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Des infections et des enfants : les pédiatres face aux questions d'infectiologie

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Academic year: 2022

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216 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 6 - novembre-décembre 2016

Dr Véronique Hentgen

Service de pédiatrie- néonatologie, centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay.

ÉDITORIAL

Des infections et des enfants : les pédiatres face aux questions d’infectiologie

Dealing with infectious diseases in children:

a matter for worry?

En matière de consommation d’antibiotiques, la France fait toujours partie des mauvais élèves… En effet, elle se situe en troisième position des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe, derrière la Grèce et la Roumanie.

Alors que les petits consommateurs, tels que les Pays-Bas ou la Suède, ont réussi à garder une consommation stable, voire en légère diminution depuis la fin des années 1990, en France, le chiffre de la consommation d’antibiotiques est de nouveau en hausse depuis 2004 – date de la fin de la campagne du premier plan sur l’utilisation des

antibiotiques, dont le slogan était “les antibiotiques, c’est pas automatique” (1).

De plus, les antibiotiques prescrits en France sont sensiblement différents de ceux prescrits dans les pays européens les moins prescripteurs, avec une part plus importante des céphalosporines, notamment chez l’enfant (2). En effet, les antibiotiques font partie des médicaments les plus prescrits en pédiatrie (3), et les enfants de moins de 3 ans se voient administrer 2 à 3 fois plus d’antibiotiques que les adultes (4).

Les raisons de cette “surprescription” sont multiples. Pression des patients et défaut de formation des médecins en font certainement partie, mais ne sont probablement plus aujourd’hui les seules coupables de notre consommation excessive.

La prudence est souvent l’argument avancé par les médecins interrogés sur l’utilisation d’une antibiothérapie non recommandée. La croyance que l’antibiotique prescrit protégera le patient “au cas où” est fortement ancrée dans l’esprit des médecins, et c’est particulièrement vrai lorsque le patient est un enfant. Malgré les alertes régulières des instances gouvernementales (5), de l’Organisation mondiale de la santé1 (OMS) et, maintenant, de la presse généraliste2, il faut se rendre à l’évidence : lorsque le médecin se trouve en face de son patient, cette croyance l’emporte sur la connaissance des effets néfastes d’un mésusage des antibiotiques. Les habitudes de prescription, voire

les recommandations officielles pédiatriques, ne font pas exception à cette règle.

Et les conséquences de cette surprescription se font aujourd’hui sentir jusqu’en pédiatrie communautaire, alors qu’émergent des infections communautaires à germes multirésistants chez des enfants n’ayant jamais reçu d’antibiothérapie de leur vie.

L’article sur la prise en charge des infections urinaires à BLSE chez l’enfant illustre ce changement.

La bonne nouvelle, en revanche, est que les pédiatres ont entamé une réflexion sur les stratégies de diminution de l’utilisation des antibiotiques, et que celles-ci commencent à porter leurs fruits, aussi bien en ville qu’à l’hôpital. Les études françaises montrent que les pédiatres libéraux sensibilisés à l’infectiologie respectent bien les recommandations officielles en matière de prescription, et que la répartition des prescriptions semble peu différente de ce qui a été rapporté dans les pays d’Europe du Nord, les moins prescripteurs d’antibiotiques (6). Le travail sur les recommandations

1 Selon l’OMS, dans l’Union européenne, l’impossibilité de traiter certaines infections entraîne chaque année 25 000 décès, ce qui coûte plus de 1,2 milliard d’euros en dépenses de santé et en pertes de productivité.

2Titre du Figaro, le 19 mai 2016 :

“Résistance aux antibiotiques : un mort toutes les 3 secondes en 2050” ;

Titre du Monde, le 6 juin 2016 : “La guerre contre les superbactéries est déclarée”.

V. Hentgen déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

0216_LIF 216 24/11/2016 09:52:00

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La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 6 - novembre-décembre 2016 | 217

ÉDITORIAL

reste donc essentiel, et nous vous proposons dans ce numéro une analyse critique de la prise en charge de 2 situations pédiatriques fréquentes qui peuvent conduire à une forte consommation d’antibiotiques : l’infection materno-infantile et les infections pulmonaires de l’enfant.

