• Aucun résultat trouvé

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l'étape de l'assistanat?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l'étape de l'assistanat?"

Copied!
9
0
0

Texte intégral

(1)

Article

Reference

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l'étape de l'assistanat?

AUDETAT VOIROL, Marie-Claude, LAURIN, S

AUDETAT VOIROL, Marie-Claude, LAURIN, S. Pouvons-nous encore faire progresser le

raisonnement clinique à l'étape de l'assistanat? Louvain Medical , 2013, vol. 4, no. 6A, p. 42-48

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:90413

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

louvain med. 2013; 132 (9): 650-657

Pédagogie et formation médicale

M-C. Audétat, S. Laurin

POuvONs-NOus ENcOrE fAIrE PrOgrEssEr

LE rAIsONNEmENt cLINIquE à L’étAPE DE L’AssIstANAt ?

Ce texte a été rédigé suite à une conférence prononcée à Bruxelles par Marie-Claude Audé- tat et Suzanne Laurin, professeurs de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’université de Montréal,1 dans le cadre d’une formation professorale des maîtres de stages du Centre académique de médecine générale de l’université Catholique de Louvain les 13 et 14 octobre 2012.

Leur présentation aborde différents enjeux au su- jet de cette question importante pour les maîtres de stage : Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l’étape de l’assista- nat ?

INTRODUCTION

Les processus de pensée et de prise de décisions qui caractérisent le raisonnement clinique sont au cœur de l’exercice professionnel. Environ 10% à 15% des étudiants inscrits dans le cursus de formation médi- cale initiale présentent des difficultés académiques (1), et il en est de même au niveau de l’assistanat ou du résidanat. une étude américaine souligne que 40

% des résidents qui rencontrent des problèmes au cours de leur formation, présentent des difficultés de raisonnement clinique (2). Cette étude est confirmée par une recherche québécoise qui rapporte que, chaque année, 8 à 11% des résidents du Départe- ment de médecine de famille et de médecine d’ur- gence de l’université de Montréal ont des difficultés et que la grande majorité a reçu une cote inférieure pour le raisonnement clinique (3).

qu’en est-il du contexte belge ? Dans une recherche réalisée en Belgique et en Suisse (4), Valérie Dory et Marie-Claude Audétat ont mis en évidence que, de façon générale, les processus d’identification et de

1. Département de médecine de famille et de médecine d’urgence, et CPASS (Centre de Pédagogie Appliquée aux Sciences de la Santé), Faculté de Médecine, université de Montréal, Canada.

remédiation des difficultés de raisonnement clinique sont peu structurés et qu’ils demeurent essentielle- ment globaux et intuitifs.

En effet, dans le paradigme d’apprentissage pré- dominant en Belgique, à savoir celui du compa- gnonnage, dans lequel les maîtres de stages en médecine générale n’ont habituellement qu’un seul assistant avec lequel ils développent souvent une relation de collaboration, les notions de super- vision et d’évaluation ne sont pas toujours claire- ment définies. Dans ces circonstances, il peut être difficile pour les maîtres de stage d’avoir une vision précise de leur rôle pédagogique puisque l’assistant est principalement considéré comme un collègue moins expérimenté qui partage le travail clinique et a besoin d’un conseil de temps à autre. Ainsi, il n’est pas rare que les maîtres de stage doutent de ce qu’ils peuvent « encore apporter » à leur assistant, considérant par exemple que ce dernier est plus au fait des connaissances médicales récentes et des derniers guides de bonne pratique.

Tenant compte du contexte des stages de méde- cine générale en Belgique, nous tenterons donc de répondre à la question posée en faisant évoluer notre réflexion à partir des différents sens du verbe pouvoir.

Pour ce faire, nous ferons appel à notre expertise sur le raisonnement clinique, mais également à notre expérience de cliniciennes enseignantes en méde- cine de famille et de responsables de formations pé- dagogiques des médecins superviseurs ; nous nous appuierons aussi sur le paradigme d’apprentissage qui définit l’encadrement des stages de médecine de famille à l’université de Montréal.

TOUT D’ABORD…SAVONS-NOUS EXACTEMENT CE QU’EST

LE RAISONNEMENT CLINIQUE ?

