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IlVS H O M MAG E A PAU L M I LL I EZ

médecine/sciences 1 994 ; JO : 787-9

L es contributions du Professeur Paul Milliez aux progrès des idées et des tech­

niques de son époque ont été si importantes et si nom­

breuses qu'il n'a pas été surprenant de voir saluer son œuvre et rappeler ses actions par les plus efficaces des médias, des quotidiens aux journaux télévisés. Des éclairages différents ont été donnés d'une communica­

tion à l ' autre , tan t les multiples facettes de sa personnalité pouvaient capter l'attention, et faire privilégier une partie de sa vie plutôt qu'une autre. L'indépendance d'esprit de Paul Milliez, la générosité de ses atti­

tudes, le courage de ses actions et de ses prises de position interdisent à quiconque de prétendre donner une description exacte de ce qu'il a été, qu'il s'agisse des élèves, des reli­

gieux, des collègues, de la famille, des résistan ts, des hommes poli­

tiques ou des journalistes. A chaque personne qu'il a rencontrée, Paul Milliez a su donner de lui beaucoup plus que ce qui se fait communé­

ment. Comme il l ' a écrit, il n ' a connu que

<<

des luttes d'idées avec des hommes qu'il estimait presque tous, même si la réciproque n'était pas vraie , [ 1 ] .

Parce que médecine/sciences est une revue qui fai t beaucoup pour la médecine, pour la science, mais aussi pour la France, par la sauvegar­

de de sa langue, Paul Milliez serait sans doute touché - sentiment bien différent de la satisfaction - que l'on résume son œuvre professionnelle précisément dans cette revue. Il faut ici passer rapidement sur ses actions de 1 940 et 1 945, à titre militaire. Il

m/s n • 8/9 vol. 10, août-septembre 94

Paul Mi/liez 19 12- 1994

Joël Ménard

fau t vite rappeler les m i l l i e rs d'hommes, de femmes et d'enfants que, médecin, il a personnellement aidés à mieux vivre ou à mieux mou­

rir. Il faut brièvement mentionner ses interventions en faveur des pri­

sonn iers et des persécutés, en France, et en dehors de France, ou en faveur des pays opprimés. Il faut renvoyer à ses livres exprimant sa réflexion sur la liberté, sur la dou­

leur et sur la mort. L'intellectuel, le chrétien, le chef de famille et même le Doyen ne sont pas l'objet de cette note. Paul Milliez a fait, personnelle­

ment, une œuvre scientifique origi­

n a l e . I l a con tribué à créer un concept de maladie : l'hypertension artérielle , et, simultanément, il a annoncé la limite du concept : crée­

t-on une maladie autour d'un signe physique

?

Ici ou là, il a été écrit que

Paul Milliez avait participé à plus de 1 200 communications scientifiques.

Cette unité de mesure, pour quali­

fier ses travaux , l ' aurait distrait.

Soulign e r la coh érence de sa recherche, qui a abouti à une solu­

tion pratique - le traitement médica­

menteux de l'hypertension artérielle - l ' aurait beau coup p l us réj o u i , d'autant que l'incompréhension per­

sistante, sur la nature même de la majorité des cas de ce désordre mul­

tifactoriel de la physiologie des régu­

lations, lui semblait toujours être l'un des défis scientifiques de la fin du

xx<

siècle.

Il faut bien suivre les dates pour comprendre ce qu'a été la recons­

truction d'une recherche biomédica­

le française compétitive sous l'impul­

sion d ' h o m me s tels q u e René Fauve rt, Jean H a m b u rger, Jean Bernard, Jean Dausset, Paul Milliez et quelques autres. La réforme hos­

pitalo-universitaire de 1 958, qu'ils ont conçue et appliquée, visait à ce que dans les mêmes lieux fussent dispensés des soins, enseignés des étudiants, et développée u n e recherche clinique e t fondamentale.

Cette réforme ne demandait pas que les mêmes hommes accomplissent les trois tâches simultanément. Il a surtout fallu attirer à l' hôpital des hommes et des femmes de valeur, sur une thématique attractive. Il fal­

lait prendre acte de leurs qualités et de leurs défauts, et les mener tous ensemble vers des obj ectifs com­

muns. Survienne une mini-révolu­

tion comme en 1 968, et l'on a vu éclater les empires quand ils étaient menacés par leurs tensions internes.

