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Le délit de travail dissimulé

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: hal-02623031

https://hal.univ-reunion.fr/hal-02623031

Submitted on 26 May 2020

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Le délit de travail dissimulé

Johanna Essayan

To cite this version:

Johanna Essayan. Le délit de travail dissimulé. Revue juridique de l’Océan Indien, Association “ Droit dans l’Océan Indien ” (LexOI), 2011, pp.163-165. �hal-02623031�

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6.2.3 : Le délit de travail dissimulé

Travail illégal – dissimulation d’emploi salarié – conditions de travail indignes – personnes vulnérables - chômage

Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, 02 décembre 2010, RG n°10/00233 Cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, 10 mars 2011, RG n°10/00283

Johanna ESSAYAN, ATER en droit privé à l’Université de La Réunion

Le travail dissimilé, un fléau propre à l’île de La Réunion ?

Il résulte de l’article L8221-1 du Code du travail que « sont interdits : le travail

totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles

L8221-3 » (travail dissimulé par dissimulation d’activité) « et L8221-5 » (travail dissimulé par

dissimulation d’emploi salarié) « ; la publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à

favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ; le fait de recourir sciemment,

directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ».

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Deux affaires, jugées par la Cour d’appel de Saint-Denis, illustrent la malheureuse existence du recours au travail dissimulé.

Dans une première espèce (n°10/00233), M.C, formateur d’un organisme de formation envoyait trois de ses stagiaires effectuer des travaux de maçonnerie chez M.V, directeur des services techniques d’une commune de La Réunion, ce pour une durée de trois mois.

Il ressortait de l’information que M. C. n’avait effectué à l’égard des trois ouvriers aucune formalité de déclaration préalable à l’embauche et ne leur avait pas remis de fiche de paie. Quant à M.V, il résultait que celui-ci connaissait, du fait de sa qualité professionnelle, quelles étaient les obligations en matière de construction. Ayant conclu l’opération avec M.C, sans aucun formalisme – le devis allégué n’ayant pas été produit – et n’ayant pas vérifié que celui-ci disposait des assurances légales, M. V. avait connaissance de la dissimulation des salariés de M. C. L’infraction étant caractérisée, la cour d’appel reconnaissait M. V. coupable d’avoir eu recours sciemment aux services de M.C, employeur dissimulant l’emploi de ses salariés (M. C. ayant d’ailleurs été reconnu coupable de ce chef en première instance mais n’ayant pas interjeté appel).

Dans une seconde espèce (n°10/00283), M.M et M.S, deux individus de nationalité mauricienne, employaient quatorze ressortissants Chagossiens, munis de passeports britanniques, afin d’effectuer des travaux pour une société de Récupération de Déchets Non Dangereux, dans diverses communes de l’île de La Réunion. Suite à une dénonciation à la police de l’Air et des Frontières quant à des faits de travail dissimulé, une enquête était ouverte.

Il ressortait de l’information que les quatorze ouvriers Chagossiens, alors qu’il leur avait été promis une rémunération importante, travaillaient à raison de 60 heures par semaine sur un chantier à ciel ouvert, ne bénéficiaient d’aucun abri, ni sanitaires ou aménagements pour les salariés, et, ne recevant aucune fiche de paie, avaient un salaire mensuel égal à 300 Euros. De par cette faible rémunération, les ouvriers ne pouvaient dès lors pas quitter leur emploi et regagner leur pays d’origine.

La cour d’appel retenait que les infractions d’exécution d’un travail dissimulé, de rétribution inexistante ou insuffisante de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes, et de soumission de plusieurs personnes vulnérables ou dépendantes à des conditions de travail indignes étaient caractérisées. M.M et M.S étaient ainsi reconnus coupables de ces chefs.

