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Les exploitations agricoles périurbaines : diversité et logiques de développement

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02653621

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Submitted on 29 May 2020

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logiques de développement

Christophe-Toussaint Soulard, B. Thareau

To cite this version:

Christophe-Toussaint Soulard, B. Thareau. Les exploitations agricoles périurbaines : diversité et logiques de développement. Innovations Agronomiques, INRAE, 2009, 5, pp.27-40. �hal-02653621�

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Les exploitations agricoles périurbaines : diversité et logiques de développement

C. Soulard1, B. Thareau2

1 : INRA SAD UMR 0951 Innovation, 2 place Viala, 34060 Montpellier Cedex 1 2 : LARESS ESA, 55 rue Rabelais, BP 30748, 49 007 Angers Cedex 1

Correspondance : soulard@supagro.inra.fr ; b.thareau@groupe-esa.com Résumé

Cette communication propose une synthèse des connaissances sur les exploitations agricoles périurbaines. Les études statistiques montrent que l’agriculture périurbaine présente des spécificités structurelles : exploitations plus petites, plus intensives. Cette agriculture apparaît également diverse en terme de productions, de structures ou de modes de vente. C’est ce que soulignent également les monographies locales, qui pointent aussi des processus de développement de ces agricultures différenciées. La communication propose ensuite d’analyser plus finement les agricultures proches d’Angers, de Dijon et de Montpellier, à la lumière de travaux d’enquête récents. Cela permet de montrer que les contrastes entre agricultures périurbaines sont d’abord expliqués par les caractères de l’agriculture du territoire au sein duquel s’inscrit la ville. Pour autant des dynamiques agricoles similaires s’observent à proximité des villes. Conjuguer ces observations permet de dégager trois logiques de développement des exploitations agricoles périurbaines : (i) faire de l’abondance d’espace agricole une ressource pour composer avec la ville ; (ii) valoriser l’implantation périurbaine pour assurer un positionnement commercial et capter des opportunités locales ; (iii) développer des stratégies résidentielles qui incluent l’agriculture.

Mots-clés : périurbanisation, agriculture périurbaine, exploitation agricole, développement Abstract

This paper proposes a synthesis concerning farms in French periurban areas. National studies show that farms close to cities are smaller and more intensive. This agriculture is also more diverse with regards to production, infrastructure of the farms and local food supply chains. This was well described in number of local French studies. These also pointed out the diversity of farm development models. This paper analyses more precisely agriculture around three middle-sized cities in different regions of France (Angers, Dijon and Montpellier). We show that differences between urban and rural agriculture are mostly explained by regional specificities. However, similar processes are observed. These are connected to three logics of farm development which appear in the urban areas: (i) looking for large farm areas as a resource to face the urban sprawl; (ii) taking advantage of urban proximity to develop local marketing strategy, or benefit from other local opportunities; (iii) linking agriculture to the residential strategy.

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Introduction : Qu’est-ce qu’une exploitation agricole périurbaine ?

C’est une question apparemment simple mais à laquelle il n’est pourtant pas aisé de répondre. En effet, si les travaux sur l’agriculture périurbaine se sont fortement développés ces dix dernières années pour éclairer le besoin d’organisation des espaces périurbains, ils se caractérisent aussi par leur dispersion (Sabatier, 2007). Cette dispersion est d’ailleurs une des caractéristiques mêmes des acteurs porteurs d’initiatives sur l’agriculture périurbaine. Leur structuration en réseau révèle le faible degré d’institutionnalisation de la problématique, ce aux niveaux national et international (Fleury, coord., 2002). Et ceci est vrai pour les acteurs territoriaux comme pour les professionnels de l’agriculture. Or, pour éclairer les défis à relever dans ces espaces, il est nécessaire de mieux cerner les processus sur lesquels agir.

C’est dans cette visée que se situe notre communication. Elle engage une synthèse sur ce que nous savons aujourd’hui des exploitations agricoles et des agriculteurs périurbains, en s’appuyant sur trois corpus de connaissances. Premièrement, les statistiques du recensement général agricole qui, bien que datant de 2000, n’ont produit des analyses explicatives que dans des publications récentes. Deuxièmement, les monographies locales, riches chacune par leur finesse d’analyse, mais qui souffrent d’un manque de mise en perspective. Troisièmement, nos propres travaux qui portent sur les dynamiques de développement agricole dans trois aires urbaines intéressantes à comparer pour leur contraste : Angers, Dijon et Montpellier.

Notre communication reprend successivement tous ces travaux pour déboucher en conclusion sur une proposition des logiques générales de développement qui façonnent, selon nous, la physionomie actuelle des agricultures périurbaines.

1. Les exploitations agricoles périurbaines : des spécificités ?

A l’échelle nationale, l’exploitation des données statistiques du recensement de l’agriculture de 2000 met en lumière des caractéristiques périurbaines liées aux structures d’exploitation, aux productions et aux circuits de vente.

1.1. L’agriculture périurbaine des statistiques agricoles : faits et tendances générales.

En France, les productions horticoles, arboricoles, maraîchères, viticoles et équines sont plus fréquentes dans les pôles urbains1. Dans les couronnes périurbaines, les productions de grandes

cultures sont sur-représentées, alors que l’élevage, et en particulier l’élevage ovin et caprin y est plus rare qu’ailleurs (Gille, 2002). Au Québec, Bryant et al. (2003) obtiennent les mêmes résultats autour des principales villes de la belle province.

Plus on se rapproche de la ville et plus la taille de celle-ci est grande, plus les exploitations sont petites et intensives, et pratiquent davantage la vente directe (Cavailhès et Wavresky, 2007). Gille (2002) constate en même temps qu’il y a plus de très grandes exploitations (plus de 100 ha) en zone périurbaine qu’ailleurs. Cavailhès et Wavresky (2007) donnent une piste d’explication à ce double constat : si les orientations de production plus intensives sont sur-représentées près des villes (horticulture, maraîchage…), ils y constatent aussi la mise en œuvre dans des systèmes de grandes cultures de pratiques plus intensives que dans le rural (irrigation, légumes de plein champ).

