs ou de référents scientifiques, mais les points de vue choisis par les auteurs peuvent être dépassés ou ne pas correspondre aux choix scientifiques de l’UNT.

(L’UVED a dû, par exemple, réorganiser dans Canal-U l’arborescence de la thématique « environnement et développement durable » dont il a la charge).

– Quelle est la proposition pédagogique portée par la ressource ? Les UNT travaillent à positionner les modules et documents qu’ils mutualisent en relation avec les cursus et les formations du domaine. Comment et où les documents audiovisuels proposés vont-ils s’insérer ?

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Pour répondre à ces questions, il y a donc un travail d’analyse assez précis à entreprendre ; pour aider les UNT dans le traitement de ce fonds, Canal-U et le CERIMES ont pu attribuer en 2009 un budget spécifique à chaque UNT en fonction du nombre de documents à analyser (environ 25 euros par document).

Quelles logiques éditoriales ?

Canal-U créé sur la coopération de chaînes aux logiques éditoriales distinctes passe à une structuration par thèmes, chacun alimenté de documents divers dans la forme et le style. D’une offre de bouquet, Canal-U devient l’organisateur de la diffusion de contenus thématiques rassemblant une hétérogénéité de genres audiovisuels.

Canal-U assure une logique éditoriale d’ensemble ; pour chaque thématique, le cadre de présentation des documents est identique, mais il revient quand même à chaque UNT de déterminer sa politique et de faire des choix. Les UNT commencent à prendre en compte la mesure de cette responsabilité car sans une clarification des orientations selon les thématiques, il y a le risque d’avoir un fonds documentaire difficilement utilisable. Par exemple, l’UVED a mis en place en 2009 une commission audiovisuelle pour prendre en charge ces questions.

Figure 3. Page d’accueil en septembre 2009 du site Canal-U

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Les difficultés d’une mutation

Cette mutation est toujours en cours de réalisation. Les principales difficultés relèvent de trois domaines : la question des contenus, la question des responsabilités scientifiques et éditoriales, la question des usages pédagogiques.

Concernant les contenus, chaque UNT doit élaborer ou clarifier sa stratégie d’intégration des ressources audiovisuelles dans sa politique générale de développement. L’UVED a ainsi mis en place en 2009 un groupe de travail spécifique pour prendre en charge cette question. Les UNT doivent assurer une responsabilité scientifique sur des productions dont elles ne sont pas les commanditaires et sur celles dont elles vont soutenir la réalisation. Des programmes audiovisuels que l’UNT a réalisés se trouvent associés à des documents conçus dans d’autres contextes éditoriaux. Enfin, ces ressources rassemblées sous la thématique d’une UNT procèdent d’approches pédagogiques hétérogènes, ce qui ne facilite pas leur appropriation et leur usage en situation de formation.

L’initiative de la diffusion reste encore largement celle du producteur avec une grande hétérogénéité des politiques ; ainsi en 2008, sur 542 nouveaux programmes, un producteur comme l’université de Bordeaux 2 en diffuse 128 (environ 114 heures de film) et l’université de Lyon 3 en diffuse 9 (3 heures de films). 32 productions concernent l’UNT « Développement durable » mais 216 l’UNT « Sciences de la santé et du sport ».

Malgré une charte qui précise les rôles respectifs des UNT et des producteurs au sein de Canal-U, toutes les difficultés évoquées ci-dessus sont loin d’être résolues.

Analyse d’une mutation

Cette mutation conduit à questionner les rôles et fonctions de ces ressources rassemblées et ainsi que l’évolution de leurs usages. Malgré les difficultés posées par cette réorganisation interne, il semble qu’une augmentation des pratiques est d’ores et déjà engagée même si des incertitudes institutionnelles persistent.

En 2009, la durée moyenne des visites est de près de 10 mn, ce qui montre que pour au moins un certain nombre de visiteurs, il ne s’agit pas d’un simple survol du site. Ce que confirme le nombre d’heures de films consultés en 2009, soit 208 479 heures. On vient sur le site Canal-U pour regarder et écouter des documents audiovisuels. En 2010 ces données sont en progression : plus de 20 000 heures de vidéos consultées par mois depuis janvier 2010.