Avant d’examiner s’il est possible de le faire pro- gresser, encore faut-il savoir ce qu’est le raison- nement clinique. Selon Higgs et Jones, le raison- nement clinique est à la fois simple et complexe (5). Simple par ce qu’il peut se définir globalement

(3)

651

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l’étape de l’assistanat ?

nels, communicationnels, culturels, ou organisation- nels sur le raisonnement clinique.

Les difficultés de raisonnement clinique se conçoivent différemment suivant le cadre théorique de référence. Ainsi, les modèles cognitifs mettent l’accent sur les écueils dans les étapes du déroule- ment du raisonnement clinique tels que la difficulté à générer des hypothèses de qualité ou encore à interpréter adéquatement les données, alors que les modèles interactifs relèvent les difficultés reliées à l’influence des différents facteurs sur le raisonne- ment clinique tels que, par exemple, les croyances du patient ou la disponibilité de certains examens para-cliniques.

un premier élément de réponse à notre ques- tion sur la possibilité de faire progresser le rai- sonnement clinique de l’assistant sera donc de souligner l’importance, pour le maître de stage, de connaître les processus de raisonnement cli- nique, d’en comprendre les différentes étapes, de même que les sources potentielles d’écueil.

Il pourra ainsi non seulement prendre conscience de son propre processus de raisonnement clinique, mais aussi décoder celui de son assistant pour re- connaître ses forces et, le cas échéant, identifier l’étape de la démarche où se manifeste la difficulté ou encore le facteur qui peut avoir influencé le rai- sonnement.

comme les processus de pensée et de prise de décision qui permettent au clinicien de prendre des actions appropriées dans un contexte de résolution de problèmes ; complexe parce qu’il implique une interaction avec d’autres individus, en tenant compte d’éléments multiples et variés et qu’il nécessite un ensemble d’habiletés cogni- tives, métacognitives, émotionnelles, réflexives et relationnelles (6).

La littérature scientifique présente différents mo- dèles théoriques (7). Pour illustration, nous en avons choisi deux qui sont complémentaires : le premier est un modèle cognitif qui s’intéresse aux étapes du déroulement du raisonnement clinique. Dans ce modèle appelé hypothético-déductif, illustré à la figure 1, le clinicien applique, pour faire son recueil des données (anamnèse et examen clinique), un processus de génération et de vérification d’hypo- thèses diagnostiques à partir des informations ob- tenues du patient. Il interprète les indices cliniques et recherche des données complémentaires qui vont lui permettre de confirmer ou d’infirmer les hypothèses entretenues. Il poursuit cette démarche jusqu’à ce qu’il arrive à formuler un diagnostic final de présomption et un plan d’investigation et de trai- tement.

Le second modèle est interactif (figure 2) et tient compte du contexte dans lequel le raisonnement se déroule ainsi que de l’influence des facteurs relation-

Problème clinique du patient

Génération d’hypothèse(s)

Vérification d’hypothèses

Représentation globale de la situation clinique

Interprétation des données

Acquisition de données supplémentaires

Plans d’investigation et de traitement Diagnostic final de présomption

Représentation du problème

QUID DES DIFFICULTÉS DE RAISONNEMENT CLINIQUE ?

MC AUDÉTAT et S LAURIN

figure 1  Les étapes du raisonnement clinique selon le processus hypothético-déductif (8)

(4)

M-C. Audétat, S. Laurin

éléments clés des pathologies et les signes cliniques, les réseaux de connaissances des novices s’enrichissent peu à peu et deviennent plus facilement utilisables dans la réalité des consultations,

 le raffinement des hypothèses générées: la qualité des hypothèses diagnostiques s’amé- liore, leur probabilité est mieux hiérarchisée et elles sont mieux adaptées au contexte de la médecine générale,

 une amélioration des stratégies de vérification d’hypothèses, qui se manifeste par l’utilisation de questions clés et par une plus grande effi- cacité clinique. Les assistants passent d’une anamnèse stéréotypée de type « revue des systèmes » systématique à l’analyse d’une situation centrée sur les indices donnés par le patient et la construction active d’une repré- sentation du problème,

l’abandon progressif de l’examen clinique exhaustif au profit d’un examen ciblé, tout en demeurant rigoureux, visant à infirmer ou confir- mer les hypothèses retenues,

une application souple et adaptée des plans d’investigation et de traitement dans le cadre d’une décision partagée, en fonction du contexte clinique, des valeurs et possibilités du patient, des ressources disponibles, etc.

