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La relation à l’apprendre des étudiants handicapés à l’université : sens des études, socialisation, temporalités

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-03097548

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Submitted on 5 Jan 2021

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l’université : sens des études, socialisation, temporalités

Anaëlle Milon

To cite this version:

Anaëlle Milon. La relation à l’apprendre des étudiants handicapés à l’université : sens des études, so- cialisation, temporalités. Education. Université de Lorraine, 2020. Français. �NNT : 2020LORR0140�.

�tel-03097548�

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AVERTISSEMENT

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http://www.culture.gouv.fr/culture/infos-pratiques/droits/protection.htm

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École Doctorale SLTC (Sociétés, Langages, Temps, Connaissances)

Thèse

Présentée pour l’obtention du

Doctorat de l’Université de Lorraine

Mention « Sciences de l’Éducation » par

Anaëlle MILON

LA RELATION À L’APPRENDRE DES ÉTUDIANTS HANDICAPÉS À L’UNIVERSITÉ : SENS DES ÉTUDES, SOCIALISATION, TEMPORALITÉS

Sous la direction de Saeed PAIVANDI Soutenue le 3 juillet 2020

JURY

Rapporteurs

Emmanuelle ANNOOT

Professeure des universités, Université de Rouen Normandie, CIRNEF

Alain BLANC

Professeur des universités, Université Grenoble Alpes, LaRAC

Examinateurs

Christine FONTANINI

Professeure des universités, Université de Lorraine, LISEC

Marc ROMAINVILLE

Professeur des universités, Université de Namur, IRDENa

Directeur

Saeed PAIVANDI

Professeur des universités, Université de Lorraine, LISEC

Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l'Education et de la Communication (UR

2310), 23, Boulevard Albert 1er - 54001 Nancy

(4)
(5)

Remerciements

T

OUT

d’abord, j’adresse mes plus sincères remerciements à Saeed Paivandi pour la qualité de son encadrement, pour son soutien, pour ses précieux conseils mais aussi pour sa patience. Pour son écoute et son empathie sans faille, pour son sens de la métaphore, pour avoir su trouver les mots qui m’ont aidée à surmonter les nombreux doutes et blocages propres au travail de recherche, un immense merci. Je suis très heureuse d’avoir effectué ce cheminement intellectuel à ses côtés. Je lui suis très reconnaissante d’avoir été ce guide attentif, bienveillant et inspirant, tout au long de ce parcours initiatique de découverte du monde académique, toujours plein de surprises.

Je remercie Emmanuelle Annoot, Alain Blanc, Christine Fontanini et Marc Romainville d’avoir accepté d’évaluer ce travail et de me faire l’honneur d’être dans le jury de cette thèse. Je vous remercie pour les précieux conseils que vous pourrez m’apporter grâce à votre expertise et au regard neuf que vous portez sur ce travail. Un grand merci d’avoir rendu possible le dépôt de ce manuscrit, dans ce contexte si exceptionnel de crise sanitaire et de confinement.

J’adresse toute ma gratitude à tous les étudiants et les étudiantes qui ont, de près ou de loin, participé à cette recherche, en nourrissant mes questionnements et en enrichissant ce travail. Je pense tout particulièrement aux étudiants interrogés dans le cadre de notre enquête, qui m’ont non seulement donné de leur temps, mais qui ont surtout accepté de partager leurs « mondes ». Par leur engagement et leurs témoignages, ils ont été une profonde source de motivation me permettant de ne jamais abandonner.

Je pense aussi à tous ceux et celles rencontrés au fil de ces années, pour nos rires, nos peines et ce quotidien partagé dans et hors de l’université. J’ai une pensée émue pour celles et ceux qui étaient là au début de cette aventure et qui nous ont quitté depuis.

Célia me disait en 2013 : « la vie elle est trop courte pour passer tout son temps à travailler ! », elle avait raison.

