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Pour une neuropsychologie développementale cognitive

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Pour une neuropsychologie développementale cognitive

ZESIGER, Pascal Eric

Abstract

Dans cet article, la nécessité d'une approche neuropsychologique du développement précoce est défendue. Dans ce contexte, différents aspects relatifs au cadre neuropsychologique général proposé par Braun sont discutés. Il est notamment suggéré qu'une spécification détaillée des comportements cibles et des processus cognitifs dont ils dépendent est requise avant de tenter d'établir des liens avec les réseaux cérébraux sous-jacents.

ZESIGER, Pascal Eric. Pour une neuropsychologie développementale cognitive. Enfance , 2003, vol. 55, no. 4, p. 327-336

DOI : 10.3917/enf.554.0327

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:80482

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POUR UNE NEUROPSYCHOLOGIE DÉVELOPPEMENTALE COGNITIVE

Pascal Zesiger

Presses Universitaires de France | « Enfance »

2003/4 Vol. 55 | pages 327 à 336 ISSN 0013-7545

ISBN 2130533647

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- http://www.cairn.info/revue-enfance-2003-4-page-327.htm

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!Pour citer cet article :

--- Pascal Zesiger, « Pour une neuropsychologie développementale cognitive », Enfance 2003/4 (Vol. 55), p. 327-336.

DOI 10.3917/enf.554.0327

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Pour une neuropsychologie développementale cognitive

PASCAL ZESIGER

POUR UNE NEUROPSYCHOLOGIE DÉVELOPPEMENTALE COGNITIVE

Pascal Zesiger*

R É S U M É

Dans cet article, la nécessité d’une approche neuropsychologique du développe- ment précoce est défendue. Dans ce contexte, différents aspects relatifs au cadre neu- ropsychologique général proposé par Braun sont discutés. Il est notamment suggéré qu’une spécification détaillée des comportements cibles et des processus cognitifs dont ils dépendent est requise avant de tenter d’établir des liens avec les réseaux cérébraux sous-jacents.

Mots clés :Neuropsychologie développementale, Bébé, Développement cognitif, Neuro-imagerie.

S U M M A R Y

Stressing the importance of a neuropsychological approach of early development In this article, the necessity of a neuropsychological approach of early develop- ment is argued for. Within this context, several aspects of Braun’s general neuropsy- chological framework are discussed. It is particularly.suggested that a detailed. speci- fïcation of the target behaviours and of the corresponding cognitive processes is needed before trying to establish links with the underlying cerebral networks.

Key-words : Developmental neuropsychology, Infant, Cognitive development, neuroimaging.

La neuropsychologie développementale est une discipline qui ne fait que commencer à se structurer dans un contexte scientifique en rapide évolu- tion. On assiste à un foisonnement de travaux de différentes natures – géné- tique, neurobiologique, psychologique, d’imagerie cérébrale, etc. – et plus important encore, de travaux pluridisciplinaires, qui ouvrent de nouvelles voies d’investigation et de compréhension des phénomènes de développe-

* Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation, Université de Genève, Suisse.

ENFANCE, no4/2003, p. 327 à 336

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ment typique et atypique. Jusqu’à présent, le bébé n’a fait l’objet que d’un nombre limité de travaux que l’on peut qualifier de véritablement neuro- psychologique, et le nouveau-né encore moins. Depuis les années 1980, ce sont principalement les enfants d’âge scolaire qui ont été les sujets privilé- giés de ce type d’investigations, notamment avec la problématique des trou- bles d’apprentissage, dyslexie en tête. Les grands enfants, les adolescents et les jeunes adultes ont également constitué la cible prioritaire des chercheurs intéressés par les troubles développementaux tels que l’autisme ou par des syndromes génétiques spécifiques (Down, Williams, X Fragile, etc.).

L’ensemble de ces travaux a contribué à soutenir l’hypothèse selon laquelle diverses formes de troubles développementaux sont liées à un développe- ment atypique du cerveau (DAC, Gilger & Kaplan, 2001), lui-même au moins en partie déterminé par des facteurs génétiques. Pour évaluer le bien- fondé de l’hypothèse duDACd’origine génétique et pour la spécifier davan- tage, il paraît désormais incontournable d’orienter les recherches en neu- ropsychologie développementale sur la période précoce.

