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LES JEUX DE MOTS DANS LES TITRES DE PRESSE FRANCAISE ET ANGLOPHONE A L'EPREUVE DE LA TRADUCTION

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LES JEUX DE MOTS DANS LES TITRES DE PRESSE FRANCAISE ET ANGLOPHONE A

L’EPREUVE DE LA TRADUCTION

Jerome Paillette

To cite this version:

Jerome Paillette. LES JEUX DE MOTS DANS LES TITRES DE PRESSE FRANCAISE ET AN- GLOPHONE A L’EPREUVE DE LA TRADUCTION. 2019. �hal-02877542�

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LES JEUX DE MOTS DANS LES TITRES DE PRESSE FRANCAISE ET ANGLOPHONE A L’EPREUVE DE LA

TRADUCTION

Jérôme PAILLETTE

A la mémoire de S. (1966-2018).

A ma fille, R.

2019

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TABLE DES MATIERES

REMERCIEMENTS………..p3 INTRODUCTION………..p4 1 D’entrée de jeu : méthodologie du travail de recherche……… p7 1.1 Problématique et objectifs………..p7

1.2 Journaux et magazines étudiés………..p9 1.3 Choix du corpus textuel………p14 2 Quand les mots entrent en jeu……….p21 2.1 Définir le jeu de mots……….p21

2.2 Wordplay ? play on words ? pun ? traduire “jeu de mots”………...p24 2.3 Historique du jeu de mots………p26 2.4 Fonctions du jeu de mots et réception………..p31 3 Jeux de mots, jeux de malins : pour une tentative de traduction des jeux de mots………p45 3.1 Taxonomie des jeux de mots selon Pierre Guiraud………p45 3.2 Théories de la traduction et stratégies adoptées………..p49 3.2.1 De quelques théories et de quelques théoriciens………p49 3.2.2 Stratégies adoptées………..p53 3.2.3 Fidélité, littéralité et adaptation………..p56 3.3 Exemples de titres choisis, traduits et commentés……….p60 4 Jeux et enjeux……….p100 4.1 Entraves à la traduction……….p100 4.2 Difficultés rencontrées………p104 CONCLUSION………..p109 GLOSSAIRE……….p114 ANNEXE 1………. p118 ANNEXE 2……….. p124 BIBLIOGRAPHIE – WEBOGRAPHIE……….p126 VIDEOGRAPHIE…...p131

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“When I use a word,” Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, “it means just what I choose it to mean – neither more nor less.”

“The question is,” said Alice, “whether you can make words mean so many different things.”

Lewis Carroll, Through the Looking Glass, chapter 6, 1871.

« Une langue n’est pas seulement un ensemble de mots, c’est aussi et surtout une manière de penser, de rêver, d’imaginer, de voir le monde. On ne fait pas les mêmes associations d’idée, les mêmes constructions mentales, les mêmes raisonnements d’une langue à l’autre. »

Dominique Wolton, L’Autre Mondialisation, 2003.

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REMERCIEMENTS

Je voudrais donc adresser toute ma reconnaissance à James UNDERHILL, Professeur à l’Université de Rouen d’avoir accepté de bien vouloir suivre et encadrer mes recherches. Qu’il soit ici remercié pour ses conseils éclairés tant en ce qui concerne la méthode de recherche que les pistes de recherche qui ont contribué à alimenter ma réflexion.

Les mots marqués d’un astérisque sont définis dans le glossaire

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INTRODUCTION

En littérature, nombreux sont les auteurs à avoir joué avec les ressources du langage et à avoir inventé de nouvelles contraintes poétiques, en ayant recours, par exemple, au jeu de mots. Des mots-valises forgés par Lewis Carroll à l’expérimentation de contraintes littéraires nouvelles de l’OuLiPo

1

(Raymond Queneau, Georges Perec) et des Surréalistes (Jacques Prévert, André Breton) en passant par les Pataphysiciens

2

(Alfred Jarry, Boris Vian), les inventions verbales en tout genre animent les « joueurs de mots » depuis longtemps.

Cependant, la littérature n’est pas l’apanage du jeu de mots car s’il est un autre endroit privilégié du jeu de mots, c’est bien celui de la presse et, plus précisément, des titres de presse. Cela n’aura échappé à personne. Il suffit de se plonger au hasard dans certains journaux ou magazines pour y trouver bon nombre de calembours*, homophones*, paronymes* ou titres dans lesquels les allusions culturelles sont manifestes.

Nous avons pu constater tous ces jeux de mots au cours de nos lectures. Ce qui nous a poussés à effectuer des recherches dans ce domaine n’est pas tant leur présence quasi-systématique dans certains journaux que leur traduction, en essayant de voir quelles en sont les limites, si limites il y a. Ce que nous aimerions démontrer, c’est qu’il est tout à fait possible de traduire une grande majorité des jeux de mots.

Notre étude se donne pour objectif de prouver que jeux de mots et traductions ne sont pas incompatibles et, qu’au contraire, au moyen de différents procédés et différentes stratégies, il est possible d’aboutir à un résultat satisfaisant. Cela n’empêche pas que l’on puisse se heurter à quelques difficultés en tout genre. Nous ciblerons ces difficultés en tentant d’expliquer ce qui fait obstacle et les stratégies mises en œuvre pour les contourner. Nous établirons également une typologie des

1 Acronyme de Ouvroir de Littérature Potentielle. Groupe littéraire fondé en 1960 par l’écrivain Raymond Queneau et le mathématicien François Le Lionnais dont l’activité de recherche et d’expérimentation vise à découvrir et à élaborer des contraintes formelles arbitraires considérées comme autant de voies potentielles pour la création littéraire.

2 La pataphysique est la "Science des solutions imaginaires" selon les mots de son inventeur, Alfred Jarry en 1948.

Le terme est un jeu de mots et un pied de nez au terme "métaphysique" (après la physique) employé en philosophie. La pataphysique a pour objectif de décrire les phénomènes du monde sous un regard particulier, en décalage avec la vision traditionnelle.

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jeux de mots pour lesquels, malgré les stratégies, il n’a pas été possible d’arriver à une traduction qui nous semble satisfaisante.

A priori, contrairement aux œuvres littéraires, les articles de presse n’ont pas vocation à être traduits, si ce n’est dans le cadre d’un travail de traduction universitaire donné à des étudiants (à l’exception de quelques tabloïdes, à l’heure de la mondialisation, traduits dans d’autres langues). Nous pouvons reconnaître, toutefois, que depuis une vingtaine d’années les media américains semblent influencer la plupart des autres langues en terme de journalisme à l’échelle mondiale et de ce fait, nous assistons à une sorte de formatage dans la rédaction des textes, conçus pour un usage multilangue. Forts de ce constat, il nous a paru intéressant de se pencher sur la question et de s’interroger sur la traduction de ces titres en anglais ou en français. D’autre part, nous avons pu constater que quelques études ont été menées sur le sujet mais nous n’avons pas connaissance d’une étude qui présente une étude comparative de la presse française et anglophone dans le même temps.

De plus, les études menées ne portent pas nécessairement sur les journaux et magazines que nous avons retenus.

Nous avons, pour notre recherche, constitué un imposant corpus de près de 230 titres tirés de quatorze journaux et magazines différents : différents par leur origine (française, anglaise et américaine), par leur qualité (presse dite « sérieuse » ou « de qualité » et tabloïdes destinés à un public plus large et habituellement moins instruit), par leur nature (magazine d’information, magazine culturel, journal satirique entre autres) ainsi que par leur type de parution, quotidienne et hebdomadaire. Nous avons défini notre choix comme suit :

-6 titres français : Libération, Télérama, Charlie Hebdo, Le Canard Enchaîné, Le Monde et L’Express.

-4 titres anglais : The Guardian, The Economist, The Daily Mail et The Sun.

-4 titres américains : The New York Times, Newsweek, Time Magazine et The New York Post.

