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Le rêve, une forme de thérapie

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Le rêve, une forme de thérapie

SCHMIDT, Ralph Erich, SCHWARTZ, Sophie

SCHMIDT, Ralph Erich, SCHWARTZ, Sophie. Le rêve, une forme de thérapie. Psychoscope , 2013, no. 12, p. 12-15

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43809

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DOSSIER: ???PSYCHOSCOPE X-X/200X

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DOSSIER: Le sommeilPSYCHOSCOPE 12/2013

Le rêve,

une forme de thérapie

Le retour du refoulé dans le rêve à la lumière de la recherche empirique

Se basant sur des recherches expéri- mentales actuelles, le psychologue Ralph Erich Schmidt et la biologiste et psychologue Sophie Schwartz ex- pliquent comment les pensées suppri- mées et les souvenirs à forte valeur af- fective – heureux ou dramatiques – sont parfois réactivés dans le sommeil. Des mécanismes qui permettent de mieux comprendre des troubles psychiques comme l’insomnie et le cauchemar.

« La doctrine du refoulement est le pilier sur lequel re- pose l’édifice de la psychanalyse », écrit Sigmund Freud en 1914 dans son résumé de l’histoire de la psychana- lyse. Et il affirme : « En ce qui concerne la doctrine du refoulement, j’ai sûrement été indépendant, je ne sau- rais indiquer aucune influence qui m’en aurait rappro- ché. » Onze ans plus tard, il réitère cette évaluation :

« Ce processus, je l’ai appelé refoulement ; c’était une nouveauté, rien de similaire n’avait auparavant été dé- couvert dans la vie psychique. »

Première mention du refoulement

Même si Freud a indéniablement eu le mérite d’appli- quer la notion du retour du refoulé de manière systéma- tique à la pratique psychothérapeutique et de dévelop- per tout un édifice théorique autour de cette notion, celle-ci a été formulée bien plus tôt que ses propos ci-

Dossier

Le sommeil

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Photo: © adrenalinapura – Fotolia.com

dessus ne l’affirment. En effet, selon les connaissances historiques actuelles, le premier auteur à avoir utilisé le terme de refoulement (en allemand, « Verdrängung ») et à avoir postulé un réveil des représentations inhibées dans le rêve est un philosophe allemand, Johann Frie- drich Herbart (1776–1841). Après ses études en Alle- magne à l’Université d’Iéna, fréquentée à l’époque par d’autres grandes figures de la littérature et de la phi- losophie comme Friedrich Schiller et Johann Gottlieb Fichte, Herbart s’est installé en Suisse, où il a travaillé comme instituteur privé à Berne et où il a rencontré, entre autres, Johann Heinrich Pestalozzi, dont l’œuvre pédagogique l’a profondément marqué.

Suite à l’occupation de Berne par les troupes françaises en 1798, Herbart est rentré en Allemagne. Comme couronnement de sa carrière académique, il a été nom- mé à la chaire de philosophie de l’Université de Königs- berg en tant que successeur d’Emmanuel Kant. Dans son manuel de psychologie publié en 1816, Herbart a dépeint plusieurs cas de figure où le contrôle de soi fait défaut, dont le sommeil. Sous la pression physiologique qui caractériserait le sommeil, toutes les représenta- tions se verraient dans un premier temps reléguées en dessous du seuil de la conscience. Au fur et à mesure que le sommeil progresserait, la pression physiologique diminuerait et permettrait ainsi aux représentations inhibées de se réveiller – l’activité onirique en serait la conséquence.

Le retour d’anciens souvenirs

De cette théorie s’est notamment inspiré Ernst Frei- herr von Feuchtersleben (1806–1849), autre précurseur de Freud qui, tout comme son fameux successeur, a travaillé comme psychiatre à Vienne. Dans son ma- nuel de psychologie médicale publié en 1845, Feuch- tersleben caractérise l’état de sommeil par l’inactivité des organes sensoriels qui priverait l’âme de l’afflux de perceptions en provenance du monde extérieur, et par l’inhibition des organes moteurs qui l’empêcherait d’in- fluer sur ce monde par des actes.