Cette nécessité s’est vue récemment confirmée par deux ordres de faits.

Il s’agit en premier lieu des résultats observés dans plusieurs études publiées ou en cours dans lesquelles des cohortes d’enfants « à risque » familial de troubles développementaux (par ex. troubles d’apprentissage du langage écrit, troubles spécifiques du développement du langage) ont été suivis dès leur naissance jusqu’à l’âge de 5 ou 8 ans (Molfese, 2000 ; Lyytinen, Aho- nen, Eklund, Guttorm, Laakso, Leinonenet al.,2001). Ces travaux révèlent la présence de différences électrophysiologiques et/ou comportementales entre sujets « à risque » et sujets contrôle des années avant l’expression cli- nique des troubles, parfois même dès les premiers jours de vie. Ces résultats me semblent d’une importance cruciale tant sur le plan clinique que sur celui de la recherche. En second lieu, plusieurs études publiées au cours des dernières années démontrent l’existence de trajectoires développementales complexes et de profils fluctuant avec l’âge (voir par exemple Paterson, Brown, Gsödl, Johnson, & Karmiloff-Smith, 1999). Par conséquent, il apparaît maintenant indispensable, pour une approche qui se veut vérita- blement développementale, de ne pas se limiter à étudier des « instanta- nés », c’est-à-dire des profils neuropsychologiques caractérisant des indivi- dus à un moment spécifique de leur développement. mais de fournir des informations sur le parcours d’évolution des sujets.

Dans ce contexte, les théories et les modèles neuropsychologiques rela- tifs au développement précoce suscitent un intérêt certain. Le cadre proposé par Braun a pour ambition de caractériser le fonctionnement comporte- mental et neurobiologique du nourrisson et d’interpréter les changements observés dans les premiers mois de son développement. De manière synthétique, je résumerai la thèse défendue par Braun par les quelques points suivants :

1 / Tout organisme animal doit apporter des réponses à cinq questions vitales : où, quand, sur quoi, pourquoi et comment agir ?

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2 / Chez le mammifère adulte (l’homme en particulier), les aires sous- corticales et corticales contribuent à l’élaboration des réponses à ces questions.

3 / Chez le nouveau-né en revanche, les réponses à ces questions sont élabo- rées exclusivement dans des réseaux sous-corticaux spécifiques et s’expriment sous la forme de réflexes et de stéréotypes ; il faudrait at- tendre l’âge d’un mois pour que des réseaux corticaux, spécifiques eux aussi, s’actualisent, donnant naissance à des réponses plus évoluées.

4 / Cette actualisation s’effectue notamment au moyen d’une inhibition des structures sous-corticales par les structures corticales.

5 / Le fonctionnement sous-cortical est de nature implicite exclusivement, alors que le fonctionnement cortical est à la fois implicite et explicite.

Dans mon commentaire, j’aborderai successivement plusieurs aspects de la thèse présentée par Braun en me plaçant dans le cadre à trois niveaux développé par différents auteurs (par ex. Frith, 2001). Il s’agit du cadre visant à envisager le développement et ses troubles sous les angles biologi- ques (gènes et structures cérébrales), cognitifs (processus psychologiques) et comportementaux (observables) en cherchant à établir des liens spécifiques entre ces niveaux.

LES CINQ QUESTIONS « EXISTENTIELLES »

On peut certes considérer avec Braun que la capacité à apporter des réponses aux questions « où, quand, sur quoi, pourquoi et comment agir ? » est fondamentale à la survie de tout organisme animal, le nouveau- né humain ne faisant pas exception. Deux aspects de cette affirmation méri- tent cependant d’être discutés.

Tout d’abord, il me semble que, formulées dans ces termes, ces ques- tions « existentielles » n’ont de sens que pour autant que l’on se place du point de vue de l’observateur et non pas de celui dusujet, qu’il soit ver de terre, rongeur ou petit d’homme. Sur le plan neuropsychologique, le pro- blème soulevé ici est celui de la mise en correspondance entre d’une part les questions (très générales) de l’observateur, et d’autre part les structures comportementales, cognitives et neurobiologiques du sujet. De mon point de vue, il ne peut pas exister de relation 1:1 entre la question de l’observateur et le comportement du sujet. Il paraît évident que chacune de ces questions recouvre une réalité complexe incluant des traitements divers.

