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Passage à l'acte meurtrier et psychothérapie

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-00610675

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00610675

Submitted on 23 Jul 2011

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Passage à l’acte meurtrier et psychothérapie

G. Michel, C. Védie

To cite this version:

G. Michel, C. Védie. Passage à l’acte meurtrier et psychothérapie. Annales Médico-Psychologiques,

Revue Psychiatrique, Elsevier Masson, 2010, 168 (1), pp.57. �10.1016/j.amp.2009.10.010�. �hal-

00610675�

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Accepted Manuscript

Title: Passage `a l’acte meurtrier et psychoth´erapie Authors: G. Michel, C. V´edie

PII: S0003-4487(09)00339-4

DOI: doi:10.1016/j.amp.2009.10.010

Reference: AMEPSY 1099

To appear in: Annales Médico-Psychologiques

Please cite this article as: Michel G, V´edie C, Passage `a l’acte meurtrier et psychoth´erapie, Annales medio-psychologiques (2008), doi:10.1016/j.amp.2009.10.010

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Accepted Manuscript

Communication

Passage à l’acte meurtrier et psychothérapie Acting out a crime and psychotherapy

G. Michel

a

, C. Védie

b

a

Docteur en psychologie, Hôpital Font Pré, BP 1412, 83056 Toulon Cedex, France

b

Psychiatre, Hôpital Valvert, Boulevard des libérateurs, 13391 Marseille, France

Auteur correspondant : Dr Christian Védie, Psychiatre, Hôpital Valvert, Boulevard des Libérateurs, 13391 Marseille, France

Tél. : 04 91 87 67 50 Fax : 04 91 87 67 47

Adresse email : christian.vedie@ch-valvert.fr

Résumé

La prise en charge psychothérapeutique, effectuée en milieu carcéral, d’auteurs de passages à l’acte meurtriers, constitue une des conditions extrêmes de la pratique de la psychothérapie psychanalytique. La présentation clinique permettra de proposer la notion de fonction soignante du passage à l’acte, de mieux appréhender le sentiment d’étrangeté dont témoignent les sujets vis-à-vis de leurs passages à l’acte, et, ainsi, de réinterroger la notion d’absence du sentiment de culpabilité. Les effets thérapeutiques de la rencontre de parole avec le psychothérapeute seront constatés au travers des productions psychiques dont témoignera le discours du patient. L’approche psychothérapeutique de situations psychiques extrêmes que présentent de tels sujets réaffirme la valeur fondatrice du travail de (re)familiarisation d’avec la parole. Elle permet d’établir une l’impasse du réel des passages à l’acte.

Mots-clés : Circonstances criminogènes ; Corps ; Disparition du sujet ; Moment psychotique

Abstract

Psychotherapies carried out in prisons, of persons who acted out a crime constitute one

of the extreme conditions of the practice of psychoanalytical psychotherapy. The clinical

presentation proposes the concept of a therapeutic care of the acting out, the presentation

allows a better apprehension of the feeling of strangeness to which the subjects testify with

respect to their acting out and thus allows a re-questioning of the concept of absence of guilt

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feelings. The therapeutic effects of the verbal relation with the psychotherapist are taken note of through the psychic productions of the patient’s speech. The psychotherapeutic approach of extreme psychic situations which these subjects present reaffirms the basic value of the work of (re)familiarization with speech. This approach allows the subject to establish a new confidence in speech as a way out of his/her acting out condition.

Keywords: Body; Crime circumstances; Disappearance of the subject; Psychotic moment

Il s’agit pour nous de témoigner, à partir de l’engagement clinique dans des rencontres régulières durant deux ans avec un patient incarcéré pour plusieurs meurtres, de l’intérêt de telles rencontres, pour que puisse advenir la parole d’un sujet là où ne pourraient se voir que des actes.

Notre postulat est que M. X a rencontré des situations dans lesquelles il est passé à l’acte sans qu’il ait eu l’intention de le faire. Autrement dit, qu’il existe pour M. X des situations potentielles de passage à l’acte et non des intentions d’actes criminels préalables.

1. Esquisse de biographie

Sa biographie est très floue. Il arrive tout de même à nous dire qu’« il a vécu jusqu’à l’âge de dix ans sans avoir connu ses parents ». Il a été élevé dans des foyers, placé par l’Assistance publique.

