P ONCELET
Philosophie mathématique. Analyse d’un mémoire présenté à l’académie royale des sciences
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 17 (1826-1827), p. 265-272
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265
PHILOSOPHIE MATHÉMATIQUE.
Analyse d’un mémoire présenté à l’Académie royale des Sciences ;
Par M. PONCELET.
( Extrait d’une lettre de l’Auteur
auRédacteur des Annales.)
PROPRIETES GENERALES DE L’ETENDUE.
Vous
désirez , Monsieur ,
queje
vous donnequelques
détails re-lativement au dernier mémoire que
j’ai présenté
à l’Académie dessciences ,
et surlequel, dites-vous ,
M.Arago
apiqué
votre curio-sité sans la satisfaire. Je vais essayer de vous donner une idée des recherches
qui
font lesujet
de cemémoire ,
autant du moins qne les bornes d’une lettrepeuvent
lepermettre.
Le but que
je
me suisprincipalement proposé ,
et queje
dé-sirerais avoir
atteint,
est de rendreplus
évidente encore, s’il estpossible ,
cette sorte de dualité de lagéométrie
que vous avez vous- même mise en avant etdéveloppée
d’une manièretrès-philosphi-
que à la page 209 de votre XVI.e volume. J’avais
déjà
avancéet
prouvé ,
ce mesemble,
par un nombre suffisantd’exemples ,
soitdans vos
Annales,
soit dans mon Traité despropritétés projectives
des
figures , qu’il n’existe ,
pour ainsidire,
aucune relation des-criptive
et suffisammentgénérale
d’unefigure donnée ,
sur unplan
ou dans
l’espace , qui
n’ait sonanalogue
, ouplutôt
saréciproque
Tom. XVII 36
266
PROPRIETES
GENERALESdans une autre
figure . tout aussi générale
que lapremière,
et celaen vertu même de la théorie des
polaires réciproques ;
maisje
n’avais fait
qu’indiquer , à
lahâte ,
lesprincipes
de cettethéorie
pour le cas de
t’espace
et surtoutj’avais
totalementnégligé
cequi
concerne les relations
métriques d’angles
et dedistances
sur les-quelles
d"ailleurs il n’existe absolument rien nullepart.
Cette nou- velle extension étantindispensable
àl’objet
des recherches quej’ai depuis long-temps entreprises ,
sur lespropriétés
deslignes
et sur-faces d’un ordre
qquelconque , j’ai jugé
à propos d’en faire lesujet
d’un mémoire
spécial qui,
avec celui ouj’ai
traité des Centres de moyennesharmoniques (*),
servirait d’introduction à mes recher- chessubséquentes.
Le but
principal
queje
me propose , dans cemémoire ,
c’est d’exa-miner
quelle espèce
de modificationéprouvent
unefigure
donnée etles relations
qui
luiappartiennent, lorsque
l’on passe à cellequi
en estla
polaire réciproque ,
et viceversâ ,
et deréduire ,
enquelque
sorteà un pur
mécanisme , à
unesimple
substitution de noms et delettres ,
écrites à laplace
les unes des autres , la traduction de tou- tes lesauections
, de toutes lespropriétés
tant soit peugénérales qui appartiennent
à unefigure
donnée et à saréciprque ;
enfin demontrer comment on
peut,
ausimple
énoncé d’uneproposition qui
se
rapporte
soit aux relationsprojectives ,
engénéral
soit aux re-lations
d’angles
desfigures
situées dans unplan
ou dansl’espace,
comment on
peut , dis-je ,
obtenirsur-le-champ
et sans recourirà aucun calcul ou
raisonnement
une , deux ou trois autres pro-positions
, tout-à-fait distinctes de lapremière
et néanmoins toutaussi
générales.
Ce mémoire est divisé en
quatre parties.
Dans lapremière j’ex-
pose la théorie des
polaires réciproques ,
pour le cas duplan ; je
(*)
Voy.
la pag.349
du précèdent volume.J. D. G.
DE L ’ E T E N D U E.
267
reviens
ainsi ,
mais avecplus d’extension ,
sur lesprincipes que j’a-
vais
déjà
mis en avantailleurs;
en insistantplus particulièrement
sur les relations de
réciprocité qui
concernent lesfigures polygona-
les et les
lignes
courbes. La discussion des affectionsqui
survien-nent dans le cours d’une
ligne quelconque
etqui
constituent ce que l’on nomme lespoints singuliers ,
met en étatd’assiguer
le véri-table
degré
despolaires réciproques
des courbesdonnées
, dans cha-que cas
particulier.