Si le « sur quoi » correspond à l’objet « mère », le traitement de cet objet particulier impliquera des processus visuels pour le traitement du visage et de ses autres propriétés visuelles, des processus acoustiques/phonétiques pour le traitement de sa voix, des processus olfactifs pour le traitement des odeurs, des processus tactilo-kinesthésiques pour le traitement des contacts et des manipulations, etc. Par conséquent, il conviendrait dans un premier

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temps de définir plus précisément les comportements en jeu ainsi que les traitements cognitifs sous-jacents (même sans postuler l’existence de

« représentations cognitives nettes »), avant de tenter d’établir des liens entre ces comportements, les processus cognitifs dont ils dépendent et leurs fondements neurobiologiques. Ceci d’autant plus que Braun postule l’existence de réseaux spécifiques, successivement – dans la phylogenèse et dans l’ontogenèse –, pré- ou sous-corticaux puis corticaux, dédiés à l’élaboration de réponses à chacune de ces 5 questions. La réduction de la question du « où » à une réponse d’orientation, du « comment » aux pro- cessus moteurs, me paraît, dans l’état actuel des connaissances, quelque peu rapide et non justifiée.

Ensuite, caractériser le fonctionnement du petit d’homme par les activi- tés nécessaires à l’élaboration de réponses aux 5 questions évoquées plus haut a pour conséquence de limiter le champ d’investigation des compéten- ces du nouveau-né. Or si, comme le souligne Braun, Piaget avait insisté sur les manques et les limites du nouveau-né, quelques générations de cher- cheurs après lui sont venues changer considérablement cette image en démontrant les étonnantes capacités du nourrisson. Quoi qu’il en soit, il me semble que certaines compétences sortant du cadre strict de la réponse aux 5 questions de Braun sont susceptibles de poser – indirectement du moins – quelques problèmes à la thèse radicale de l’acorticalité du nouveau-né. Je pense notamment aux conduites imitatives (Nadel & Butterworth, 1999), à la sensibilité du nourrisson à diverses propriétés des objets physiques (Slater

& Johnson, 1998 ; Morongiello, Fenwick, & Chance, 1998) et acousti- ques/phonétiques (Dehaene-Lambertz & Pena, 2001), ainsi qu’aux capacités de catégorisation (Quinn, Slater, Brown, & Hayes, 2001, Aldridge, Still- man, & Bower, 2001). Ces conduites, brièvement mentionnées par Braun, mériteraient certainement de plus amples discussions.

LES DONNÉES

Pour étayer sa thèse, Braun utilise trois ordres de faits : les comporte- ments des espèces animales dépourvues de cortex, ceux de patients adultes atteints de lésions corticales et ceux des nourrissons, qu’ils soient sains ou cérébrolésés (anencéphales). La raison principale du recours aux deux pre- miers types de données pour discuter du petit d’homme est vraisemblable- ment le nombre très limité de travaux neuropsychologiques effectués chez celui-ci. En effet, si les compétences précoces ont donné lieu à une abon- dante littérature en psychologie développementale, il est extrêmement déli- cat, quel que soit le comportement démontré, d’en établir les soubassements neurophysiologiques sur la simple base de résultats comportementaux.

Compte tenu de la rareté de données pathologiques convaincantes et des résultats issus des techniques d’imagerie cérébrale chez le nouveau-né sain,

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on comprend que Braun ait cherché à élargir cette base de données. Je ne suis toutefois pas convaincu de l’applicabilité des données animales ni de celle des résultats lésionnels chez l’adulte au nouveau-né. L’approche com- parative interespèces, si elle figure parmi les méthodes classiquement utili- sées en neuropsychologie développementale (voir par exemple de Haan, Humphreys, & Johnson, 2002), me semble devoir être considérée avec pru- dence, et ce d’autant plus que les espèces sont éloignées, ce qui est forcé- ment le cas entre des espèces sans cortex et l’homme. Le fait qu’il existe dans une espèce animale une réaction d’orientation ou d’approche vers des stimuli appétitifs ne signife pas nécessairement ni (1) que ce comportement soit identique au comportement analogue observé dans une autre espèce. ni a fortiori (2) que ce comportement soit assuré par des processus cognitifs sous-tendus par des réseaux homologues du système nerveux central des deux espèces. Si l’on observe un comportement X chez une espèce dépourvue de cortex, la seule conclusion valide qui me semble pouvoir être tirée est que, sans cortex, le comportement X peut être assuré. Ce fait ne nous autorise pas à considérer que dans une espèce plus évoluée, un com- portement analogue soit acortical.