Notre étude s’attachera à expliquer en quoi consiste la méthodologie du

travail de recherche adoptée. Nous définirons la problématique de notre étude et

ses objectifs. Après avoir justifié le choix de notre corpus, nous verrons ce qui définit

le jeu de mots et nous nous pencherons sur les différentes manières de traduire «

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jeu de mots » en anglais au moyen des différents dictionnaires et en comparant les traductions proposées. Nous dresserons un historique du jeu de mots et nous nous interrogerons sur ses différentes fonctions. Puis nous nous intéresserons au jeu de mot par lui-même, essentiellement en essayant d’en établir une typologie et en s’interrogeant sur la spécificité du jeu de mot dans la presse non sans avoir résumé quelques grandes théories de la traduction auparavant afin de voir dans quelle mesure elles se rattachent à notre travail de traduction . Il conviendra de réfléchir sur l’acte du traduire en abordant les questions de la fidélité, de la littéralité et de l’adaptation. Enfin, nous tenterons de voir si, comme il est généralement admis, le jeu de mot résiste à la traduction. Pour ce faire, nous nous appuierons sur quelques exemples tirés du corpus et nous nous interrogerons sur la démarche traduisante à adopter.

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PARTIE 1 – D’ENTREE DE JEU : METHODOLOGIE DU TRAVAIL DE RECHERCHE

1.1 Problématique et objectifs

Il nous semble, dès lors, opportun de répondre ou du moins d’essayer d’apporter des réponses à la question suivante : jusqu’à quel point peut-on dire que les jeux de mots dans les titres de presse sont compatibles avec la traduction ? - Question qui sous-tend notre travail de recherche et qui en constitue la problématique.

A la lumière d’exemples particulièrement significatifs extraits de notre corpus, nous essaierons de confronter le jeu de mots à la traduction en observant sa résistance et jusqu’à quel point il y résiste ou pas.

Le fait de travailler de l’anglais vers le français et du français ver s l’anglais pourrait nous permettre de voir si la résistance ou la compatibilité est la même dans les deux langues. Mener de front une telle étude comparative devrait nous permettre de tirer des conclusions sur la possibilité de traduire le jeu de mots.

Ce travail de recherche appellera également d’autres questions. Doit-on traduire le jeu de mots ? Pourquoi traduire le jeu de mots ? Quelles sont les entraves à la traduction et leurs différentes pierres d’achoppement ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre, d’autant qu’il est communément admis, même chez les plus grands penseurs, que la traduction des jeux de mots relève tout bonnement de la gageure, pour ne pas dire de l’impossibilité totale. Inévitablement, toutes ces questions nous amèneront à réfléchir sur la traduction à proprement parler, nous entendons par- là l’action de traduire, en s’interrogeant sur le fond et la forme du jeu de mots : doit-on ou peut-on conserver les deux ? Quels sont les moyens à notre disposition pour rendre le jeu de mots ? Qu’en est-il des allusions culturelles, qu’elles soient d’ordre littéraire, musical, cinématographique, historique, linguistique ou bien encore biblique, pour ne citer que quelques domaines ? Considérons les exemples suivants :

a) Lord of the Lies (D. Trump) – The New York Times – 09/06/16

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b) A Tsar is born (V. Poutine) –The Economist – 26/10/17

c) The Book of Jobs: hope, hype and Apple’s iPad (Steve Jobs) – The Economist – 30/01/10

d) Beaucoup d’Aubry pour Rien (Martine Aubry) – Libération – 17/05/12 Les exemples a) et d) font référence à deux œuvres littéraires, en l’occurrence le roman de William Golding Lord of the Flies et à la pièce de Shakespeare Beaucoup de Bruit pour Rien. La référence en b) est cinématographique A Star is Born, quant à la référence en c) elle est d’ordre religieux puisqu’elle fait allusion au Livre de Job / The Book of Job. Ce Livre se trouve dans le Tanakh (l’Ancien Testament) et plus précisément dans Ketouvim (Les Hagiographes).

Les jeux de mots fondés sur des références culturelles sont-ils compréhensibles une fois traduits en raison de l’interaction culturelle ? Qu’en est-il des jeux intertextuels ? Le lecteur-récepteur se trouve-il alors dans l’obligation de décrypter sous peine de passer à côté du jeu de mots ?

Inévitablement, il faudra réfléchir sur l’acte du traduire. Que traduit-on ? Que faut-il traduire ? Qu’entend-t-on par « traduire » ? Prenons-nous en considération le sens du jeu de mots, c’est-à-dire son fond ? Ou bien va-t-on privilégier sa forme, comme, par exemple, le jeu des sonorités, la métaphore ? Sans doute serons-nous amenés à repenser l’éternelle question de l’équivalence et de l’adaptation liée à la question de la fidélité et de l’infidélité. Tout jeu de mots est-il traduisible ou bien constitue- t-il une limite à la traduction en dépit des divers moyens à notre disposition ?

Nous allons donc nous interroger sur le bien fondé de l’idée reçue selon laquelle il est impossible de traduire le jeu de mots. Un certain nombre de chercheurs, essentiellement des linguistes, l’ont maintes fois affirmé. Umberto Eco, pour n’en citer qu’un, écrit :

On l’a dit, l’un des problèmes les plus ardus pour un traducteur est de rendre un jeu de mots, si bien que, très souvent, on recourt à une très décevante note en bas de page

3

.

3 Eco Umberto. (2007). Dire presque la même chose. Expériences de traduction, traduit de l’italien par Myriem Bouzaher. Grasset. p383

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Il s’agira d’essayer de démontrer, au contraire, que grâce aux nombreuses stratégies qui sont à notre disposition, nous pouvons aller au-delà de la difficulté lorsqu’elle se présente. Puis il conviendra de vérifier ces hypothèses par des exemples concrets tirés de la presse anglophone et française.

1.2 Choix des journaux et des magazines

Pour pouvoir mener à bien notre travail de recherche et offrir un maximum de titres /jeux de mots pour constituer le corpus, nous avons choisi de nous concentrer sur six journaux ou magazines français dont deux journaux dits « sérieux » (Libération, Le Monde), d’un magazine culturel (Télérama) d’un magazine d’information (L’Express) et de deux journaux satiriques (Charlie Hebdo, Le Canard Enchaîné). Nous avons choisi quatre organes de presse anglais dont deux dits « de qualité » (The Guardian, The Economist) et deux journaux très populaires rattachés à la catégorie des tabloïdes (The Daily Mail, The Sun). Côté américain, nous nous focaliserons sur quatre publications dont trois sont reconnues comme sérieuses (The New York Times, Newsweek, Time Magazine) opposés au New York Post. Ce choix très éclectique permet d’offrir un vaste éventail de jeux de mots en tout genre. Le fait que ces journaux et magazines s’adressent à des lectorats divers et qu’ils concernent les deux langues anglais et français, nous donnent une vision plus représentative des deux langues.

Afin de bien situer le contexte dans lequel se trouvent les jeux de mots, il convient de présenter les différents organes de presse retenus.

Libération est un quotidien généraliste paru pour la première fois le 18 avril

1973. Ce journal national a été fondé sous l’égide de Jean-Paul Sartre. Son titre est

repris du journal de la Résistance dirigé par Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Le

journal, familièrement appelé Libé, était à l’origine positionné à l’extrême gauche

puis il a évolué vers le centre-gauche, gauche sociale-démocrate au début de années

80, tout en conservant ses convictions libertaires. Libération est devenu au fil du

temps très proche du Parti Socialiste.

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Le Monde est un quotidien fondé par Hubert Beuve-Méry en décembre 1944, à la demande du Général de Gaulle qui souhaitait que la France soit dotée d’un quotidien de référence, tourné vers l’étranger. Le Monde est réputé fiable et sérieux et reste le quotidien de référence dans la presse francophone. C’est aussi le quotidien français le plus diffusé à l’étranger. Politiquement parlant, il se situe proche du centre.