1 Le vocabulaire utilisé ici se réfère à celui de l’INSEE qui distingue : les communes urbaines, périurbaines et rurales. Les premières qui concentrent la population et les emplois sont agrégés dans des « pôles urbains », les secondes dont plus de 40 % de la population active travaille dans le pôle urbain, forment des « couronnes périurbaines ». L’ensemble des deux forme l’aire urbaine.

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Ces auteurs semblent s’accorder sur l’interprétation de certaines de ces caractéristiques : tous relient la sur-représentation urbaine du maraîchage et de l’horticulture à l’héritage des ceintures maraîchères du XIXème et début du XXème siècle. Le maintien de ces productions malgré la transformation des circuits de

distribution alimentaire est expliqué par le fait que le prix de la terre agricole augmente à mesure que l’on s’approche des villes, en particulier du fait de l’anticipation par les propriétaires de la plus-value attendue de la vente de terres agricoles pour des usages résidentiels, de loisirs ou d’artificialisation (Jarrige et al., 2003 ; Levesque, 2009). Dans ces conditions, la plus grande résistance des activités à forte valeur ajoutée à l’hectare explique le maintien à proximité des villes de certains types de systèmes de production agricoles (Cavailhès et Wavresky, 2007). Cependant, d’autres résultats suscitent des pistes d’interprétation moins partagées. La sur-représentation périurbaine des grandes cultures et des très grandes exploitations peut-elle s’expliquer uniquement pas l’intensification de ces systèmes ? Comment interpréter l’effet plus ambigu de la proximité urbaine et de la taille de la ville sur les systèmes viticoles ? N’y a-t-il pas une diversité de logiques de développement des exploitations en lien avec la localisation périurbaine ?

Pour avancer sur ces questions, des travaux québécois (Bryant et al., 2003) soulignent l’intérêt de coupler analyses spatiales et diachroniques : ils montrent que les caractéristiques agricoles sont différenciées selon les aires urbaines et que le processus de restructuration de l’agriculture est plus rapide près des villes que dans les zones plus rurales. Dans la même perspective, Lévesque (2009) propose une interprétation croisée des dynamiques foncières et agricoles : les évolutions du contexte foncier induisent selon lui des difficultés d’installation du fait du prix élevé des sièges, une accélération consécutive de l’agrandissement, la construction de nouveaux sièges sur les terres agricoles et le mitage des espaces agricoles. Mais ce « contexte agricole » reste à préciser. C’est ce qu’éclaire la synthèse d’études locales qui mettent l’accent sur l’ancrage spatio-historique des agricultures périurbaines.

1.2. Etudes locales : différenciations spatio-historiques des agricultures périurbaines

A l’échelle des aires urbaines, nous disposons d’une série d’études réalisées en France par des agronomes, des économistes et des géographes. Les lieux d’études sont géographiquement dispersés, au gré des actions qui ont émergé autour de l’agriculture périurbaine, notamment dans les principales aires métropolitaines (Paris, Lyon, Grenoble, Aix-Marseille, Lille), mais aussi dans des villes moyennes comme Amiens, Avignon, Montpellier, Brest, Orléans. La période de développement de ces travaux va du début des années 90 au début des années 2000 ; depuis, on en trouve peu. Les objets et les méthodes d’étude varient selon les auteurs, certains ayant cherché à dégager la spécificité ou les adaptations périurbaines des systèmes de production agricoles (Capillon et David, 1996 ; Tolron, 2001), d’autres cherchant davantage à en comprendre la généalogie et le devenir (BAGF, 1994 ; Fleury, 1996 ; Donadieu, 1998). Pour en restituer le contenu, nous regroupons ces « agricultures périurbaines » dans les trois familles que distingue Donadieu (1998) : les héritières, les indépendantes, les innovantes. Les héritières. Les exploitations maraîchères et horticoles sont par excellence des systèmes de production historiquement associés à l’urbain : en 2000, 35 % des surfaces maraîchères et 41 % des surfaces horticoles sont concentrées dans les pôles urbains (Gille, 2002). Nés dans les banlieues maraîchères du XIXème siècle, ces systèmes de production se sont différenciés au cours du temps

formant quatre types de zones agricoles (Vaudois, 1994) : (i) des agricultures reliques et (ii) des zones

maraîchères et horticoles à fonction locale qui ont conservé des liens économiques étroits avec l’urbain

par le biais de circuits courts aux formes très diverses, mais dont l’avenir reste aléatoire faute d’une faible structuration syndicale, technique et commerciale et où les stratégies individuelles prédominent ; (iii) des zones maraîchères et horticoles extraverties, tournées vers les marchés d’expédition et

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d’exportation sont pratiquement indépendantes de la ville proche, si ce n’est par la concentration des infrastructures d’amont et d’aval, et des réseaux logistiques qu’offre la proximité urbaine ; (iv) les zones

horticoles périurbaines de création récente qui relèvent des trois logiques précédentes, et qui

proviennent soit d’opérations de regroupement de maraîchers délocalisés et réinstallés, soit de la volonté de créer une zone d’activité horticole dans des sites nouveaux.

A cette différenciation spatiale des zones maraîchères, s’ajoute une diversité structurelle des exploitations agricoles au sein d’une même aire urbaine. Comme l’illustre Fleury (1996) pour l’ouest parisien, les structures de production maraîchère comprennent des petits producteurs familiaux qui vendent au détail sur les marchés urbains, des grandes entreprises avec salariés qui combinent vente au détail (valorisant la MO salariée) et marchés de gros, et des exploitations de grandes cultures qui ont introduit récemment des productions de légumes, commercialisées en gros. Exploitations maraîchères et de grandes cultures interagissent, à la fois par le jeu des délocalisations (totales ou partielles) vers le rural engendrées par l’avancée urbaine, et par la gestion de l’état sanitaire des parcelles qui incite à mettre en rotation légumes et céréales.

En conclusion, si les systèmes maraîchers et horticoles sont issus de l’histoire urbaine, ils se sont fortement différenciés vers des formes spécialisées qui valorisent soit les marchés locaux, soit les effets d’agglomération, ou vers des formes associées aux grandes cultures.