Braun fait également un recours fréquent aux données lésionnelles de l’adulte humain, ce qui me semble également délicat. En effet, qu’un adulte dont le cortex est atteint soit capable d’effectuer une tâche particulière grâce à la mise en œuvre de structures sous-corticales – pour autant que cela soit démontré – est une chose. Qu’un comportement analogue observé chez le tout-petit dépende des mêmes structures en est une autre. Il faut dans ce cas accepter le postulat selon lequel aucune réorganisation cortico- sous-corticale ne s’effectue au cours du développement. Ce qui revient à admettre un modèle des relations cortico-sous-corticales très simple stipu- lant qu’avec le développement, les structures corticales inhibent les struc- tures sous-corticales et que, étant inhibés, les traitements effectués par celles-ci ne peuvent pas évoluer.

REFOULEMENT ET INHIBITION

Les modèles relatifs aux relations qu’entretiennent les structures corti- cales et sous-corticales dans le développement sont encore bien peu élaborés.

Dans la plupart des cas. les auteurs font appel à des schémas déjà anciens fondés sur la notion d’inhibition que l’on peut qualifier de « verticale » pour la distinguer des phénomènes d’inhibition « horizontale » d’un hémisphère sur l’autre postulés par certains. Dans son article cible, Braun reprend un modèle dans lequel les structures phylogénétiquement plus évoluées inhibent les structures plus anciennes. Il introduit également dans son résumé la notion de « refoulement actif », laquelle n’est malheureusement pas reprise plus loin et dont il est par conséquent difficile de comprendre le rôle.

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Lorsque l’on consulte l’abondante littérature dédiée à l’imagerie céré- brale fonctionnelle chez l’adulte, on ne peut qu’être frappé par l’activation (généralement non prédite et dans de nombreux cas non expliquée) régu- lière de structures sous-corticales dans la résolution de tâches cognitives complexes, activations qui ne peuvent pas correspondre à de simples arte- facts. De. tels résultats semblent fort peu compatibles avec un modèle simple d’inhibition des structures sous-corticales par les structures corticales. Par ailleurs, les atteintes sous-corticales, tant chez l’enfant que chez l’adulte, peuvent donner lieu à des troubles cognitifs complexes, argu- ment qui, lui aussi, va à l’encontre de la vision d’une inhibition « descen- dante » généralisée.

Dans certains modèles (par ex. Johnson, 1997), les structures sous- corticales jouent un rôle déterminant dans l’édification du néo-cortex, selon des modalités différentes selon les auteurs (voir la discussion autour des notions de « protomap » et de « protocortex »). Il paraîtrait curieux que leur fonction se limite à cette préparation et à une période relativement courte de l’existence. De nombreuses données actuelles indiquent que les structures corticales et sous-corticales travaillent en collaboration à la réso- lution des tâches auxquelles les individus sont confrontés. Cette collabora- tion me semble compatible avec l’affirmation de Braun, qui, dans son texte, cautionne l’idée selon laquelle « il n’y a pas de rupture anatomofonction- nelle absolue entre le cortex et les réseaux sous-corticaux (...) ». Évidem- ment, dans ce cadre, il est nécessaire de spécifier la part de travail accomplie par chacun des niveaux et leur spécificité, questions auxquelles des réponses ne pourront être apportées que par l’analyse détaillée et déve- loppementale des comportements, des processus cognitifs et des réseaux neuronaux sous-jacents spécifiques.

RUPTURE OU CONTINUITÉ

La notion de rupture intervient à un autre niveau dans le texte de Braun : il s’agit de la problématique de la (dis)continuité développementale (transition d’un stade à un autre). Je n’ai pour ma part pas très bien saisi si l’auteur postulait ou non l’existence d’une rupture développementale, qu’elle soit de nature comportementale, cognitive et/ou neurobiologique.