La seconde
partie
du mémoire est relative auxfigures
dans l’es- pace.J’y
établis les relations deréciprocité qui
existent entre les po-lygones rectilignes gauches
et lespolyèdres
indéfinis et entre lespolyèdres
définis ordinairesqui
sontpolaires
les uns des autrespar
rapport
à une surfacequelconque
du second ordre. Je montreainsi
l’emploi
de ceprincipe
pour la démonstration despropriétés
les
plus générales
despolyèdres (*).
Ces notionspréliminaires
meconduisent
directement ,
parl’application
de la loi decontinuité ,
aux relations de
réciprocité
entre les courbes à double courbure etles surfaces
développables
ainsiqu’entre
les surfaces courbes de na- turequelconque ;
en un mot ,je généralise ici ,
pour le cas del’espace,
tons lesprincipes
de lapremière partie ,
relatifs aux fi-gtires
comprises
dans un seulplan ;
cequi
permet detraduire ,
sur-le-champ ,
toute relationdescriptive
donnée en une autre essen-tiellement
distincte,
pourvu toutefoisqu’il
nes’agisse
que de re- lations et defigures projectives.
Onpetit même
à l’aide de ceprincipe, transporter
à1 espace
toute relationpareille qui
n’auraitété établie que pour les
figures comprises
dans un seulplan.
Enles
appliquant,
enparticulier ,
auxlignes
du secondordre
, lis con-duisent sur les surfaces du même
ordre, à
ungrand
nombre de(*) Ce sont ces relations que nous avons tenté de mettre en évidence à la pd3e 157 de notre XV.e volume.
J. D. G.
268 PROPRIETES GENERALES
nouveaux
théorèmes,
dontquelques-uns
ont étéindiqués
dans lesupplément
du Traité despropriétés projectives (
n.os592
et 6I0).
Par
exemple , j’ai
faitvoir (
n.°636 )
comment les nombreusespropriétés
dessystèmes
desphères qui
par leurgénéralité,
appar- tiennent à la classe de cellesqui
nousoccupent ,
comment ,dis-je ,
ces nombreuses
propriétés pouvaient
s’étendre immédiatement auxsystèmes
de surfacesquelconques
du second ordrequi
ont unplan
de section commune , réelle ou
idéale ;
or , de là on estconduit ,
par les
principes
de la théorie despolaires réciproques ,
aux pro-priétés générales qui
iappartiennent
auxsystèmes
de surfaces du se-cond ordre inscrites à un même
cône,
ou à deuxcônes ,
ou mêmeà une autre surface
quelconque
du même ordre.Pour ne pas rester dans des
généralités trop
vagues ,j’ai rapporté,
dans mon
mémoire , quelques-unes
despropriétés
des surfaces du second ordrequi
ont huitpoints
communs ou la même courbe d’in-tersection,
etj’en
aidéduit,
sansdiscussion ,
lespropriétés récipro-
ques des surfaces du second ordre
qui
ont huitplans tangens
com-muns ou
qui
sont inscrites à une même surfacedéveloppable.
Ilen
résulte ,
parexemple ,
que les centres de toutes cessurfaces
sont situés sur une méme
ligne droite ,
dans l’un et dans l’autresystème.
Je montrepareillement
comment on peut passer directe-ment des
propriétés qui appartiennent
à la courbe d’intersection de deux surfacesquelconques
du second ordre etqui
ont été démon-trées n.° 6 1 I et suivans de
l’ouvrage cité,
à cellesqui
concernentla surface
développable
circonscrite à deux surfaces du second or-dre
également quelconques.