Télérama est un magazine culturel fondé en 1947 par Georges Montaron. Il publie les programmes de télévision mais également des reportages sur des faits de société, des entrevues, des actualités et des critiques culturelles. Le magazine est très nettement marqué à gauche, tendance « bobo-écolo ».

L’Express est un hebdomadaire généraliste, un magazine français d’actualité et d’information générale fondé par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud en 1953. Des écrivains tels que Françoise Sagan, Albert Camus, André Malraux ou encore Jean-Paul Sartre ont écrit dans ses colonnes. Durant près de dix ans, L’Express parut avec les caractéristiques d‟un journal d‟opinion mais il fut transformé en un news magazine inspiré de Time en 1964. Christophe Barbier, le directeur de la rédaction, affirme que le magazine n’est ni de droite ni de gauche.

Cependant, force est de constater que L’Express reste malgré tout un magazine dont la sensibilité serait plutôt de droite. Ce positionnement est aussi une tentative pour se trouver une place face aux newsmagazines concurrents, L’Obs (groupe Le Monde) classé à gauche et Le Point ou Valeurs actuelles étiquetés à droite

4

.

Charlie Hebdo est, en France, le journal satirique par excellence. Il fut créé dans les années 60 par François Cavanna et Georges Bernier (Professeur Choron) dans la continuité du magazine cynique et satirique Hara-Kiri. Le ton est impertinent, impitoyable, irrévérencieux mais drôle. Charlie Hebdo met un point d’honneur à transmettre des idées à travers des illustrations, des caricatures humoristiques, des reportages et des articles. L'esprit de l'hebdomadaire s'accroche à des valeurs de gauche, défendant avant toute chose, la laïcité. Rien ni personne n'est épargné dans

4 « Cette nouvelle formule du journal va aussi être particulièrement scrutée car il s’agit de la première conçue après le rachat du titre par Patrick Drahi, qui s’est bâti un groupe de médias avec notamment Libération, L’Express, L’Expansion, BFM-TV, RMC…’ Il faudra veiller à ce que ce soit bien la ligne éditoriale du directeur de L’Express et pas celle des actionnaires ’, prévient un journaliste, relevant que M. Macron est un ami de Bernard Mourad, le président d’Altice Media Group. » Le Monde 08/03/16

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le ton satirique : religions, hommes politiques, culture, institutions et société sont continuellement mis en porte à faux. Ce journal mensuel fut plusieurs fois censuré sous le régime gaulliste. Parmi ses dessinateurs et journalistes emblématiques figurent Francis Blanche, Roland Topor, Reiser, Wolinski et Cabu. Ce qui caractérise Charlie Hebdo, c’est une certaine liberté de ton, d'expression, et de pensée. Après les attentats de Charlie du 7 janvier 2015, on peut se poser la question : le journal a-t-il perdu le ton satirique qui le caractérisait ? Pour un article dans lequel chercheurs, producteurs et humoristes éclairaient le contexte post-attentat de la scène comique, Libération titrait : « Charlie : que reste- t-il de nos humours ?

5

»

Le Canard Enchaîné

6

est un hebdomadaire satirique, fondé le 10 septembre 1915 par Maurice et Jeanne Maréchal. Les cibles des journalistes sont principalement les hommes politiques et leurs abus et les grands patrons de l’industrie. Les journalistes manipulent le jeu de mots et le calembour de manière quasi- systématique. D’une sensibilité générale de gauche et véritablement contestataire sous une coloration anticléricale et antimilitariste, le journal a su rester indépendant de toutes les organisations politiques et économiques. Il reste une tribune impertinente luttant contre la propagande du gouvernement et également contre la censure et les méfaits du conformisme. Le Canard met un point d’honneur à prendre le contrepied des idées reçues et des idées qui ont tendance à s’ancrer dans l’imaginaire collectif.

The Guardian est un quotidien d’information britannique fondé en 1821. Il affiche une ligne éditoriale relevant du social-libéralisme (centre gauche). The Guardian est un journal sérieux qui se veut indépendant. C’est le journal de référence de l’intelligentsia, des enseignants et des syndicalistes. Il se montre très critique vis-à-vis du gouvernement conservateur. On y trouve de nombreuses rubriques spécialisées dans le sport, la gastronomie, les voyages, les media, etc. La rubrique « livres » est particulièrement fouillée. Alors que la diffusion papier du

5 Libération 05/01/18

6 http://lecanardenchaine.free.fr/presentation.html

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quotidien a chuté de 60 % dans les années 2010, le site internet du Guardian est l'un des plus lus au monde

7

.

The Economist a été fondé en 1943 par James Wilson. C’est « la bible de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité internationale. Ouvertement libéral, il défend généralement le libre-échange, la mondialisation, l’immigration et le libéralisme culturel

8

». Il est imprimé dans six pays, et 85 % de ses ventes se font à l’extérieur du Royaume-Uni. The Economist se caractérise par le fait qu’aucun des articles n’est signé. Il se présente comme un journal, non comme un magazine ou une chronique d'économie. Il est reconnu pour la qualité de ses analyses et ses prises de positions sur les grandes questions économiques et politiques mais aussi sociétales et culturelles. Il défend une vision libérale classique à la fois en politique, en économie et sur les questions de société.

The Daily Mail est un journal quotidien britannique publié depuis 1896, créé par Alfred Harmsworth. Il est deuxième en nombre de ventes quotidiennes en Grande-Bretagne, juste après The Sun. Politiquement, sa ligne éditoriale est conservatrice et populaire. Un sondage datant de 2014 a montré que la moyenne d’âge de ses lecteurs était de 58 ans. Une large partie du lectorat du Daily Mail est féminin (52-55% des lecteurs). Les opposants au journal lui reprochent son manque de fiabilité ainsi que sa propension à faire du sensationnalisme à tout-va. Le journal se fait régulièrement attaquer pour ses propos sexistes, homophobes et racistes.

Tout comme le Daily Mail, The Sun est un journal quotidien britannique de type tabloïde créé en 1964 et c’est l'un des quotidiens de langue anglaise les plus vendus au Royaume-Uni. Lui aussi est critiqué pour son sensationnalisme et pour son manque de déontologie quant au traitement de l’information. Le journal a fait l’objet de nombreuses controverses et a été taxé de xénophobie, entre autres. Le tableau ci-dessous

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montre que le journal se situe clairement à droite.

Il permet également de visualiser le pourcentage de lecteurs en fonction de leurs opinions politiques :

7 https://www.theguardian.com/gnm-press-office/8

8 Courrier International. www.courrierinternational.com/notule-source/the-economist

9 Publié à l’origine dans The Times (06/03/17)

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The New York Times est un journal national de référence aux Etats-Unis fondé en 1851 par Henry Jarvis Raymond et George Jones. Il s’agit d’un quotidien prestigieux distribué internationalement. On y trouve trois rubriques principales : la rubrique « News » (actualités nationales et internationales, affaires, technologie, science, santé, sport, éducation…), la rubrique « Opinion » (éditoriaux) et la rubrique « Suppléments » qui s’intéresse aux arts, à la littérature, au cinéma, au théâtre, aux voyages, aux restaurants et aux vins, à la maison et la décoration. La ligne éditoriale du New York Times est proche des Démocrates.

Newsweek est un grand magazine hebdomadaire d’actualité américain fondé en 1933. Après avoir subi une chute de moitié de ses lecteurs en vingt ans, Newsweek annonce le 18 octobre 2012 son passage au tout-numérique. Une version imprimée du magazine a finalement été relancée en mars 2014. Outre l’édition américaine, Newsweek publie chaque semaine une édition en langue anglaise pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, et une autre à destination de l’Asie. Il existe également des éditions en espagnol, en japonais, en coréen, en polonais et en serbe. Le lectorat de Newsweek est majoritairement Démocrate.