Nous basant sur ces cadres de référence, nous postulons que, d’une part, le raisonnement cli- nique peut être appris, mais aussi et surtout, que les maîtres de stage, de par leur qualité de cli- niciens experts, peuvent aider les assistants à développer leur expertise en raisonnement cli- nique. Pour ce faire, les maîtres de stage doivent proposer des feedback explicites, à l’égard aussi bien des stratégies de recueil des données et de raisonnement développées par les assistants dans le cadre des consultations, que de leurs connaissances (8).

OUI, MAIS... AVONS-NOUS

LES COMPÉTENCES NÉCESSAIRES ?

Les maîtres de stage se sentent généralement dans une zone de confort en ce qui concerne leur expertise médicale et c’est vraisemblablement pourquoi ils ont tendance à centrer et limiter leurs supervisions sur la résolution du problème du pa- tient. En revanche, telle que l’illustre la figure 3 ci- dessous, les superviseurs sont fréquemment dans une désagréable zone d’inconfort au moment de documenter les forces et difficultés de leurs assis- tants, notamment en raison de méconnaissances

MAIS…EST-IL POSSIBLE DE CORRIGER LES DIFFICULTÉS DE RAISONNEMENT CLINIQUE ?

Différents cadres conceptuels inspirent notre réponse :

L’approche par compétences, qui postule que le raisonnement clinique n’est pas une habileté in- née, mais bien une compétence professionnelle à acquérir et à évaluer : dès lors, il devient néces- saire d’envisager un enseignement, un appren- tissage et une évaluation qui soient davantage structurés (9).

 Le concept de formation professionnelle, qui per- met de passer des connaissances médicales théo- riques à une compétence clinique en contexte réel.

Cette compétence se développe au contact de patients, par l’exercice répété de consultations cli- niques sous la supervision d’un maître de stage qui guide le développement du savoir, du savoir faire et du savoir être de l’assistant, en lui donnant une rétroaction sur ses forces et ses difficultés.

 Finalement, l’approche appelée résolution de problèmes qui s’intéresse à l’acquisition, par les étudiants dits « novices », des processus et stra- tégies de raisonnement clinique utilisés natu- rellement par les cliniciens dits « experts ». En particulier, l’on y postule que, non seulement le raisonnement peut être appris, mais que les en- seignants, de par leur qualité de cliniciens experts, peuvent aider les apprenants à développer leur expertise en raisonnement clinique (10, 11).

 Dans ce passage du statut de novice à celui d’expert, la supervision du raisonnement clinique permet :

 le développement d’une organisation efficace des connaissances: par l’exposition clinique et par l’établissement de liens entre les différents figure 2  un exemple de modèle interactif (5)

(5)

653

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l’étape de l’assistanat ?

Pourtant, il est intéressant de souligner que ce sont les mêmes compétences qui sont requises pour assumer les deux rôles, clinique et pédagogique, à savoir la reconnaissance des signes et symp- tômes reliés à un éventuel problème, la capa- cité de poser un bon diagnostic et d’élaborer un plan de traitement pertinent (12, 13). La figure 4 ci-dessous illustre le parallèle entre les deux dé- marches : celle du raisonnement clinique pour les soins et celle du raisonnement pédagogique pour l’enseignement (14). Les maîtres de stage peuvent s’engager dans ce double processus de résolution de problèmes et développer une expertise péda- gogique pour arriver à élargir leur zone de confort et se sentir plus compétents et efficaces dans leur rôle d’enseignant.

EN AVONS-NOUS LES MOyENS ?

Les maitres de stage reconnaissent que, tel que le soulignent Chamberland et Hivon, l’engagement dans la réalisation de tâches professionnelles au- thentiques constitue le contexte d’apprentissage potentiellement le plus motivant pour l’étudiant et le plus puissant pour l’enseignement et l’apprentis- sage des compétences intégrées (9). Mais, avec la lourdeur de la charge clinique et des contraintes de temps, ils rencontrent des difficultés à définir un équilibre entre la prestation de services cliniques par l’assistant et les occasions d’apprentissages, entre des modèles théoriques du raisonnement clinique

et de manque de maîtrise du diagnostic péda- gogique, d’un doute quant à la validité de leur appréciation de la performance de l’assistant et, finalement, d’incertitudes quant aux moyens de remédiation spécifiques à proposer lorsqu’ils iden- tifient des difficultés (12). Dans le contexte belge, cet inconfort résulte aussi de la relation personnelle que les maîtres de stage développent avec leurs assistants, rendant difficile l’expression de « cri- tiques » à l’endroit de celui avec qui ils souhaitent préserver une bonne entente (4).

figure 3  Les zones de confort et d’inconfort des maîtres de stage (12).