Ces deux décisions rendues en application des articles L8222-1 et suivants du Code du

travail ne sont que l’illustration de la volonté du juge de lutter toujours plus efficacement contre

le travail dissimulé, ou, plus généralement, le travail illégal (celui-ci englobant le travail

dissimulé, le marchandage, le prêt illicite de main d’œuvre, l’emploi d’étrangers sans titre de

travail et le cumul irrégulier d’emplois). Ainsi, à titre d’exemple, « le fait pour un employeur de

se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d’embauche ou à la remise de bulletin

de salaire » est considéré de manière constante par la jurisprudence comme constitutif du délit de

dissimulation d’emploi salarié (Voir en ce sens Crim 22 février 2000, RJS 2000. 386, n°562 ;

Soc 21 mai 2002, Bull. Civ V, n°170). De la même manière, la dissimulation d’emploi salarié est

caractérisée s’il est établi que l’employeur a intentionnellement mentionné sur le bulletin de paie

un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué (Voir en ce sens Soc 04 mars 2003,

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Bull. Civ. V, n°80 ; Soc 19 janvier 2005, Dt soc. 2005, 472 ; Soc 08 mars 2007, RDT 2007, 395).

Mais, le juge va encore plus loin dans contrôle du travail illégal, puisqu’il estime désormais, en matière de prêt de main d’œuvre illicite, que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre est interdite ; que cette interdiction concerne également l’entreprise utilisatrice et que le caractère lucratif de l’opération peut résulter d’un accroissement de flexibilité dans la gestion du personnel et de l’économie des charges procurés à cette dernière (Soc 18 mai 2011, D.2011, p1424, interprétant plus largement la notion de but lucratif, et apportant une sérieuse limite au prêt de main d’œuvre).

Il est, par ailleurs, à noter que le problème du travail dissimulé a soulevé de nombreux débats, notamment quant à la fréquence de ce phénomène sur l’île de La Réunion. Ainsi, lors d’une émission télévisée, diffusée sur France 2, le 16 juin 2011, Valérie Bègue déclarait qu’ « il ya certes un chômage très élevé à La Réunion, mais à côté de ça, on a une économie souterraine très importante ». Ces affirmations ont provoqué de multiples réactions. Ainsi, Philippe Fabing, responsable des études politiques et économiques à Ipsos, estime qu’ »il n’y a pas davantage de travail clandestin à La Réunion qu’ailleurs ». Cet avis est partagé par Philippe Jean-Pierre, économiste et enseignant à l’université, pour qui « La Réunion souffre d’une image d’Epinal.

Parce que son taux de chômage est important, on affirme que le travail informel y est beaucoup plus élevé. Il n’y a pas davantage de travail informel sur l’île que dans les magasins de tissus à Paris ou lors des vendanges dans les provinces métropolitaines ».

Et, lors de la réunion de la Commission de Lutte contre le travail illégal, en date du mercredi 30 mars 2001, il en est ressorti effectivement que le fléau du travail dissimulé est un phénomène national. Alors que sur l’île de La Réunion, 5% des personnes ayant un emploi ont recours au travail informel, le chiffre s’élève à 10% sur le territoire national (Voir en ce sens le dossier de presse du Ministère du travail, de l’emploi et de la santé sur la lutte contre le travail illégal, CNLTI, 30 mars 2011).

Comment dès lors lutter contre cette infraction qui prend une ampleur toujours plus importante ?

Depuis 2010, un certain nombre de dispositions juridiques ont été prises ou sont en cours d’adoption.

A titre d’exemple, dans le cadre de la loi d’Orientation et de Programmation pour la performance de la Sécurité Intérieure – LOPPSI2, les agents de contrôle de Pôle Emploi sont désormais assermentés et habilités à rechercher et à constater les infractions de travail dissimulé et les fraudes à l’assurance chômage. Cette habilitation a pour objectif, d’une part, de renforcer les effectifs dédiés à la lutte contre le travail illégal, et, d’autre part, à développer l’efficacité et l’action des Comités anti-fraude (CODAF, sous la conduite des préfets et des procureurs de la République.

En outre, dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, de nouvelles sanctions administratives devraient être prises pour lutter contre le travail illégal (obligation de rembourser les aides publiques perçue l’année précédant le constat d’une infraction de travail illégal, fermeture de l’établissement prononcée par le Préfet pour une durée de trois mois avec la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel). Et, les travailleurs étrangers sans titre pourraient recouvrer plus facilement leurs salaires et leurs indemnités, même en cas de reconduite à la frontière. Ils disposeraient également d’une meilleure information quant à leurs droits sociaux et pécuniaires.

Ces mesures permettraient-elles de lutter plus efficacement contre le travail dissimulé ? A

suivre…

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