Les indépendantes. Ce deuxième ensemble regroupe les systèmes de production dont les moteurs d’évolution s’inscrivent dans les logiques sectorielles de filières, les organisations communes des marchés de la PAC et la spécialisation régionale des productions. L’étalement urbain a conquis des espaces où cette agriculture s’était installée et continue à prédominer.

En opposition au maraîchage qui s’adapte à l’avancée urbaine en se délocalisant, les exploitations

viticoles et arboricoles résistent ou disparaissent (Gille, 2002). Cette plus grande résistance face à la

ville s’expliquerait par la valeur et la pérennité foncière des terres plantées, auxquelles peut s’ajouter l’effet protecteur, à des degrés divers, des zonages AOC (Peres, 2007). Ce phénomène est constaté par exemple autour d’Avignon où dans un contexte d’urbanisation, certains vergers et vignobles résistent, voire gagnent du terrain (Lees et Derioz, 1994). Mais à une échelle inter-communale, un double mouvement est observé : recul du vignoble dans les secteurs constructibles et progression dans les secteurs AOC situés aux confins des finages (Cheylan, 2001). Autour de Montpellier, Jarrige (2004) avance aussi l’hypothèse de la structure du parcellaire viticole en constatant que les grands parcellaires résistent mieux que les micro-parcelles qui partent plus facilement à l’urbanisation, soit pour recapitaliser l’exploitation viticole, soit pour procurer un revenu de retraite. Ce processus est à relier à l’organisation agraire qui pénalise les petites exploitations viticoles des villages touchées par l’encerclement résidentiel, et les grands domaines qui bénéficient d’une situation « rurale » protégée (Durbiano, 1994).

Les exploitations d’élevage connaissent elles aussi des devenirs périurbains contrastés. Plusieurs études signalent que seules les exploitations d’élevage hors-sol sont quasi-exclues des zones à proximité immédiate des villes. Toutes les autres formes d’élevage sont présentes. En Bretagne, autour de Brest, Piriou constatait en 1994 que l’élevage disparaissait dans certains secteurs au profit des productions maraîchères sous serres, alors que se maintenait dans d’autres des systèmes d’élevage laitiers caractéristiques du modèle productiviste breton. A l’inverse, en région grenobloise, les élevages des massifs proches de Grenoble se sont tournés depuis longtemps vers la commercialisation de produits locaux destinés au marché urbain. Bonnefoy le constatait déjà en 1986. Troisième cas de figure à Montpellier où l’élevage ovin-caprin a pratiquement disparu de l’aire urbaine, alors que se développent des activités équestres de loisir liées à la fois à des activités non agricoles et à des élevages de tradition camarguaise (Jarrige, 2004 ; Vial et Perrier-Cornet, 2007).

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Les exploitations céréalières et grandes cultures sont des systèmes de production fortement présents dans les aires urbaines. Dans la plupart des cas, ils fonctionnent indépendamment des débouchés commerciaux en ville. C’est ce que constatent Diry (1994) dans la plaine clermontoise et Capillon et David (1996) dans le parc naturel du Vexin français. Ces exploitations sont orientées vers les marchés offerts par les filières, et développent parfois des activités complémentaires, mais en conservant une base céréalière. Dans le Vexin, tandis que les petites et moyennes exploitations se diversifient en vendant une partie de la production sur des circuits courts, les grandes exploitations développent des offres de loisirs rémunératrices qui tirent partie de la proximité urbaine et du site naturel (chasse, pêche, circuits de promenade, accueil à la ferme). Il en va de même pour la pluri-activité qui prend deux formes différentes : des petites exploitations cultivées par des employés, et des grandes exploitations qui développent des sociétés de service dans le bâtiment, les travaux publics, et l’immobilier. Cette dernière situation peut conduire à une prise de distance vis-à-vis de l’exploitation qui peut alors être mise en gérance. Cette évolution rejoint alors un type de céréaliculture qui se développe spécifiquement dans les périphéries urbaines, spécialement sur les parcelles en attente d’urbanisation. Ce phénomène est particulièrement visible autour des villes du sud de la France où il est facile de voir dans le paysage le développement des cultures de blé dur en lieu et place des vignes et des friches localisées dans les zones constructibles : ces cultures bénéficient à la fois des coûts faibles ou quasi nuls des mises à disposition précaires du foncier en attente d’urbanisation, et du caractère incitatif des primes de la PAC sur le blé dur (Tolron, 2001 ; Jarrige, 2004). Cette monoculture d’attente est mise en œuvre par des agriculteurs absentéistes ou par des entrepreneurs de travaux agricoles qui en ont fait leur spécialité. Très visible dans le sud viticole et horticole, ce type d’agriculture « opportuniste » se développe probablement dans toutes les périphéries urbaines.

Donadieu (1998) identifie une troisième catégorie plus ambiguë, « les innovantes », qui regroupent des formes d’agricultures particulières, suscitées par l’évolution récente des modes de vie urbains. Entrent dans cette catégorie, les cultures florales, sous serre ou de plein air, les pépinières et les entreprises paysagistes chargées de la création et de l’entretien d’espaces verts publics et des jardins privés. D’autres activités sont encore plus récentes comme la cueillette à la ferme, les fermes pédagogiques et équestres, la restauration et l’hôtellerie, les élevages d’animaux domestiques, etc. Ces activités peuvent donner lieu au développement de véritables PME, tout comme elles peuvent être le fait d’agriculteurs à temps partiel. Les agriculteurs concernés sont parfois d’anciens exploitants agricoles qui ont dû ralentir l’activité agricole, soit par difficulté à maintenir l’exploitation en place, par l’absence de repreneur ou par la perte de foncier. Ce sont aussi des citadins qui pratiquent l’agriculture par goût, par plaisir, la vente de sa production étant un des moyens pour réduire les coûts d’un loisir. Van Oort (1994) aux Pays-Bas et Busck et al. (2006) au Danemark, montrent l’importance croissante du hobby-farming dans les franges urbaines du nord de l’Europe. En France, Donadieu comme la plupart des auteurs indiquent que ces formes d’agriculture sont émergentes. Un bon exemple au sud est illustré par le rôle des non agriculteurs dans le renouveau de l’olivier (Laurence et Rossel, 2009). Cette agriculture de loisir pose la question de ce qu’on nomme agriculture, agriculteur, exploitation agricole, tant du point de vue des acteurs qui développent ces activités, actifs agricoles, citadins, retraités, que du point de vue des logiques de développement territorial qu’elles incorporent.