Recueil des données à propos du patient : génération et vérification

d’hypothèses cliniques

• Anamnèse

• Examen physique

• Examens complémentaires/

consultation

Diagnostic clinique

Plan de traitement clinique

Clinicien enseignant

Recueil des données à propos de l’apprenant: génération et vérification

d’hypothèses pédagogiques

• Supervision (in)directe

• Discussion de cas

• Compilation d’évaluations

• Discussion entre superviseurs

• Rencontre avec l’apprenant

Diagnostic pédagogique

Plan de soutien / de remédiation

pédagogique

Plainte ou inquiétude du patient Difficulté détectée par le clinicien enseignant

MC AUDÉTAT et S LAURIN

figure 4  Le double processus de raisonnement clinique et pédagogique (12).

(6)

M-C. Audétat, S. Laurin

structurée et que son raisonnement suit une certaine logique.

LE MODÈLE DE RÔLE

Les modèles de rôle sont généralement décrits comme « des individus admirés pour leur manière d’être et de se comporter comme professionnels » (16). La limite la plus évidente dans l’exercice du rôle de modèle est probablement son caractère tacite ou implicite (17). Ainsi, il est fréquent que les maîtres de stage, s’appropriant un modèle de rôle « silencieux », exercent leur activité de clinicien et soient observés par les assistants, mais qu’ils n’explicitent pas les rai- sons ou les justifications de leurs actions. Les assistants n’ont alors pas accès à leur raisonnement clinique et sont limités dans leur apprentissage par leur propre capacité à remarquer les stratégies utilisées par le maître de stage. Selon wright, le développement de la conscience du modèle de rôle, ainsi que des habiletés d’enseignant sont nécessaires pour rendre cette méthode pédagogique plus performante (18).

Ainsi, même si le milieu clinique comporte des contraintes organisationnelles, il n’en est pas moins le lieu privilégié de l’apprentissage du raisonnement en contexte réel. Il est par ailleurs possible de soutenir l’apprentissage des assis- tants en s’engageant activement dans un rôle pé- dagogique sans pour autant prendre beaucoup plus de temps ou utiliser des moyens technolo- giques compliqués. En pratiquant une approche centrée sur l’apprenant, en suscitant la réflexion, en rendant explicite l’implicite, de même qu’en s’enga- geant dans une formation pédagogique pertinente (19), les maîtres de stage peuvent se donner les moyens d’accompagner les assistants dans le déve- loppement de leur raisonnement clinique.

MAIS EST-CE PERMIS ?

Dans le paradigme d’apprentissage que nous propo- sons, le maître de stage est un clinicien enseignant chargé d’identifier les forces et difficultés de son as- sistant, de soutenir ou de corriger son raisonnement clinique, et il « ose » faire de la supervision directe et donner un feedback sur la qualité de son raisonne- ment et de ses décisions. En complément, l’assistant est un apprenant qui développe son raisonnement lors d’activités cliniques supervisées. Il « accepte » d’être supervisé et de recevoir un feedback. Il recon- naît ses difficultés, fait confiance au maître de stage et s’engage dans un travail d’apprentissage. Sa col- laboration et sa participation active sont aussi indis- pensables à la réussite d’un plan pédagogique (20).

Il n’est pas toujours aisé, dans le contexte actuel des stages en médecine générale, d’adopter ce para- les temps d’autonomie clinique et ceux où l’assistant

adopte une position d’apprenant supervisé. Plusieurs écueils guettent en effet le maître de stage, régulière- ment aux prises avec une surcharge de travail: laisser trop peu d’autonomie à l’assistant et avoir tendance à tout faire lui-même, lui laisser trop d’autonomie et ne pas assez lui enseigner, ou encore être trop ou pas assez directif et ne pas soutenir adéquatement l’assistant dans son apprentissage.