Ce parcours doctoral n’aurait pas été le même sans les camarades, mes compagnons de galère(s), les doctorants et jeunes chercheurs qui m’ont soutenue, inspirée et accompagnée. Je tiens tout particulièrement à remercier la « fine équipe » de l’association Par(en)thèse sans qui cette expérience doctorale n’aurait pas été aussi riche.

Pour nos discussions enflammées à la pause déjeuner, pour nos échanges enrichissants qui nous ont donné le goût de l’interdisciplinarité, pour nos projets collectifs et pour tous nos moments chocolatés et sur-caféinés. Merci à Livia ma-presque-sœur-de-thèse, à Clémentine pour sa bonne humeur légendaire et communicative ; à Rémi-Louis pour avoir dépouillé la sapience de ses atours mystiques ; et à tous les autres qui ont été à nos côtés dans les bons et les moins bons moments, Anouchka, Hanna, Marie-Noëlle, Bérengère et Laura. Une pensée toute particulière pour celles et ceux qui nous ont montré la voie, Magali, Flo, Maxence, Joris, Cécile, merci de nous avoir prouvé qu’une thèse peut se finir un jour !

Pour leurs relectures attentives, leurs judicieuses remarques et le temps précieux qu’ils m’ont accordé, un grand merci à Amandine, Marie-José, Nicolas, Rémi et Vincent.

Ce manuscrit n’aurait pas eu le même visage sans vos conseils avisés.

(6)

d’être relégués au second plan lorsque la thèse a pris le premier. Je pense à ma famille

et à tous ceux qui ont progressivement cessé de demander « alors, elle se termine quand

cette thèse ? ». Je les remercie du fond du cœur, ainsi que mes amis qui, malgré mes

absences, n’ont pas oublié que je les aime et qui n’ont pas oublié de m’aimer. Un dernier

merci et non des moindres à Marie-Anne, ma complice de toujours avec qui j’ai partagé

tant d’aventures. À toi qui as subi cette thèse autant que tu l’as accompagnée, merci

d’avoir été à mes côtés.

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Sommaire

INTRODUCTION GENERALE ... 1

PARTIE 1 : CONTEXTE DE LA RECHERCHE ... 11

CHAPITRE 1 : LE HANDICAP A L’ECOLE : CHANGEMENTS DE PLACES, DE MOTS, DE LOIS ... 13

1. TOUR D’HORIZON INTERNATIONAL DE LA SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPES .... 13

2. LA PLACE DES ELEVES HANDICAPES A L’ECOLE ORDINAIRE ... 18

3. CONTEXTE JURIDIQUE ET POLITIQUE : LEGISLATIONS ET RECOMMANDATIONS ... 26

CHAPITRE 2 : LES ETUDIANTS HANDICAPES EN FRANCE ET LA COMPENSATION UNIVERSITAIRE DU HANDICAP ... 35

1. UN RECENSEMENT COMPLEXE : LES ETUDIANTS IDENTIFIES PAR LES ETABLISSEMENTS DU SUPERIEUR ... 35

2. ANALYSE DEMOGRAPHIQUE : LES ETUDIANTS HANDICAPES EN FRANCE ... 36

3. LA COMPENSATION UNIVERSITAIRE DU HANDICAP ... 47

4. LE DISPOSITIF LORRAIN DE COMPENSATION UNIVERSITAIRE DU HANDICAP ... 51

SYNTHESE DE LA PARTIE 1 ... 55

PARTIE 2 : APPRENDRE A L’UNIVERSITE ... 59

CHAPITRE 3 : LES « NOUVEAUX ETUDIANTS » DANS L’UNIVERSITE DE MASSE : DE LA « REUSSITE » A LA QUALITE DE L’APPRENTISSAGE ... 61

1. LE MONDE ETUDIANT COMME OBJET D’ETUDEEN SCIENCES SOCIALES ... 61

2. SPECIFICITES DU CONTEXTE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS ET PARCOURS DESNOUVEAUX ETUDIANTS DANS L’UNIVERSITE DE MASSE... 65

