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Les fonds d investissement étrangers : la part du mythe

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001

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es fonds d’investissements étrangers (FIE) prennent de- puis quelques années une part croissante dans le capital des grandes firmes françaises et, dans une moindre mesure, allemandes.

Ce phénomène se traduit par de notables changements de pro- priété : en l’absence d’actionnaires nationaux puissants, la part ancien-

nement détenue par l’Etat ou des entreprises amies passe sous le contrôle des FIE. Il est alors ten- tant d’attribuer à ceux-ci la res- ponsabilité majeure dans l’évolu- tion récente de la gestion des entreprises en matière de poli- tique financière, de choix de portefeuille, de politique indus- trielle et de gestion des ressources

humaines1. Ce n’est pourtant pas ce que montre l’étude approfondie de quelques cas2: rien n’indique que l’influence des FIE aille au-delà de celle de n’importe quel inves- tisseur – national ou étranger – disposant d’une réelle compétence dans son domaine (la gestion de fonds) et décidé à jouer son rôle (défendre au mieux les intérêts de ses clients). Les changements sur- venus dans les relations entre les firmes et le marché financier, et leurs éventuels effets négatifs – « pillages » exercés par les action- naires3, rémunérations ex cessives des dirigeants, décisions court-ter- mistes... – ne sont pas particulière- ment imputables à ces fonds.

Pour comprendre cette évolution dans des pays comme la France et l’Allemagne, il faut d’abord prendre la mesure des changements glo- baux qui affectent leurs marchés financiers. A un environnement dominé par les banques, les com-

Les fonds

d’investissement étrangers : la part du mythe

N ICOLAS M OTTIS * et J EAN -P IERRE P ONSSARD **

ACTIONNARIAT

La montée en puissance des fonds d’investisse- ment étrangers dans le capital des grandes firmes françaises et allemandes a été spectaculaire ces dernières années. Ses principales conséquences ont été une plus grande transparence de la gestion des groupes, et un poids accru des analystes amé- ricains et britanniques dans le « consensus de marché ». Mais, contrairement à l’idée reçue, les dirigeants conservent une grande marge d’auto- nomie dans leurs choix stratégiques.

Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001

* Professeur à l’ESSEC. E-mail : mottis@essec.fr

** Professeur à l’Ecole polytechnique. E-mail : ponssard@poly.polytechnique.fr

Cet article a bénéficié des travaux menés pour la Direction générale de l’Industrie, des Technologies de l’Information et des Postes (DiGITIP) du Ministère de l’Economie dans le cadre d’une étude sur la montée en puissance des fonds d’investissements étrangers dans les entreprises françaises.

1Voir P. Artus, M. Debonneuil (et contributions de Baudru et Morin), 1999.

2En Allemagne : Bayer, Hoechst, Allianz,

DaimlerChrysler ; en France : Rhône- Poulenc, AGF, AXA, France Telecom, Alcatel, Danone, Renault,

Saint-Gobain, Total, LVMH, ainsi que de nombreux

« prescripteurs » : BCG, Arthur Andersen, Stern Stewart, Hewitt Associates....

3Voir F. Parrat, 1999 et D. Bessire, 1999.

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pagnies d’assurances et les entre- prises amies ne s’est pas simple- ment substitué un environnement dominé par quelques FIE ; ce qui frappe, au contraire, c’est la diver- sité et la multiplicité des investis- seurs (fonds de pension, mutual funds, hedge funds...) et la « pro - fessionnalisation » de la gestion d’actifs, le clivage national/étranger apparaissant somme toute secon- daire. Dans un deuxième temps, on tentera d’évaluer l’impact de ce nouvel environnement sur l’évolu- tion des pratiques de gestion des entreprises et les nouveaux jeux d’acteurs qui en découlent (acqui- sition de nouvelles compétences, élaboration de chartes à tous les niveaux, voire constitution de cer- tains types d’acteurs totalement nouveaux). Démarche qui per - mettra au moins d’apprécier l’in- fluence réelle des FIE en évitant les préjugés manichéens4.