Time Magazine se trouve être l'un des principaux magazines d'information

hebdomadaires américains et il est également le principal concurrent de Newsweek

précédemment cité. Time a été publié pour la première fois le 3 mars 1923. Briton

Hadden et Henry Luce sont à l’origine du magazine. Tout comme Newsweek, Time

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traite de l’actualité nationale et internationale, d’économie, de santé, de science et de technologie et de divertissement. En revanche, il se situe du côté des Républicains.

The New York Post, créé en 1801 par Alexander Hamilton sous le nom de New-York Evening Post, est un des plus anciens journaux américains. Il affiche une ligne éditoriale conservatrice et populiste. Le journal milite en faveur des politiques expansionnistes des gouvernements américains. Il soutient la guerre contre le Mexique et les déportations de populations amérindiennes. C’est en 1933 que le New York Post passa au format tabloïde. Il est aussi connu pour son éditorial « people ».

Il nous a semblé utile d’écrire quelques lignes sur chacun des journaux ou magazines retenus et à partir desquels nous avons établi notre corpus. Cela nous a permis de mettre en évidence la spécificité de chacun par rapport à leur lectorat, par exemple, ou à leur couleur politique. Nous verrons que les jeux de mots ne sont pas répartis de façon égale dans ces publications, certains seraient plus avares de jeux de mots tandis que d’autres en utilisent à profusion, de manière quasi- systématique, au point de faire de ces jeux de mots leur véritable marque de fabrique, c’est le cas du Canard Enchaîné, par exemple.

1.3 Choix du corpus textuel

La mode semble être aux jeux de langage. Les jeux de mots sont partout et nous les retrouvons aussi bien dans les slogans publicitaires, les panneaux publicitaires :

(a) Sader, ça adhère ! (publicité pour une marque de colle)

(b) Lapeyre, y’en n’a pas deux ! (aménagement intérieur et extérieur de la maison)

(c) On sème pour la vie (Biocoop)

que sur les devantures de magasins :

(d) Nos pulls belles années (magasin de pulls à Rouen)

(e) Caleçons vos goûts (magasin de sous-vêtements masculins)

(f) Thai Tanic (restaurant asiatique)

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(g) The Right Plaice (Fish & Chips) (h) Gym Morrison (salle de fitness) (i) Sam la coup’ (coiffeur)

(j) Barber Streisand (barbier londonien)

Les humoristes, par définition, en font souvent leur fonds de commerce : (k) Mon père est allé à Lourdes ; il ne lui reste plus que Lisieux pour pleurer. (Coluche) (l) Dicton : plus cancéreux que moi, tumeur. (Pierre Desproges).

(m) Ma femme est sans défense. Heureusement pour elle, on la confondrait avec un éléphant. (Pierre Doris)

(n) I’m not afraid of death. I just don’t want to be there when it happens. (Woody Allen)

Il suffit de quelques exemples pour voir à quel point les publicitaires rivalisent de créativité, en particulier en ce qui concerne les enseignes de magasins, même si certains choix semblent assez étranges, comme le restaurant asiatique « Thai Tanic ». Ces noms rencontrés au détour des rues ne peuvent que faire sourire et peut-être donner envie de pousser la porte. Nous constatons que, bien que n’étant pas notre sujet d’étude à proprement parler, les jeux de mots dans la publicité recourent aux mêmes procédés que ceux qui nous intéressent, ceux des titres de presse. On y retrouve l’homophonie* comme dans Lapeyre/la paire, On sème/On s’aime, plaice/place et Sam la coupe/ça m’la coupe ainsi que la paronymie* dans Sader/ça adhère, pulls belles/plus belles et barber/Barbra. Enfin, les allusions culturelles sont présentes dans Thai Tanic/Titanic, Gym/Jim Morrison et barber Streisand/Barbra Streisand.

Les jeux de mots des humoristes cités relèvent d’une autre catégorie de jeu de mots et nous pouvons dire qu’ils constituent des jeux d’esprit, des aphorismes, (Doris tiendrait plus de l’épigramme*) plutôt que de simples jeux de mots, même s’ils jouent, eux aussi, avec les codes cités précédemment. Coluche use de la paronymie (Lisieux/les yeux) et Desproges de l’homophonie (tumeur / tu meurs).

Doris connu pour son humour misogyne et souvent cruel s’empare de l’homophonie

par l’utilisation de la syllepse* (défense). Le mot d’esprit ou le « bon mot » joue

davantage sur les idées même s’il joue aussi parfois sur les mots. L’aphorisme est

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une « maxime très concise contenant beaucoup de sens, percutante et souvent incisive

10

». Nous reviendrons sur la valeur des jeux de mots et leur portée mais nous pouvons d’ors et déjà dire que les jeux d’esprit (k à n) mentionnés, de toute évidence, n’ont pas qu’une seule valeur ludique ou comique.

Cependant, la presse constitue un endroit de choix pour qui veut bien s’essayer au jeu de mots et en particulier, ce qui concerne la politique. Comme l’affirme Pierre Fiala (1989) :

On peut dater des années 70 le déferlement de cette vague dans la presse d’opinion et d’information. Limités jusqu’alors aux journaux satiriques (Le Canard Enchaîné), les jeux de mots, les à-peu-près et autres calembours ont envahi durablement le discours des médias écrits, tant le commentaire que l’information. Ils se concentrent dans les titres et les sous-titres. C’est Libération qui a introduit, ou du moins généralisé dans la presse française, cette pratique du jeu de mots dans les titres

11

.

Les jeux de mots n’ont pas épargné la politique. Nous verrons plus loin, qu’ils ont pu remettre en cause le discours politique traditionnel : pour preuve, ce florilège de jeux de mots dont nous ne connaissons ni l’auteur ni l’origine mais qui a été repris un peu partout sur internet et sur les réseaux sociaux. Il concerne les élections présidentielles de 2012.

(o) En 2012, faut pas que Sarkommence

12

Mais il ne faut pas croire non plus Hollandemains qui chantent

Pas Lepen de se faire du mal Surtout ne Mélenchon pas tout Sinon c’est la Bayroute annoncée.

Eva être Joly l’année 2012

Nous avons retenu, pour notre étude, quatorze journaux et magazines qui, par leur diversité, nous semble être très représentatifs de l’emploi du jeu de mots. Ces titres, à eux seuls, offrent un large panorama des jeux et en particulier, ceux qui trouvent leur origine dans le détournement d’expressions figées à partir de mots composés, de locutions nominales, verbales et adverbiales. A l’instar des jeux de

10 Quivy, M. Glossaire bilingue des termes littéraires. Paris : Ellipses, 2004. p14

11 Fiala Pierre, Habert Benoît, La langue de bois en éclat : les défigements dans les titres de presse quotidienne française. In: Mots, n°21, décembre 1989. Langues de bois? pp. 83-99;

12 Libération titre « Sarkommence » le 23/08/13 dans un article de fiction qui imagine que Sarkozy est réélu pour cinq ans.

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mots cités ci-dessus, les titres que nous avons choisis pour constituer ce corpus textuel sont largement représentatifs des types de jeux de mots qui existent, qu’il jouent sur le détournement par le défigement*, c’est-à-dire par une manipulation des unités phraséologiques* que représentent les expressions toutes faites comme les proverbes, par exemple…

(p) Pierre Pringuet : Lobby soit qui mal y pense - Libération - 09/03/16 (q) «San Andreas», l’angoisse de la faille blanche - Libération - 29/05/15

…ou par la création, au moyen de mots-valises :

(r) Burkinophobie - Charlie Hebdo - 24/08/16

Un certain nombre d’entre eux est fondé sur des allusions culturelles en tout genre :

(s) Dr Jeremy and Mister Corbyn - L’Express - 22/09/18 (t) Grape Expectations - The Guardian - 10/12/99

Les jeux sur les sonorités à grands coups d’assonances et d’allitérations ne sont pas en reste:

(u) Guéant : le flic rendu fou par le fric - Le Canard Enchaîné (v) Objectif : requinquer le quinquennat - Libération - 09/10/18

(w) This Bread Box Does Double Duty - The New York Times - 29/10/18

Enfin, les titres de presse font la part belle aux jeux homophoniques,

homonymiques et paronymiques. Nous reviendrons sur la typologie des jeux de mots rencontrés lors de notre recherche et nous nous arrêterons sur leur répartition et leur représentativité dans chaque organe de presse soumis à notre étude.