Cettedéveloppable
n’estautre chose ,
comme l’on
sait ,
que cellequi
sert de limite à l’ombre et à lapé-
nombre de l’une des surfaces du second
ordre, lorsque
l’autre estsupposée lumineuse ;
orje
démontre i.°qu’elle
est duquatrième
ordre ;
que ses nappesportent généralement quatre lignes
de stric-tion , qui
sont toutesplanes
et du second ordre ; 3.0 que lesplans
de ces
quatre
courbesforment ,
par leurs rencontresmutuelles ,
untétraèdre dont
chaque
sommet estrespectivement ,
et pour charuneDE
L ’ E T E N D U E. 269
des
surfaces
du second ordreproposées ,
lepôle
dela face opposée ;
4.0 enfin,
que ces mémesquatre
sommets dll tétraèdre sont aussiceux des quatre
surfaces coniques
du second ordrequi
contien-nent les courbes d’intersection des deux
surfaces
que l’on consi- dère. Ces considérations conduisent d’ailleurs à une solutiongéo- métrique très-sirnple
duproblème
intéressant etproposé quelque-
fois à l’école
polytechnique
on ils’agit
de construire la courbe deséparation
d’ombre et delumières ,
pour le cas d’une surfacequelconque
du secondordre ,
éclairée par unesphère lumineuse ,
ou même par une autre surface
quelconque
du même ordre.Jusqu’à présent ,
il n’a encore étéquestion
que des relations des-criptives
desfigures.
Dans la troisièmepartie
dumémoire , j’exa-
initie les moyens de
traduire ,
à l’aide de la théorie despolaires réciproques ,
les relationsd’angles
en d’autres relationspareilles. Il
serait
trop long t!’indiquer ici ,
mêmesommairement , l’esprit
dela méthode que
j’emploie.
Je mecontenterai ,
commeprécédem-
ment , de citer
quelques-unes
desconséquences
desprincipes
théo-riques. Par exemple, je
prouve de suite que les théorèmes des n.os452 , 48I , 487
du Traité despropriétés projectives
sont les ré-ciproques
de ceuxqui
ont été démontrés aux n.os482
et488.
Jemontre
pareillement
comment onpeut
traduire la construction deslignes
du secondordre ,
au moyend’angles
constans , donnée parNewton ,
et engénéral
toutes celles de la Géométrieorganique
deMaclaurin ,
en d’autres absolumentanalogues , quoique
néanmaoinsbien différentes. Pour le cas de
l’espace, je
fais voir que les pro-priétés
de lapyramide supplémentaire
sont desconséquences
im-médiates de la théorie des
polaires réciproques.
Enappliquant
lesprincipes
de cette mêmethéorie
au théorème del’longe,
démontrepar M. Poisson à la page
240
du tome I.er de laCorrespondance
sur
l’école polytechnique , lequel
consiste en ce que le lieu du som- met d’unangle
trièdretrirectangle mobile ,
dont lesfaces
sont cons-tamment
tangentes
à une mêmesurface
du secondordre,
est unesurface sphérique qui
lui estconcentrique ,
onconclut ,
par exem-270 PROPRIETES
GENERALES
ple ,
que si un telangle
se meut autour d’unpoint quelconque
del’espace , pris
pour sommetinvariable ,
lesplans qui renferment
constamment trois des intersections de ses
arêtes ,
avec unesurface
donnée du second
ordre,
demeurentperpétuellement tangens à
unesurface
de révolution du mêmeordre , qui
a pourfoyer général
le
sommet fixe
del’angle
mobile etqui
se réduit à unpoint , quand
ce sommet est sur la
surface directrice ,
comme l’a démontré M.Frégier ( Annales,
tom.VI ,
pag. 23I etsuivi
pour le casparticulier, qui répond
d 8ailleurs à celui du théorème deMonge ,
dans
lequel
la surfaceenveloppe
del’angle
trièdre est un des pa-rabolïdes ;
lasphère
décrite par le sommet del’angle
mobile seréduisant alors à un
plan.
Onpeut
faire subir une transformationanalogue
aux théorèmes de MM. Hachette etBinct ( Correspondance
tom.
II , pag. 7I ),
relatifs auxangles
droits dièdresqui s’appuyent
sur deux droites données dans
l’espace,
et engénéral
à toutes lespropositions analogues
concernant lesangles
, cequi pernlet,
dès àprésent
d’en doubler le nombre. On remarquera d’ailleurs quenos
principes s’appliquent
au cas ou lesangles
sont variables oudonnés par leurs
lignes trigonométriques.
Enfin , je
crois devoir encoresignaler l’application
quej’ai
faitede la théorie des
polaires réciproques
auxpropriétés
deslignes
du second ordre ou des surfaces de révolution du
même ordre,
qui
ont unfoyer
commun ou sontconfocales. J’établis ,
saus dis-cussion ,
d’unepart ,
que lespropriétés descriptives,
et del’autre,
que les
propriétés angulaires
d’un telsystème
sontréciproques
decelles
qui appartiennent
à unsystème
de cerclesquelconques,
tra-cés sur un même
plan ,
ou desphères également quelconques,
si-tuées arbitrairement dans
l’espace.