3. LES PARCOURS DES ETUDIANTS DANS L’UNIVERSITE DE MASSE : REUSSITE ET ECHEC, DECROCHAGE ET PERSEVERANCE ... 70

CHAPITRE 4 : APPRENDRE A L’UNIVERSITE : DES PROCESSUS DE COGNITION ARTICULES A DES PROCESSUS DE SOCIALISATION ... 79

1. L’APPRENTISSAGE UNIVERSITAIRE COMME PROCESSUS DE COGNITION ... 79

2. L’INFLUENCE DES DISCIPLINES SUR L’APPRENTISSAGE UNIVERSITAIRE ... 84

3. L’APPRENTISSAGE UNIVERSITAIRE COMME PROCESSUS DE SOCIALISATION... 90

CHAPITRE 5 : ETAT DES SAVOIRS AUTOUR DE L’EXPERIENCE DES ETUDIANTS HANDICAPES DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ... 99

1. LITTERATURE INTERNATIONALE RELATIVE AUX ETUDIANTS HANDICAPES DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ... 99

2. LES ETUDIANTS HANDICAPES A L’UNIVERSITE EN FRANCE ... 104

SYNTHESE DE LA PARTIE 2 ... 122

PARTIE 3 : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE LA RECHERCHE ... 125

CHAPITRE 6 : LE HANDICAP : MODELES, CLASSIFICATION ET EXPERIENCE ... 129

1. GENESE DU TERME HANDICAP ET RENVERSEMENT DE SENS ... 130

2. DU MODELE INDIVIDUEL AU MODELE SOCIAL : EVOLUTION DES CONCEPTIONS ET DES CLASSIFICATIONS INTERNATIONALES ... 133

3. MODELES INTERACTIFS ET « SITUATION DE HANDICAP »... 139

4. EXPERIENCE ET HANDICAP ... 147

CHAPITRE 7 : L’APPRENTISSAGE ET L’ACCESSIBILITE UNIVERSITAIRES DU POINT DE VUE DU SUJET ... 159

1. LA QUALITE DE L’APPRENTISSAGE : VOULOIR APPRENDRE ET POUVOIR APPRENDRE ... 160

2. UNE LECTURE « EN POSITIF » DE L’EXPERIENCE UNIVERSITAIRE ... 170

3. ACCESSIBILITE PEDAGOGIQUE ET ACCESSIBILITE AUX SAVOIRS... 177

CHAPITRE 8 : LE RAPPORT AU SAVOIR ET LA RELATION A L’APPRENDRE DANS LE CONTEXTE UNIVERSITAIRE ... 183

(8)

CHAPITRE 9 : COMPRENDRE LE SENS ACCORDE A L’APPRENTISSAGE

UNIVERSITAIRE : MOBILISATION, ACTIVITE ET TEMPORALITES ...205

1. LE SENS PRODUIT PAR L’ETUDIANT DANS ET PAR L’ACTIVITE D’APPRENTISSAGE ... 207

2. TEMPORALITES, APPRENTISSAGE ET SENS ... 217

CHAPITRE 10 : L’APPRENTISSAGE DANS SES DIMENSIONS SOCIALE ET IDENTITAIRE : SOCIALISATION ET IDENTITE(S) A L’UNIVERSITE ...227

1. LA SOCIALISATION : UN PROCESSUS CONTINU ET PLURIEL ... 228

2. L’IDENTITE : UNE NOTION FLOUE ET INCERTAINE ... 235

3. LA SOCIALISATION DES ETUDIANTS HANDICAPES A L’UNIVERSITE ... 241

POUR UNE PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE SUR LES ETUDIANTS HANDICAPES A L’UNIVERSITE ...245

CHAPITRE 11 : CHOIX METHODOLOGIQUES ET EPISTEMOLOGIQUES : UNE APPROCHE QUALITATIVE, LONGITUDINALE ET COMPREHENSIVE ...253