En effet. certaines parties de son texte font référence à une bifurcation vers l’âge d’un mois, sans que cet âge ne soit véritablement justifié par l’auteur.

Il est également question d’ « étayer la nature du passage dont Piaget avait eu l’intuition » sur la base des connaissances actuelles en neuropsychologie.

Il s’agirait cette fois-ci d’une rupture vers l’âge d’un an ou plus. Dans d’autres passages. Braun semble davantage en faveur d’une « multitude de trames développementales, nous forçant à aborder avec prudence la notion globalisante de rupture développementale cognitive à proprement parler »,

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formulation avec laquelle je suis en plein accord. Je trouverais intéressant que l’auteur amène quelques précisions sur ce thème et explique comment il conjugue ces diverses affirmations.

L’IMPLICITE ET L’EXPLICITE

Le texte de Braun m’inspire également une certaine perplexité par rap- port à l’utilisation que l’auteur fait des concepts d’implicite et d’explicite à différents niveaux. Sur le plan strictement cognitif, je m’étonne de l’usage très large et indifférencié de ces termes. On trouve en effet dans le texte les notions de traitement, d’opération mentale, d’apprentissage, de représenta- tion, de mémoire implicites/explicites. Quels liens Braun établit-il entre ces différentes notions ? Il spécifie que le terme « implicite » signifie « incons- cient, involontaire, sans représentations cognitives nettes ». Cette forme d’implicite peut cependant également être plastique tout en étant stéréo- typée. Quant à l’explicite, Braun critique l’amalgame parfois effectué entre explicite, déclaratif et verbal, sans donner plus d’information sur ce qu’il entend par ce terme.

Dans de nombreux domaines de la psychologie, et en particulier en psy- chologie développementale, des auteurs se sont élevés contre cette distinc- tion binaire. Ici également, plutôt qu’une rupture, il me semble nécessaire de postuler l’existence d’une dimension continue et d’introduire l’idée que différents niveaux d’implicite ou d’explicite peuvent exister. C’est par exemple le cas dans l’étude de la mémoire (Nelson, 1995) ou dans certains modèles développementaux à portée plus large (voir par exemple le cadre élaboré par Karmiloff-Smith, 1992, avec ses différents niveaux de redescrip- tion représentationnelle).

D’ailleurs, l’auteur, dans la citation mentionnée plus haut relative à l’absence de rupture absolue entre cortex et aires sous-corticales, continue en spécifiant qu’il n’y a pas de rupture entre implicite et explicite, ce qui ne ressort certainement pas de son texte. Quoi qu’il en soit, si l’on postule l’existence de divers niveaux sur l’axe implicite-explicite, la mise en rela- tion de ces niveaux avec ceux des structures cérébrales sous-jacentes est à repenser.

AU TOTAL...

J’ai pour ma part souvent exprimé le souhait de voir développer des théories et modèles qui soient spécifiques à la neuropsychologie développe- mentale (voir par exemple Zesiger & Hirsbrunner, 2000) et en ce sens, je ne peux que saluer la tentative de synthèse proposée par Braun pour le déve-

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loppement précoce. Dans cette discipline encore jeune, est-il possible d’élaborer des modèles généraux transcendant les diverses modalités per- ceptives et les divers domaines ? Je n’en suis pas convaincu. En effet, bien que les connaissances soient encore très limitées – et en ce sens, je m’associe pleinement à l’auteur lorsqu’il affirme qu’il reste beaucoup à faire –, tout porte à croire que la mise en place des différents systèmes de traitement de l’information s’effectue avec une certaine spécificité/modularité, que ce soit sur le plan comportemental, cognitifs ou neurobiologique (ce qui n’est pas forcément incompatible avec la notion de plasticité développementale).

Peut-il en être autrement chez le nouveau-né dont les différents systèmes sensoriels et perceptifs sont stimulés de manière très différente selon les modalités au cours de la vie intra-utérine ? Plus de deux mois d’expériences auditives contribuent sans aucun doute à édifier le système auditif du nou- veau-né, alors que la lumière ne vient frapper sa rétine qu’à la naissance, même si d’autres types de stimulations de nature électrique semblent prépa- rer l’organisation du système visuel.