À cette étape de la discussion, il nous paraît intéres- sant de souligner à quel point le travail concerté et planifié en équipe peut faciliter la tâche des maîtres de stage et leur permettre de donner aux assistants des rétroactions plus régulières, différentes, et plus riches.

Dans le contexte d’enseignement clinique, les deux modalités d’intervention pédagogique privilégiées sont sans conteste la supervision et le modèle de rôle (9).

LA SUPERVISION

Sans prendre beaucoup de temps, dans le cadre des discussions suite aux consultations de l’assistant, il est possible pour le maître de stage :

 de s’intéresser à la fois au problème du patient ET au raisonnement clinique de l’assistant,

 de soutenir le raisonnement clinique de l’assistant en lui faisant expliciter sa démarche et sa décision et en explicitant ensuite son propre raisonnement,

 d’appliquer un raisonnement pédagogique pour identifier les forces et les difficultés des assistants.

Soulignons que certaines étapes du raisonnement clinique s’apprécient mieux pendant la consultation (supervision directe) et d’autres en discussion de cas (supervision indirecte) ou encore par la lecture du dossier médical. Ainsi par exemple, la supervision directe demeure le meilleur moyen pour apprécier la capacité de l'assistant à tenir compte des indices fournis par le patient pour orienter son recueil des données, faire évoluer ses hypothèses en les vérifiant de façon systématique et pour se faire une représen- tation globale du problème. Dans cette perspective, nous ne saurions trop recommander d’observer cer- taines consultations des assistants pour bien appré- cier toutes les étapes de son raisonnement (15). En effet, une excellente capacité de synthèse, manifes- tée lors de la discussion de cas, n’est pas garante d’un recueil rigoureux ou d’une juste interprétation des données obtenues en consultation avec le pa- tient. Ainsi, par exemple, un assistant qui n’aurait pas tenu compte d’un indice clinique important men- tionné par un patient ne le rapportera pas au maître de stage qui ‘achètera’ son diagnostic probable surtout si sa présentation de la situation clinique est

(7)

655

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l’étape de l’assistanat ?

ALORS, POUVONS-NOUS ENCORE FAIRE PROGRESSER LE RAISONNEMENT CLINIQUE À L’ÉTAPE DE L’ASSISTANAT ?

Tous les points développés nous permettent de conclure qu’il est possible de faire progresser le rai- sonnement clinique à l’étape de l’assistanat mais, pour y arriver, il est important de :

 maîtriser le cadre théorique du raisonnement cli- nique,

 développer des compétences pédagogiques pour soutenir son apprentissage par les assistants,

 se donner les moyens nécessaires,

 s’engager dans le rôle d’enseignant et,

 être soutenu par la faculté, par des processus définis et par un programme de formation péda- gogique continu et ciblé.

Finalement, au-delà de la notion de « pouvoir » faire progresser la compétence du raisonnement clinique à l’étape de l’assistanat, n’y a-t-il pas, en amont, la question d’un choix plus fondamental pour le Centre académique de médecine générale, pour les maîtres de stage et les assistants ? Nous aimerions donc conclure cette discussion par une autre ques- tion : dans quelle culture pédagogique souhaitez- vous inscrire votre institution et ses membres ?

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient les professeurs Guy Beuken, Cassian Minguet et Valérie Dory de leur invitation à donner une conférence, ainsi qu’à animer une journée de formation pédagogique des maîtres de stage du Centre académique de médecine géné- rale de l’université catholique de Louvain. Ces ren- contres témoignent de la collaboration entre nos deux universités et de la richesse des échanges qui en découlent.

digme d’enseignement. Les uns et les autres ont du mal à s’engager dans le rôle qui leur est proposé.

Plusieurs « croyances » habitent les maîtres de stage quand à la teneur de leur relation pédagogique, contribuant ainsi à la rendre plus ou moins efficace (21): les maîtres de stage doutent par ailleurs de leur compétence pédagogique et médicale, voire de leur légitimité pour superviser l’assistant qui est « déjà médecin » et « en connaît » souvent plus.

