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Culture/Agriculture :  petite histoire et actualités d’un rapprochement

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Academic year: 2022

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ORIGINES ET AmbITIONS, REGARDS CROISÉS

Culture/Agriculture :  

petite histoire et actualités  d’un rapprochement

Jean-François Ayats

A été chef du bureau de l’animation rurale à la direction générale de l’enseignement et de la recherche au ministère chargé de l’Agri- culture. Est actuellement administrateur du GREP (groupe de recherche pour l’éducation et la prospective) et co-rédateur de la re- vue POUR.

Jean-François Ayats évoque dans cet article le contexte du rapprochement Culture/Agri- culture étant à l’époque, l’un des acteurs principaux chargés de sa mise en œuvre. Il indique également quelques-uns des enjeux éducatifs et sociétaux qui ont présidé à ce partenariat, et en quoi ces enjeux restent, selon lui, encore d’actualité.

L’anniversaire du protocole d’accord passé entre les ministères chargés de l’agriculture et de la culture est au centre de ce numéro de « Champs culturels ».

Ma participation a été sollicitée parce que j’ai vécu de près la mise en œuvre – et en actions- de ce protocole et des conventions qui l’ont suivi. Dans cette contribution je souhaiterais rappeler comment ce partenariat « culture-agri- culture » s’est inscrit dans une histoire plus longue de l’Enseignement Agricole, et en quoi les hypothèses et les intui- tions qui ont motivé ceux qui ont porté ces orientations au sein du ministère de l’Agriculture restent d’actualité.

Si la collaboration Culture/Agriculture a été fructueuse, et parfois encensée, il n’est pas inutile de rappeler que, si- multanément, elle a été contestée et souvent menacée – si ce n’est dans ses principes, du moins dans les moyens mis à sa disposition -.

Deux anecdotes…

Pour commencer j’aimerais évoquer deux anecdotes, assez contradictoires, mais qui me semblent bien à même d’encadrer mes propos.

La première, dont je ne fus pas acteur, se passe dans les Corbières à la fin des années soixante-dix ; Dans cette période

la viticulture languedocienne connaît une crise gravissime qui s’est traduite, entre autres événements, par la fusillade de Montredon (mars 1976). Pour beau- coup de viticulteurs c’est la fin program- mée de leur profession. Durant cette période deux personnes, un directeur de CFPPA et un enseignant de l’INPSA de Dijon, animent des réunions de viticul- teurs dans les villages des Corbières. Leur message : l’avenir de la viticulture locale (dans lequel tous les deux croient) passe par une réinvention du métier et de la production s’appuyant sur une réappro- priation du patrimoine culturel et pay- sager accompagnant une

recherche de la qualité. La suite leur donnera large- ment raison.

La deuxième anecdote, je l’ai vécue personnelle- ment, vers le milieu des années quatre-vingt-dix, lors d’une de ces négocia-

tions budgétaires annuelles où il s’agis- sait d’éviter une nouvelle réduction des crédits affectés à l’action culturelle de la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (DGER). Un membre dis- tingué du cabinet ministériel m’expliqua

« qu’il fallait être sérieux et que dans une famille quand on devait faire des économies, il était normal de commen- cer par réduire les places de cinéma… ».

Remarque frappée au coin du bon sens économique : supprimons le superflu et recentrons-nous sur l’essentiel !

Voilà deux visions de la place de la culture au sein du ministère de l’Agricul- ture que l’on peut résumer par une mé- taphore culinaire : le levain ou la cerise sur le gâteau.

Les précurseurs

Au début des années soixante, Edgard Pisani, alors ministre de l’Agriculture, conçoit et met en œuvre une grande réforme de la politique agricole natio-

nale dans laquelle le volet enseignement occupe une place essentielle. Pour cette partie de la réforme il s’appuie particulière- ment sur Paul Harvois.