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Des questions de fond

Une des questions générales qui se pose concerne les genres audiovisuels. La souplesse d’utilisation des formats numériques pour l’audiovisuel a encouragé divers acteurs au sein des universités à réaliser des captations de cours et de conférences et à les diffuser en direct ou en différé, à travers Canal-U. Ces documents peuvent s’avérer utiles pour des étudiants ou des publics curieux, mais restent d’un point de vue « filmique » des documents pauvres. Le faible niveau esthétique et d’écriture audiovisuelle de ces ressources, risque de dénaturer la notion de « documentaire audiovisuel scientifique ». L’effacement relatif des producteurs professionnels derrière les thématiques, a encouragé la production du genre « conférence ». (La proportion de documents de ce type est de l’ordre de 80 %). Le producteur le plus consulté est l’UTLS (université de tous les savoirs) qui ne produit que des conférences enregistrées de personnalités scientifiques, en général de haut niveau (555 477 visites en 2009).

Le mélange sans précaution de documents de nature si différente, peut être préjudiciable au projet Canal-U lui-même. La part grandissante des

« conférences » pourrait déstabiliser les logiques de production de certains services universitaires. (C’est pour cela que dans son appel d’offre incitatif audiovisuel (AO-2009), l’UVED a explicitement réservé son soutien financier à des films scientifiques « écrits » (type documentaire de 12 minutes).

Le développement des usages

La question centrale de ces évolutions est le développement des usages de ces ressources numériques pour l’enseignement universitaire. Même si parmi les retombées attendues des UNT, il y a également l’émergence et la généralisation de pratiques pédagogiques innovantes, les nouvelles ressources devraient nourrir ces innovations.

Cette question des usages est au cœur du rapport d’Henri Isaac. Il note qu’une politique nationale de production de contenus a été déployée depuis plusieurs années « sans que celle-ci ait conduit à des usages généralisés et ancrés dans les pratiques pédagogiques des enseignants et des étudiants » (Isaac, 2007).

Face aux subventions ministérielles répétées pour produire des ressources numériques, il y a une injonction d’usage qui paraît évidente (à quoi serviraient des ressources que l’on n’utiliserait pas ?). Cependant la mise à disposition d’objets pédagogiques médiatisés ne peut suffire à structurer un enseignement ou une formation. La question des usages reste souvent attachée à une idée fausse : la mise à disposition de bons produits pédagogiques garantirait leur utilisation et leur intégration dans les formations.

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L’hypothèse faite par le ministère de l’Enseignement supérieur est que le renforcement des cohérences entre les différentes actions de production et de diffusion de ressources devrait faciliter leur lisibilité et leur accessibilité. C’est pourquoi il est demandé aux différentes structures porteuses de ces politiques de coopérer et coordonner leurs initiatives. Si l’accessibilité aux ressources est bien une condition pour leur l’appropriation et leur usage, d’autres facteurs interviennent sur lesquels les UNT n’ont aucune action (cursus, évaluation, …).

Les UNT ne peuvent assurer seules la délicate question des usages et pratiques des ressources numériques universitaires, les politiques de formation des universités sont naturellement concernées.

Une charte et la logique de mutualisation

La nouvelle organisation de Canal-U est inscrite dans la charte adoptée en avril 2009 après plusieurs réunions de son Comité éditorial et technique (CET).

Dans son introduction, la charte précise : « En liaison notamment avec les UNT, Canal-U permet de nouvelles possibilités de formation en offrant des programmes audiovisuels enrichis de documents pédagogiques spécifiquement conçus pour la diffusion sur internet ». On perçoit à la fois le recentrage sur les nouveaux acteurs, les UNT, qui sont avant tout des structures de mutualisation et sur des objectifs de soutien à la formation des étudiants. Parmi les quatre partenaires concernés par cette convention, les UNT sont en deuxième position, après le Ministère qui « définit les orientations générales ». Les

« producteurs » sont en dernière position, après le CERIMES, « maître d’œuvre du projet ». La charte précise les procédures permettant la diffusion des programmes réalisés ; c’est le cadre « technique » de la coopération entre les UNT et les producteurs ; la coopération effective, plus délicate est à construire.

Nouvelles conditions éditoriales

« 5 000 documents sélectionnés par les universités thématiques », indiquent depuis avril 2009 le bandeau de Canal-U. Il serait plus juste de dire que le principe de la sélection est acté par les UNT et que les procédures effectives se mettent en place. La charte explicite le fonctionnement du Comité éditorial

« qui définit la nature et les objectifs de Canal-U ». Il reste à le faire fonctionner et la présence d’un correspondant de chaque UNT au sein de ce Comité ne peut qu’être favorable à une meilleure attention aux usagers du site.

