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Hépatite B : peut-on sans danger payer pour inciter à se faire vacciner ?

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892 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 16 avril 2014

actualité, info

Hépatite B : peut-on sans danger

payer pour inciter à se faire vacciner ?

C’est une étonnante initiative. Elle vient de faire l’objet d’une publication dans The Lancet.1 Initiative étonnante en ce qu’elle introduit l’argent comme incitation à la vac- cination. Ce travail a été dirigé au Royaume- Uni par le Pr John Strang (National Addic- tion Centre, King’s College London) travail- lant en collaboration avec des chercheurs de l’Imperial College London and University College London (UCL). Il a été soutenu fi- nancièrement par l’Institut national britan- nique pour la recherche en santé (National Institute for Health Research – NIHR).

Les auteurs expliquent avoir organisé leur recrutement au travers de douze établisse- ments et cliniques britanniques spécialisés dans la prise en charge de personnes toxi- comanes. Chacun d’entre eux assurait des traitements substitutifs aux opiacés et pro- posait une prévention des infections trans- missibles par voie sanguine dont la vaccina- tion contre l’hépatite virale de type B (VHB) chez les patients commençant une prise en charge. Il s’agissait d’un schéma d’immuni- sation ra pide avec trois injections en trois semaines (jours 0, 7 et 21). Les équipes lo- cales avaient préalablement évalué l’éligi- bilité des nouveaux patients (âgés de 18 à 65 ans) pouvant être intégrés dans cet essai pour lequel ils avaient donné un consente- ment éclairé. Un feu vert avait été donné par un comité d’éthi que.

L’incitation financière consistait en des bons d’une valeur totale de 30 £ (environ 36 euros), soit 10 £ pour chacune des trois vac- cinations, sous réserve du respect des dates

initialement fixées. Une version «escalade»

était aussi imaginée : (5 £, 10 £ et 15 £). La randomisation s’est faite selon les établis- sements, entre ceux qui la proposaient de manière habituelle, la version incitation à parts égales et la version «escalade».

Au final, entre février 2011 et janvier 2012, un groupe de 210 personnes a pu être re- cruté dans les douze centres, et ce à partir des 914 personnes initialement retenues.

80% des participants étaient des hommes et 75% des blancs. La moyenne d’âge était de 36 ans. Les auteurs du Lancet ont ensuite comparé l’efficacité de ces trois approches.

Dans le premier groupe (méthode habituel- le), seuls 6 des 67 participants ont rempli

toutes les vaccinations prévues. Soit 9%. La proportion a été de 35% dans le groupe «ré- compense fixe» et de 49% dans le groupe

«récompense-escalade».

Qu’en conclure ? «Notre recherche montre que des incitations financières améliorent l’accès à la vaccination contre le VHB, et que ces incitations peuvent être réalisées dans la pratique clinique de routine, résume le Pr Strang. Il n’en reste pas moins vrai que même avec ces améliorations, seule la moitié environ des participants ont terminé le pro- gramme de vaccination dans le meilleur des cas. Il faudra plus de travail pour affiner le système de récompense».

Affiner le système de récompense ? «Je ne vois pas de problèmes éthiques avec les pro- cédures de ce travail, écrit, dans un com- mentaire de cette publication du Lancet, le Dr A. Thomas McLellan (Treatment Re- search Institute, Philadelphie). Pour les par- ticipants, le rapport risques-bénéfices était en faveur de la vaccination.

Aucun patient n’a été privé de soins, aucun n’a été forcé à accepter, une information complète a été prévue pour per mettre aux patients de prendre leur décision.»

Le Dr McLellan pose également des ques- tions concrètes, des questions qui ne man- queront pas d’advenir dès lors que cette expérience serait amenée à se développer, sur le sol britannique, voire au-delà. D’où viendront les sommes nécessaires pour les incitations à la vaccination ? Restera-t-on aux coupons échangeables ou passera-t-on à de l’argent véritable ? Et quels sont les critères qui présideront alors aux décisions ? Ne s’agira-t-il que de l’efficacité ? La seule «santé publique» est-elle ici en mesure de répondre ou faut-il faire appel à des économistes spé- point de vue

… une information complète a été prévue pour permettre aux patients de prendre leur décision. …

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 16 avril 2014 893 cialistes des lois du marché ? A des éthiciens

capables de discuter du concept de con- sentement éclairé dès lors que l’on met de l’argent dans la balance ?