Les rêves seraient alors la manifestation d’un état où l’âme deviendrait pour ainsi dire l’observatrice de son propre spectacle, les sources de ce monde d’images

étant puisées dans la mémoire. Comme l’autocontrôle de l’âme serait affaibli pendant le sommeil, des repré- sentations refoulées auraient l’occasion de réémerger, notamment les souvenirs les plus anciens, qui consti- tueraient l’objet préférentiel des rêves. Feuchtersleben a été le premier auteur à attirer l’attention sur l’intérêt clinique de ce phénomène.

Selon lui, le rêve serait « susceptible de fournir à l’homme des révélations historiques sur lui-même, et donc de faire des oracles comme un prophète tourné vers le passé. (…) Une observation qui renvoie égale- ment au lien discret de parenté entre l’activité onirique et les états mentaux pathologiques, et qui, à tous les égards, n’est pas dénuée d’intérêt pour le médecin-psy- chologue ».

Objet de la recherche expérimentale

Malgré le fait que la notion de retour du refoulé dans le rêve ait donc déjà été formulée au début du 19e siècle et amplement reprise dans le contexte de la psychana- lyse, ce n’est qu’au début du 21e siècle que cette no- tion a pour la première fois été étayée par la recherche expérimentale. Pour être plus précis, la recherche s’est focalisée sur la forme volontaire et consciente du re- foulement, que Freud avait déjà appelée en son temps

« suppression », connue sous le terme « Unterdrückung » en allemand.

Dans l’étude Princeps, conduite à Harvard en 2004, le psychologue américain Daniel Wegner et ses collabo- rateurs ont demandé à 330 étudiantes et étudiants de noter leurs pensées pendant cinq minutes avant d’aller au lit. Durant cette période de verbalisation du flux de pensées, un tiers des participantes et participants avait la tâche d’essayer d’éviter de penser à une personne préalablement déterminée (condition de suppression), un autre tiers celle de se concentrer sur des pensées en lien avec une telle personne, le dernier tiers celle de simplement noter les initiales de la personne-cible avant de commencer à écrire.

Dans la moitié des cas, l’individu-cible était un « crush » (une personne dont le sujet déclarait être amoureux sans qu’il y ait eu une relation entre eux). Dans l’autre moitié, il s’agissait d’un « noncrush », que les sujets trou-

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vaient néanmoins sympathique. Le lendemain matin, les participantes et participants devaient évaluer leurs productions oniriques sur différentes échelles et four- nir, le cas échéant, des récits de rêve. Selon l’auto-éva- luation des sujets, les rêves impliquant la personne- cible étaient significativement plus fréquents dans la condition de suppression que dans les deux autres conditions expérimentales. En ce qui concerne les ré- cits de rêve, un effet analogue s’est manifesté pour le nombre moyen de références à la personne-cible : ce chiffre était significativement plus élevé dans la condi- tion de suppression que dans les deux autres condi- tions.

L’influence de la suppression a été observée aussi bien pour les « crushs » que pour les « noncrushs », ce qui suggère, selon les auteurs de l’étude, que le retour du supprimé dans le rêve n’est pas exclusivement motivé par des désirs, comme Freud l’avait postulé, mais qu’il est également lié à des processus cognitifs.

Rebond dès l’endormissement

Ces découvertes ont par la suite été confortées et affi- nées par plusieurs autres études. Dans une étude de laboratoire avec des réveils provoqués, dont les résul- tats ont été publiés en 2008 dans la revue Consciousness and Cognition, nous avons ainsi pu répliquer l’effet de rebond d’une pensée supprimée et avons trouvé qu’il se manifeste dès les premiers moments de sommeil : ce qui est supprimé à l’état de veille tend à resurgir dans les productions hypnagogiques. En combinaison avec des données indiquant que les mauvais dormeurs font souvent appel à la suppression pour écarter des pen- sées stressantes avant l’endormissement, nos résul- tats suggèrent que l’utilisation de cette technique de contrôle mental peut contribuer à l’insomnie, comme nous l’avons récemment décrit dans un article de revue de littérature intitulé « Cognitive and affective control in insomnia », publié en 2011 dans la revue Frontiers in Psychology.