Plusieurs aspects de la thèse de Braun me semblent relativement consen- suels, pour autant que l’on introduise quelques nuances :

— La richesse et la complexité des comportements que l’on peut attri- buer à des structures précorticales chez l’animal primitif et sous-corticales chez l’homme ne font aucun doute.

— Les chercheurs sont probablement unanimes à considérer que les structures sous-corticales présentent à la naissance un degré de maturité plus élevé que les structures corticales.

— La mise en place progressive, vraisemblablement à des vitesses diffé- rentes selon les réseaux/fonctions/comportements concernés, de l’activité corticale me semble tout autant consensuelle.

Est-il pour autant nécessaire ou utile de radicaliser la thèse en postulant une acorticalité fonctionnelle totale du nouveau-né ? Je n’en suis pas convaincu et certaines données, par exemple dans le domaine du traitement des sons de la parole, me semblent aller clairement à l’encontre de cette thèse (Dehaene-Lambertz, 2000 ; Dehaene-Lambertz & Pena, 2001). On peut espérer que l’article de Braun stimule les chercheurs et les incite à s’interroger davantage sur les soubassements neurophysiologiques des conduites dans le développement en tentant de répondre notamment à la question des rapports évolutifs entre structures sous-corticales et corticales.

ET LA SUITE?

Les. techniques de neuro-imagerie sont de plus en plus fréquemment utilisées en neuropsychologie développementale. On compte maintenant une dizaine de techniques différentes visant à établir des liens entre les com- portements et leurs soubassements neurophysiologiques (voir à ce propos le

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numéro spécial de Developmental Science édité par Casey & de Haan, 2002). En dépit des progrès rapides observés dans ce domaine, aucun outil ne permet de répondre simultanément à toutes les questions. En matière de résolution spatiale et temporelle, d’applicabilité aux enfants et du caractère plus ou moins invasif de ces techniques, les inconvénients des unes sont en tout cas partiellement compensés par les avantages des autres (Casey & de Hahn, 2002). L’imagerie structurale, qu’il s’agisse de la tomographie axiale computérisée, de l’imagerie par résonance magnétique ou de l’imagerie par diffusion de tenseurs, peut apporter de précieux renseignements sur le déve- loppement et la maturation des structures cérébrales, tant pour ce qui est de la matière grise que de la matière blanche. De fait, ces techniques sont de plus en plus fréquemment utilisées dans la clinique pédiatrique. Les tech- niques d’imagerie fonctionnelle sont encore plus prometteuses dans la com- préhension des phénomènes développementaux typiques et atypiques électro-encéphalogramme (potentiels évoqués, mais aussi analyses de cohé- rence), magnéto-encéphalogramme, spectroscopie optique, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle ou pharmacologique, PET, SPECT, l’arsenal à disposition est impressionnant. Le coût de la plupart de ces tech- niques reste malheureusement encore élevé. Parallèlement aux progrès tech- nologiques, on assiste progressivement à une adaptation des procédures expérimentales au bébé et au jeune enfant. On peut ainsi penser que l’utilisation de ces techniques se banalisera dans un proche avenir. Reste évidemment le problème épineux inhérent à toute étude développementale : comment élaborer des tâches qui puissent être réalisées par des individus dont le niveau de compétences ainsi que le niveau de tolérance aux con- traintes expérimentales varient fortement ? Pour toutes ces techniques, des plans expérimentaux très précis et contraignants sont nécessaires à l’obtention de signaux d’activation interprétables de manière univoque. On est maintenant bien loin des travaux des pionniers fondés sur l’analyse de l’activité spontanée du cerveau. Il faut cependant apporter un bémol à l’enthousiasme ambiant. En effet, comme le fait remarquer Spelke (2002), les travaux de neuro-imagerie développementale n’ont abouti à des résultats satisfaisants que dans les cas où des recherches antérieures avaient permis de comprendre l’organisation des comportements et de modéliser les pro- cessus cognitifs en jeu. La nécessité d’une approche véritablement pluridis- ciplinaire qui conjugue les niveaux comportemental, cognitif et biologique apparaît plus clairement que jamais.

RÉFÉRENCES

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