LA FIN

DES « NOYAUX DURS »

L

es fonds d’investissement insti- tutionnels existent depuis plu- sieurs décennies dans la plupart des pays développés. Dans les pays anglo-saxons notamment, le choix de systèmes de retraites par capi- talisation a très tôt amené la créa- tion de fonds de pension. Leur montée en puissance dans le capi- tal des grandes firmes allemandes et françaises est cependant beau- coup plus récente et s’explique par un phénomène parallèle dans les deux pays : l’éclatement des noyaux durs (mis en place notam- ment, en France, à l’occasion des privatisations des années 1990) et la disparition des participations croisées (avec, en Allemagne, la réduction du poids des banques et compagnies d’assurance dans le capital des groupes industriels).

Les FIE étaient d’ailleurs très cri- tiques à l’égard de ces noyaux durs et participations croisées, dans les- quels ils voyaient une source de préjudice potentiel pour les ac-

tionnaires minoritaires. Pourtant, ils ne sont pas les principaux res- ponsables du changement dans les structures de capital des grandes firmes. C’est bien plutôt dans les cadres nationaux qu’il faut cher- cher les explications : si 30 à 40 % des entreprises du CAC 40 sont détenus par des FIE, c’est avant tout parce que le contexte français y est très favorable5.

En fait, trois raisons expliquent cette évolution :

1/ Les privatisations, totales ou partielles, d’entreprises précé- demment nationalisées. Les consé- quences de ce désengagement de l’Etat dépassent le simple change- ment de propriétaire : plus grande indépendance de décision, objectif de rentabilité plus fortement mis en avant, pratiques managériales s’alignant sur celles des concur- rents privés, etc.

2/ Les besoins de financement croissants, qui obligent à diversifier les sources de capitaux en nature (fonds propres versus intermédia- tion bancaire) et en origine géo- graphique (sortie du cadre natio- nal, devenu insuffisant). Ce dernier argument est clairement mis en avant par DaimlerChrysler pour justifier sa cotation sur le marché américain dès 1993.

3/ Enfin, la nécessité de pouvoir réaliser des acquisitions ou parte- nariats par échange d’actions. Il s’agit là d’un facteur clé du jeu concur- rentiel dans certains secteurs, pour lesquels la dimension pertinente n’est plus française ou allemande mais européenne ou plus souvent mondiale. Ce point a été avancé par Allianz à propos de son dévelop- pement sur le marché américain.

Si la tendance est largement en - gagée dans les deux pays, des

4Il convient de relativiser l’influence réelle de la structure du capital dans le fonctionnement de l’entreprise : cf. « Top executive rewards and firm performance : a comparison of Japan and the United States », J. of Political Econ.

102(3), juin 1994, où S.N. Kaplan a montré par exemple que la probabilité d’éviction d’un dirigeant d’entreprise après des performances boursières médiocres était du même ordre de grandeur en Allemagne, au Japon et aux Etats-Unis.

Les circuits de décision sont différents mais le résultat global est le même.

5Pour une analyse plus complète, voir D. Plihon,

« Les investisseurs institutionnels, nouveaux acteurs de la finance internationale » in

Documentation française, Les Cahiers Français, n° 289, janv.-févr.

1999.

Tableau : LES FONDS LES PLUS ACTIFS EN FRANCE Rang Investisseur Pays Valorisation

des actions détenues, en milliards de francs

1 Fidelity Etats-Unis 30,73

2 Franklin Templeton Etats-Unis 26,7

3 Capital Research Etats-Unis 21,4

4 TIAA-CREF Etats-Unis 14

5 T-Rowe Price Etats-Unis 13,9

6 Merrill Lynch Etats-Unis 12,2

7 Deutsche Bank Allemagne 12,1

8 Putnam Etats-Unis 10,8

9 Janus Etats-Unis 9,7

10 Dresdner Bank Allemagne 8,9

11 Schroder Royaume-Uni 8,5

12 UBS Suisse 7,6

13 Calpers Etats-Unis 7,5

14 Scudder, Stevens Etats-Unis 6,5

15 Deka Allemagne 6,4

Source :CDA Spectrum - Thomson Financial services, Les Echos.

