G ERGONNE
Questions résolues. Considérations préliminaires
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 7 (1816-1817), p. 143-147
<http://www.numdam.org/item?id=AMPA_1816-1817__7__143_0>
© Annales de Mathématiques pures et appliquées, 1816-1817, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de Mathématiques pures et appliquées » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale.
Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
QUESTIONS RÉSOLUES.
Considérations préliminaires ;
Par M. G E R G O N N E.
QUESTIONS
IL y
a à peuprès
un anqu’un géomètre très-distingue ,
auteurd’ouvrages estimés,
etattaché ,
commeprofesseur ,
a l’une de nosprincipales écoles , m’annonça qu’il
avait conçu sérieusement des doutes sur lalégitimité
desprocédés
du calcul des variations et des résultatsqui
s’endéduisent ; qu’il
avait à opposer à cesprocédés
des
objections
d’une naturetrès-grave,
etqu’il était,
entre autreschoses,
en état de prouver que la surface que cette branche d’ana- liseindique
comme celle de moindre étendue entre des limitesdonnées ,
nejouit point
constamment de cettepropriété.
Toujours empressé
de donner accès dans les Annales à toutes les dis- cussions et recherchesqui peuvent
tendre àjeter plus
de lumière sur les doctrinesfondamentales, je
me hâtai d’écrire à cet estimablegéomètre,
pour
rengager
àfaire ,
des doutesqu’il
avait conçus, lesujet
d’unmémoire que
je
luipromettais
d’insérer dans cerecueil,
aussitôtqu‘il
me serait parvenu.Mais,
soit que legéomètre qui
avait ainsi éveillé ma curiosité ait étédétourné,
parrenseignement
dont il estchargé,
du soin decondescendre à ma
prière ;
soit que, comme il arrive assez souvent, lechamp
s’étantagrandi
devantlui, à
mesurequ’il
leparcourait,
il n’ait pu encore en atteindre la
limite ;
soitpeut-être
aussi que des réflexions nouvelles aientdissipé
tout-à-fait les nuagesqui
s’étaientI44 QUESTIONS.
élevés
dans
sonesprit ; je
suis encore àattendre aujourd’hui
lemémoire
qui
m’était presquepromis.
Dans
l’attente oùj’étais
dece mémoire, je pensai convenable
de proposer, dans diverses livraisons des
Annales,
desquestions
bien circonscrites ,
relatives à la recherche de la moindre surfaceentre des limites données. J’étais d’autant
plus
fondé à le faire que , si ceuxqui
ont écrit sur le calcul des variations ont donnél’équation
de la surfaceminimum,
ainsi que sonintégrale générale;
aucun
d’eux,
du moins queje sache,
n’amontré,
par desexemples,
comment on doit déterminer les fonctions arbitraires
qui
naissentde son
intégration ,
et combien de conditions sont nécessaires pourdéterminer
la forme de ces fonctions. Jepensai
d’ailleurs que , sieffectivement
il existaitquelque
surface moins étendue que cellequ’on
donne pourminimum, quelqu’un
sauraitpeut-être
la trouveret que sa
quadrature, comparée
à celle del’autre,
serait le moyen leplus
propre de tous pour renverser les doctrines reçues / ou pourmontrer
l’impuissance
des effortsdirigés
contre elles.C’est faire
comprendre
assez quej’avais
un momentpartagé ,
detrés-bonne
foi ,
lesscrupules qu’on
avait cherché àm’Inspirer ;
desréffexions ultérieures les ont fait entièrement
évanouir;
maisj’ai pensé qu’il
nren seraït pas moinsutile ,
avant deprésenter
’la so-lution
qu’a
donné M. Tédenat de l’une desquestions
relatives auxsurfaces minimum, d’entrer dans quelques détails
sur cesujet.
Le
problème
de la moindre surface entre des limites données estévidemment identique
avec celui où l’on demanderaitquelle
courburedoit affecter une toile
parfaitement
flexible etélastique
tenduepar ses
extrémités ,
sur deslignes
fixesdonnées, planes
oucourbes
à
simple
ou à doublecourbure ;
et l’on voit par là que ceproblème
peut
être considéré commen’appartenant
pas, moins à lamécanique qu’à
lagéométrie. Mais, quel
que soit d’ailleurs celui de ces, deuxpoints
de vue souslequel
onl’envisage,
on voitégalement que
lasurface cherchée
doit être telle que , si l’on en circonscrit uneportion
portion quelconque ,
par une ouplusieurs lignes
droites oucourbes,
formant une
figure fermée
l’aire de laportion
de surface déter- minée par cettefigure
soit moindre que celle de toute autre sur-face se terminant
au
même contour.Cette
propriété, qu’on peut regarder
commecaractéristique,
etsur
laquelle
M.Monge
insiste enplusieurs
endroits de sonAppli-
cation de l’analise à la
géométrie, paraît précisément
avoir été lefondernent des
scrupules
de notre estimableprofesseur, e
Soit tracée» en
effet, dit-il,
sur la surfaceprétendue minimum
et que nous» supposons déterminée par des conditions
qui
la rende différente» d’une surface
plane ;
soittracée , dis-je ,
sur cette surface une» courbe
plane
ferméequelconque ;
onpourra à
laportion
de» surface circonscrite par cette courbe substituer une surface
plane
» se terminant au même contour ; surface de moindre étendue
qu’elle,
» et
qui ,
réunie à lapartie excédante,
formeraconséquemment
a une surface totale moindre que la surface
prétendue minimum. ».