Devenir un enseignant efficace est un processus de développement ; dans cette perspective, les établissements universitaires doivent adopter une position proactive en soutenant les méde- cins généralistes enseignants et en proposant des formations qui leur permettront d’améliorer leur approche pédagogique, de professionnali- ser leur tâche d’enseignant et de se sentir plus compétents dans ce rôle (22-25). Des recherches démontrent que les étudiants apprécient qu’on les supervise, même en direct, pour autant que l’ob- servation se fasse dans un climat de confiance et avec un objectif d’apprentissage. Ils arrivent à aller au-delà de leur désir de bien paraître aux yeux de leur superviseur s’ils perçoivent que le feedback qui leur est transmis est utile et tient compte de leur style personnel (26). Il va sans dire que le développement d’une relation d’apprentissage implique une logique et une cohérence des rôles de chacun et un par- tage des tâches cliniques qui tienne compte de ce cadre. Ainsi, des interventions à différents niveaux sont nécessaires pour clarifier les attentes de chacun et faciliter la relation pédagogique de façon à ce que les maîtres de stage se permettent d’enseigner et de superviser et que les assistants ne se contentent plus de démontrer ce qu’ils savent, mais s’autorisent à apprendre en exprimant leurs limites.

Enfin, il est nécessaire de développer également des processus facultaires ad hoc, tel que le recommandent par exemple Hauer et al. (27): ces auteurs proposent un modèle en quatre étapes, consistant en :

 une évaluation des compétences, idéalement à l’aide d’outils valides.

 un diagnostic des difficultés et mise en place d’un plan de remédiation individualisé.

 un enseignement et des stratégies de remédia- tion spécifiques aux difficultés identifiées, accom- pagnées de feedback formatif et sanctionnel.

 une réévaluation ciblée des compétences et du niveau de performance atteint par l’assistant.

(8)

M-C. Audétat, S. Laurin

1. Janet y, David J. Predicting the “strugglers”:

a case-control study of students at Not- tingham university Medical School. BMJ 2006;332.

2. yao D, Scott w. National survey of internal medicine residency program directors re- garding problem residents. JAMA 2000;

284(9):1099-104.

3. Audétat M, Belland N, Sanche G. Difficul- tés académiques: planifier ou ne pas pla- nifier les remédiations…étude et résultats de l’utilisation et de l’impact d’un plan de remédiation en résidence de médecine familiale. 2013. En cours de publication.

4. Audétat MC, Dory V, Nendaz M, Vanpee D, Pestiaux D, Junod Perron N, et al. what is so difficult about managing clinical reason- ing difficulties? Med Educ 2012;46:216- 27.

5. Higgs J, Jones M. Chapter 1 : Clinical deci- sion making and multiple problem spac- es. In: Higgs J, Jones M, editors. Clinical Reasoning in the Health Professions. 3ème ed. Oxford, uK: Butterworth-Heineman Ldt;

2008.

6. Boshuizen H, Schmidt H. On the rôle of biomedical knowledge in clinical reason- ing by experts, intermediates and novices.

Cogn Sci 1992;16:153-84.

7. Higgs J, Jones M. Clinical Reasoning in the Health Professions. 3ème ed. Higgs J, Jones M, editors. Oxford, uK: Butterworth- Heineman Ldt; 2008.

8. Nendaz M, Charlin B, Leblanc V, Bordage G. Le raisonnement clinique: données is- sues de la recherche et implications pour l’enseignement. Pédagogie Médicale 2005;6:235-54.

9. Chamberland M, Hivon R. Les compé- tences de l’enseignant clinicien et le mo- dèle de rôle en formation clinique. Péda- gogie Médicale 2005;6:98-111.

10. Kassirer J. Teaching problem-solving- how are we doing ? N Engl J Med 1995;332:1507-8.

11. Kassirer J. Teaching Clinical Reasoning:

Case-Based and Coached. Acad Med 2010;85:1118–24.

12. Audétat MC, Laurin S, Sanche G. Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique. I. un cadre conceptuel pour identifier les problèmes de raisonne- ment clinique chez les étudiants. Pédago- gie Médicale 2011;12(4).

13. Evans D, Alstead E, Brown J. Applying your clinical skills to students and trainees in ac- ademic difficulty. Clin Teach 2010;7:230- 5.

14. Irby D. what clinical teachers need to know. Acad Med 1994;69:333-42.

15. Hauer K, Holmboe E, Kogan J. Twelve tips for implementing tools for direct obser- vation of medical trainees’ clinical skills during patient encounters. Med Teach 2010;2011(33):27-33.