Le juge d’instruction lui apprendra qu’il avait été soustrait aux soins de sa mère parce qu’elle l’emmenait avec elle dans les bars où elle semblait passer une bonne partie de ses journées. Il se souvient d’un éducateur qui avait une main en fer qu’il dévissait pour le frapper. Mis à part ce souvenir, il ne parle pas de mauvais traitements qu’il ait eu à subir pendant ces années de vie en foyers éducatifs.

Du jour au lendemain, il se trouve à devoir faire, ou refaire, connaissance avec sa mère, à laquelle il aurait dit, en guise d’encouragement dans la construction de leur relation :

« Vous n’êtes pas ma mère. » Sa mère se serait mise à pleurer suite à sa réponse cinglante. Il

finira par séjourner chez le couple qu’elle forme alors avec son nouveau mari. M. X décrit ce

foyer comme un lieu dans lequel il se faisait frapper, tout comme sa mère, par son beau-père

qui le traitait de « bâtard » en rentrant saoul à la maison.

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Ainsi, de l’âge de dix ans à quinze ans, M. X passera son temps, en famille, à être pris entre les demandes de sa mère qui lui demandait d’aller, en particulier, chercher de la bière à l’insu de son beau-père, et les coups, les cris et les insultes de son beau-père qui l’utilisait, selon la tonalité de son témoignage, comme esclave domestique. Il nous dira que c’est au moment où il a commencé à appeler son beau-père « papa » que celui-ci l’a pris pour son

« boy ».

Cette vie de famille a été interrompue par le décès de sa mère, morte du cancer des fumeurs. Il est alors placé chez une de ses sœurs aînées qui vivait dans une petite ville du sud de la France. Il découvre à cette époque, nous dit-il, qu’il a deux sœurs, deux frères, un demi- frère et un père, qui vivent tous dans cette région. Après la séparation, son père était venu s’installer dans la région avec ses enfants les plus âgés.

Il nous dira que sa sœur lui demandait surtout de l’argent, celui qu’il gagnait alors dans le cadre d’une formation qu’il suivait, pour payer le loyer de l’appartement où elle l’avait hébergé.

Pendant cette période, alors qu’il a atteint l’âge de dix-huit ans, M. X fait état d’un accident de la circulation après lequel il serait resté neuf mois dans le coma, et au sortir duquel il aurait mis un an pour réapprendre à marcher et à parler. Suite à sa convalescence, il passe une année chez sa sœur tout en travaillant comme peintre, en apprentissage. Puis un jour, il s’engueule avec elle, parce qu’elle lui reprochait de ne pas aller à l’école. Il la quitte et va vivre avec une amie. Il a une vingtaine d’années. Il s’ensuit quelques années d’errance, où il vit dans la rue. Il commet quelques menus forfaits qui le mènent en prison pour quelques mois.

Il s’installe dans une autre ville où il trouve une certaine stabilité sociale en étant employé sans être déclaré comme « homme à tout faire ». Puis il rencontre une femme, âgée de vingt ans de plus que lui, avec qui il vit jusqu’à son actuelle incarcération.

Étant sous mesure de tutelle depuis son arrivée dans cette dernière ville, et percevant la pension allouée aux adultes handicapés, il travaillera pendant un an dans un Centre d’Adaptation au Travail (CAT), d’où il se fera renvoyer pour manque d’assiduité, qu’il met spontanément en relation avec ses habitudes alcooliques.

2. Les passages à l’acte

Le premier homme qu’il a tué est un compagnon de beuverie chez qui il passe une

nuit. À son réveil, il s’aperçoit que cet homme a pratiqué sur lui une fellation. Il dit à cet

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homme qu’il n’est pas un « pédé ». Ce dernier essaye de se défendre et se met à crier. M. X le saisit à la gorge et l’étrangle. Il écrira Zorro sur un morceau de carton dont il signera la dépouille.

Un jour où il était passablement imbibé d’alcool, M. X se décide à aller voir une voisine qui, selon sa femme, disait de lui qu’il était un alcoolique et un fainéant et qu’elle devait se séparer de lui. Il souhaitait avoir une explication avec elle à ce propos. Il se présente chez elle. Elle lui ouvre. Elle se met à crier. Il l’étrangle.