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Analyse du service proposé

La structure du nouveau Canal-U se complexifie avec l’intégration des UNT.

Est-ce que ce sera propice pour faire évoluer positivement les performances du site ?

Prendre en compte les possibilités du web

Canal-U a toujours cherché à offrir des services informatiques qui s’appuient sur les potentialités du numérique, conscient des profonds changements que celui-ci apporte. Les enjeux de l’audiovisuel numérique sont surtout concernés par l’émergence de nouvelles pratiques et de nouvelles formes de produits et services audiovisuels…

(Stockinger, 2003). Les nouveaux acteurs disposent de moyens techniques et financiers permettant de réaliser si nécessaire des services numériques complémentaires.

Les principales orientations du service

Le site dispose déjà des fonctionnalités attendues pour un diffuseur de ressources numériques (moteur de recherche multicritère, entrée directe par auteurs, producteurs et thématiques, etc.). Parmi les choix éditoriaux de Canal- U on en retiendra trois comme les plus caractéristiques :

La diffusion en streaming. Ce qui est recherché c’est l’accès rapide de la consultation, pas de temps de chargement, pas de difficultés liées à un pare-feu dans certains organismes universitaires de formation bloquant le téléchargement audiovisuel. De plus, l’utilisateur n’a pas à se préoccuper de formats informatiques. Pour cela il faut des serveurs performants de grande capacité et une maintenance appropriée, Canal-U dispose de ces garanties techniques grâce au service du CINES (Centre informatique national de l’enseignement supérieur).

Une ressource enrichie. Systématiquement le producteur qui dépose un film dans le « back office » de Canal-U avant diffusion, doit renseigner plusieurs rubriques. Il est également invité à enrichir le film de documents complémentaires. Ces éléments associés au film apparaissent sous forme d’onglets (cinq à six onglets sont possibles).

Un référencement et une indexation normalisés. Canal-U s’inscrit dans la réflexion partagée du référencement des ressources selon des normes internationales (LOM, LOMFR et format XML). Il participe au protocole OAI permettant la collecte automatique des fiches documentaires des ressources référencées.

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Analyse de l’« Aide »

La rubrique « Aide » du site Canal-U se présente sous forme d’un tableau de 13 items. Chacun de ces items ouvre sur des explications et des documents complémentaires. Ils illustrent bien les possibilités offertes par le site, même si les aides ici rassemblées sont de plusieurs types. Présentée sous forme de question (sans point d’interrogation sauf pour un des items), l’ « Aide » associe :

– Des informations générales (items 1 ; 7 ; 8)

– La présentation de fonctionnalités associées à l’usage courant de l’internet (items 9 ; 10 ; 11 ; 13)

– La présentation de services spécifiques pour développer les usages de Canal-U (items 2 ; 6 ; 12)

– Des indications pour des utilisateurs particuliers (documentalistes, producteurs de programmes. (items 3 ; 4 ; 5).

Deux services sont fortement orientés « développement des usages » : le lecteur exportable et le cartable.

Figure 4. Dans l’ « Aide », explicitation du service « lecteur exportable »

Le lecteur exportable, facilement utilisable, est représentatif de la philosophie de Canal-U : offrir largement l’accès aux ressources. Cet outil facilite l’appropriation des ressources puisqu’il permet d’installer à l’aide d’un simple copier-coller un lien sur un site personnel ou institutionnel vers un document Canal-U. Ce n’est pas un lien vers le site mais bien un lien vers le document lui-même. Avec « le lecteur exportable », l’appropriation par l’utilisateur est forte comme le souligne la note de Canal-U : « de ne pas oublier de citer les auteurs ».

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Tableau 1. Les items de la rubrique « Aide » du site Canal-U

Intitulé Objectif Contenu

1- Comment se repérer dans le nouveau Canal-U

Explicitation de la nouvelle logique : les anciennes

« chaînes » se nomment maintenant « producteurs ».

Texte d’une dizaine de lignes

2- Comment utiliser le lecteur exportable

Mode d’emploi d’utilisation du service : Pouvoir diffuser des documents Canal-U à partir d’un autre site.

Copie d’écran et texte court 3- Comment utiliser

les webservices de Canal-U

Mode d’emploi informatique pour récupérer des données liées à un programme.

Une page présentant cinq liens vers des sites techniques 4- Entrepôt OAI-

PMH de Canal-U

Canal-U est associé au protocole OAI permettant le référencement et le

« moissonnage » de ressources.