(20)

PARTIE 2 – QUAND LES MOTS ENTRENT EN JEU 2.1 Définir le jeu de mots

En essayant de trouver une définition du jeu de mots en consultant dictionnaires et autres usuels, nous avons compris qu’il n’y avait pas qu’une définition ou plutôt que chaque définition choisissait de ne pas mettre en lumière les mêmes aspects. Nous verrons dans un premier temps ce qu’en disent les dictionnaires, encyclopédies et usuels. Pour les définitions en anglais, nous avons retenu le terme PUN.

Dans l’ouvrage incontournable de Pierre Guiraud Les Jeux de Mots

13

paru en 1976, celui-ci établit dès l’introduction un distinguo entre jouer SUR les mots et jouer AVEC les mots. Il inclut dans les jeux AVEC les mots, les charades, les rébus et, par exemple, certains jeux de société, qui relèvent plutôt du « divertissement verbal ».

Pierre Guiraud, pour expliquer ce qu’est un jeu de mots, cite la définition qui en est donnée dans le Petit Robert : « allusion plaisante fondée sur l’équivoque de mots qui ont une ressemblance phonétique mais contrastent par le sens ». (Robert, 1991,1046). Puis celle du Littré : «Nom générique de toutes les phrases où l’on abuse de la ressemblance du son et des mots». Il ressort de ces deux définitions que le jeu de mots est fondé sur une ressemblance ou une similitude de sons. Pour être plus précis, disons qu’il s’agit d’une relation entre deux termes dont la prononciation est identique mais la graphie différente (homophonie). Considérons les titres suivants :

a) Débords de mère – Libération – 14/09/18 b) Love at First Site – The Guardian – 30/06/02

Nous avons clairement affaire à un double jeu homophonique dans le premier exemple puisqu’il joue sur la ressemblance des sons débords / des bords, de mère / de mer. Le jeu homophonique dans l’exemple suivant, porte de la même manière sur le couple site / sight, similaire phonétiquement mais pas graphiquement.

13 Guiraud, P. Les jeux de mots. Paris : PUF,1976

(21)

Il peut s’agir d’une relation entre deux termes de graphie et de prononciation identiques qui engendre une ambiguïté. Ces termes peuvent être de catégories grammaticales différentes, c’est-à-dire une homonymie*.

c) Une preuve de plus que Fillon sait encaisser – Le Canard Enchaîné – 08/02/17 Le titre fait allusion à l’affaire Penelope Fillon. L’ambiguïté porte ici sur le syntagme verbal « savoir encaisser » et sur son double sens puisqu’il peut signifier

« parvenir à supporter les attaques et les coups » mais il peut aussi être compris dans une acception différente : « savoir s’enrichir ». Le signifiant est le même (encaisser) mais pas le signifié.

Enfin, il peut s’agir d’une paronymie qui présente une relation entre deux termes qui se ressemblent phoniquement parlant mais qui sont sémantiquement différents.

d) Don of a New Day – New York Post – 29/01/17

Ici, le jeu paronymique repose sur la dualité don / dawn, Don faisant référence à Donald Trump. Nous reviendrons plus loin sur la traduction des jeux de mots cités.

Homophonie, homonymie et paronymie constituent donc l’essentiel des jeux de mots d’après Guiraud (Guiraud 1976). Il explique plus loin que, plus que des jeux de mots, ils constituent une figure de style à part entière. Nous verrons que les jeux de mots sur les sonorités et que nous considérons comme des jeux de mots au même titre que les autres, sont très largement exploités dans la presse. La définition beaucoup plus lapidaire du Petit Larousse reprend les termes des définitions précédemment citées : « Equivoque, plaisanterie fondée sur la ressemblance ».

(Petit Larousse,2009,561). Jacqueline Henry, quant à elle, dit des jeux de mots qu’ils sont « utilisés comme instruments d’écriture » et parle de « manipulations intentionnelles des mots, qu’elles portent sur leur face phonique ou sémique

14

. » L’idée de « manipulation intentionnelle » nous semble fort intéressante car elle va au-delà de la simple description et le fonctionnement du jeu de mots pour évoquer sa finalité et le fait que l’on puisse l’associer à une figure de style. Le New Collins Concise Dictionary (1982) fait également mention de la notion d’exploitation : « The

14 Henry, J, La traduction des jeux de mots. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, 2003.

(22)

use of words to exploit ambiguities and innuendoes for humorous effect » (122).

C’est aussi l’idée que nous retrouvons dans l’article de l’Encyclopaedia Britannica : Any intentional deviation from literal statement or common usage that emphasizes, clarifies or embellishes both written and spoken language.

Il s’agit ici de comparer et de définir des concepts séparés dans deux cultures langagières différentes. C’est ce qui est également repris dans la définition du Dictionary of Literary Terms and Literary Theory :

A figure of speech which involves a play upon words. (…) The pun is widespread in many literatures and gives rise to a fairly universal form of humour. Puns are very often intended humorously but not always

15

. (572)

Cette dernière remarque apporte une nuance par rapport aux autres définitions qui ont tendance à présenter le jeu de mots comme humoristique (« plaisant », « plaisanterie », « humorous »), nuance reprise par Françoise Grellet :

A figure of speech relying on the similarity of sound between two words with different meanings (polysemy). Most puns are used for humorous or ironic effect.

16 (145)

En revanche, Mireille Quivy ne consacre pas d’entrée particulière au jeu de mots dans son Glossaire des Termes Littéraires

17

. Elle y fait simplement référence dans sa définition de la comédie et écrit que les jeux de mots peuvent être intégrés à la comédie. Nous considérons que cela est réducteur dans la mesure où, nous le verrons le jeu de mots a beaucoup d’autres fonctions que le comique. Sans doute le jeu de mots aurait mérité une entrée détaillée. Seul le jeu d’esprit* (witticism) est évoqué. (QUIVY, 97)

Ainsi, si nous prenons en considération toutes ces définitions, nous voyons qu’elles sont, suivant les cas, plus ou moins nuancées. Certaines restent purement descriptives alors que d’autres évoquent la finalité du jeu de mot, l’exploitation qui en est faite et le rattachent à une véritable figure de style.

La plupart des définitions souligne l’humour fondé sur des ressemblances ou des similitudes (de sons, entre autres). Une minorité évoque le jeu de mots comme

15 Cuddon, J.A, Dictionary of Literary Terms and Literary Theory. 5e éd. Londres : Penguin, 2014 [1976]

16 Grellet, F. A Handbook of Literary Terms. Paris: Hachette Supérieur, 1996.

17 Quivy, M. Glossaire bilingue des termes littéraires. Paris : Ellipses, 2004.

(23)

figure de style jouant sur la polysémie. Assez peu de définitions envisagent le jeu de mots comme un jeu de manipulation non seulement des mots mais aussi du public auquel ils sont destinés. Enfin, seul le Petit Robert mentionne l’allusion, pourtant, nous le verrons, si essentielle puisque nombre de jeux de mots reposent sur l’allusion. Sans s’exclure mutuellement, les définitions observées donnent, dans leur ensemble, une définition assez complète du jeu de mots.

2.2 Wordplay, play on words, pun : traduire « jeu de mots »

Notre recherche portant sur les jeux de mots dans la presse française et anglophone, il nous a semblé intéressant de chercher de quelle manière, après l’avoir défini et avant de voir comment le traduire, on désigne le « jeu de mots » en anglais.