Un autre jour, en stationnant devant l’immeuble dans lequel il avait habité, il entend qu’une de ses anciennes voisines met la musique un peu trop fort. Il monte la voir et lui demande de baisser le volume. Elle baisse le volume pour un moment et l’augmente de nouveau. Il remonte pour lui demander à nouveau de baisser le son. Elle lui ouvre la porte, elle se met à crier, il l’étrangle.

Une autre fois, après avoir bu en compagnie d’une femme dans un bar, ils sortent tous les deux dans la rue. C’est la nuit. Tout à coup, il se met à l’étrangler avec un lacet ou une cordelette. Il veut lui prendre son porte-monnaie. Il la laisse à demi-consciente dans une poubelle.

Pour cette dernière tentative de meurtre, il dira qu’il ne s’en souvient plus. C’est le juge d’instruction qui lui a parlé de la scène. Lui n’en aurait aucun souvenir.

Une des constantes des situations dans lesquelles les meurtres ont été commis est la présence de cris émis par la victime juste avant le passage à l’acte. On peut ainsi penser que le cri est un des déclencheurs déterminant dans la production des passages à l’acte de M. X.

Quand nous questionnons M. X sur les associations d’idées qui lui viennent à propos des cris, il nous dit qu’il pense aux cris que poussait son beau-père quand il le battait en le traitant de bâtard. Il étrangle ses victimes non pour les tuer, mais pour faire cesser leurs cris. Il s’attaque directement à l’organe producteur de la voix. Il lui faut faire cesser rapidement le cri, non parce qu’il représente un appel à l’aide par lequel la victime pourrait être secourue, mais parce qu’il lui apparaît comme une production sonore qui le perturbe grandement. Il nous dira : « Les cris me rendaient fou. »

Ce qui nous permet de penser que M. X perd, dans ces situations que nous pouvons appeler criminogènes, la capacité de différenciation entre lui et l’autre. Nous pourrions considérer ces cris comme des productions hallucinatoires, c’est-à-dire comme des cris qui lui reviendraient de l’extérieur et qu’il chercherait à éliminer.

3. Discussion

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Durant ces deux ans, M. X n’a fait qu’essayer de lutter contre ce sentiment d’angoisse qui le tenaillait et qui lui faisait demander des traitements anxiolytiques qui ne réussissaient pas à l’apaiser. Au début, les entretiens lui servaient à expurger un peu de son angoisse, puis il s’est un peu rasséréné, au point de craindre nos périodes de vacances, et de nous demander de lui donner notre montre.

Au-delà de l’angoisse, le contact semblait s’être établi dans une modalité transférentielle dans laquelle nous n’étions plus uniquement le bouche-trou de l’angoisse, mais où il pouvait articuler une demande qui avait une valeur transférentielle articulée qui lui permettrait de mesurer le temps, et, ainsi, peut-être, de lui permettre de s’en rendre un peu mieux maître, afin d’être moins soumis à l’infinité d’un temps non scandé.

Nous pourrions faire l’hypothèse psychopathologique suivante : Mr X reçoit ces cris comme des cris réels tels qu’ils pourraient se présenter dans le cadre d’une hallucination. La confusion qui mène au passage à l’acte, entre la réalité contextuelle et le réel de l’hallucination auditive, constituerait les conditions de survenue du passage à l’acte, en l’occurrence celui de l’étranglement de la voix de la personne qui se met à crier en face de lui.

C’est en ce sens que l’on pourrait parler, pour M. X, d’une fonction soignante du passage à l’acte, cette expression étant prise dans le sens où le passage à l’acte serait la seule réponse possible, à ce moment là, pour le sujet ; l’accès au délire et à la folie lui étant interdit.

La production d’un acte fou dans le passage à l’acte viendrait de l’impossibilité qui serait faite au sujet de délirer ; c’est-à-dire de mobiliser l’instance imaginaire qui lui permettrait de passer ce moment d’une autre manière qu’en rentrant de plain-pied dans le réel de l’acte. Il s’agirait d’un acte qui parlerait pour lui, mais dans une langue d’un autre ordre, une langue sans parole ; donc, dans une absence de langue. Il s’agirait d’un acte qui surgirait dans l’interruption d’un discours dans le moment du passage à l’acte.