En conclusion, les études locales soulignent la diversité « des agricultures périurbaines », et surtout leur ambivalence, à la fois spécifiques et banales, déclinantes et dynamiques, ancrées et mobiles, une véritable alliance des contraires. Elles nous invitent à enrichir les approches qui privilégient une seule entrée, comme par exemple l’exploitation agricole ou le système de production, ou un seul type de données, statistiques quantitatives ou enquêtes qualitatives. C’est ce que nous avons tenté de faire en mobilisant nos résultats d’étude de l’agriculture dans trois aires urbaines : Angers, Dijon et Montpellier.

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2. Comparaison des exploitations agricoles de trois aires urbaines

L’étude des statistiques agricoles locales autour d’Angers, Dijon et Montpellier, permet de comparer trois cas de figure d’agriculture périurbaine autour de villes moyennes (tableau 1).

Tableau1. Population et agriculture des trois aires urbaines.

Angers Dijon Montpellier

Population 1999 (1000 hab)

 Ville centre 151 150 229

 Aire urbaine 333 327 507

Agriculture à proximité des villes

Diversifiée avec dominante d’élevage, arboriculture et zone horticole de grandes

entreprises

Dominante Grandes Cultures, un peu de viticulture, et petite zone

horticole / vergers / maraîchage

Dominante Viticulture, garrigues peu agricoles, une

petite zone maraîchère de grandes entreprises

Les orientations qui prédominent dans les aires urbaines reflètent les dominantes départementales (cf. tableau 2 en annexe). En Côte d’Or, les exploitations grandes cultures prédominent (si l’on excepte le vignoble dont une infime part concerne l’aire urbaine de Dijon), elles sont de taille importante et extensives en travail ; l’agriculture est particulièrement diversifiée en Maine et Loire, avec une dominante d’élevage et des exploitations plus intensives en travail et de surface intermédiaire ; la viticulture prédomine dans l’Hérault, associée à des exploitations petites et beaucoup de temps partiel : deux tiers des exploitations de l’Hérault sont non professionnelles alors que cette proportion est d’un tiers dans le Maine-et-Loire et la Côte d’Or. Autre spécificité de l’Hérault : les surfaces non productives (friches, landes etc.) y sont dix fois plus importantes que dans les deux autres départements. Enfin, la structure de la propriété foncière différencie fortement le Maine et Loire et la Côte d’Or où 70% des surfaces sont en fermage, de l’Hérault où le faire valoir direct et les autres modes de faire valoir sont prédominants.

Malgré ces différences, les statistiques révèlent les mêmes effets de la proximité urbaine que ceux observés au niveau national : les exploitations sont d’autant plus petites et intensives qu’elles sont proches de la ville ; les grandes cultures, l’horticulture et le maraîchage sont plus fréquents à proximité de la ville ; la vente directe y est aussi plus fréquente ; la gamme des orientations de production s’élargit ainsi au fur et à mesure qu’on s’approche du pôle urbain. Au delà de ces grandes tendances, cette analyse apporte trois observations plus originales :

- L’importance des grandes cultures croît avec la proximité urbaine. Autour de Dijon, on peut, comme le fait Gille (2002) faire l’hypothèse que cela reflète un effet de localisation de la ville au sein d’un bassin céréalier. Mais cet effet s’observe nettement autour de villes comme Montpellier ou Angers inscrites dans des territoires d’élevage ou viticoles. De plus, l’importance des grandes cultures concerne les exploitations professionnelles mais aussi les non professionnelles. Ces deux observations montrent l’existence des systèmes de céréaliculture « d’attente » autour des villes, existence décrite par plusieurs monographies locales.

- Autour d’Angers et de Montpellier, les surfaces en herbe sont plus importantes que dans le reste des départements. En Maine et Loire, l’élevage bovin pratiqué près d’Angers est plus extensif, plus herbager qu’ailleurs. Cela tient à l’existence de zones humides importantes qui traversent la zone urbaine, exploitées en prairies par les éleveurs. Nombre de villes étant établies sur des cours d’eau cette situation est fréquente en contexte urbain. Jarrige (2004) montre qu’autour de Montpellier le développement de prairies correspond au développement d’un élevage de loisir, sur des systèmes rarement intensifs. La proportion importante d’agriculteurs non professionnels orientés vers des activités d’élevage tant autour d’Angers que de Montpellier conforte cette interprétation. Ces résultats invitent donc à penser la question de

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l’élevage périurbain de manière spécifique, en questionnant l’hypothèse d’intensification des systèmes à mesure que l’on s’approche de la ville. Le développement de systèmes d’élevage peu orientés par des objectifs de rentabilité d’une part, et l’existence de surfaces exclues du marché de l’urbanisation par leur caractère inondable d’autre part, complexifient l’interprétation des dynamiques professionnelles pour ce secteur.

- Enfin, alors qu’à l’échelle nationale, on observe un relatif maintien des exploitations dans les couronnes périurbaines et un phénomène de restructuration accéléré en zone urbaine, nous observons des dynamiques structurelles différenciées selon les territoires et les types d’exploitation. Autour de Montpellier, la proximité urbaine accélère fortement l’agrandissement des exploitations et la diminution de leur nombre. L’effet urbain s’observe de manière atténuée autour d’Angers, alors qu’à proximité de Dijon, l’agriculture connaît une dynamique proche de celle à l’œuvre dans le reste du département. Mais partout ces dynamiques globales renvoient à des processus contrastés en fonction des types d’exploitation.