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001 éléments particuliers peuvent la

freiner.Toutes les entreprises alle- mandes ont notamment évoqué le poids de la fiscalité sur les plus- values : celles qui sont réalisées sur la vente de titres, à l’occasion d’un débouclement de participations par exemple, sont en effet im - posées au taux marginal (supérieur à 50 %). La réforme fiscale engagée par le gouvernement Schröder va bientôt faire sauter cet obstacle.

D’autres facteurs, en revanche, accélèrent le mouvement, notam- ment l’internationalisation du marché du travail des dirigeants.

Un point surprenant, apparu dans l’ensemble des entretiens, est le peu de pression directe ressentie dans le registre de la corporate governance :mécanismes de droits de vote, mise en place de comités d’audit ou de rémunérations, pro- fil des administrateurs... Ces élé- ments sont très largement perçus comme « cosmétiques » par les di- rigeants rencontrés – ce qui ne veut certes pas dire que les recom- mandations correspondantes ne soient pas suivies... Par contre, une question émerge fortement : la gestion de la relation avec les in- vestisseurs.

LA TRANSPARENCE À L’ÉCOLE ANGLO- AMÉRICAINE

S

ur la relation entre les entre- prises et le marché financier, la montée en puissance des FIE a un impact majeur : dans toutes les entreprises visitées, les services

« Relations Investisseurs » («Share- holder Relations ») se sont forte- ment développés depuis le milieu des années 1990, et leur rôle va bien au delà de la simple trans - mission d’informations. Ils peuvent occuper de 5 à 20 personnes, concentrées au siège social et, dans certains cas, en partie décentra - lisées sur Londres et New York.

Dans ce domaine, les interviewés ont insisté sur plusieurs points :

l Une volonté de transparence accrue. L’information circule de plus en plus vite entre le marché et l’entreprise et elle est de plus en plus détaillée6. Dans la pratique, la circulation se fait dans les deux sens : le « consensus de marché » (la formulation d’un jugement col- lectif sur la valeur d’un titre) se construit avec l’entreprise, ce qui suppose chez celle-ci un certain savoir-faire : elle est appelée à

« commenter » les simulations chiffrées des ana-

lystes. L’appren - tissage de ce type de relation n’étant pas immédiat, il est clair que certaines firmes allemandes et fran- çaises ont parfois

« essuyé les plâtres » avec les ac- teurs du marché financier ces der- nières années.

l Une plus grande technicité de la relation avec les analystes (sell side ou buy side7) comme avec les gé- rants de fonds. Il ne s’agit plus seulement d’échanger quelques données comptables ou finan- cières consolidées. La maille d’ana- lyse est la business unit(le départe- ment du groupe travaillant sur un marché donné). Les dirigeants opérationnels et les experts tech- niques du domaine sont sollicités.

Ainsi, Alcatel discute avec de vrais experts des télécoms, Daimler- Chrysler et Renault avec des spé- cialistes de l’automobile, Allianz et AGF avec des professionnels de l’assurance, etc. La discussion va donc bien au-delà du questionne- ment sur l’obtention d’un ROE8de 15 %. Elle approfondit les différents aspects du métier, les options stratégiques retenues et la fiabilité des prévisions de résultat.

