6 | La Lettre d'ORL et de chirurgie cervico-faciale • N° 363 - octobre-novembre-décembre 2020
ÉDITORIAL
Covid et ORL
Covid and ENT
Nous vivons une époque étrange en cette période de pandémie virale de SARS-CoV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2) qui provoque la maladie dite Covid-19 (Coronavirus disease).
Le rythme de pénétration du virus dans les populations mondiales et l’évolution quotidienne des publications scientifiques conduisent à des incertitudes aggravées par l’écho que les médias leur ont donné et qui rendent la situation difficile à interpréter.
Quid de ce virus et de l’atteinte ORL ?
Étant donné le polymorphisme des atteintes systémiques de ce virus et la forte contamination aéroportée, il eût été étonnant de ne pas observer d’atteinte ORL. Celles-ci ont d’ailleurs été très rapidement identifiées. La méta-analyse de M.W. El-Anwar [1] sur les manifestations ORL du Covid-19 rapporte des maux de gorge avec érythème pharyngé, une congestion nasale, une rhinorrhée, une infection des voies respiratoires supérieures, une congestion des amygdales. Cependant, le signe ORL le plus caractéristique de cette infection virale est l’anosmie
et/ou l’agueusie. J.C. Lüers [2] a le premier décrit l’anosmie d’apparition soudaine isolée (ISOA), à considérer comme hautement suspecte pour le SARS-CoV-2. L’atteinte oto-rhino-laryngologique peut de plus être inaugurale. L’anosmie existe dans d’autres maladies virales, y compris la grippe, de façon plus inhabituelle que pour le Covid. La récupération de cette anosmie est d’ailleurs dans la majorité des cas assez rapide.
Sur 1 420 patients atteints, J.R. Lechien [3] a retrouvé une perte d’odorat dans 70,2 %, une obstruction nasale dans 67,8 %, une toux dans 63,2 %, une rhinorrhée dans 60,1 %, une dysgueusie dans 54,2 % et un mal de gorge dans 52,9 % des cas. L’histoire des atteintes ORL à SARS-CoV-2 reste probablement encore largement à écrire.
Pourquoi notre sidération devant le coronavirus ?
Parce que nous avons choisi l’oubli, parce que nous n’avons pas pris le soin de nous y préparer. Avec une population mondiale de près de 8 milliards d’individus, les fluctuations des populations sont inévitables au fil du temps. Tout d’abord, les guerres sont remarquablement
meurtrières, avec 22 millions de morts pour la Première Guerre mondiale et 60 millions pour la Seconde. Dans les années 1950, la guerre de Corée a fait près de 900 000 morts. Entre 1955 et 1975, environ 2 millions de Vietnamiens et 60 000 soldats américains sont morts. Au moins
Pr Dominique Brémond-Gignac
Chef du service d’ophtalmologie, hôpital universitaire Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris ; coordonnateur du centre des maladies rares en ophtalmologie (OPHTARA)
Dr Dominique Gignac
Service d’ORL, hôpital universitaire Necker-Enfants malades, AP-HP, Paris
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La Lettre d'ORL et de chirurgie cervico-faciale • N° 363 - octobre-novembre-décembre 2020 | 7
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800 000 Tutsi ont été tués en 3 mois, en 1994. La liste est hélas inépuisable.
Les maladies infectieuses ne sont pas en reste : au Moyen Âge, en 1347, la peste bubonique se propageant par la route de la soie a emporté environ un tiers de la population européenne, soit près de 25 millions d’âmes, la “grippe espagnole” (en réalité toujours d’origine incertaine, asiatique, européenne, américaine) de 1918 a fait plus de 50 millions de morts de 1918 à 1920. En France, on a recensé 10 000 morts d’une nouvelle grippe asiatique en 1957 et 40 000 en 1968. Beaucoup plus récemment, le redoutable virus Ebola a tué plus de 15 000 personnes depuis 1976.
En 2009, partie du Mexique, la grippe porcine H1N1 aurait fait entre 100 000 et 400 000 morts et a touché surtout les adultes jeunes.
Parti d’Arabie saoudite, en 2012, le MERS a fait 850 morts et 2 500 malades.