Ces données suggèrent un contraste accru des structures agricoles et des systèmes de production sous l’influence des pôles urbains. Les structures de petite taille, les tenures précaires, les orientations techniques caractéristiques de l’urbain, semblent co-exister avec des modes d’agriculture très proches des systèmes agricoles observables ailleurs dans les zones rurales proches. Comment appréhender les dynamiques agricoles sur ces territoires, entre héritage et création ? C’est ce que nous avons cherché à comprendre en allant enquêter des exploitations agricoles situées aux abords immédiats de Dijon et d’Angers.

3. Profils et logiques d’action d’agriculteurs périurbains

Dans cette partie, nous restituons des travaux d’enquêtes réalisées auprès d’agriculteurs situés près des villes afin de mieux comprendre leurs logiques d’action.

3.1. Enquêtes à l’Est d’Angers

A Angers, l’enquête porte sur les modalités du développement agricole près des villes (Thareau, 2009)2. Nous avons enquêté auprès d’agriculteurs de quatre communes contiguës, situées à l’Est de la

ville d’Angers, entre 5 et 10 km, dans un secteur agricole marqué par une grande diversité des orientations productives. Elle a été menée au cours du printemps 2007 sous la forme d’entretiens semi-directifs enregistrés puis retranscrits, auprès de 19 agriculteurs représentant plus de la moitié de la population agricole des communes. L’entretien porte sur les façons de voir et d’agir des agriculteurs, en relation avec les débats professionnels locaux.

Les exploitations de notre échantillon reflètent la diversité agricole caractéristique des communes d’enquête avec six éleveurs de bovins (lait ou viande), deux aviculteurs, deux arboriculteurs et quatre horticulteurs. Nous avons aussi rencontré un pépiniériste et des personnes ayant des petites structures avec quelques moutons ou chevaux, ou encore un fermier aubergiste. Les structures d’exploitation sont très hétérogènes, tant sur le plan de la surface (de 1 à 220 ha) que de la main d’œuvre (d’exploitations menées par des doubles actifs à des entreprises à 125 salariés). Au moment de l’enquête, les enquêtés avaient entre 38 et 73 ans. L’analyse de l’évolution des exploitations et des projets des exploitants nous amène à distinguer trois logiques d’action.

2. Ce travail s’inscrit dans un programme de recherche-développement « Prospectives agricoles locales et dynamiques urbaines » porté par la Chambre Régionale d’Agriculture des Pays de la Loire et soutenu financièrement par le Cas Dar, ainsi qu’Angers Loire Métropole, Nantes Métropole et le Pays du Mans.

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S’agrandir. Un tiers des enquêtés est dans une logique d’agrandissement. Ce sont les éleveurs laitiers et le pépiniériste. Ils ont de grandes structures au regard de l’agriculture locale (de 85 à 225 ha, 125 ha en moyenne). Ils s’agrandissent de 3,5 ha/an en moyenne. Souvent, ils sont locataires de plus de 90% des terres exploitées. Parmi ces exploitants, certains veulent développer l’activité. C’est le cas du pépiniériste et d’un éleveur laitier. Le moyen de ce développement est l’agrandissement. D’autres sont dans une dynamique de maintien de l’activité, l’agrandissement se traduit par une extensification de l’usage de la terre (arrêt d’activités à forte valeur ajoutée trop gourmandes en temps de travail comme la vente directe ou la production de cerises ; extensification des pratiques d’élevage). Ils justifient cette dynamique par la menace d’urbanisation qui pèse sur leur exploitation. Le principal facteur qui tend à limiter ces dynamiques est la main d’œuvre : plusieurs de ces exploitants reconnaissent qu’ils n’ont pas la capacité de travail nécessaire pour agrandir davantage leur structure. Or pour la plupart, ce sont des exploitants qui n’ont pas recours au salariat. Un autre facteur limitant est la disponibilité des terres. Elle varie selon les localités dans la mesure où elle est liée aux perspectives de cessation d’activité des exploitations voisines. Enfin, la possibilité d’urbanisation est réelle, mais certainement moins menaçante que ce que le discours dominant parmi les éleveurs tend à poser.

Intensifier l’activité sur des structures stables. La moitié des enquêtés sont dans une logique de développement de l’activité sur des structures foncières stables. Ils ont des productions plus intensives que les précédents : horticulture, arboriculture et aviculture. Leurs structures sont plus petites (de 1 à 35 ha, 18 ha en moyenne). En général, ils ne se sont pas agrandis depuis l’installation et, contrairement aux précédents, ils sont propriétaires de leurs terres (85% de leur SAU en moyenne). Pour eux, le recours au salariat est la norme. Pour tous, le développement de l’activité consiste ou a consisté à produire plus ou de nouveaux produits, ou à développer des circuits commerciaux plus rémunérateurs sur une structure d’exploitation stable. La plupart explique avoir des surfaces « non exploitées » (c'est-à-dire en prairie ou grandes cultures), sur lesquelles ils pourraient se développer si besoin. Tous ne s’inscrivent pas dans une dynamique de développement de leur activité. Le développement nécessite des investissements (serres, bâtiments, plantations) qui sont jugés risqués étant donné le contexte économique de ces filières. De ce fait, les exploitants qui approchent de la retraite et qui n’ont pas de certitude quant à la transmission de leur exploitation cessent d’investir et ralentissent leur activité. Par ailleurs les difficultés pratiques liées à l’emploi de salariés ont parfois freiné le développement de certaines entreprises. En revanche, ces exploitants propriétaires de leurs terres abordent en général la question de l’urbanisation avec sérénité : ils sont confiants dans leur aptitude à négocier avec la collectivité des conditions d’expropriation et/ou de déplacement favorables (d’autant plus que l’entreprise exploite une surface réduite et emploie beaucoup).