D’ailleurs, la plupart des analystes ne se privent pas de donner leur avis sur les options stratégiques que devraient suivre l’entreprise (politique financière, mais aussi choix de portefeuille, intérêt de telle acquisition ou désinvestis - sement…).

l La prédominance des acteurs anglo-saxons sur le marché finan- cier. Ce point a été souligné dans tous les entretiens, tant en France qu’en Allemagne : les interlo - cuteurs – analystes, traders, four- nisseurs d’informations, spécia- listes de fusions-acquisitions... – les plus compétents et actifs sont en grande majorité anglo-saxons et, pour l’essentiel, basés à Londres ou New York. Constat corroboré par une enquête réalisée par Reuters, dans le sec- teur auto mobile, au- près des principaux constructeurs euro- péens et de nom- breux spécialistes financiers. Les ré- ponses à la question :

« Qui a la meilleure vision du sec- teur ? » désignent à peu de choses près la même liste d’interlocu- teurs, pratiquement tous employés par des banques d’investissement anglaises ou américaines (même si certaines sont détenues par des banques suisses, allemandes ou néerlandaises), les acteurs des places de Paris et Francfort étant rangés le plus souvent en deuxième catégorie.

Cette prédominance prend plu- sieurs formes concrètes : un ni- veau d’expertise sectorielle jugé très bon (« Avec eux, on va direc- tement à l’essentiel », « Ils nous apprennent des choses sur nos propres marchés »), un mode de relation très proactif (« Les Amé- ricains m’appellent au minimum une fois par semaine, les Allemands et les Français une fois par mois »).

La plupart des interviewés recon- naissent cependant que le niveau de professionnalisme des interlo- cuteurs basés à Paris et à Francfort a « beaucoup progressé ces der- nières années ». Si la nationalité d’origine du FIE a un impact, c’est probablement là qu’il faut le cher- cher : autour des questions de communication, de culture d’en- treprise... et tout simplement de langue. La documentation finan-

6Cette transparence touche peut-être ses limites.

Une nouvelle réglementation de la SEC (la « REG FD ») est entrée en vigueur le 23 octobre 2000 : elle a pour objectif de garantir une même information pour tous les acteurs du marché. Dans l’environnement hyper-légaliste propre aux Etats-Unis, il est probable qu’elle entraînera une forte codification des échanges afin de prévenir toute mise en cause pour délit d’initié.

7Sell side :analystes liés à de grandes banques d’affaires et publiant régulièrement des rapports destinés à la clientèle de ces banques.

Buy side :analystes liés à des fonds d’investissement ; leurs rapports sont destinés

exclusivement aux gérants des fonds dont ils dépendent.

8Return on equity, ou retour sur fonds propres.

Entre le marché et l’entreprise, l’information est de plus en plus rapide, technique et détaillée

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cière est depuis longtemps pro- duite en anglais, et si de nom- breuses informations sur les choix opérationnels sont toujours four- nies en allemand ou en français, il est probable que le bilinguisme s’imposera avec la montée en charge des services Relations in- vestisseurs.

COMMENT S’ÉLABORE LE « CONSENSUS DE MARCHÉ »

L

e consensus de marché est fi- nalement construit par très peu de monde, d’autant plus que la dimension sectorielle l’emporte sur la dimension géographique.

Même si l’origine géographique d’un groupe continue de peser sur son évaluation, les grandes firmes visitées se positionnent de plus en plus par rapport à un champ d’ac- tivité industriel ou commercial, au minimum européen. Environ dix analystes « feraient » réellement la tendance pour l’automobile, sept à dix pour les télécommunications.

Les phénomènes de suivisme9don- nent un poids considérable à un nombre limité d’acteurs disposant de ressources d’investigation, d’informations abondantes et d’un poids financier suffisant pour entraîner dans leur sillage de nombreux autres. Cet effet de

« communauté » est renforcé par certaines pratiques du milieu : vi- sites groupées de sites d’entre- prises ou débauchage d’équipes complètes par un établissement concurrent, par exemple.