La conclusion de ce raisonnement serait
qu’il
n’existe,point
d’autresurface minimum que le
plan ,
et queconséquemment, lorsque
leslimites données de la surface mimimum demandée sont de nature
à ce que cette surface ne
puisse
êtreplane ,
il ne saurait propre-ment y
avoir de surfaceminimum;
conclusion que lagéométrie
etla
mécanique
semblentégalement
s’accorder à repousser.Ne serait-il pas
plus
exact deremplacer
ce raisonnement par le suivant : « Entre deslignes
droites oucourbes, planes
ou à double»
courbure,
invariables de nature et desituation,
il existetoujours
» une surface de moindre étendue que toute autre surface déterminée
» par les mêmes
lignes ; puisqu’on peut toujours
concevoir une toile»
parfaitement
flexible etélastique
tendue entre ceslimites ;
etqu’il
» faudra bien en6n que cette toile affecte une forme déterminée
cc
Supposons
que ces limites soient telles que la surface minimum» ne
puisse
êtreplane ;
si l’onpouvait
tracer sur elle unefigure
»
plane
ferméequelconque ;
en substituant à laportion
de surface»
comprise
dans l’intérieur de cettefigure
la surfaceplane
termineeTom. VII. 20
I46 QUESTIONS
» au même
contour
, onobtiendrait
une airetotale moindre que
» la
première, qui conséquemment
ne saurait être unminimum. »
» Donc la surface
minimum,
entre des limitesdonnées,
doit» être telle
qu’il
soitimpossible
de tracer sur elle aucunefigure plane
»
fermée ;
ou , cequi
revient au même ,d’en
détacher aucune»
portion, limitée
»Or,
comme c’est dans là tous cequi
les arriverait sens, parinfailliblement,
une sectionplane. »
si la sur-» face
avait ,
du moins dansquelques points,
ses deuxcourbures
»
dirigées
dans le même sens , il enfaut
conclure que ta surface»
minimum,
entre des limitesdonnées,
doitavoir,
dans toute son» étendue ,
ses deux courbures designes
contraires » ; et c’cst,précisément
cequ’apprend
l’analise,; Mais
poussons plus
loin.Par
unpoint quclconque
do cette sur-face, menons-lui,
dans une directionquelconque,
deuxtangentes
perpendiculaires
l’une àl’autre ;
et considérons les fibres de cettesurface, supposée élastique ,
dont ladirection
est la meme que celle -’ de cesdeux tangentes.
Ces fibres seront courbées en sensinverse,
ét ne le seront que par
contrainte,
â raison de leurélasticité ;
,
chacune
d’elles fera donc effort pour seredresser,
etconséquemment
pour
augmenter ja courbure
duel’autre
,et ,puisqu’elles
se fontéquilibre,
lesdeux
efforts inverses devront êtreégaux. Mais ils
sontévidemment
proportionnels
auxrayons
decourbure,
des courbesqu’affectent respectivement
les deuxfibres,
aupoint
où elles secoupent;
donc ces deuxrayons
de courbure doivent êtreégaux.
;
Or,
si l’onsuppose que
les deuxtangentes dont il s’agit soient,
pour chaque point , dirigées suivant les deux courbures
de la sur-face ; les deux rayons de
courbure dontil
estquestion
ici deviens drontles
rayons de courbure même de cette surface.Il
résulte donc de cequi précède
que non seulementta
surfaceminimum doit avoir ,
en tous sespoints,
sesdeux courbures prin- cipales
designes contraires mais
que deplus
cescourbures
doiventêtre
égales, Nous
neprétendons point,
ausurplus donner
ceraisonnement
pour une-démonstration proprement dite; mais
onvoit
I47 cependant qu’il
en renferme le germe, etqu’il
suffit du moins pour fairepressentir
les résultats d’une analiseplus rigoureuse ;
cequi
est y dans bien des cas , d’un
très-précieux avantage.
Loin donc
qu’il
soitparadoxal
de dire que la surface dont les deux rayons de courbure sont , enchacun
de sespoints, égaux
etde
signes contraires ,
soit en mêmetemps
celle dont l’aire est unminimum;
loin que l’onconçoive possible
de prouverqu’elle
ne l’estpas , il nous
semble,
aucontraire , qu’il
est peu depropositions
aussi faciles à
deviner ;
parcequ’il
en est peu , eneffet , qui
soient aussi exactement conformes aux indications du
simple
bon sens.Mais y
dira-t-on encore , enaccordant
si l’on veutqii’il
soitimpossible
de tracer , sur la surfaceminimum,
unefigure plane
exac-tement
fermée,
dn moins sera-t-iltoujours possible
de la- couperpar un
plan ,
de manière àobtenir ,
pour ses intersections- aveclui ,
deux courbes-distinctes,
telles queseraient,
parexemple,
deux
hyperboles opposées- ;
etsi ,
entre ces deuxcourbes ,
onsubstitue le
plan
à laportion correspondante
de la surfacepré-
tendue
minimum,
on obtiendra un total moindre que cettesurface , qui conséquemment
ne sauraitjouir
réellement de la,propriété qu’on’
lui attribue..
Ce raisonnement
pourrait
êtrebon ,
s’iI’s’agissait
d’une surfacequi
dûtjouir
indefiniment de lapropriété
duminimum ;
et,. dansce cas , la surface demandée ne saurait être
qu’un plan;
mais ils’agit
d’une surfacequi jouisse
de cettepropriété parmi
toutes cellesqui
ont des limites fixesdonnées , c’est-à-dire , parmi
toutes cellesqui
se terminent au même contour.Or, lorsque
deux surfaces sont’simplement assujetties a
passer par- deux courbesdonnées ,
isoléesl’une de
l’autre ,
et que ces deux surfaces. ne se confondent pas, il estimpossible
de les comparer sous lerapport
de leurs,aires ;
puisqu’elles
sont indéfinies l’une etl’autre,
et ne’seterminent point
au même contour.
Ces difficultés ainsi