Pratiquer une agriculture de loisir. Ces personnes sont rarement qualifiées d’agriculteurs, ni par eux, ni par les autres producteurs. En fait, l’agriculture est pour eux un plaisir, un loisir. Ils ne cherchent pas à en tirer un revenu, le ménage disposant d’autres revenus. En général, ils ont cherché à acheter un terrain à aménager en prairie pour accueillir quelques animaux (vaches, chevaux, chèvres). Ces activités, bien que limitées, sont intégrées dans des circuits commerciaux et techniques agricoles : vente des animaux à des négociants, sollicitation des vétérinaires, demande de prestations de services à des agriculteurs voisins pour les travaux culturaux. Ces relations avec le secteur professionnel agricole participent de leur plaisir. La surface exploitée est en moyenne de 6 ha, ils sont le plus souvent propriétaires de leur terrain. Si leurs activités évoluent, c’est toujours en lien avec des évolutions personnelles (leurs envies, leur condition physique), des évolutions des pratiques familiales et professionnelles non agricoles (évolution de la disponibilité) ou encore une évolution du budget du ménage qui détermine la capacité à investir.

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3.2. Enquêtes à proximité de Dijon

A Dijon, l’enquête vise à comprendre les logiques économiques et les stratégies foncières des agriculteurs qui exploitent dans le pôle urbain (Bonnaud et al., 2005)3. Elle a été réalisée en 2005

auprès de dix-huit des vingt neuf exploitants répertoriés, à Dijon même, et dans cinq communes attenantes, trois au Nord-Ouest dans un secteur de petite agriculture maraîchère et fruitière, et deux au Sud-Est, aux portes de la plaine où les grandes cultures associées aux cultures industrielles prédominent. Pour saisir la situation économique des ménages et leur projet d’évolution, l’enquête a cherché à reconstituer la trajectoire des exploitations et à estimer les composantes des revenus des ménages.

Dix-sept exploitations ont été enquêtées. Dix d’entre elles sont des exploitations où prédominent les grandes cultures, associant céréales et cultures industrielles, avec des structures de taille allant de 60 à 570 ha. Sept exploitations occupent des surfaces réduites, entre 0,5 et 2 ha. Dans ces petites exploitations, on trouve des productions diversifiées commercialisées pour tout ou partie en vente directe : plantes en pots, fleurs coupées, pépinières, fruits, légumes, miel, etc. Nous n’avons pas enquêté d’exploitations avec des activités d’agri-tourisme. Par contre, les activités non agricoles des ménages, ainsi que les activités de services de proximité développées à partir de l’exploitation, sont rencontrées dans tous les types d’exploitations. L’analyse des logiques économiques des ménages nous amène à distinguer quatre logiques de développement. Les deux premières regroupent des exploitations grandes cultures, les deux autres regroupent des profils plus hétérogènes.

Maintenir le système de production ou s’agrandir. Trois exploitations suivent une trajectoire analogue aux exploitations grandes cultures de la plaine dijonnaise. Depuis l’installation, la priorité a été l'agrandissement des surfaces tout en conservant la spécialisation en céréales et oléo-protéagineux avec, selon les potentiels agronomiques et les capacités d’irrigation, une part plus ou moins forte de cultures à plus forte marge (betteraves, légumes plein champ …). Agés de 43 à 52 ans, les chefs d’exploitation ont réussi à atteindre une surface suffisante aujourd’hui pour obtenir des résultats économiques satisfaisants à partir de systèmes de cultures peu diversifiés qu'ils maîtrisent facilement. N’imaginant pas d’évolution de leur exploitation à moyen terme, ils espèrent que la conjoncture économique à venir leur permettra de tenir jusqu'à la retraite, date à laquelle ils pourront tirer partie de la rente foncière par la vente. Ce choix est conforté par la logique économique du ménage qui, dans les trois cas, bénéficie du salaire apporté par le travail extérieur du conjoint et qui est donc à même de préserver le revenu du ménage en cas de conjoncture agricole plus difficile.

Anticiper en recherchant des surfaces ou des activités annexes. Six exploitations de grandes cultures s'apparentent aux précédentes mais développent des stratégies plus volontaristes pour consolider et transmettre l’appareil de production. Ces exploitations sont conduites par des agriculteurs plus jeunes (37 à 47 ans) ayant plus de 50 % de leur foncier qu’ils qualifient de peu sûr ou précaire. Cette incertitude agricole s'accroît quand la situation économique du ménage est moins sécurisée, ce qui est le cas dans trois exploitations. Ces agriculteurs cherchent à s’agrandir, même si cela n'est souvent possible qu'avec du foncier précaire ou en acceptant d’aller cultiver sur des terres éloignées. Mais ils sont aussi à la recherche d'autres sources de revenu. Ils conduisent cette recherche en visant à rester dans leur « cœur de métier » de céréalier, et en explorant peu les opportunités offertes par la proximité du bassin d’emploi et de consommation dijonnais.

3 Ces résultats proviennent des résultats du mémoire d’ingénieur de l’ENESAD de Stéphane Deminguet (2005) réalisé dans le cadre d’un programme « Etudes et dialogues sur l’agriculture périurbaine dijonnaise » porté par et soutenu financièrement par l’agglomération du Grand Dijon, en partenariat avec la Chambre d’agriculture de la Côte d’Or.

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Agrémenter la retraite et conserver le patrimoine productif dans la famille. Trois exploitations sont gérées par des retraités âgés de 67 à 76 ans. Sur des surfaces très restreintes, 0.40 à 1.5 ha, ils exploitent des vergers, des surfaces et des serres maraîchères, pour des productions qui sont toutes commercialisées auprès d'une clientèle de proximité (ventes à la ferme, marchés urbains). Ces agriculteurs retraités n’ont jamais eu l’agriculture comme profession principale et sont peu soucieux de la rentabilité économique de leur activité agricole. Ils sont par contre attachés à leur foncier qu’ils voient comme un patrimoine productif qu’ils souhaitent conserver dans la famille. Ils ne cherchent pas à tout cultiver et font travailler le cas échéant une partie de leurs surfaces par des voisins céréaliers. Eloignés à tous points de vue de l’agriculture céréalière du secteur, ils sont cependant inscrits dans des réseaux commerciaux de proximité orientés vers une demande urbaine de produits de qualité, avec notamment une forte présence sur les marchés de Dijon. Les trois exploitants prévoient la transmission de leurs terres à des futurs retraités ou pluriactifs de la famille.