Or, comment rendre compte du retour du refoulé dans le rêve sur le plan théorique ? Selon le psychologue américain Daniel Wegner, l’intention de supprimer une pensée ferait démarrer une interaction entre deux pro- cessus cognitifs : un processus contrôlé qui serait à la recherche de distracteurs (n’importe quelle pensée en dehors de la cible à supprimer), et un processus auto- matique de monitoring qui serait à l’affût d’éventuelles défaillances du premier processus pour le relancer, si besoin est. Le rebond s’expliquerait par le fait que si le processus contrôlé est affaibli par l’entrée dans le som- meil, le processus de monitoring continue à fonction- ner et augmente par cette voie l’accessibilité de la pen- sée-cible. Si cette théorie parcimonieuse a le mérite de rendre compte de nombre de données empiriques, elle

n’intègre pas la fonction des processus affectifs qui, à la lumière de la recherche actuelle, semble primordiale dans le traitement de contenus mnésiques durant le sommeil.

Réactivation des souvenirs émotionnels

En effet, au cours de ces quinze dernières années, une ligne de recherche importante a démontré le rôle du sommeil dans la consolidation mnésique d’événements récents. Des travaux menés à la fois chez l’animal et chez l’humain ont montré un phénomène de « réactiva- tion » cérébrale pendant le sommeil : les régions du cer- veau « rejouent » à ce moment-là ce qu’elles ont fait juste avant à l’éveil.

Dans une étude récente, publiée en 2011 dans la revue scientifique en ligne PLoS One, nous avons ainsi éta- bli que de telles réactivations au niveau cérébral cor- respondaient effectivement à la réévocation pendant le sommeil de souvenirs récents. Nous avons sélection- né des personnes qui présentent des comportements moteurs complexes pendant leur sommeil (à savoir, des somnambules) et leur avons fait apprendre une séquence motrice précise impliquant de larges mouve- ments des bras. A l’aide d’une caméra infrarouge, qui permet de filmer dans l’obscurité, nous avons pu établir qu’un des patients rejouait une partie de la séquence motrice alors qu’il dormait. Cette observation frappante corrobore l’hypothèse fondamentale que des activités de la journée sont susceptibles de réémerger pendant des périodes de sommeil.

De telles réactivations mnésiques ont-elles aussi lieu au niveau de l’expérience subjective pendant le som- meil, dans les rêves ? Nous le savons tous, les rêves contiennent de nombreux éléments de la vie éveillée.

Robert Stickgold, avec son équipe de la Harvard Medi- cal School, a récemment démontré dans un article inti- tulé « Dreaming of a learning task is associated with enhanced sleep-dependent memory consolidation », que le fait de rêver d’un événement récent en renforce son inscription dans la mémoire. Ainsi, loin d’être un état passif de repos mental et cérébral, le sommeil est un théâtre où des souvenirs récents sont mis en scène et rejoués. Mais quels souvenirs sont réactivés en priori- té ? Comme nous le discutons en détail dans un récent article intitulé « Sleep and dreaming are for important matters » et publié dans la revue Frontiers in Psychology, les données de rêve et les expériences sur la mémoire donnent à cette question une réponse unanime : un souvenir de grande valeur affective ou motivationnelle aura une plus forte probabilité d’être réactivé pendant le sommeil.

De même que les pensées supprimées, les souvenirs émotionnels ont un niveau d’accessibilité augmenté, qu’ils soient heureux ou dramatiques : ils resurgissent

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15 15 dans les rêves et leur consolidation à long terme bénéfi-

cie particulièrement du sommeil.