M. X se situe dans une modalité d’existence qui ne lui permet pas de constituer un

écart entre ses actes et sa pensée. Il ne peut penser, ni se représenter, même pas dans l’après-

coup du passage à l’acte, puisqu’il ne voit pas de logique à ce qu’il se retrouve enfermé en

prison. Comme il nous le répètera souvent, « Il n’est pas un assassin », dans le sens où il dit

ne pas avoir eu l’intention de tuer. Il nous révéla que quand il avait commis ces meurtres, le

lendemain, il n’était pas certain de les avoir commis, et que c’était la lecture du journal qui lui

confirmait que les actes avaient véritablement eu lieu. Il se présente comme irresponsable de

ses actes, sans pour autant en dénier leur réalité, ni qu’il les ait commis.

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Malgré cette position psychique particulière, cela ne le dédouane pas de souffrances psychiques qui se manifestent particulièrement sous la forme d’images mentales. Il fait des

« cauchemars », comme il dit, c’est-à-dire qu’il voit dans des séquences, pendant son sommeil, la série des scènes de meurtres qu’il a commis, qui lui reviennent comme des images obsédantes. Il témoigne ainsi de l’état de déréalisation qu’il vivait vis-à-vis des meurtres qu’il avait commis, ce qui pourrait s’assimiler à des manifestations de somnambulisme prolongé. L’élément principal qui domine ces états est le sentiment d’angoisse, de nature psychotique, qui prend totalement le sujet.

Pour M. X, on peut penser que l’acte meurtrier se produit malgré lui ou en son absence. On peut ainsi faire l’hypothèse que l’acte, plus exactement le passage à l’acte, s’est produit sans pensée de l’acte, comme dans un court-circuit de la pensée, et donc dans une absence de pensée.

Cette étude psychopathologique des situations de meurtres dans lesquelles s’est trouvé pris M. X témoigne de la complexité des situations de passage à l’acte meurtrier. Mais ces actes peuvent nous apparaître plus intelligibles si l’on replace le sujet dans le monde d’irréalité dans lequel il peut vivre habituellement ou par moments.

En ce qui concerne la personnalité de M. X, il n’a pas été constaté de symptomatologie de nature psychotique franche telle qu’un délire systématisé ou des manifestations hallucinatoires occasionnelles. Sa personnalité était plutôt dominée par un taux d’angoisse extrêmement important. On aurait du mal à qualifier son fonctionnement habituel de fonctionnement psychotique, au sens psychiatrique du terme, dans la mesure où son existence, jusqu’à son incarcération, n’a pas nécessité d’hospitalisation en psychiatrie pour des raisons de décompensation psychique. Le symptôme principal qui l’a toujours représenté était celui de sa consommation alcoolique.

Ainsi, pour qu’il puisse passer des passages à l’acte à l’articulation d’une parole de sujet plus autonome, seul gage de sa possibilité de réinsertion adaptée aux règles sociales, il lui faut le soutien de l’ensemble des acteurs institutionnels pour qu’il puisse opérer une véritable constitution de plus en plus subjectivée, c’est-à-dire de plus en plus articulée à une parole singulière ; c’est ce que nous nous sommes astreint de ménager lors de ces deux années de rencontres régulières.

Au bout de quelques temps de rencontres, il nous a dit, quand nous l’interrogions sur

ses nuits, qu’il faisait des cauchemars et ne se souvenait pas de ses rêves. En revanche, que

dans la journée, il y avait des fantômes qui venaient dans la cellule, et qui venaient lui dire

qu’il les avait tués.

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Lorsque nous l’interrogeons en lui demandant s’il voyait les fantômes dans la cellule ou s’il les voyait dans sa tête, il nous dira d’un ton de colère : « Je ne suis pas fou ! »

Ainsi, l’acte de l’aveu lui permet de se situer dans un lieu symbolique qui lui permet d’accéder à un effet de soulagement d’un écrasement imaginaire, mais ne lui permet pas d’avoir une conscience pleine des conséquences de ses actes, puisque lors de nos entretiens, il nous demandait à quoi cela servait de le garder enfermé puisqu’il avait avoué ses crimes et qu’il ne pouvait pas revenir en arrière, qu’il « n’avait pas une baguette magique qui lui permette de leur redonner la vie ».