Commercialiser des productions ou développer des services, à surface égale. Cinq exploitations sont résolument orientées vers le bassin de consommation urbain. Tenues par des agriculteurs de 34 à 64 ans, elles appuient leur développement sur des surfaces restreintes détenues en propriété. Les activités les plus rémunératrices sont installées sur les parties de l'exploitation les plus sûres, les mieux équipées ou les mieux situées : foncier en propriété, irrigation, magasin en bord de route,… Tout ou partie des cultures pratiquées dégage une forte valeur ajoutée (légumes sous serre, plantes ornementales, pépinières) et est destiné au bassin de consommation dijonnais. La démarche commerciale est une composante à part entière de l'activité de ces exploitations. En conséquence, les besoins en main d’œuvre sont importants et assurés en priorité par les ressources familiales, mais aussi par des salariés (1 à 5 personnes). L’agrandissement n’est pas envisagé, l’attention de ces agriculteurs étant davantage tournée vers l'adéquation entre production et débouchés commerciaux. Dans un environnement concurrentiel (ex : grandes surfaces de jardinerie), ils développent de nouveaux produits et services pour conserver un positionnement commercial, quitte à réduire la part agricole dans le revenu global du ménage. Dans ce groupe, une seule exploitation était initialement céréalière. Faute de surface suffisante, elle a commencé par développer une activité de cueillette à la ferme, puis elle a investi dans un magasin de vente qui assure un emploi pour un enfant. La surface en grandes cultures est conservée, mais se réduit.

En conclusion, le poids des héritages, des cultures de métier, des stratégies familiales, est très fort dans les contrastes entre les exploitations. Mais pour autant il n’y a pas de déterminisme et les trajectoires de rupture, de l’agricole vers l’urbain et inversement, existent aussi.

4. Conclusion : quelles logiques de développement des exploitations agricoles périurbaines ?

Les parcours d’installation des exploitants en place donnent à voir dans les deux aires d’enquêtes une profession d’héritiers : parmi les agriculteurs professionnels, les ¾ ont repris l’exploitation familiale à Angers, tous à Dijon. Cette reproduction familiale des exploitations n’empêche cependant pas une forte mobilité des activités exercées, dans l’exploitation elle-même et dans les emplois à l’extérieur. La proximité urbaine semble accentuer cette mobilité « sur place », dans la mesure où le manque de terre génère une recherche perpétuelle de sources de revenus complémentaires. Dans cette quête, nous constatons que la diversification des productions ou des circuits de commercialisation n’est qu’une forme, minoritaire, de réponse à cette incertitude. Les contraintes de main d’œuvre, de développement du bâti agricole, ou de voisinage, limitent ses développements. A contrario, la majeure partie des exploitations cherche à se maintenir par l’agrandissement des surfaces, avec dans certains cas ou dans certains lieux de l’exploitation une extensification des modes de production. Il peut paraître surprenant

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de relever cette stratégie dans des espaces contraints, mais en réalité si la spécialisation productive et les aides de la PAC incitent, ici comme dans le rural, les agriculteurs à sécuriser leur revenu et leur outil de travail par l’agrandissement, un mécanisme de transmission plus spécifique au périurbain semble favoriser ce mouvement. En effet, une partie des exploitants (un tiers au moins dans chaque terrain) ne transmet pas l’exploitation dans sa totalité. Le développement de l’entreprise s’articule alors en fin de carrière avec l’aménagement du lieu de vie, le site d’exploitation changeant ainsi progressivement de vocation (d’un usage productif à un usage résidentiel). Certains agriculteurs projettent de rester dans leur maison d’habitation et parfois de valoriser des terres agricoles qu’ils ont en propriété pour un usage récréatif privé. Cette posture est en général justifiée par des difficultés économiques ainsi que l’existence de projets d’urbanisation de tout ou partie des terres exploitées. Elle alimente un flux de terres réexploitées, avec et ou sans bail, par des agriculteurs en place qui accroissent encore leur surface avec une partie conduite sous forme extensive. Autour de Montpellier, ces agriculteurs mettent une partie de leurs surfaces à disposition de particuliers détenteurs d’équidés qui entretiennent ainsi de l’espace agricole sans en faire un métier. Il existe donc aussi des liens d’interdépendance entre ces modes de transmission des exploitations, une agriculture professionnelle qui se maintient par l’agrandissement, une agriculture de loisir qui entretient l’espace soustrait et une agriculture gérant temporairement des espaces vacants. Dans ce schéma, les possibilités d’installation et de création d’exploitations semblent difficiles. Mais elles sont sans doute aussi renforcées par un discours dominant qui véhicule l’idée que les exploitations qui cessent ne sont pas reprenables et qu’il n’y a pas de candidat pour s’installer. Cela fonde une pratique de partage des terres entre voisins qui limite l’installation.

La confrontation entre les observations issues des données statistiques et les résultats d’enquêtes qualitatives permet de proposer une interprétation plus générale des dynamiques agricoles périurbaines, interprétées comme processus socio-historique. Dans cette perspective, nous pouvons observer la co-présence de trois logiques de développement des exploitations agricoles périurbaines : (i) faire de l’abondance d’espace agricole une ressource pour composer avec la ville ; (ii) valoriser l’implantation périurbaine pour assurer un positionnement commercial et capter des opportunités ; (iii) résidentialiser l’agriculture. La première logique peut être illustrée par la figure des exploitations de grandes cultures, et à un moindre degré par les exploitations herbagères qui, selon les projets des agriculteurs, le cycle de vie de leur exploitation et leur situation foncière, peuvent jouer sur le levier « intensification / diversification » des productions, ou bien sur le mouvement contraire « extensification / simplification », voire conjuguer les deux. A l’inverse, la seconde logique correspond aux entreprises agri-urbaines qui utilisent les marchés urbains pour vendre leur production, recruter de la main d’œuvre ou acheminer leurs expéditions. Leur trajectoire est « verticale », car il s’agit d’assurer un positionnement commercial tout en développant d’autres activités qui répartissent les risques en diversifiant les revenus, quitte à évoluer vers des structures et des métiers qui placeront la fonction agricole au second plan. Les exploitations de viticulture et d’arboriculture s’apparenteraient à la première logique par le jeu spatial que permet la conquête ou la vente foncière, et à la seconde par la faible plasticité des usages sur les parcelles plantées et l’avantage de leur implantation via des stratégies terroir ou paysage. Enfin, dans les interstices de l’espace périurbain, se logent des logiques d’agriculture de loisir, d’attente ou de repli, qui épousent les fonctions résidentielles et façonnent un métissage entre (agri)cultures agricoles et citadines. L’agriculture s’y trouve « résidentialisée ».