Une thérapie par exposition

Quelle pourrait être la fonction d’un tel mécanisme ? Une proposition aujourd’hui répandue est que rêver favorise l’intégration des événements émotionnels dans des réseaux de représentations préexistants, et permet- trait ainsi de réduire ou normaliser leur impact affectif.

Dans les rêves, le rêveur est réexposé à certains stimu- li effrayants (personnes, situations, pensées, etc.) mais qui, cette fois, apparaissent dans un contexte sûr et sans danger, celui du rêve.

Rêver pourrait ainsi s’assimiler à une forme de théra- pie par exposition. Par contraste, les ruminations né- gatives et les cauchemars reflèteraient l’échec de ces mécanismes de régulation de souvenirs désagréables ou traumatiques. Les travaux sur la suppression de pensée offrent une explication plausible pour ce phénomène : plus les efforts déployés pour ne pas penser à une situa- tion traumatique sont importants, plus l’accessibilité au souvenir de cette situation est grande, ce qui accroît d’autant plus l’éventualité de sa résurgence spontanée dans les pensées oniriques.

Ralph E. Schmidt Sophie Schwartz

Bibliographie

Desseilles, M., Dang-Vu, T. T., Sterpenich, V., & Schwartz, S. (2011). Cognitive and emotional processes during dreaming : A neuroimaging view. Consciousness and Cognition, 20, 998–1008.

Oudiette, D., Constantinescu, I., Leclair-Visonneau, L., Vidailhet, M., Schwartz, S., & Arnulf, I. (2011). Evidence for the re-enactment of a recently learned behavior during sleepwalking. PLoS One, 6, e18056.

Perogamvros, L., & Schwartz, S. (2012). The roles of the reward system in sleep and dreaming. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 36, 1934–1951.

Schmidt, R. E., & Gendolla, G. H. E. (2008). Dreaming of white bears: The return of the suppressed at sleep onset.

Consciousness and Cognition, 17, 714–724.

Schmidt, R. E., Harvey, A.G., & Van der Linden, M. (2011).

Cognitive and affective control in insomnia. Frontiers in Psychology, 22, 349.

Les auteurs

Ralph Erich Schmidt a étudié la psychologie à Zurich et à Genève. Il a obtenu son doctorat en psychologie et un di- plôme en thérapie cognitivo-comportementale à l’Univer- sité de Genève, où il est actuellement chargé de cours.

Sophie Schwartz est biologiste et psychologue. Elle est professeure au Département de neurosciences de la Fa- culté de médecine de l’Université de Genève. Son labora- toire de recherche étudie le rôle du sommeil dans l’ap- prentissage et la plasticité cérébrale, ainsi que les liens entre sommeil, rêves et émotions.

Contact

Ralph Erich Schmidt, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université de Genève, Boulevard du Pont d’Arve 40, 1205 Genève ralph.schmidt@unige.ch

sophie.schwartz@unige.ch

Zusammenfassung

Die Hypothese, dass im Traum Verdrängtes wiederkehrt, ist in der Psychoanalyse altbekannt. Diese Idee, die in Wirklichkeit längst vor Sigmund Freuds Zeiten entstan- den ist und lange umstritten war, wurde jüngst durch die empirische Forschung bestätigt. Der theoretische Kon- text ist hier allerdings ein anderer. Der Psychologe Ralph Erich Schmidt und die Biologin und Psychologin Sophie Schwartz zeigen in diesem Artikel, dass emotional behaf- tete Erinnerungen genau wie unterdrückte Gedanken die Tendenz haben, im Schlaf reaktiviert zu werden. Diese Er- kenntnisse helfen, psychologische Probleme wie Schlaf- losigkeit und Albträume besser zu verstehen. Den Autoren zufolge könnte das Träumen sogar als eine Art Therapie angesehen werden, als ein Prozess, bei dem prägende Geschehnisse in die Normalität übergehen.

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