Trois liens vers les sites spécialisés 5- Formats à utiliser

pour la diffusion sur Canal-U

Des informations techniques destinées aux producteurs des programmes.

Trois pages d’explication et sept liens vers sites spécialisés 6- Les vidéos téléchar-

geables sur Canal-U

Certains programmes peuvent être téléchargés.

Une demi page explicative 7- Plaquette, logos et

communiqué de presse Canal-U

Les documents de

communication téléchargeables Quatre liens 8- Qu’est-ce qu’une

UNT ?

Présentation des missions des UNT

Une page et deux liens pour en savoir plus

9- Raccourcis clavier d’accessibilité (Acceskeys)

Les raccourcis claviers utiles

Une demi-page et un lien vers site spécialisé.

10- RSS et Podcasts : définitions et explications

Service classique des sites internet

Liens vers trois articles explicatifs 11- Télécharger Flash

Player 10

Rappel nécessaire pour lire les programmes Canal-U

Quelques lignes explicative et lien vers le site 12- Utiliser le cartable

Le service « cartable » permet de conserver et de partager une sélection de vidéos

Une demi-page et un lien vers un exemple 13- Voir les vidéos en

plein écran

Rappel de fonctionnalités

classiques Trois lignes

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Le cartable est une fonction souvent présente dans des sites proposant des documents ; après inscription, Canal-U crée un dossier dans lequel l’utilisateur va organiser sa propre sélection de documents qu’il pourra ensuite partager.

L’évolution de l’espace Canal-U est à la fois d’origine institutionnelle, elle prend en compte les transformations des technologies numériques et elle s’appuie sur les nouvelles pratiques des usagers. Cette évolution, de par cette complexité, est d’une certaine fragilité. Elle repose en effet sur la capacité des acteurs à intégrer les nouveaux rôles et missions qui leur sont demandés d’assumer ; elle demande à l’institution Canal-U de pouvoir mobiliser les moyens humains et matériels nécessaires. Canal-U fait le pari que les usagers continueront à s’approprier les orientations prises et que de nouveaux supports et logiques numériques ne viendront pas trop vite troubler ce développement.

Cette évolution a bouleversé les acteurs initiaux mais cette mutation semble correspondre à l’attente des publics. Comment accompagner le développement de ce mouvement positif ?

Des pistes de développement Enjeux et perspectives

Même si Canal-U n’est pas l’unique service de diffusion des ressources audiovisuelles des universités, il en est le principal ; de la réussite de sa mutation dépend la valorisation du rôle, au sein de l’université française, du document audiovisuel pour diffuser et promouvoir les savoirs scientifiques. Une innovation ne devient stable que si les acteurs techniques ont réussi un « alliage » entre le cadre de fonctionnement et le cadre d’usage. (Miège, 1997).

On a plusieurs fois noté que la restructuration de ce service public de diffusion de ressources numériques audiovisuelles reposait sur les objectifs ministériels de développement des usages, d’aide à la réussite des étudiants et de promotion de nouvelles approches pédagogiques.

L’analyse du service tel qu’il se présente montre qu’il prend en compte les innovations et performances de l’internet, qu’il a mis en place les structures pour intégrer les orientations ministérielles concernant l’usage des ressources numériques et que son audience croît de façon importante ; pourtant cela ne suffit pas pour affirmer que le service Canal-U réponde pleinement à tous les objectifs nationaux.

Dans ce contexte, nous formulons deux pistes pour le développement du projet Canal-U et de sa réussite : l’une des ces pistes concerne les relations entre

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les producteurs de ressources audiovisuelles et les UNT, l’autre, l’utilisation pour les formations universitaires du fonds documentaire de Canal-U.

À propos de la relation producteurs-UNT

Hypothèse 1. La réussite de Canal-U passe par l’explicitation et la valorisation des relations entre producteurs et UNT

La signature de la Charte, fruit de discussions, voire de tensions, durant plusieurs mois, montre que la démarche est engagée. Mais cela n’est qu’une étape et des chemins de coopération entre ces deux types d’acteurs restent encore à ouvrir.

D’abord remarquons que les acteurs ne sont pas de même niveau institutionnel.

Un producteur représente en général une petite structure ou une composante universitaire, en charge d’une politique universitaire souvent précisée dans le contrat quadriennal de l’université. L’UNT est une importante structure de mutualisation (association 1901, Fondation partenariale, …) entre organismes universitaires soutenus jusqu’à présent par des budgets annuels de la SDTICE.