Pour eux, pas de doute, la culture est un facteur essentiel du changement, elle ne fait pas partie du superflu. On leur doit la création et la place faite à l’enseignement socio-culturel inspirées, en particulier, de l’expérience foison- nante des Mouvements d’Éducation Populaire issus de la résistance et très actifs dans la période qui suit la deuxiè- me guerre mondiale. Cette innovation – car cela en était une, et de taille ! – ne s’imposera ni sans problèmes, ni sans résistances, mais elle contribuera lar- gement à la richesse et à la réussite de l’Enseignement Agricole. Une vingtaine

Pour eux, pas de doute, la culture est un facteur essentiel du changement, elle ne fait pas partie du superflu.

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ORIGINES ET AmbITIONS, REGARDS CROISÉS

d’années plus tard, une nouvelle réforme de cet enseignement sera réalisée sous la houlette de Michel Gervais, alors directeur général de l’enseignement et de la recherche, et de son équipe. Entre autres choses elle officialisera la partici- pation des établissements au développe- ment culturel et à l’animation du milieu rural, et inscrira cette participation comme l’une des quatre missions de l’enseignement agricole, au même titre que la formation. C’est dans la logique de ces réformes que s’inscrivent le rap- prochement et le dialogue entamés avec le ministère en charge de la Culture qui aboutissent au protocole d’accord et aux conventions Culture/Agriculture. Ces accords, négociés d’abord au plan natio- nal, sont ensuite déclinés régionalement dans un contexte de décentralisation.

Mais si ces coopérations Culture/Agri- culture s’organisent naturellement au niveau régional, il apparaît souhaitable au début des années quatre-vingt-dix de créer un cadre d’échange et de réflexion national d’où la mise en place d’un ré- seau national dont « Champs culturels » fut un des outils.

L’autre

controverse…

Si la place de la culture – et de l’ensei- gnement socio-culturel – dans l’ensei- gnement agricole a souvent fait débat (autour de l’opposition entre l’essentiel et le superflu), il est une autre controver- se qui ne manquait pas d’intérêt : celle qui faisait se confronter deux visions de l’enseignement socio-culturel. Tout en essayant d’éviter de les caricaturer, on peut dire que l’une véhiculait une conception plus disciplinaire de la cultu- re, l’autre se voulant plus transversale et plus tournée vers une formation à la ci- toyenneté. Cette deuxième vision est sû- rement plus proche de celle qui animait les précurseurs évoqués précédemment.

La question peut être posée de savoir si le rapprochement avec la Culture, mais

aussi (et surtout ?) le poids de l’Éduca- tion Nationale, n’ont pas fait pencher le balancier vers la première vision. Ceci étant, si le premier antagonisme (es- sentiel/superflu) m’apparaît radical et inconciliable, dans les conceptions de la société et de la formation véhiculées, par contre le deuxième (discipline/transver- salité) laisse place à plus de compromis et de passerelles. Il reste cependant qu’il ne peut être ignoré.

Actualité des enjeux

Le rappel historique fait autour des précurseurs n’est ni gratuit ni simple- ment dû au devoir de mémoire. L’objectif poursuivi est de souligner que ce qui préside à l’introduction de l’enseigne- ment socio-culturel dans l’enseignement agricole, est la volonté d’accompagner au mieux, et le plus rapidement possible, un changement sociétal et économique profond : le bouleversement – la « mo- dernisation » - de l’agriculture dans la France des années soixante. Même si, rétrospectivement, les objectifs et les méthodes fixés à cette modernisation peuvent sembler discutables, ce qui l’est beaucoup moins c’est la place attribuée à la culture dans l’accompagnement du changement. Ce constat reste tout aussi valable dans le contexte contemporain.

La mondialisation, les exigences environ- nementales, les attentes de la société vis-à-vis de son agriculture et de ses territoires ruraux font que les boulever- sements qu’il faut aujourd’hui accomplir sont d’une importance au moins égale à ceux affrontés il y a un demi-siècle. Le rôle central de l’action culturelle et de la formation citoyenne dans la maîtrise des changements est tel que ceux qui pen- seraient et agiraient aujourd’hui comme si la culture était, encore et toujours, la cerise sur le gâteau montreraient sim- plement leur incapacité à mesurer les vrais enjeux.

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