16. Côté L, Leclère H. How Clinical Teachers Perceive the Doctor-Patient Relationship and Themselves as Role Models. Acad Med 2000;75(11):1117-24.

17. Kenny N, Mann K. See one, Do one, Teach One: Role Models and the Can MEDS Competencies. Annals RCPSC 2001;34:435-8.

18. wright S, Carrese J. Excellence in role modelling:insight and perspectives from the pros. CMAJ 2002;167:638-43.

19. Cruess S, Cruess R, Steinert y. Role model- ing-making the most of a powerful strat- egy. BMJ 2008;336:718-21.

20. Laurin S, Audétat M, Sanche G. Soutenir activement l’apprentissage des résidents.

Le Médecin du Québec 2012;47(6):103- 5.

21. Dory V, MC Audétat. «Ils sont carrément incurables » : comment les métaphores des cliniciens enseignants révèlent leur malaise dans la gestion des difficultés de raisonnement clinique de leurs internes ? Pédagogie Médicale 2013; Sous presse.

22. Riley J. The Process of Developing as an Educator. London: King’s Centre Fund;

1993.

23. Higgs J, Mcallister L. Being a clinical edu- cator. Adv Health Sci Educ 2007b;12:187- 99.

24. Higgs J, Mcallister L. Educating clinical ed- ucators: using a model of the experience of being a clinical educator. Med Teach 2007a;29(2):e51-e7.

25. Cohen R, Murnaghan L, Collins J, Pratt D.

An update on master’s degree in medical education. Med Teach 2005;27(8):686- 92.

26. Cayer S, St-Hilaire S, Boucher G, Bujold N.

La supervision directe: Perceptions d’ex-ré- sidents en médecine familiale. Le Méde- cin de famille canadien 2001;47:2494-9.

27. Hauer K, Teherani A, Kerr K, Irby D. Con- sequences within medical schools for students with poor performance on a medical school standardized patient comprehensive assessment. Acad Med 2009;84:663-8.

RÉFÉRENCES

(9)

657

Pouvons-nous encore faire progresser le raisonnement clinique à l’étape de l’assistanat ?

Correspondance : mme mArIE-cLAuDE AuDétAt Université de Montréal Faculté de Médecine Département de médecine de famille et de médecine d’urgence

CPASS (Centre de Pédagogie Appliquée aux Sciences de la Santé)

Canada E-mail : marie-claude.audetat.voirol@umontreal.ca This article was written after a lecture presentation given by Marie-Claude Audétat and Suzanne Laurin in Brussels. Both authors work as clinical teachers in the Department of Family Medicine and Emergency Medicine at the university of Montreal. Their presentation addresses various issues pertaining to the following question that is relevant for any clinical teacher: Are we able to improve clinical reasoning at the assistantship?

SUMMARy

KEy wORDS

Clinical reasoning, faculty development.

Références

Documents relatifs

VICTORIA FALLS, Zimbabwe, le 27 octobre 2015 (ClimDev-Afrique) - La 5 ème Conférence annuelle sur le changement climatique et le développement en Afrique (CCDA 5) qui débute

Ce projet a fait l’objet d’un projet « supplémentaire » avec des volontaires hors temps scolaire en plus des cours, TD et projets des BTS Bâtiment 2 ème année auxquels

« les processus de pensée et de prise de décision qui permettent au clinicien de prendre les mesures les plus appropriées dans un contexte précis de résolution de problèmes »

Demander au stagiaire d’expliciter son raisonnement peut l’aider à structurer sa pensée et sa démarche, à mieux com- prendre et à mieux interpréter les éléments d’une

Ce travail aborde le rôle et l'importance des représentations dans le processus de décision thérapeutique à travers l'exemple de deux syndromes musculo-squelettiques, les

Les  jalons et activités à célébrer au sein du Collège sont nombreux, mais nous pensons surtout aux efforts de plaidoyer déployés pour valider et soutenir le travail des

• De nombreuses API de la région MENA utilisent ou ont récemment développé des outils numériques pour soutenir les investisseurs tout au long du processus d'investissement, allant

police d’assurance maladie et pratiques pour les résidents non thaïlandais 13 Protection sociale pertinente pour le VIH pour les personnes transsexuelles - Uruguay :