Chaque UNT a un président, des membres actifs, des groupes de travail et collabore à des actions inter-UNT.

De plus les acteurs n’ont pas le même niveau d’intérêt : la production audiovisuelle est pour le producteur au cœur de son activité, alors que pour l’UNT elle n’est qu’un élément (qui peut être assez marginal) de sa politique générale. Il y a aussi un décalage des compétences. Le producteur est un spécialiste qui connaît les problématiques de la conception et de la réalisation des messages audiovisuels alors que l’UNT est une structure généraliste d’un domaine.

Malgré ces handicaps à l’établissement de relations, celles-ci sont essentielles pour au moins deux raisons :

– les producteurs et les structures universitaires qu’ils représentent sont des relais importants pour la mise en œuvre, au sein de leurs universités, des pratiques d’enseignement associées aux ressources et dispositifs numériques que conçoivent et proposent les UNT ;

– de leur côté, les UNT ont les moyens, (appels d’offre, mutualisation de moyens…) de soutenir et de valoriser les politiques de production de ces structures universitaires spécifiques.

Comment développer et organiser ces relations ? Relevons quatre pistes :

– La connaissance mutuelle. Cela signifie, par exemple, des visites réciproques, des participations croisées dans des comités de pilotage et des

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conseils d’administration. Des enquêtes plus formelles sont à entreprendre pour mieux repérer les potentiels d’action et les éventuels blocages.

– La mise en place de structure de dialogue et de suivi. À côté du CET de Canal-U, comme cela est prévu dans la charte, il serait utile d’organiser des groupes de travail pour suivre les évolutions des besoins, analyser les usages et les retours d’expériences.

– La définition de procédures. Dans la Charte, il y a la présentation d’une procédure pour la diffusion d’un programme validée par une UNT. Les questions relatives à des productions mutualisées peuvent être complexes, l’établissement de procédures spécifiques peut faciliter les coopérations.

– Des incitations à coopérer. Les UNT disposent de moyens financiers d’aide à la production ; elles peuvent soutenir des réalisations donnant une place plus importante à l’expression audiovisuelle.

Plusieurs questions sont en discussion. Nous en sélectionnons une : Comment gérer et organiser l’arrivée de nouveaux producteurs ? Il y a un « effet UNT », qui amène des producteurs universitaires et non universitaires à proposer des ressources pour les diffuser sur Canal-U. Cet accueil de producteurs non universitaires ou privés est inscrit dans la Charte, mais elle ne dit pas comment gérer et réguler ces nouveaux participants au projet Canal-U/UNT. Il est probable qu’une certaine instabilité s’installe dans la liste des « producteurs ». On a vu la chaîne « les amphis de France cinq » interrompre sa production et sa diffusion sur Canal-U en 2008 alors que c’était une des chaînes fondatrices du projet. Y aura-t-il de la place pour des producteurs non soutenus par les UNT ?

Les services et les usages

Hypothèse 2 : le développement des usages passe par la conception de nouveaux services intégrés au site Canal-U et associés aux ressources diffusées

Pour que l’accès à la ressource puisse déboucher sur son appropriation et son usage, il y a différents paramètres en jeu que le rapport Issac comme le

« Guide méthodologique de l’université numérique » relève : Si l’importance de passer d’une logique d’expérimentation à une logique de généralisation des usages et d’industrialisation des productions de contenus semble désormais comprise et partagée (par les universités), il leur faut mettre le numérique au cœur de leur stratégie de développement (Guide méthodologique, 2009).

Nous voudrions pointer brièvement trois types de services à associer très directement aux ressources proposées et qui correspondent en partie aux évolutions des pratiques sur internet. Chacune de ces pistes est un champ d’étude et de recherche.

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Le recueil des avis des utilisateurs. Il y a un lien à établir entre les usagers du service de diffusion et les animateurs de ce service. Il serait utile d’aller plus loin : permettre un lien avec les concepteurs du document utilisé. Comment prendre en compte et organiser « l’apport des usagers ». Peut-on introduire des logiques « wiki », dans le service Canal-U ? L’instauration d’un échange entre ceux qui utilisent et ceux qui produisent et diffusent est un champ de réflexion où se joue peut être « le développement des usages ».