Dans les hôpitaux, les référents en infectiologie pédiatrique commencent à s’organiser, même si ce poste n’a pas été prévu particulièrement par les instances de santé (7). En effet, des travaux ont souligné l’importance du rôle que joue

la spécialité d’origine des membres des équipes mobiles d’infectiologie dans les effets de leur intervention (8). Ainsi, des infectiologues sans spécialisation chez l’enfant risquent d’avoir une moindre influence en milieu pédiatrique, et, d’ailleurs, rares sont les hôpitaux où le référent adulte a pu se positionner en pédiatrie.

L’arrivée dans les services de pédiatres infectiologues formés et reconnus, participant à des études cliniques et assurant la diffusion des connaissances aux médecins partenaires de la prise en charge de ces enfants, ne pourra donc qu’améliorer la situation.

Enfin, on ne peut pas parler d’infectiologie pédiatrique sans évoquer la vaccination. Si le milieu pédiatrique est persuadé que le contrôle

de la morbimortalité infectieuse pédiatrique passe par la prévention, cette évidence est souvent contestée par les patients ou les parents de patients.

Dans ce domaine aussi, la France se retrouve malheureusement parmi les moins bons élèves d’Europe. Le dernier bilan de couverture vaccinale publié par l’InVS est contrasté (9) : la vaccination des nourrissons semble globalement bonne, mais elle est insuffisante chez l’enfant pour les infections invasives à méningocoque et chez l’adolescent pour l’hépatite B et le Human Papilloma Virus.

Ces 2 derniers vaccins ont particulièrement été exposés à la polémique antivaccinale, ce qui explique les taux de couverture particulièrement bas.

Que chaque médecin prenant en charge des enfants comprenne les mécanismes sociologiques conduisant à une position antivaccinale en France est indispensable.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons dans ce numéro une analyse originale de ce phénomène de société.

1. http://ecdc.europa.eu 2. Versporten A, Coenen S, Adriaenssens N et al.; ESAC Project Group. European Surveillance of Antimicrobial Consumption (ESAC): outpatient cephalosporin use in Europe (1997-2009). J Antimicrob Chemo- ther 2011;66(Suppl. 6):vi25-vi35.

3. Stam J, van Stuijvenberg M, Grüber C et al.; Multicenter Infection Prevention Study 1 (MIPS 1) Study Group. Antibiotic use in infants in the first year of life in five European countries. Acta Paediatr 2012;

101:929-34.

4. Vernacchio L, Kelly JP, Kaufman DW, Mitchell AA. Medication use among children < 12 years of age in the United States: results from the Slone Survey. Pedia- trics 2009;124:446-54.

5. Council of the European Union. Council conclusions on the next steps under a One Health approach to combat antimicrobial resistance. http://www.consilium.europa.eu/

en/press/press-releases/2016/06/17-epsco- conclusions-antimicrobial-resistance/

6. Sellam A, Chahwakilian P, Cohen R, Béchet S, Vie Le Sage F, Lévy C. Impact des recommandations sur la prescription en consultation de ville d’antibiotiques à l’enfant. Arch Pediatr 2015;22(6):595-601.

7. Angoulvant F, Dubos F, Cohen R; groupe de pathologie infectieuse pédiatrique; Martinot A. Enquête nationale sur l’organisation des activités de référence en maladies infectieuses et antibiothérapie de l’enfant dans les centres hospitaliers français. Arch Pediatr 2015;22(5):485-90.

8. Stach LM, Hedican EB, Herigon JC, Jackson MA, Newland JG. Clinicians’

attitudes towards an antimicrobial stewardship program at a children’s hospital. J Pediatric Infect Dis Soc 2012;

1(3):190-7.

9. Santé publique France. Couverture vaccinale. http://www.invs.sante.fr/Dossiers- thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies- a-prevention-vaccinale/Couverture-vaccinale/

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