Ainsi, l’histoire de ce sujet est émaillée de la survenue de ces actes qui lui restent étrangers, et qu’il ne semble pas pouvoir intégrer à sa subjectivité.

On se représente alors le passage à l’acte comme une tentative, pour un sujet dans un moment de son existence donnée, de reprendre le cours de sa vie psychique, quand le moment qui a précédé le passage à l’acte l’en avait exclu.

Cette reprise de confiance dans la parole ne peut qu’être le seul garant d’un rétablissement du sujet, plutôt que de son bannissement, et donc des mises en condition de son absence, qui ne pourrait que lui faire retrouver les impasses du réel des actes.

Dans le déroulement de nos séances, un moment particulier est à signaler. Il constitue un moment de changement de registre psychique. M. X nous a décrit les situations de meurtres et de tentatives de meurtres qui déterminaient l’instruction judiciaire et sa situation pénale. Il nous en parlait avec beaucoup de difficultés, notamment dues à ce qui nous apparaissait comme le brouillard épais des souvenirs non véritablement constitués. Puis, au bout de quelques mois de rencontres, il a commencé à nous dire qu’il voyait le visage de ses victimes qui venaient grimacer devant ses yeux alors qu’il était dans sa cellule. Ainsi, il nous faisait part d’un effet d’un travail psychique dû aux rencontres des derniers mois, qu’il avait pu opérer avec le juge d’instruction et avec nous, au cours lesquelles il avait évoqué ses actes meurtriers.

4. Conclusion

L’apparition de ces phénomènes psychiques nous donne l’indice qu’un véritable

travail de psychisation des passages à l’acte a pu être mobilisé après quelque temps, malgré la

présentation d’un tableau d’écrasement psychique à son arrivée en prison.

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Ainsi, le travail de symbolisation par la parole au cours de ces rencontres régulières démontre qu’un travail psychique peut être obtenu malgré un a priori de situations psychologiques qui ne laisseraient pas espérer quelques constructions possibles de pensées.

Ce que nous a appris et confirmé cette implication de travail en milieu pénitentiaire est d’avoir pu expérimenter que, même pour des sujets plongés dans des conditions psychiques extrêmes, il est important de pouvoir leur proposer un espace de paroles d’où peut sortir la reprise, voire la naissance, d’une position subjective. Ce qui ne fait que nous confirmer l’intime familiarité entre la naissance du psychisme, le langage et la constitution subjective humaine articulée de ce fait au social. Cela nous apprend que ce fait de langage est sans cesse à maintenir et à articuler dans la parole de chacun et par chacun.

Conflit d’intérêt : à compléter par l’auteur 5. Discussion

Dr P. Houillon – À propos du passage à l'acte, l'auteur vient de mentionner que les cris de la victime, avant la consommation de l'homicide, constituaient un élément déclenchant pour l'achèvement de l'acte meurtrier.

Compte tenu de nombreuses situations analogues rencontrées au cours de notre exercice professionnel, faut-il considérer ce comportement comme exceptionnel ? Le cri, en effet, constitue déjà un reproche quasi insoutenable qu'il faut faire cesser au plus vite. La littérature, tant générale que psychiatrique, évoque assez souvent de tels comportements.

Cela pose aussi le problème de l'acte commencé qui ne peut pas être interrompu, sauf intervention extérieure rapide et énergique.

Notons également que le « silence » de la victime peut aussi constituer un événement facilitateur pour l'accomplissement de l'homicide, comme si la victime était dépositaire d'un insupportable secret qu'il fallait éliminer avant qu'il n'éclate au grand jour.

Pr P. Moutin – Votre communication est intéressante, mais il serait important d’abord

de connaître la situation juridique du sujet (prévenu, condamné), et aussi quel est l’avis des

experts, ensuite de considérer les perspectives que vous envisagez, compte tenu de l’évolution

psychologique du malade, au plan thérapeutique. Car, s’il s’agit d’une personne en détention

provisoire, un traitement psychothérapique ayant provoqué déjà une solution favorable peut

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Accepted Manuscript

être important à être connu, éventuellement apprécié par une nouvelle expertise, lors du passage devant la juridiction qui aura à décider de la sentence.