La complémentarité des ressources. Canal-U, dès sa création en mars 2001, insistait sur la nécessité d’enrichir le programme audiovisuel de compléments (résumé, présentation des auteurs, dossiers scientifiques spécifiques, diaporamas…). Le dispositif « onglet » reste trop peu utilisé par les producteurs ; il revient peut être aux UNT de prendre le relais et d’apporter ces compléments pédagogiques ou scientifiques qui font de la ressource diffusée, un programme utile pour apprendre et se former.

L’accompagnement des utilisateurs. La question générale est de savoir jusqu’où un service de diffusion de ressources pédagogiques peut aider l’utilisateur dans son effort d’appropriation de connaissances médiatisées.

L’évolution de l’internet apporte et apportera des solutions techniques pour prendre en compte des profils utilisateur ou pour installer des groupes virtuels d’usagers autour d’un sujet, mais la difficulté principale sera de connaître le rôle des universités ou des responsables de formation.

L’intuition de Canal-U est que le monde de l’internet offre un vaste champ de possibilités à la communauté universitaire, le développement de Canal-U repose sur l’attention portée aux évolutions de ce champ et à la volonté de coopération des acteurs qui le constituent.

Études et enquêtes à conduire

Pour mieux comprendre le décalage entre la mise à disposition des ressources et leur utilisation pour apprendre, il y a de nombreuses études et enquêtes à mener. La recherche a un rôle essentiel à jouer car La numérisation des contenus et l’informatisation de leur exploitation bouleversent le cadre conceptuel et méthodologique gouvernant les pratiques et les usages des documents (Bachimont, 2006).

Les hypothèses présentées doivent servir d’appui à des recherches qui veulent étudier la relation toujours mal connue entre le produit et ses usages.

Les données qui existent dans ce domaine portent essentiellement sur les connections aux sites, les pages et documents consultés, etc. ; il manque un travail construit sur l’appropriation effective du contenu par l’usager.

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Des études sont prévues en partenariat avec Canal-U et les UNT pour mesurer comment est vécu ce changement et quelles évolutions semblent pertinentes. Construites sur les hypothèses précédentes, les études devront déterminer si les éléments repérés correspondent à ce que pensent et attendent les producteurs et les utilisateurs. Il s’agit aussi de mesurer le poids des facteurs

« thèmes » et « services » associés à la diffusion des ressources par rapport à d’autres, probablement aussi déterminants, comme la politique universitaire sur l’usage des ressources numériques pour la formation.

Après une enquête du Ministère sur « l’université numérique » conduite en juillet 2009 auprès de 958 étudiants, plus générale, une étude sur les usages des différentes ressources produites et/ou diffusées par les UNT a été lancée par la SDTICE (sous-direction des technologies de l’information et de la communication pour l’éducation) à la demande de la DGESIP (Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle) et de la CPU (Conférence des présidents d’universités). L’étude porte sur les usages des ressources numériques dans le cadre de la formation initiale, l’intégration de ces ressources dans les dispositifs de formation continue et de formation ouverte et à distance, l’impact des UNT sur les activités de production et de diffusion des ressources pédagogiques dans les établissements et, plus largement, sur la diffusion de la culture TICE dans les établissements. Cette étude devrait ainsi permettre de mesurer comment les UNT répondent aux missions qui leur ont été confiées (Avis d’appel public à concurrence publié le 10 juin au Bulletin officiel des annonces des marchés publics).

Les recherches en cours et à venir sont donc importantes pour l’avenir des services de production et de diffusion de ressources numériques. Il ne faudra pas oublier d’y lire le rôle et la place spécifique des programmes audiovisuels.

Les enjeux d’une évolution

L’évolution et les transformations de ces espaces de contenus de ressources audiovisuelles universitaires sont porteuses d’enjeux institutionnels, pédagogiques et scientifiques importants.

La production universitaire et le jeu institutionnel

Il est important qu’une université puisse se positionner comme producteur de ressources audiovisuelles pour les étudiants et la formation mais ceci mobilise des moyens humains et matériels que seul un usage repérable peut justifier. Le seul critère quantitatif du nombre de consultation d’une ressource n’est pourtant pas pertinent, mais un service universitaire qui ne produirait que

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des ressources inutilisées ne peut durer. Rappelons que la mission confiée aux UNT a deux objectifs (site educnet, 2009) :

– favoriser la réussite des étudiants en mettant à leur disposition un ensemble cohérent d’outils et de ressources pédagogiques numériques produites par leurs enseignants ;

– donner une large visibilité, nationale et internationale, aux ressources numériques des établissements, dans les champs disciplinaires couverts par les UNT.