1. UNE APPROCHE QUALITATIVE CENTREE SUR LE SUJET QUI APPREND ... 253

2. LES OUTILS METHODOLOGIQUES : L’ENTRETIEN COMPREHENSIF ET L’ENQUETE LONGITUDINALE ... 264

3. LE TRAITEMENT ET L’ANALYSE DES DONNEES ... 275

4. LES LIMITES DE L’ENQUETE ET LES DIFFICULTES RENCONTREES ... 277

PARTIE 4 : ANALYSE ET DISCUSSION DES DONNEES ...281

CHAPITRE 12 : UN « HERITAGE » ET DES PARCOURS SCOLAIRES VARIES DANS L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE ...283

1. UN « HERITAGE » SUSCEPTIBLE DE PESER SUR L’EXPERIENCE ET L’APPRENTISSAGE A L’UNIVERSITE ... 283

2. DIFFERENTS TYPES DE PARCOURS SCOLAIRES DANS L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE ... 285

SYNTHESE DES TYPES DE PARCOURS SCOLAIRES ...300

CHAPITRE 13 : LA FAMILLE, LE MILIEU SOCIAL D’ORIGINE ET L’ENGAGEMENT PARENTAL ...301

1. ORIGINES SOCIALES ET CARACTERISTIQUES DES FAMILLES DES ETUDIANTS DE L’ENQUETE ... 302

2. ENGAGEMENT PARENTAL ET SOUTIENS VARIABLES DE LA FAMILLE DANS LE DOMAINE SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE... 316

SYNTHESE DES TYPES D’ENGAGEMENT PARENTAL ...326

CHAPITRE 14 : LE SENS DES ETUDES : DIVERSITE DES PROJETS A L’ENTREE DANS LE SUPERIEUR ET LEURS EVOLUTIONS AU FIL DES PARCOURS ...327

1. DIVERSITE DES PROJETS ET DU SENS ACCORDE AUX ETUDES SUPERIEURES ... 327

2. QUATRE TYPES DE PROJETS : DES ATTENTES DIFFERENCIEES VIS-A-VIS DES ETUDES ... 331

SYNTHESE DES TYPES DE PROJETS A L’ENTREE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ...376

CHAPITRE 15 : LA SOCIALISATION UNIVERSITAIRE : INTEGRATION ACADEMIQUE ET SOCIALE, SOCIABILITES ET AFFILIATION ...377

1. ETUDIER LES DIFFERENTES DIMENSIONS DE LA SOCIALISATION UNIVERSITAIRE ... 377

2. L’ENTREE DANS LE SUPERIEUR OULE TEMPS DE L’ETRANGETE : D’UNE CERTAINE CONTINUITE A L’ARRIVEE DANS UN « NOUVEAU MONDE » ... 380

3. DIFFERENTS TYPES DE SOCIALISATIONS : INTEGRATION, SOCIABILITES ET SENTIMENT D’APPARTENANCE... 386

SYNTHESE DES TYPES D’EXPERIENCES SOCIALISATRICES ...427

CHAPITRE 16 : LA RELATION A L’APPRENDRE ET LA MOBILISATION DANS LE TRAVAIL UNIVERSITAIRE ...429

1. DIVERSITE DE LA RELATION A L’APPRENDRE ... 430

(9)