Bien sûr, les acteurs des territoires périurbains souhaitent développer une agriculture multi-fonctionnelle et apte à se développer grâce au développement de circuits courts et de services de proximité rémunérés. Les logiques que nous dégageons de notre analyse révèlent une réalité bien différente qui explique les obstacles à la mise en place de ces projets agricoles territorialisés. Certes, de tels projets réussissent à se concrétiser, comme par exemple dans certains secteurs du Lyonnais (Diry, 1984 ; Bernard et al., 2006) ou de l’Ile-de-France (Donadieu, 1998), là où des volontés politiques et professionnelles fortes, individuelles et collectives, ont réussi à se conjuguer. Mais, les trois logiques de

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développement que nous dégageons peuvent servir aux réflexions à conduire pour s’adresser à tous les profils d’agriculteurs, en travaillant à la fois les questions de marchés et de soutiens incitatifs qui favorisent des occupations du sol et des productions à double usage agricole et urbain, en abordant aussi les questions d’équipements de zones d’implantations agricoles fonctionnelles et en réfléchissant enfin au renouvellement des métiers de l’agriculture, sans oublier la frange de plus en plus nombreuse de non agriculteurs qui utilisent et gèrent des espaces péri-résidentiels et non bâtis.

Autant de pistes pour débattre des innovations agronomiques à inventer pour l’agriculture périurbaine de demain.

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Tableau 2 : Caractérisation des exploitations agricoles des aires urbaines angevine, dijonnaise et

Montpelliéraine. Source RGA 1988, 2000.

Montpellier, Hérault Angers, Maine et Loire Dijon, Côte d'Or

Cantons du pôle urbain* (5 cantons) Cantons de l'aire urbaine** (14 cantons) Dépt Cantons du pôle urbain * (5 cantons) Cantons de l'aire urbaine** (12 cantons) Dépt Cantons du pôle urbain* (6 cantons) Cantons de l'aire urbaine** (13 cantons) Dépt Territoire

SAU 00 par hab 100 0.001 0.09 0,22 0,04 0,23 0,65 0,08 0,32 0.88

Exploitations agricoles : structures

Effectifs toutes exploitations 00 303 2923 15481 235 1917 12541 295 1334 6193

Surf moy EA prof 00 26 35 29 47 64 53 98 109 104

Surf moy EA non prof 00 5 4 3 12 9 8 25 13 11

Surf moy toutes exploitations 00 11 16 13 32 39 38 65 79 74

% EA non prof 00 71 63 63 43 45 34 46 31 32

Var 88-00 nb EA (%) -56 -37 -35 -42 -35 -34 -14 -28 -25

Var 88-00 surf moy toutes EA (%) 78 49 33 49 39 44 54 38 35

Exploitations agricoles : Répartition en OTEX en 2000

% EA OTEX GC 11 7 3 18 15 13 57 52 32

% EA OTEX mar horti 13 4 2 9 6 3

% EA OTEX arbo 5 7 5 14 5 4 10 3 2

% EA OTEX vigne d'appelation 5 11 14

% EA OTEX autre viticulture vigne 46 54 69 2 4 10 12 22 24

% EA OTEX ovins, caprins 5 5 3 17 23 13 3 4 7

% EA OTEX bovins 16 23 28 3 11 24

% EA OTEX autres 15 12 4 24 25 28 16 9 10

% EA non prof OTEX GC 14 7 3 23 16 16 44 38 25

Surfaces

% surf totale 00 céréales 11 10 6 27 28 26 56 50 41

% surf totale 00 STHerbe 29 25 22 26 25 19 4 14 30

% surf totale 00 Vignes 29 29 42 0,1 1,9 4,2 1,6 1,4 2,1

% landes, friches, territoires non

productifs 00 12 11 10 3,0 1,4 1,1 1,0 0,8 1,0

Valeur ajoutée

MBS/SAU 00 en UDE/ha 1.76 1.71 1.56 2,3 1,5 1,3 0,96 0,86 0,88

MBS/EA 00 en UDE 20 27 21 107 95 74 62 68 65

Activités de proximité

% EA prof vente directe 00 20 22 19 32 18 20 38 29 28

% EA non prof vente directe 00 8 7 5 6 10 10 35 25 19

% EA prof Travaux à façon 00 4.49 2.26 1.90 1 2 1 18 15 9

Foncier

% FVD / SAU 00 EA prof 43 40 53 26 25 27 26 28 29

% FVD / SAU 00 EA non prof 59 71 71 51 60 53 14 44 50

% fermage / SAU 00 EA prof 32 36 31 74 75 73 73 72 71

% fermage / SAU 00 EA non prof 26 21 19 47 39 46 87 56 50

% autre faire valoir / SAU 00 EA

prof 26 23 15 0,1 0,1 0,5 0,2 0,2 0,3

% autre faire valoir / SAU 00 EA

non prof 14 8 10 1,5 0,3 1,0 0,3 0,2 0,5

* Cantons dont plus de 50% des communes sont dans le pôle urbain (nomenclature INSEE 1999) ** Cantons dont plus de 50 % des communes sont dans l'aire urbaine, y compris le pôle urbain (nomenclature INSEE 99)

Figure

tableau 2 en annexe). En Côte d’Or, les exploitations grandes cultures prédominent (si l’on excepte le  vignoble dont une infime part concerne l’aire urbaine de Dijon), elles sont de taille importante et  extensives en travail ; l’agriculture est particuli
Tableau 2 : Caractérisation des exploitations agricoles des aires urbaines angevine, dijonnaise et  Montpelliéraine

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