Deux formes de communication semblent cohabiter : d’une part des échanges sur le fond, caracté- risés par une accumulation mas- sive de données très diverses et une « mémoire » vigilante (compa- raison systématique de ce qui a été annoncé à ce qui a été effecti- vement réalisé), d’autre part le flux des événements, dont certains peuvent provoquer des ajuste- ments brutaux du cours de bourse. Plusieurs entreprises ont

ainsi expliqué que les annonces (rachat des AGF par Allianz, alliance Renault-Nissan, fusion Daimler- Chrysler, acquisition de start-up Internet par Alcatel…) pouvaient avoir un impact boursier dépassant très largement leur poids écono- mique réel. Là encore, pour les groupes français et allemands, l’effet d’apprentissage a joué à plein ces dernières années. L’adop- tion de la pratique des profit war- nings, par exemple, se généralise depuis peu. Dans l’ensemble, ces à-coups sur la valeur du titre ne semblent pas traumatiser outre mesure les dirigeants rencontrés :

« Le marché finit toujours par re- venir aux fondamentaux, notre problème est de les aider à le faire vite », déclare l’un d’eux.

Finalement, deux points marquants émergent des entretiens :

– L’impact des aspects qualitatifs dans la relation avec les investis- seurs. Tous les interlocuteurs ont insisté sur l’importance des contacts «one to one » entre in- vestisseurs et dirigeants opéra- tionnels. L’appréciation de la qualité du management est déter- minante. Les aspects culturels ne peuvent donc pas être neutres, et les dirigeants français ou alle- mands ont tout intérêt à bien faire comprendre à leurs interlocuteurs le contexte dans lequel ils agis- sent (pouvoir des salariés en Allemagne, impact des 35 heures en France…).

– La persistance de situations très contrastées dans chaque pays. La montée en puissance des FIE dans le capital des firmes considérées ne s’est pas traduite par une homo généisation rapide des pra- tiques. Cas souvent cité : alors que DaimlerChrysler fait de gros ef- forts de transparence vis-à-vis des investisseurs, Volkswagen semble s’en préoccuper assez peu, sans pour autant être sanctionné par le marché. Plus généralement, il semble que les entreprises fran- çaises aient adopté ces pratiques plus rapidement que les groupes

allemands, qui seraient en phase de rattrapage rapide10.

QUELLES CONSÉQUENCES SUR LA GESTION ?

O

utre l’usage de l’anglais comme langue de communi- cation interne et externe, on note une accélération du rythme de gestion, qui devient trimestriel.

Sur le modèle des groupes améri- cains, les groupes européens s’ali- gnent sur les exigences du marché financier : projection de résultats détaillés par trimestre, produc- tion d’une information permet- tant les comparaisons avec le même trimestre de l’année pré- cédente, etc. Ce point a été cité par Alcatel comme l’une des conséquences du choc de l’été 1998 (chute brutale du cours du fait du décalage entre les résultats attendus et annoncés).

A long terme, on peut prévoir trois évolutions dans le pilotage des firmes :

l Les critères de performance prenant plus directement en compte le coût du capital se diffu- seront très largement dans les systèmes de planification et de contrôle11.

l Les mécanismes de rémunéra- tion chercheront à aligner de façon de plus en plus explicite l’intérêt des actionnaires et celui des salariés, au travers de vec- teurs tels que les stock optionsou l’augmentation de la part variable des rémunérations. Les vifs débats apparus récemment en Europe continentale (France, Allemagne, Espagne…) sur ces pratiques montrent que l’apprentissage en est à ses débuts, et qu’entre le rejet dogmatique des uns et cer- tains abus manifestes des autres, de nombreuses options pratiques et réglementaires restent à défi- nir.

l Les opérations purement finan- cières (rachat d’actions, augmenta- tion de l’effet de levier…) menées dans l’intérêt des actionnaires,

9A. Orléan, Le pouvoir de la finance, Ed. Odile Jacob, 1999.

10Davis Global Advisors,

« Leading corporate governance indicators 1999 : an international comparison », novembre 1999.

11N. Mottis et J.P. Ponssard,

« Création de valeur et rémunération des dirigeants : enjeux et pratiques », Annales des Mines - Gérer &

Comprendre, juin 2000.

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Sociétal N° 31 1ertrimestre 2001 dont le nombre a considérable-

ment augmenté ces dernières an- nées, se poursuivront. L’activisme accru des actionnaires, FIE ou autres, se traduit incontestable- ment par une plus grande atten- tion apportée au critère de retour sur fonds propres et par l’exploi- tation de marges de manœuvre

« facilement » accessibles.