Vivre 1 968 avec Milliez, sans regrets,

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s a n s r a n c œ u r s , avec b e a u c o u p d 'espoirs, fut très constructif. Paul M i l l i e z a p u fa i r e souffl e r à B roussais, d ' abord l ' e s p r i t de la Réfo r m e , p u i s l ' e s p r i t d u Changement, car i l était entraîné à la Recherche clinique par ses tra­

vaux de jeunesse sur l'exploration fonction nelle rénale dans la tradi­

tion de Widal. Il était ouvert à l'his­

tologie et aux travaux de Virchow grâce à sa connaissance de l ' alle­

mand. Il était relié, mais de loin seu­

lement, au monde anglo-saxon grâce aux enseignemen ts très appréciés qu'il don nait au Québec.

L'article de synthèse qu'il a considé­

ré comme le plus important de sa contribution à la recherche biomédi­

cale e t paru dans la

Semaine des Hôpitaux de Paris

en juillet 1 948 [2] . I l s ' i n ti t u l e

«

Considérations s u r l 'hypertension artérielle : parallélis­

me entre l'expérimentation et la cli­

nique

" ·

L' article est co igné par C l a u d e L a r o c h e e t F r a n ç o i s Lhermitte. Les causes d ' él évation tension nelle connues à l 'époque y sont soigneusement décrites en com­

parant, point par point, les caracté­

ristiques des modèles animaux aux caracté ristiques de l ' hypertension humaine. Paul Milliez conclut sur la multiplicité des causes initiales de la maladie, et sur l'échappement à la cau e initiale qui aboutit à une mala­

die hypertensive irréversible. Il pro­

pose trois explications à la persistan­

ce de l'hypertension : l'hérédité, la sensibilité vasomotrice, l ' âge. Une circonstance particulière de l' hyper­

tension artérielle retient son analyse de clinicien chercheur : l 'hyperten­

sion de la grossesse [3] . Il distingue : ( 1 ) les toxémies proprement gravi­

diques, dont le pronostic à distance est favorable

;

(2) les maladies vascu­

laires et rénales qui préexistent à la grosses e et dont le pronostic est b o n , sous s u rve i l l a n c e , q u a n d l'hypertension est modérée

;

(3) les toxémies gravidiques récidivantes, dont le danger est faible pour la m è re m a i s c o n s i d é ra b l e p o u r l'enfant. Cette analyse fine, faite sur la base du suivi de 577 grossesses, reste valable aujourd ' h u i , et peut encore guider le choix des thérapeu­

tiques modernes visant à inhiber la

synthèse du thromboxane A2 [4] . Telles sont les bases des orientations de l'École de Paul Milliez lorsqu'en 1960, il revint à l'hôpital Broussais, là même où Pasteur-Valéry-Radot, ave c Jean H a m b u rger, Gabriel Richet et lui-même, poursuivaient une tradition néph rologique très productive, qui migrera ensuite à Necker puis à Tenon.

La caractéristique de la production scientifique de Paul Milliez est la diversité. Celle-ci découle de la com­

plexité de la maladie étudiée, mais elle correspond aussi à a vaste cultu­

re générale, à son ouverture d'esprit, à sa capacité de mobiliser l'énergie des plus jeunes. Les glomérulopa­

thies et leur traitement, la classifica­

tion h i stolog i q ue des m al a d i e s r é n a l e s , l e s sté noses des artères r é n a l e s e t les tumeurs s u r r é n a­

liennes, les troubles métaboliques associés à

1

' hypertension artérielle, les fonctions cardiaque et vasculaire de l ' hypertendu et leur modifica­

tions par le traitement, le système rénine-angiotensine-aldostérone, les hypertensions iatrogéniques, tels ont é té le p r i n c i paux t h è m e s de recherche qu'il a, soit initiés, soit encouragés.

Outre un intérêt permanent pour l'hypertension artérielle de la gros­

sesse, qui a permis à distance les progrès actuels sur la prévention et la génétique de l'éclampsie [5] , Paul Milliez a probablement fait sa contri­

bution la plus importante sur le fac­

teur hypotenseur rénal [6] , sujet que quatre groupe eulement dans le monde avaient abordé de manière précoce [ 7- 1 0 ] , ou poursuivi avec ténacité [ 1 1 ] . Tout en reconnaissant l e s retombées m u l t i p l e s de l a recherche faite par son groupe sur l e s fac teurs vaso presse u r s , Paul Milliez regrettait que les efforts de recherche portés sur la vasodilata­

tion y aient été insuffisants. La des­

cription par Muirhead d'un syndro­

me d'hypotension d'origine rénale [ 1 1 ] et l ' at t e n t i o n p o rtée aujourd'hui à la NO synthase [ 1 2]

lui donnent raison. Les études de génétique lui emblaient être très prometteuses depuis longtemps, puisq u ' i l les mettait en première ligne en 1 965, dans sa conclusion de

l a P r e m i è r e R e n c o n t r e I n ternationale sur l ' Hypertension Artérielle, à Paris [ 1 3] . Il suggérerait probablement aujourd'hui de porter plus d'attention aux gènes qui protè­

g e n t des facteurs hyperte n s i fs , qu'aux gènes favorisant l 'hyperten­

sion.