Les différents acteurs impliqués doivent travailler à ce que la réalisation et la diffusion de programmes audiovisuels soient intégrées aux actions de formation universitaire. Ces espaces de contenus doivent donc avoir une place reconnue dans les stratégies de formation. Sans une intégration institutionnelle, les usages restent marginaux et en retour la faiblesse des pratiques associées à ces espaces ne peut pas permettre leurs évolutions nécessaires. Pour s’adapter aux pratiques que promeuvent les nouveaux supports numériques, les espaces de contenus pour la formation doivent être à la fois bien arrimés à l’institution et ouverts à la diversité des pratiques dues à la grande variété des compétences pédagogiques et communicationnelles des usagers. La difficulté et la chance de ces espaces publics de contenus sont probablement leur capacité d’accueillir des usagers porteurs d’objectifs et d’intentions différents.

La mutualisation des efforts

Comme la production audiovisuelle requiert une technicité poussée en termes de conception, d’écriture, de réalisation et de référencement, une mutualisation des efforts et des moyens est nécessaire. C’est la philosophie de Canal-U depuis sa création. Le renforcement du rôle donné aux UNT dans l’action de Canal-U ne doit pas se faire au détriment de structures plus modestes qui sont essentielles pour la réalisation effective des productions. Il y a un jeu institutionnel à plusieurs niveaux : la mutualisation universitaire dans les UNT, les politiques des universités sur la place des ressources numériques dans leurs formations et les services internes de production documentaire. Un autre niveau de mutualisation apparaît nécessaire : le développement de logique inter-UNT. Canal-U étant devenu une structure inter-UNT, il devrait trouver à ce niveau un appui à son développement.

La conquête de la lisibilité

L’enjeu des relations entre ces différents niveaux est la visibilité des ressources, au niveau local, national et international. Si la dimension locale et

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nationale est prise en compte par Canal-U, la dimension internationale n’est pas organisée. Chaque UNT se saisit peu à peu de cet aspect mais malgré l’objectif affiché par le Ministère que les UNT soient « visibles à l’international », cette orientation reste très modeste comme l’attestent les différents sites des UNT.

Si Canal-U n’a pas encore développé cette dimension dans ses orientations stratégiques, il est un des services français de diffusion de ressources le mieux placé pour l’assumer. Canal-U est techniquement prêt à jouer un rôle international (performance des serveurs, capacité à faire évoluer ses fonctionnalités, possibilité d’onglets « langue », moyens pour mobiliser des services de traduction). L’intégration des acteurs UNT au sein de Canal-U devrait, si le Ministère confirme cette orientation, favoriser la promotion de la dimension internationale parce que le potentiel universitaire et financier représenté par les UNT est sans aucune mesure avec celui des seuls producteurs de vidéos universitaires.

Des enjeux pédagogiques

Les documents diffusés par Canal-U ont vocation à être des ressources pédagogiques, c’est-à-dire des éléments participant à des parcours de formation et à l’acquisition de connaissances. Mais une ressource ne devient pédagogique que par l’usage qui en est fait. L’usage pédagogique de ce type de document dépend des facteurs suivants :

– De l’enseignant (ou de l’équipe pédagogique) qui décide d’intégrer cette ressource dans un parcours de formation, soit comme élément d’un cours, soit comme document complémentaire à consulter par les étudiants ou référence obligatoire d’un contenu enseigné.

– De la structure intrinsèque du document. Quel est son contenu, sa logique énonciatrice, son approche du domaine traité (sensibilisation, approfondissement, exploration, etc.) ?

– De l’organisation du service de diffusion des ressources. Les modalités d’accès, la qualité du référencement et des services associés constituent des contextes facilitateurs. L’existence de ressources disponibles, accessibles, répertoriées, décrites, classées et structurées sont une invitation, une incitation à les utiliser, mais l’incitation ne fait pas l’action.

Nous insistons sur un point : l’utilisation de connaissances médiatisées correspond à des démarches pédagogiques qui peuvent être très différentes : sensibilisation, illustration, réflexion, recherche, questionnement, etc., c’est pourquoi leur intégration dans des contextes de formation requiert des compétences pédagogiques et communicationnelles.