Pr M. Bénézech – Votre communication rappelle les conceptions psychanalytiques bien connues sur le passage à l’acte criminel qui empêcherait l’émergence de productions mentales psychotiques. Malheureusement, la psychose et le délire sont pourvoyeurs de 10 % des homicides « ordinaires », et je reste donc très sceptique sur ce type de théorie. Mon expérience me montre que le crime ne protège pas de la psychose et que la psychose ne protège pas du crime. Quant au cas que vous présentez, il me semble que les carences affectives et éducatives du sujet, ses antécédents pénaux et psychiatriques (alcoolisme) et les caractéristiques de ses violences meurtrières sont en faveur d’une pathologie de la personnalité (limite, psychopathique ?) impliquant une forte agressivité (sadique ?) à l’égard des femmes, son impulsivité sous alcool (la dernière agression amnésique est vraisemblablement commise en ivresse pathologique) empêchant tout contrôle de ses actes dans ces circonstances particulières.

Dr J.-G. Veyrat – À propos du « cri », je voudrais évoquer une observation d’un assassin, recueillie dans des conditions inhabituelles, puisque par un de mes amis psychiatres, lui-même incarcéré dans la même cellule (pour un refus idéologique de participer à la guerre d’Algérie).

L’assassin en question, lorsqu’il évoquait ce crime qu’on lui reprochait, disait seulement : « La vieille criait… Après, elle ne criait plus. » Et mon ami comparait ce récit et ce « scotome » de l’acte meurtrier lui-même à celui du meurtre d’Hélène, raconté par Althusser en personne dans ses mémoires, en disant à peu près : « Je massais tendrement le cou d’Hélène, et je vis que son regard était fixe et qu’elle ne respirait plus », avec le même trou mnésique de l’acte de donner la mort, au profit d’un enchaînement seulement chronologique.

Réponse du Rapporteur – Au Dr P. Houillon – Nous reprenons la question du cri

comme étant un élément non symbolisé qui reviendrait de l’extérieur, dans le cri de la

victime, comme s’il s’agissait d’une hallucination que le patient confondrait avec le cri

réellement produit par la victime et que le patient devait faire cesser en l’étranglant. Nous

reprenons la référence à la formule de Jacques Lacan selon laquelle : « Ce qui n’est pas

symbolisé fait retour dans le réel. »

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Au Pr P. Moutin – Nous recevions le patient pendant sa détention provisoire lors des deux années qu’a duré l’instruction judiciaire. Lors du procès, le procureur de la République de la cours d’assises a requis vingt ans de réclusion criminelle.

Nous avons insisté sur la difficulté de la continuité du traitement médico- psychologique, du fait des différentes affectations du patient au cours du déroulement de son parcours pénitentiaire :

• changement de centre pénitentiaire pour assister à son procès ;

• séjour à la maison d’arrêt de Fresnes pour l’évaluation faite par le centre national d’observation dépendant de la direction de l’Administration pénitentiaire ;

• affectation dans un centre de détention pour y purger sa peine, s’il n’y a pas par la suite de nouvelles affectations à caractère disciplinaire.

Au Pr Bénézech – Nous n’avons jamais dit, dans notre exposé, que la psychose protégeait du crime ou que le crime protégeait de la psychose. Ce que nous avons voulu apporter comme élément de réflexion, c’est la thèse du « moment psychotique dans la solution du passage à l’acte », selon laquelle le passage à l’acte fonctionnerait comme un pont possible pour la reprise de l’activité de pensée du sujet lorsque celle-ci apparaît comme ayant disparu. Nous sommes conscients qu’il pourrait être difficile de parler de « fonction soignante du passage à l’acte » à cause des effets destructeurs de ceux-ci, mais notre proposition cherche à trouver dans le passage à l’acte une fonction de continuité psychique là où elle semble avoir disparu.

Au Dr J.-G. Veyrat – L’exemple que vous nous donnez d’un scotome au moment du passage à l’acte nous permet d’aller dans le sens de notre hypothèse, selon laquelle ce serait le passage à l’acte qui constituerait le lien, l’élément de continuité dans ce réel qui constitue l’élément de discontinuité.

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