Si maintenant onjoint
à cespropositions générales
celles quej’ai
déduites desprincipes posés
dans le Traité des
propriétés projectives , section IV , chapitre I.er ,
et
qui
consistent en cequ’un système
delignes
ou de surfaces du second ordrequi
ont unfoyer
commun , peut être considéré commela
perspective plane
ou enrelief les
unes des autres , etsi ,
en ou-D E L’ E T E N D U E. 27I
tre , on substitue a
quelqu’une
de ceslignes
ou surfaces un cer-cle ou une
sphère ,
il eu résultera une multitude depropositions
et de
rapprochemens
très-curieux relativement aufoyer
commundes
lignes
et surfaces du secondordre,
dontquelques-uns
ont servià M.
Dupin ,
dans sesApplications
degéométrie ,
pour établir sa théorie des faisceauxlumineux ,
réfléchis à leur rencontre avec unesurface
quelconque.
La
quatrième
et dernièrepartie
du mémoire est relative auxprin- cipes
à l’aidedesquels
on peut traduire une relationmétrique
don-née ,
de la nature de celles quej’ai
considérées dans le Traité despropritétés projectives ,
en une ou eu deux autres,qui appartien-
nent à la
figure réciproque
de laproposée.
Cette dernièrepartie
du mémoire offre donc le moyen de
convertir, sur-le-champ ,
tou-tes les
propriétés métriques
de la Thèorie des transversles en d’au-tres tout-à-fait distinctes. Cette traduction
sopere
d ailleurs d une manièretrès-facile ,
par unesimple
substitution de lettres et de mots mis a laplace
les uns des autres.Par
exemple
, on sait que, si uneligue
du second ordre est cou-pée
par les directions des cotes d’untriangle quelconque ABC,
ennommant R ,
R’ ses intersections avecAB
,P ,
P’ ses intersectionsavec BC et enfin
Q, Q’
ses intersections avecCA ,
on aor , si l’on
applique
à cettepropriété
lesprincipes
dumémoire ,
on arrive à cet autre énoncé :
Si,
des sommets d’untriangle ABC ,
situé sur leplan
d’uneligne
du secondordre ,
on mène à la courbe troiscouples
de tan-gentes , puisqu’ayant coupé ,
par une droitearbitraire ,
lesystème
de ces sir
tangentes
et des trois côtès dutriangle ,
ondésigne par
a ,
j
c les intersectionsrespectives
de la transversale avec les Cli- rections des côtésopposés
auxangles A , B ,
C ; et en outre par p,p’ ,
q ,q’ ,
r , r’ ses intersections avec lescouples
detangeates
272 PROPRIETES GENERALES
respectivement
issues deA, B ; C ;
on aura , entre les divers seg-mens
formés
sur latransversale,
la nouselle relation :analogue à la première,
bien quetrès-diffèrente
dans lefond.
Les
principes posés
dans le mémoirepermettent également
detraduire la relation
primitive
en une autre relation entre leslignes trigonométriques
desangles
formés par les droites de ladériver ;
enfin ils donnent des moyens pour traduire immédiatement cette même relation en d’autres
qui appartimment à
desfigures
situéesdans
l’espace
et danslesquelles
lesangles
dièdresremplacent
lesangles plans.
Le mémoire est terminé parquelques applications
dela théorie des
polaires réciproques
auxpropriétés métriques
des cour-bes à double courbure et des surfaces
géométriques quelconques ,
ainsi que par
l’exposé
de la notationtrès-simple
à l’aide delaquelle
on
peut
transformer toutepropriété qui
serapporte
à celles quej’ai
nommées ailleursprojectives ,
enplusieurs
autres très-différen-tes de ld
première
et non moinsgénérales.
La conclusion de ce tra-vail est donc que les
principes qu’il
contient mettent en état dedoubler
et detripler
même le nombre despropriétés
dont il s’a-git,
ainsi que celui despropriétés qui
concernent lesangles
des fi-gures , ce
qui comprend
toutes celles de la théorie des travsversa-les,
de lagéométrie
de larègel , et
une infinité d’autresplus gé-
nérales encore.
Réflexion
surle précédent article;
Par M. GERGONNE.
Les
esprits superficiels,
ceuxqui
n’étudient les sciences que commeon