2. LE SENS DE L’APPRENTISSAGE UNIVERSITAIRE : DIFFERENTES PERSPECTIVES

D’APPRENTISSAGE ... 432

3. LES PERSPECTIVES D’APPRENTISSAGE ET LA PERFORMANCE ACADEMIQUE ... 457

4. L’EXPERIENCE DE LA COMPENSATION DU HANDICAP A L’UNIVERSITE ... 461

5. LA PERSPECTIVE D’APPRENTISSAGE SELON LE PASSE SCOLAIRE ET LA FAMILLE ... 485

6. DES CONVERSIONS POSSIBLES ... 486

SYNTHESE DES PERSPECTIVES D’APPRENTISSAGE ... 491

CHAPITRE 17 : ANALYSE TRANSVERSALE ET DISCUSSION ... 493

1. LE SENS ACCORDE AU « TEMPS DES ETUDES » : UNE CONSTRUCTION DYNAMIQUE VIVRE LE MOMENT PRESENT ET SE PROJETER DANS L’AVENIR ... 493

2. UN HERITAGE SCOLAIRE ET FAMILIAL QUI PESE SUR L’EXPERIENCE ETUDIANTE ? ... 502

3. SENS, SOCIALISATION ET APPRENTISSAGE ... 510

4. L’EXPERIENCE DU HANDICAP A L’UNIVERSITE : DIVERSITE DES VECUS ET CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ... 517

5. UNE UNIVERSITE ACCESSIBLE ?LA NOTION « D’ACCESSIBILITE INTERSUBJECTIVE » ... 525

6. INCLUSION ET HOSPITALITEUNIVERSITAIRES : UN RENVERSEMENT DE PERSPECTIVE ? .... 530

CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES ... 535

BIBLIOGRAPHIE ... 550

LISTE DES SIGLES ... 580

TABLE DES ILLUSTRATIONS ... 581

TABLE DES MATIERES ... 584

(10)
(11)

Introduction générale

D

EPUIS

plus de quinze ans, les étudiants handicapés sont chaque année plus nombreux à poursuivre des études supérieures. Le nombre d’étudiants handicapés, identifiés par les établissements d’enseignement supérieur, a été multiplié par quatre depuis la loi du 11 février 2005 (MESRI-DGESIP, 2019). À la rentrée 2017, ils sont près de 30 000 à s’être inscrits dans l’enseignement supérieur où ils représentent 1,55 % de la population étudiante (MESRI-DGESIP, 2019). Cependant, ils s’y répartissent inégalement comparativement à la population générale : ils sont massivement inscrits à l’université (près de 90% d’entre eux), ils sont surreprésentés en licence et dans les formations en Lettres, Langues, SHS et filières paramédicales (MESRI-DGESIP, 2019). Mais que sait-on de cette population aux contours flous dont la délimitation ne va pas soi ?

Leur arrivée progressive à l’université semble s’inscrire à la fois dans le contexte de massification de l’enseignement supérieur et d’hétérogénéité croissante du public étudiant, ainsi que dans la volonté des pouvoirs publics de passer d’une logique d’intégration scolaire à celle d’une éducation inclusive. Tandis que la logique intégrative suppose que ce soit l’étudiant qui s’adapte à l’institution universitaire (confronté à la norme dans une logique de mise à l’épreuve) ; la logique inclusive engage au contraire l’institution universitaire à s’adapter aux besoins de chaque étudiant en se focalisant sur l’accessibilité du système et de l’apprentissage (Benoit, 2008). Ce renversement de perspective (Benoit, 2008) trouve ses origines dans l’évolution conceptuelle du handicap (Thomazet, 2006). Avec la notion de « situation », le handicap n’est plus envisagé comme un écart à la norme médicale ou sociale (modèle individuel), ni comme le résultat de l’inaccessibilité de l’environnement (modèle social), mais comme le produit de l’interaction entre un environnement et des caractéristiques individuelles (Ravaud et Fougeyrollas, 2005 ; Blanc, 2015).

Notre recherche vise à examiner l’expérience et l’apprentissage en contexte des étudiants identifiés handicapés par l’institution universitaire. Comment cette recherche qualitative et compréhensive a-t-elle vu le jour et pourquoi s’intéresser à la question du handicap à l’université ? L’intérêt pour cet objet de recherche renvoie à la fois à son caractère original sur le plan de la recherche en contexte français, qui s’est très marginalement intéressée à l’expérience des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur ; et à la fois à la construction progressive d’un intérêt personnel pour ces questions de par nos expériences personnelles et professionnelles dans le champ de l’accompagnement pédagogique d’étudiants handicapés à l’université.