Pour l’heure, on observera que le cadre dans lequel s’inscrit l’expérience britanni que rapportée dans The Lancet ne soulève pas de problèmes majeurs. L’infection par le VHB (et les séquelles qui lui sont associées) cons- titue un problème sanitaire majeur à l’éche- lon mondial et les utilisateurs de drogues injectables constituent un groupe à haut risque de contamination et de transmission.2 A ce titre, c’est aussi une population cible pour la vaccination.3 On estime d’autre part que 22% des toxicomanes intraveineux vi- vant sur le sol britannique sont aujourd’hui infectés par le VHB. Toutes les directives sanitaires disponibles recommandent de pro- poser cette vaccination aux personnes bé- néficiant par ailleurs d’un programme de traitement par des produits de substitution.

En Grande-Bretagne, les initiatives de vacci- nation en milieu carcéral ont permis d’amé- liorer la couverture vaccinale mais il reste toutefois encore beaucoup à faire.

C’est dans ce contexte que les auteurs de cette publication ont entrepris leur expérience originale : gratifier les personnes qui auraient intérêt à se protéger. Les gratifier en souli- gnant que le bénéfice individuel du vacciné se double d’un bénéfice collectif : protégés, les vaccinés ne risquent plus de contaminer autrui avec ce virus sexuellement transmis- sible.

A ce stade, deux lectures sont possibles.

On peut, comme souvent avec les Britanni- ques, vanter les mérites du pragmatisme au service de la santé publique. Les sommes investies sont modestes au regard des béné- fices attendus. De plus, le montant et les modalités de la gratification préviennent la première des critiques : non cet argent ne sera pas dépensé par ces malades pour aller

acheter de la drogue. Qui plus est cette incita- tion à la vaccination complète fort logique- ment un programme de traitement substi- tutif aux opiacés. Un programme financé par la collectivité. Nous sommes donc bien là dans la cohérence d’une politique publi- que de réduction des risques.

Pour autant, on sent bien être ici sur une frontière, aux limites précises où l’équilibre instable ainsi créé risque de s’effondrer. Dans le meilleur des cas les auteurs parviennent à un taux de 49% d’immunisés «volontaires»

avec trois versements (5 £, 10 £ et 15 £), chaque «coupon» correspondant à une in- jection. Qu’en serait-il si les montants étaient deux fois plus élevés ? Cinq fois ? Dix fois ? Qui fixera ici les limites de l’acceptable ? Un économiste ? Un médecin ? Un éthicien ?

Allons plus loin. Pourquoi ne pas lancer des expériences équivalentes avec d’autres vaccins ? Des vaccins recommandés mais qui peinent à être utilisés. On pense au vaccin

«rougeole-oreillons-rubéole» suspecté, outre- Manche, d’être associé à la survenue de troubles autistiques. Ou, en France notam- ment, au vaccin anti-HPV, recommandé par le président de la République en personne ;

ce qui alimente une polémique grandissante.

Comment les géants fabriquants ces vac- cins (le plus souvent pris intégralement en charge par les collectivités) observeront-ils tout cela ? Participeront-ils aux gratifica- tions ? Où l’on voit qu’il n’est guère simple de faire ouvertement entrer l’argent indivi- duel dans des mécanismes qui reposent, pour l’essentiel, sur la solidarité. Faudrait-il le regretter ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Weaver T, Metrebian N, Hellier J, et al. Use of contingency management incentives to improve completion of hepa- titis B vaccination in people undergoing treatment for heroin dependence : A cluster randomised trial. Lancet 2014 ; published online April 8. http://dx.doi.org/10.1016/

S0140-6736(14)60196-3.

2 Nelson PK, Mathers BM, Cowie B, et al. Global epide- miology of hepatitis B and hepatitis C in people who inject drugs : Results of systematic reviews. Lancet 2011;

378:571-83.

3 WHO. Policy brief : Guidance on prevention of viral hepa- titis B and C among people who inject drugs. Geneva : World Health Organization, 2012.

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