Le dictionnaire en ligne WordReference le traduit d’emblée par PUN puis par PLAY ON WORDS. Il donne en dernier WORDPLAY en précisant qu’il s’agit de l’activité. Est-ce à dire que PUN / PLAY ON WORDS serait le jeu de mots en tant que jeu verbal alors que WORDPLAY ne désignerait pas un jeu verbal en particulier mais plutôt l’activité qui consiste à faire des jeux de mots (Ex : indulge in wordplay) ? Cette nuance se retrouve dans le Collins COBUILD qui présente WORDPLAY comme un nom indénombrable (uncountable noun) et le définit comme « making jokes by using the meaning of words in an amusing, or clever way ». Il serait alors synonyme de « punning ».

Cependant, pour le dictionnaire américain Webster’s New World College Dictionary, la distinction n’est pas tranchée entre PUN et WORDPLAY puisqu’il propose la définition suivante de WORDPLAY : « Punning or a pun ». Une double acception du terme est donc proposée ici désignant à la fois l’objet verbal ET l’activité.

Pour le dictionnaire en ligne Oxford Dictionary, WORDPLAY est un nom

indénombrable là encore (mass noun) et les nombreux exemples associés démontrent

l’incompatibilité du nom avec un déterminant défini ou indéfini. La détermination Ø

(24)

s’impose. Il désigne soit l’activité de faire des jeux de mots, soit un ensemble de jeux de mots. L’exemple suivant est parlant :

It’s a panel show, riddled with puns, cultural references and wordplay

L’exemple est intéressant à plus d’un titre puisque non seulement il nous montre que WORDPLAY n’est pas pluralisable mais aussi que WORDPLAY et PUN ne sont pas synonymes, bien que présentés sur le même plan.

Le Cambridge Dictionary en ligne ne fait pas de différence entre PUN et PLAY ON WORDS :

a humorous use of a word with more than one meaning or that sounds like another word

Et WORDPLAY :

the activity of joking about the meanings of words, especially in an intelligent way

Cette dernière définition vient corroborer celle du dictionnaire WordReference citée au début.

Françoise Grellet dans son Introduction au vocabulaire littéraire anglais

18

, met les trois termes sur le même plan : « a PUN (or WORDPLAY or PLAY ON WORDS » se contentant de nuancer PUN en évoquant homonymie et plurisignification

19

.

A l’inverse, le Dictionnaire Bilingue Larousse en ligne traduit PUN d’abord par CALEMBOUR puis par JEU DE MOTS. C’est également le cas pour le Robert & Collins.

A en juger par les traductions observées, il semblerait que, bien que souvent traduit par JEU DE MOTS, le mot PUN soit un type de jeu de mots particulier fondé sur des ressemblances de sons par exemple, que l’on désigne en français par le CALEMBOUR*. Nous verrons plus en détail les différents types de jeux de mots tels qu’ils sont catégorisés, entre autres, par Pierre Guiraud, référence en la matière et en particulier des différents types de calembours.

18 Op.Cit

19 Polysémie. Fait d’avoir plusieurs significations. (en anglais : plurisignation).

(25)

Jacqueline Henry parle de calembours sémiques, phoniques et de calembours avec allusion

20

. Nous serons amenés à nous interroger sur cet amalgame qui ne nous semble pas tout à fait recevable en tant que tel.

Pour résumer, disons que JEU DE MOTS sera traduit en anglais par PLAY ON WORDS s’il est fait référence à un jeu de mots pris comme objet littéraire, figure rhétorique ou jeu verbal particulier ; il peut être traduit par WORDPLAY si l’on considère un ensemble de jeux de mots ou l’activité créatrice de jeux de mots, de jeux de langage. Dans ce cas, il ne tolère pas la pluralisation. Enfin, il peut être rendu par PUN sachant que PUN est un type de jeu de mots spécifique, une sous- catégorie synonyme de CALEMBOUR en français. L’anglais américain ne fait pas de différence entre ces termes.

2.3 Historique du jeu de mots

Nous n’épiloguerons pas sur l’origine des termes. L’exercice qui consisterait à se lancer dans des considérations étymologiques serait fastidieux puisque d’une part, nous l’avons vu, il existe différentes manières de dénommer le jeu de mots et d’autre part, dans la plupart des cas, nous n’avons aucune certitude à ce sujet

21

. Même si l’intérêt est indéniable, nous n’allons pas établir d’historique exhaustif mais nous avons choisi quelques points essentiels qui nous serviront de repères.

Dans tous les cas, l’art du calembour semble remonter à la nuit des temps.

John Pollack affirme qu’a été retrouvée dans une caverne, il y a quelques 35 000 ans, une statuette en pierre de forme oblongue représentant une femme avec ses seins, son ventre et ses cuisses. Mais lorsqu’on retourne la statuette à 180 degrés, elle devient un pénis en érection. Les spécialistes s’accordent à dire qu’il s’agit là d’un calembour visuel.

20 Op Cit

21 Par exemple, l’origine du mot PUN reste incertaine. L’OED suggère qu’il pourrait s’agir d’une version raccourcie de PUNNET ou de PUNDIGRION, lui-même une déformation de l’italien PUNTIGLIO désignant une petite pointe.

D’autres affirment que PUN trouverait son origine dans un mot en sanskrit.

(26)

L’égyptologue Geraldine Pinch écrit que de nombreux calembours figurent dans des inscriptions hiéroglyphiques :

Many Egyptian words which looked different when written in the hieroglyphic […]

sounded the same when pronounced. This was thought of as a meaningful connection rather than as a mere coincidence

22

.

La Bible regorge de jeux de mots et de calembours en hébreu également.

Pour exemple, ce passage d’Esaïe (5:7)

֙ ט ָּפ ְש ִמ ְל

֙ הֵּ֣ נ ִהְו

֙ ח ָָּּ֔פ ְש ִמ

֙ ה ָ֖ ָּק ָּד ְצ ִל

֙ הֵּ֥ נ ִהְו

֙

֙׃ה ָָּֽק ָּע ְצ

Nous proposons la paraphrase suivante : Dieu avait espéré la justice (mishpat) mais ne trouva qu’oppression (mispach). Il avait espéré la droiture (tzedakah) mais entendit à la place un cri de douleur (tz’acha). Ces jeux de mots sont pratiquement impossibles à rendre en anglais ou en français en raison des jeux sur les sonorités propres à l’hébreu et à l’idiosyncrasie.

Les calembours figurent en bonne place également en littérature et des auteurs comme Marlowe, Ben Jonson ou Shakespeare ont été des virtuoses dans la manipulation des jeux de langage. Citons cet exemple très connu qui présente une homophonie sur SUN/SON, extrait de Richard III :

Now is the winter of our discontent

Made glorious summer by this sun of York (I,i)

En plus de divertir le public, le calembour permettait de contourner la censure en vigueur. On le retrouve dans toutes les cours européennes, manié par les ménestrels, troubadours et autres fous au même titre que le chant, la danse, la musique et le jonglage.

En Angleterre, le Lord Protector Oliver Cromwell imposa une censure stricte et ferma les théâtres. Après sa mort, en 1658, un parlement plus modéré et plus indépendant commença à libéraliser le pays et l’on vit la réouverture des théâtres ainsi qu’un relâchement de la censure. C’est à cette époque que fleurirent à Londres et un peu partout en Angleterre les « coffee-houses », lieux de rencontre où les

22 Pinch, G., Magic in Ancient Egypt. Austin,Tx :University of Texas press,2010. p68

(27)

intellectuels comme Wycherley, Pope, Dryden et Swift pratiquaient le jeu de mots et s’adonnaient à l’art du calembour. Mais très vite le rationalisme et la pensée scientifique ont eu raison du langage. En 1711, Joseph Addison, farouche opposant au calembour, lança The Spectator.