Il faut noter cependant que la montée en puissance, incontes- table, du pouvoir actionnarial pro- duit des conséquences straté- giques très variables selon les firmes. Il ne se traduit pas seule- ment, comme on le dit souvent, par une pression systématique au downsizing, au recentrage, au sous- investissement, mais par une grande variété de politiques, pour des objectifs de retour sur fonds propres identiques. Ainsi, dans un secteur chimique pourtant très mature, le pilotage interne de Bayer met fortement l’accent sur la croissance. L’assureur Allianz, au contraire, malgré son impression- nante force de frappe financière favorable à la croissance, semble plutôt privilégier l’amélioration de sa rentabilité. L’influence des FIE laisse donc une très grande la- titude aux équipes dirigeantes : la

« dictature » des marchés finan- ciers doit être relativisée.

QUEL DEGRÉ DE LIBERTÉ POUR L’ÉQUIPE

DIRIGEANTE ?

E

n France notamment, les équipes dirigeantes ont long- temps disposé d’un pouvoir relati- vement discrétionnaire sur les dé- cisions affectant l’entreprise et son développement. Elles pou- vaient engager une politique de développement volontariste et risquée, ou au contraire excessi- vement prudente, sans avoir à rendre réellement de comptes – du moins rapidement. Aujour- d’hui, cela n’est plus possible : si quelques acteurs clés (analystes, in- vestisseurs, administrateurs, autres dirigeants,...) ne sont pas suffisam- ment informés et convaincus des options retenues, leur comporte- ment peut avoir un effet bloquant (consensus de marché défavo- rable, problèmes de financement, chute du cours, mise en cause de l’équipe dirigeante, OPA...).

Pourtant, il ressort également de l’enquête qu’une équipe dirigeante qui a défini un bon cap peut décider de le tenir dès lors qu’elle respecte quelques conditions mi- nimales de transparence : annonce des objectifs, réponses aux de- mandes d’explication des investis- seurs, respect des règles commu-

nément admises en matière de corporate governance. Le cas d’Alca- tel est significatif. Lors des pre- mières interviews, réalisées début 1999, deux points émergeaient : premièrement, les axes straté- giques sont maintenant clarifiés, les options opérationnelles sont défi- nies et déjà par tiellement mises en œuvre ; deuxièmement, le marché ne les valide pas. L’entreprise était donc sous-valorisée aux yeux de ses dirigeants. Un an plus tard, la politique menée semble être ap - préciée et le cours de bourse a considérablement progressé.

L’équipe dirigeante a pris des op- tions, les a maintenues sans tenir réellement compte de la désaffec- tion ponctuelle des investisseurs, mais s’est engagée dans une poli- tique de communication finan- cière beaucoup plus conforme aux attentes du marché.

Pour les entreprises françaises, l’enjeu est double :

1/ Elles doivent comprendre ces pratiques, pour les appliquer dans l’intérêt non seulement des share- holders(actionnaires) mais aussi de l’ensemble des stakeholders (tous les partenaires de la firme, y compris ses salariés), les intérêts des uns et des autres étant conver- gents à moyen terme.

2/ Il leur faudrait pouvoir s’appuyer sur des acteurs nationaux – inves- tisseurs, analystes, administrateurs indépendants, autorités de régula- tion... – capables de formuler et de relayer ces enjeux au sein de la communauté internationale. Là se trouve vraisemblablement la prin- cipale difficulté : l’émergence d’acteurs continentaux capables de contrebalancer les leaders d’opinion et la technicité des opé- rateurs anglo-saxons prendra un certain temps. La voie suivie par quelques établissements – suisses, allemands et néerlandais notam- ment –, consistant à racheter des établissements financiers basés à Londres ou New York pour aller plus vite, semble, à l’évidence, semée de nombreuses embûches... l

BIBLIOGRAPHIE

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