Sur le plan de la recherche, peu de travaux en France se sont intéressés aux

problématiques liées à la mise en œuvre des politiques inclusives dans l’enseignement

supérieur (Ebersold et Evans, 2003 ; Ebersold, 2008 ; Martel, 2015), aux pratiques et à

l’expérience des acteurs universitaires, à l’accès progressif et à l’accompagnement des

étudiants handicapés à l’université. Bien que l’on constate l’émergence de quelques

recherches récentes (Segon, 2017 ; Vérétout, 2019), l’expérience et l’apprentissage des

étudiants handicapés restent très marginalement étudiés, que ce soit en sociologie du

handicap (au sein des recherches s’intéressant à l’expérience des personnes

handicapées) ou dans le domaine de la sociologie des étudiants. Celle-ci s’est développée

en France depuis les années 1960, en s’intéressant progressivement à l’expérience et à

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l’apprentissage des étudiants en mobilisant notamment des approches qualitatives et microsociologiques. Différents groupes spécifiques au sein de l’enseignement supérieur ont fait l’objet d’un intérêt grandissant de la part des chercheurs, qu’il s’agisse des étudiants étrangers (Coulon et Paivandi, 2003 ; Ennafaa et Paivandi, 2008), des adultes en reprise d’études (Fond-Harmant, 1996 ; Farzad et Paivandi, 2000), des différenciations entre filles et garçons (Duru-Bellat et al., 1999 ; Frickey et Primon, 2002 ; Fontanini, 2015), des bacheliers technologiques et professionnels (Prouteau, 2009 ; Bodin et Millet, 2011) ou encore des étudiants salariés (Béduwé, Berthaud, Giret et Solaux, 2019).

Toutefois, bien que quelques travaux semblent se développer ces dernières années, les étudiants handicapés ou « en situation de handicap » dans l’enseignement supérieur constituent une sous-population encore marginalement étudiée.

Notre intérêt personnel pour cet objet de recherche s’est construit progressivement au fil de notre parcours universitaire conjointement à une expérience professionnelle de plusieurs années dans le domaine de l’accompagnement pédagogique d’étudiants dits

« en situation de handicap » à l’université. M ener une réflexion quant à la posture que nous avons adoptée en tant « qu’apprentie-chercheuse », dans ses aspects méthodologiques et épistémologiques, implique d’expliciter la manière dont nos questionnements ont émergé et dont ce travail de recherche a vu le jour.

Titulaire d’un baccalauréat économique et social obtenu en 2005, j’entre à l’université pour la première fois en 2006 et m’inscris « par défaut » en licence de langues, sans réelle réflexion ni projet. A l’issue de la première semaine d’enseignement, ne parvenant pas à dégager du sens vis-à-vis de ce que l’on cherche à m’enseigner ou me « faire apprendre », je décide que « la fac ce n’est pas pour moi ». Je passe les trois années suivantes à travailler dans le domaine de l’éducation populaire, l’animation et la petite enfance. En 2008, j’entre une seconde fois dans l’enseignement supérieur, dans une formation aux métiers de l’animation sociale et socioculturelle (DUT carrières sociales). Conjointement à des apports théoriques sur les publics dits « en marge » dans le cadre de ma formation, je m’engage en tant que bénévole dans une association portée par et pour des usagers en santé mentale qui a pour but de lutter contre l’isolement de personnes ayant des troubles psychiques ou psychologiques. Cette année de bénévolat est ma première immersion dans « le monde du handicap ». Elle constitue une expérience d’une incroyable richesse ainsi que l’occasion de déconstruire certaines de mes représentations, de mes stéréotypes et de mes préjugés.