As such, many came to view the pun’s very ambiguity as a serious flaw. Many rationalists began dismissing it as a relic, an outdated device of ancient philosophers, aging clergy and dead playwrights. Ambitious and influential scientists of the Royal Society were determined to ‘sweep away all the fogginess of words’

23

.

Jonathan Swift publiera A Modest Defence of Punning, or a compleat Answer to a scandalous and malicious Paper called God’s Revenge Against Punning en 1716 en réponse à Addison et au Spectator qui s’opposait au jeu de mots, incompatible avec le goût de bonnes manières et du raffinement dont il se voulait le promoteur.

Suivra Ars Punica (1719) par Thomas Sheridan (père de Richard Brinsley Sheridan).

Celui-ci dénonce la prétention et le pédantisme d’Addison et de ses sympathisants.

En France, ce qui va dominer les XVIIè et XVIIIè siècles, c’est le rire badin.

Le rire badin apparaît comme une composante essentielle du « style enjoué » qui, à partir d’un modèle conversationnel […] impose une esthétique de la galanterie et de la gaieté conduisant au XVIIIème siècle au triomphe de l’esprit. Au cours du XVIIIème siècle, le badinage devient ainsi un code de la bonne compagnie, rompue aux subtilités d’un humour à clefs, à mi-chemin entre la raillerie, la galanterie et l’ingéniosité du bel esprit.

[…] Le rire badin relève, en effet, d’une ingéniosité qui suppose une parfaite maîtrise de pratiques langagières fondées en particulier sur un étagement du sens

24

.

La badinerie s’apparenterait davantage au mot d’esprit (wit). Les détournements de proverbes ou de citations, les périphrases ou les euphémismes constituaient l’essentiel du badinage. Tout comme le jeu de mots, bien souvent, la badinerie permet de véhiculer un message qui peut s’avérer subversif ou polémique par le biais du rire. Elle fait appel à une certaine virtuosité et constitue un art à part

23 Pollack, J., The Pun Also Rises: How the Humble Pun Revolutionized Language, Changed History, and Made Wordplay More Than Some Antics. New York : Gotham Books, 2011.p75

24 Martin, C., « L’esthétique du rire badin (XVII-XVIII siècles) » in Esthétique du Rire, Alain Vaillant (dir.), Nanterre : Presses Universitaires de Paris-Nanterre, 2012.

(28)

entière. Dans Réflexions ou Sentences et Maximes Morales (1665), François de la Rochefoucauld écrit :

Je sais goûter [la conversation] aussi quand elle est enjouée ; et si, je n’y dis pas beaucoup de petites choses pour rire, ce n’est pas du moins que je ne connaisse bien ce que valent les bagatelles bien dites et que je trouve fort divertissante cette manière de badiner, où, il y a certains esprits prompts et aisés qui réussissent si bien.

Christophe Martin parle d’une « stratégie du leurre », d’un « art de la feinte et de l’esquive » où il s’agit de dire de manière implicite mais tout en maintenant un certain piquant. Tout comme pour le jeu de mots, le badinage et la manipulation du mot d’esprit requiert une grande complicité entre les participants.

De l’autre côté de l’Atlantique, près de 24 millions d’immigrés arrivèrent sur le sol américain entre 1880 et 1920, apportant avec eux un sens de l’humour qui allait changer celui des américains et, à cet égard, un groupe d’immigrés particulier allait se démarquer : les juifs. L’humour juif avec ses mots d’esprit et ses calembours a trouvé ses lettres de noblesse à travers des humoristes comme les Marx Brothers, Henry Youngman, Jack Benny et plus tard Woody Allen. Comme le rappelle Gilles Médioni dans son excellent article « L’humour des lamentations

25

», l'humour juif est souvent construit à partir de « décalages culturels, [de] raisonnements métaphysiques, [de] glissements de sens, [de] gags et [de] bons mots » et toujours bien décidé à tourner [le monde] en dérision. Médioni poursuit en précisant :

Pour la religion juive, le rire est une mitsva (un commandement divin). La Bible relate que, lorsque l'archange Gabriel annonça à Sarah, très avancée en âge, qu'elle porterait un garçon de son mari, Abraham, un vieillard, elle rit. Le fils qui naquit pourtant, second des patriarches d'Israël, fut baptisé Isaac - en hébreu, Itshak: celui qui rira.

L’utilisation du calembour ou du jeu de mots perdure et ne cesse d’investir d’autres espaces tels que le rap, le slam, les slogans publicitaires, les panneaux devant les églises et bien sûr, les titres de presse. A l’instar de la statuette des hommes préhistoriques précédemment citée, les objets détournés de leur utilisation ou de leur sens ont largement été exploités par des artistes comme Arcimboldo au XVIè siècle. Il est intéressant de constater que le célèbre Urinoir de Marcel Duchamp,

25 L’Express 15/12/05 https://www.lexpress.fr/culture/scene/l-humour-des-lamentations_483694.html

(29)

rebaptisé en anglais «Fountain» est un parfait exemple de calembour visuel et conceptuel dans la mesure où, un objet banal est détourné de son utilisation d’origine pour le transformer en autre chose. Duchamp remet en question l’aspect arbitraire de la dénomination et la véritable définition de l’art.

Source:

funny church signs http://www.drivepedia.com/trending/funny-church-signs-yh/

Giuseppe Arcimboldo, Arcimboldi, ou Arcimboldus (né vers 1527 à Milan – mort

le 11 juillet 1593 à Milan) est un peintre maniériste, célèbre comme auteur de

nombreux portraits suggérés par des végétaux, des animaux ou des objets

astucieusement disposés. Le détournement des végétaux de leur nature première

pour donner naissance à une autre forme de création constitue un bel exemple de

calembour visuel.

(30)

Vertumnus - Giuseppe Arcimboldo (1590)

2.4 Fonctions des jeux de mots et réception

▪ Fonctions

Si, comme nous l’avons vu, le jeu de mots existe bel et bien depuis la nuit des temps, il serait intéressant de se pencher sur le rôle du jeu de mots. Quelle est ou quelles sont ses fonctions ? Est-ce une manipulation du langage complètement gratuite ou bien cette manipulation sert-elle des objectifs particuliers ?

Un certain nombre de jeux de mots repose sur un simple jeu d’allitérations ou d’assonances et ce jeu sur les sonorités ne semble pas remplir de fonction spécifique si ce n’est une fonction esthétique et c’est sans doute là un moyen aussi d’attirer l’attention du lecteur.

1) Objectif : requinquer le quinquennat – Libération – 09/10/18

2) Guéant : le flic rendu fou par le fric

26

– Le Canard Enchaîné – 11/10/18

26 En plus du jeu sur les allitérations en /f/, on notera la paronomase flic/fric

(31)

3) Ballots amidst bullets – The Economist – 25/10/18 4) Boom or gloom? – The New York Times – 27/01/16

5) This bread box does double duty – The New York Times – 29/10/18

Pour traduire ces titres, nous avons cherché à maintenir les jeux de sonorité mais sur des sons différents.

-Goal of Presidential 5-year term: invigorate the mandate -Guéant : cash drives cop crazy

27

-Elire sous les tirs

-Un avenir économique rose ou morose ? -Une boite prévue pour préserver le pain

Le 02 juin 2018, The Sun relate le comportement héroïque de l’acteur Benedict Cumberbatch qui incarne Sherlock Holmes dans la série « Sherlock ». Celui- ci a surgi d’un taxi londonien pour faire face à quatre agresseurs qui s’en prenaient à un livreur. Non seulement l’épisode semble montrer que la réalité dépasse la fiction mais c’est d’autant plus invraisemblable que la scène s’est déroulée tout près du 221b Baker Street, qui est aussi l’adresse de la maison de Sherlock Holmes dans le roman. Le titre de l’article était:

6) By sheer luck, Sherlock showed up !