Selon l’état actuel des connaissances, la pandémie de Covid-19 est venue de la Chine, qui compte 1,4 milliard d’habitants. La propagation fulgurante du virus tient à ce que de nos jours nous voyageons tous.
La nature fait également des efforts remarquables pour ce qui s’apparente à un contrôle de la population des êtres vivants sur terre.
Elle a créé les virus, qui sont de remarquables organismes : parfois indispensables, souvent de parfaits tueurs en série.
Comment vivre avec ce nouveau virus et comment s’y adapter ?
La pandémie de Covid-19 due au virus SARS-CoV-2 aurait débuté à Wuhan en novembre 2019, dans la province de Hubei (en Chine centrale), avant de se propager dans le monde. La propagation initiale se serait faite par les animaux vertébrés sous la forme d’une zoonose. Ce virus a déjà fait plus de 1,4 million de morts (25 novembre) dans le monde et plus de 53 millions de personnes ont été contaminées d’après l’institut Johns Hopkins de Baltimore, mais pour autant comment réagir et se protéger ? Le SARS-CoV-2 est un virus sphérique spiculé, du sous-genre Sarbecovirus.
Son génome, stable, est constitué d’un ARN simple brin à polarité positive.
Il survit difficilement au-dessus de 30 °C, semble saisonnier et chaque degré Celsius paraît avoir réduit de 13 % la contagiosité, mais cette hypothèse reste à confirmer. Le virus se manifeste entre autres par les signes suivants : fièvre, toux sèche, fatigue, dyspnée, expectorations, diminution du goût, perte d’odorat, céphalées, douleurs musculaires. Cette présentation polymorphique en fait l’originalité, car elle le rend parfois difficile
à diagnostiquer. La propagation se fait essentiellement par les gouttelettes aéroportées. Une propagation peut aussi être manuportée par le contact direct.
La distanciation est la clé du système avec le port du masque. En 1619, Charles Delorme, médecin des rois, pour combattre la peste inventa un vêtement qui, ajouté au masque à bec d’oiseau, protégeait le médecin des pieds à la tête, mais il ignorait que la maladie était transmise par les
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Toute l’équipe Edimark vous souhaite une très bonne fin d’année.
Heureux de vous avoir accompagnés en 2020, nous vous remercions chaleureusement de votre fidélité.
Et nous vous donnons rendez-vous dans nos pages début 2021.
Prenez soin de vous et de vos proches !
piqûres des puces du rat. En 1850, le médecin hongrois Ignace Semmelweis démontra à Vienne l’intérêt du lavage des mains pour diminuer
significativement les risques d’infection du post-partum. Tous les 2 furent largement décriés, mais ils avaient pressenti que l’hygiène était capitale.
Cette crise nous fait brutalement redécouvrir la vulnérabilité de notre condition. Cependant, selon des études rigoureuses, le masque permet de diminuer la propagation des gouttelettes infectantes, et réduire la charge virale en est l’objectif. Un lavage au savon ou au gel hydroalcoolique
permet d’éliminer la charge infectante sur les mains. Toutes ces mesures atténueront la charge virale infectante en cas de contact avec le virus.
Il est montré que les formes sévères sont associées à une charge virale élevée. Casser toutes les chaînes de transmission est l’unique issue à la crise sanitaire.
L’anosmie s’est révélée être un des signes cardinaux du Covid et, même si elle survient de façon isolée, elle doit imposer l’évocation du diagnostic.
Notre bon sens clinique doit primer et nous devons rester humbles face aux difficultés rencontrées dans la compréhension de cette pandémie évolutive.
1. El-Anwar MW et al. ENT manifestation in Covid-19 patients. Auris Nasus Larynx 2020;47(4):559-64.
2. Lüers JC et al. Die Covid-19- Pandemie und das HNO- Fachgebiet: Worauf kommt es aktuell an? [The COVID-19 pandemic and otolaryngo- logy: What it comes down to?]. Laryngorhinootologie 2020;99(5):287-91.
3. Lechien JR et al. Covid-19 Task Force of YO-IFOS.
Clinical and epidemio- logical characteristics of 1420 European patients with mild-to-moderate coronavirus disease 2019. J Intern Med 2020;288(3):335-44.
D. Gignac et D. Brémond-Gignac déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec l’article.
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