n homme eu!, quelle que soit son

aura,

a peu de chance d'imposer le dépistage, la prise en charge, le trai­

t e m e n t e t la recherche dans un domaine médical, s'il ne propose des concepts physiopathologiques, des tests diagnostiques et des théra­

peutiques internationalement accep­

tés. Paul Milliez sut tisser, autour de sa personnalité, de ses connais ances c;t des possibilités techniques de son Ecole, un réseau européen qui a contribué sur vingt ans à une réduc­

tion de 50 % des accidents vascu­

lai res cé rébraux et de 20 % des maladies coronariennes dans nos popu lations. C o m p l i c i t é amicale avec Cesare Bartorelli, estime réci­

proque avec Sir George Pickering, volonté d'agir avec Frantz Gross : ces q u atre h o m m e s o n t i n i ti é des réunions de travail sur l 'hyperten­

sion artérielle qui ont regroupé 50 personnes en 1 964 et 1 965 à Paris et à S i e n n e , e t q u i se p e r p é t ue n t aujourd'hui dans l e monde entier avec plus de 5 000 participants. Ils ont dialogué tôt avec Irvine Page de C l eve l a n d , Austi n Doyle de M e l b o u rn e , H o race S m i r k de Nouvelle-Zélande, Jacques Genest de Montréal. Derrière ces

leadfffs,

géné­

ration après génération, depuis plus de trente ans maintenant, se sont c réées et ont diffusé les connais-.

sances sur l'hypertension artérielle.

Cette m a l a d i e , reco n n ue aujour d ' h ui comme le facteur de risque cardiovasculaire prédominant, est devenue un thème de rencontre autour des modes de pensée et des techniques d ' épidémiologistes, de généticiens, de pharmacologues, de physiologistes, de biologistes cellu­

l a i res, de t h é rapeutes, d ' écono­

mistes. Ayant cette richesse technolo­

gique en tête, Paul Milliez écrivait en 1 976 : << Les chefs d'école ne sont plus les seigneurs du passé dont l'expérience était toujours supérieu­

re à celle de leurs élèves et leur don-

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naît une uprématie indi cutable.

Aujourd'hui, au un patron ne peut prétendre tout connaître et, même dans sa pécialité, être supérieur dan les différentes branches à cha­

cun de ses élève . Aucun travail n'est p l u s po i b l e sans é q u i pe d a n s laquelle l e rôle des cadets est sou­

vent plus important que celui des aînés. Le patron a pour lui l'expé­

rience et la pondération qui lui per­

mettent de replacer les problèmes à leur juste niveau [ 14] . ,,

O n c o m p r e n d , à travers cette réflexion, pourquoi les équipes ini­

tiées à l ' h ôpital Broussais ont pu croître et, lancées par l'exemple de leur fo ndateur, persister avec la même philosophie, jusqu'au Collège de France.

Résumer l'œuvre médicale et scienti­

fique de Paul Milliez est réduction­

n iste. On fait partager ou non le mélange d ' admi ratio n , d 'attache­

ment, de confiance q u ' i l suscitait chez ses élèves, ses amis, ses patients et ses collègues. Il croyait en Dieu, respectait les religions, se méfiait des églises. Il aimait les hommes, tout en dénonçant leurs faiblesses. La géné­

rosité de ses actes contrastait avec l'âpreté de ses réparties. Il a donné toutes ses forces, tous les jours et part o u t , pour que les d ro i ts de l'homme soient respectés, pour que la connaissance progresse, pour que son pays, la France, soit respecté et surtout pour que la médecine soit humaine. Le regret qu'il exprime dans son dernier écrit nous rappelle­

ra nos devo i rs . << Je s u i s deve n u médecin par amour d e l'autre

>> ,

a-t­

il écrit peu de temps avant sa mort.

<< Mais qu'a fait de cet amour la médec i n e de mon temp

?

Trop remplis par l'esprit scientifique, par notre certitude excessive en la scien­

ce m é d i c a l e , n o u s avon s o u b l i é d'enseigner l a charité à l'égard de ceux qui ouffrent ,

Joël Ménard

Professeur de médecine, Hôpital Broussais,

96,

rue Didot,

75014

Paris, France.

TIRÉS À PART

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J. Ménard.

m/s 11 • 8/9 vol. 10, août·septembre 94

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