Le jeu de mot repose d’une part sur la paronymie entre le figement (BY) SHEER LUCK / SHERLOCK et d’autre part le jeu sur l’allitération en /ʃ/ dans SHEER SHERLOCK et SHOWED. Vient s’ajouter l’assonance en /ʌ/ dans LUCK et UP. Le titre est construit sur un rythme iambique qui lui confère une certaine régularité. Les jeux de mots du Sun ne faisant, en général, pas preuve de grande finesse, on ne peut que souligner la construction de celui-ci, construction qui est plus complexe qu’il n’y paraît.

Nous avons choisi de maintenir l’allitération en /ʃ/ sur deux termes seulement mais nous avons compensé le manque en ajoutant une allitération en /s/. Nous avons

27 Le nom de Guéant n’évoque sûrement pas grand-chose pour des anglophones. Nous reviendrons sur le problème de l’interculturalité.

(32)

dû changer la fin mais en tenant compte du contexte. Le tout s’apparente presque à un virelangue* / tongue-twister.

- Par chance, Sherlock sauve un coursier agressé !

Autre exemple qui figurait sur la couverture de The Economist (07/05/16) avec le sous-titre suivant : « La tragédie de l’Amérique »

7) Trump’sTriumph

Nous sommes en présence d’un jeu sur l’allitération /tr/. Il va de soi que le ton est ironique. Pour le magazine, la victoire de Trump serait une catastrophe pour les Républicains et pour l’Amérique. Traduction proposée :

-Trump Triomphe nous apparaît comme plus efficace que Le Triomphe de Trump où « de » sépare un peu plus le jeu des allitérations. D’autre part, dans notre traduction, la prononciation est sans doute moins aisée en s’approchant davantage d’un virelangue qui pourrait suggérer l’ironie.

Dans la mesure où la poésie, par excellence, joue de cette manière avec les sons, nous pouvons dire que certains jeux de mots remplissent une fonction poétique.

Il est vrai que nous pouvons y trouver des analogies car les mêmes procédés sont utilisés mais nous pensons que la fonction poétique ne doit pas se limiter à la poésie en tant que telle. Nous devons prendre cette fonction au sens large, c’est-à-dire celle de la communication, fonction poétique selon Jakobson. L’émetteur peut avoir la volonté de soigner particulièrement l’esthétique de sa signification. Cette fonction ne touche pas seulement la poésie, mais aussi les proverbes, les jeux de mots, les slogans… Reste donc le message lui même, que Jakobson englobe dans la fonction poétique :

La visée ( Einstellung ) du message en tant que tel, l’accent mis sur le message pour son

propre compte, est ce qui caractérise la fonction poétique du langage. Toute tentative de

(33)

réduire la sphère de la fonction poétique à la poésie n’aboutirait qu’à une simplification excessive et trompeuse

28

.

L’idée de l’interaction et de la communication englobe différentes intentions qui vont de l’amusement à l’interrogation en passant par la séduction. C’est la raison pour laquelle les jeux de langage tels que les jeux de mots se retrouvent dans la vie quotidienne, dans la publicité, dans la musique (rap, slam) et se pratique dès le plus jeune âge par les enfants (charades, comptines, blagues toc-toc

29

).

Le jeu de mots est devenu un incontournable des textes de rap. Citons ici un exemple de jeu sur la rime équivoque, rime complexe dans ce cas formée de plusieurs mots :

-Le peuple est endetté mais ceux qui gèrent les banques ils s'font

Des couilles en or sur ta tête pendant que la banquise fond

30

. Autres exemples qui méritent d’être cités :

-On doit être bêtes, ouais, p't-être, mais ma plume peut clouer l'bec de Houellebecq

31

.

-Plus tu prends des ailes dans le rap et plus tu perds ta plume

32

.

Un site propose même une fiche de révisions à destination des élèves sur les figures de style avec des exemples pris dans le rap français

33

. Les blagues commençant par « Toc toc ! » sont des jeux de mots demandant la participation de l'interlocuteur suivant une structure fixe. L'enchainement classique des répliques est le suivant :

L'humoriste : « Toc toc ! »

28 R. Jakobson, Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, 1963. p218

29 ‘Knock-knock jokes’ en anglais.

30Nekfeu – « Question d'honneur » réédition de l’abum Feu (2015)

31 Nekfeu – Album Feu (2015)

32 Sexion d'Assaut – « L'Apogée » - Réédtiton de l’album Cérémonie (2013)

33 https://raplume.eu/article/fiche-de-revision-bac-figures-de-style-avec-le-rap-fr/

(34)

L'interlocuteur : « Qui est là ? »

L'humoriste : une réponse, généralement un nom ; cette réponse sert à amorcer la blague.

L'interlocuteur : il répète le nom en ajoutant « qui ? ».

L'humoriste : le jeu de mots est composé de la première partie du nom.

En voici quatre exemples :

Des études ont d’ailleurs montré que les facilités qu’ont les enfants à manipuler le langage auraient un impact majeur sur leur capacité à exceller dans d’autres matières, en particulier les mathématiques et les sciences

34

. Les jeux de mots sont non seulement des outils de divertissement mais aussi de pédagogie. La valeur communicative du jeu de mots est essentielle, surtout dans les titres de presse, comme le souligne Françoise Sullet-Nylander :

Les titres de presse sont fabriqués dans le but de transmettre au lecteur le « nectar » de l’information, mais aussi celui d’attiser sa curiosité et de le guider vers la lecture des autres unités textuelles du journal : le chapeau et l’article. Ces fonctions communicatives dont l’énoncé-titre est chargé en font un objet d’étude linguistique intéressant.

35

Pour certains journaux, le jeu de mots constitue une véritable marque de fabrique, un signe identitaire. C’est le cas de Libération et du Canard Enchaîné parmi

34 Lewis Carroll qui maniait le jeu de mots et le non-sens était aussi mathématicien.

35 Sullet-Nylander, F., « Jeux de mots et défigements à La Une de Libération. (1973-2004 ) », Langage et société 2005/2 (n° 112), p. 111-139. DOI 10.3917/ls.112.0111

– Toc toc ! – Qui est là ? – C’est Agathe – Agathe qui ?

– Agathe feeling that tonight’s gonna be a good night.

- Toc toc ! - Qui est là ? - Sheila.

- Sheila qui ?

- Sheila lutte finale…

- Knock knock - Who's there?

- Doris.

- Doris who?

- Doris open, so I thought I'd drop by.

-Knock knock - Who’s there?

- Ken.

- Ken who?

- Ken I come in? It's

cold out here.

(35)

les titres sur lesquels porte notre recherche. D’ailleurs, ce sont ces deux journaux sur les six français choisis qui produisent le plus grand nombre de jeux de mots dans les titres, comme le montre le graphique ci-dessous :

Nous pouvons y voir un moyen de se démarquer par la mise en avant d’une certaine virtuosité dans la manière d’appréhender le langage. F. Sullet-Nylander explique que la raison pour laquelle les jeux de mots sont très nombreux dans certains types de presse serait dûe aux « contraintes du genre » et à la « concurrence du monde audio-visuel sur l’écriture ».

Le jeu de mots remplit une autre fonction, d’ordre ludique, dont le but est de faire rire ou sourire. Le jeu lui-même domine le sens qu’il suggère. La forme prévaut sur le fond. Il s’agit, là encore, d’attirer l’attention en éblouissant par une tournure habile qui fait mouche.

8) « Pyramide », Gizeh ce que l’avenir réserve ? - Libération – 08/05/15 9) Les écrivains voyageurs sur la route de soi – Télérama – 05/08/18

Les deux titres reposent sur un jeu paronymique Gizeh/Qui sait et route de soi/route de la soie. Nous proposons les traductions suivantes :

Répartition des jeux de mots dans les 6 titres français étudiés

Références

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