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Une structure de diffusion de ressources numériques comme Canal-U participe à l’évolution des formes institutionnelles de l’apprendre et on peut penser qu’elle puisse avoir une influence sur les organisations pédagogiques universitaires. Il serait utile de mener des enquêtes fines pour évaluer cette influence et dégager les paramètres les plus pertinents.

Nous avons émis l’hypothèse que la qualité des services associés aux ressources était aussi importante que la qualité des ressources disponibles. Les études en cours devraient permettre de mesurer la part respective que tiennent ces éléments dans le développement des pratiques des enseignants et des étudiants.

Des enjeux scientifiques

La représentation des connaissances joue sur la structuration des savoirs et les modalités de leur acquisition. La place et le rôle des messages audiovisuels dans la transmission des contenus scientifiques sont des questions récurrentes et la révolution numérique les repose avec acuité.

Les laboratoires de recherche fondent souvent leurs travaux sur l’acquisition d’images à travers des dispositifs sophistiqués et sur leur interprétation (médecine, physique, géographie, biologie, psychologie, …). Il y a un intérêt scientifique et pédagogique à garder ce lien avec ces images (et ces sons) de la recherche. Le support audiovisuel, par l’élaboration d’un documentaire scientifique, permet de valoriser ces travaux.

Perspectives

Dans un rapport de l’OCDE on pouvait lire que les ressources éducatives en libre accès peuvent ouvrir l’accès au savoir à tout le monde, y compris des groupes d’apprenants jusqu’à présent peu représentés, et ainsi diversifier les effectifs dans l’enseignement supérieur (OCDE, 2007). La spécificité de la ressource audiovisuelle permet tout particulièrement d’atteindre des publics désireux d’apprendre mais que les approches universitaires classiques peuvent rebuter. La forme du message audiovisuel, par sa force expressive, peut donner des clés d’accès pour s’approprier des connaissances et des savoirs présents dans les universités. Le développement des productions audiovisuelles universitaires est appelé à jouer un rôle dans cette ambition d’ouvrir plus largement les savoirs universitaires.

Les ressources audiovisuelles sont porteuses d’innovations technologiques, pédagogiques et communicationnelles, ce qui à la fois les marginalise mais aussi leur confère un rôle précieux dans le monde des ressources pédagogiques. En

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effet, elles permettent d’avoir des approches transversales en associant sensibilisation à des problématiques générales et réflexion scientifique approfondie (Morin, 2000).

Mais c’est dans les nouvelles relations entre les acteurs de cet espace de contenus que se joue le plus fortement la réussite durable du projet. On a longuement analysé l’élaboration de la relation entre producteurs et UNT ; il y a une relation encore plus déterminante : celle qu’il y a à établir avec les usagers et entre les usagers. Recueil des avis et des pratiques, création de groupes autour de certaines approches, participation même à la mise en ligne de contenus. Ce vaste domaine qui amène l’utilisateur à devenir un acteur de l’espace numérique, n’est pas encore pris en charge par le site mais il ne fait guère de doute que ces questions constitueront la prochaine étape du projet Canal-U.

On évoque souvent l’instauration d’une société de la connaissance sans préciser ce qu’elle serait ni ses objectifs. Si on la conçoit comme une société ouvrant plus largement l’accès aux savoirs, la ressource audiovisuelle universitaire de par la puissance de conviction et d’attraction des images et des sons, devrait y tenir une place importante. Comme le concluait un article de la revue Télérama sur Canal-U (Télérama n°3026 du 9 janvier 2008, E. Desplanques)

l’université trouve avec Internet une chaire de substitution. Offrant bien plus qu’un diplôme pour quelques-uns : le savoir pour tous.

Bibliographie

Bachimont B., Ingénierie des connaissances et des contenus, Paris, Lavoisier, 2007.

Isaac H., L’université numérique, Rapport à Madame Valérie Pecresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Paris, 2008.

Miège B., La société conquise par la communication, tome 2, Grenoble, PUG, 1997.

Morin E., Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Rapport à l’UNESCO, Paris, Seuil, 2000.

Stockinger P., Le document audiovisuel, Paris, Lavoisier, 2003.

Guide méthodologique de l’université numérique, (2009).Travaux conduits par la Caisse des Dépôts en partenariat avec la Conférence des présidents d’université, http://www.cpu.fr/fileadmin/fichiers/actu/CDC_Guide_universite_numeriquever sion_finale.pdf, Janvier 2009.

OCDE, Giving Knowledge for free, Rapport de l’OCDE, 2007. www.oecd.org

Références

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