Après l’obtention du DUT en 2010, j’entre en 3

ème

année de licence en sciences de l’éducation à Nancy. Dans le cadre d’un emploi étudiant, je suis recrutée par l’université pour accompagner des étudiants handicapés dans le cadre de leurs études supérieures.

Je découvre la diversité des besoins particuliers des étudiants, et surtout la forte hétérogénéité des situations regroupées au sein de la population des étudiants identifiés

« en situation de handicap » par l’institution et le dispositif. Durant quatre années, j’accompagne sur le plan pédagogique des étudiants sur les différents campus de Nancy.

Concrètement, mes activités consistent à faciliter les déplacements sur les campus ; à

prendre des notes durant les enseignements ; à accompagner les étudiants pendant les

examens (surveillance d’épreuve, lecteur/scripteur) et de manière plus ponctuelle dans

leurs travaux personnels ou dans la réalisation de leur mémoire de recherche. Chaque

situation est singulière et je tente de m’adapter au mieux, avec tout le « bricolage »,

l’improvisation et l’inventivité que les situations exigent. Mes débuts sont hésitants et

tâtonnants, je me sens parfois freinée dans mes interactions avec les étudiants et

notamment par la crainte de « mal faire » ou la peur de « mal dire ».

(13)

Recrutée par l’université dans le cadre d’un emploi étudiant la première année, je suis ensuite embauchée à mi-temps en tant que salariée de l’association. Je m’intègre à une équipe de « permanents » (le « noyau dur » des accompagnateurs appelés

« secrétaires ») et je passe quelques heures par semaine dans les locaux de l’association qui sont implantés au sein même du foyer d’hébergement adapté. Ces moments sont donc également l’occasion de découvrir le fonctionnement de cette structure, les professionnels qui y travaillent et surtout d’y partager le quotidien des étudiants qui y résident et y vivent, avec lesquels nous avons l’occasion de développer des relations privilégiées.

Les accompagnements et les besoins pédagogiques varient fortement d’un étudiant à l’autre, en fonction de leur(s) « trouble(s) » ou de leur(s) déficience(s) ; mais aussi en fonction des contextes pédagogiques et des disciplines qu’ils étudient. J’interviens auprès d’une vingtaine d’étudiants par an, inscrits dans diverses formations, que ce soit sur le campus lettres et sciences humaines, sur le campus de droit, ou dans des antennes délocalisées (en IUT par exemple). Je découvre différentes filières, leurs enseignants et leurs étudiants. Je prends conscience des écarts et des spécificités des différentes disciplines et formations dans lesquelles j’interviens (histoire, géographie, littérature, langues, sociologie, psychologie, sciences du langage, sciences de l’éducation, études culturelles, droit, économie et gestion, mais aussi en école de cinéma, en école de management, ou encore en DUT). Cette activité professionnelle me permet ainsi de découvrir que l’enseignement supérieur, mais surtout l’université, qui m’apparaissait alors comme étant un « monde » plutôt « uniforme », est en réalité composée de « petits mondes », de « différents mondes » (Clark, 1987) bien plus différenciés et variés que ce que j’imaginais.

Certaines situations particulières, que je vis sur le « terrain » en accompagnant les étudiants, m’interrogent et font émerger progressivement des questionnements. Je fais alors le choix d’orienter mes travaux de recherche, dans le cadre de mes deux années de master en sciences de l’éducation, sur les questions liées à l’accueil et à l’accompagnement des étudiants identifiés handicapés à l’université. Mon projet de recherche de master reçoit un accueil particulièrement favorable de la part des acteurs du dispositif (professionnels, étudiants et personnels de l’université). Afin d’élargir ma connaissance du terrain, des acteurs et de ses enjeux, je réalise mon stage de master 2 au sein de l’association, ce qui me permet d’accéder à une documentation interne et institutionnelle riche mais aussi de participer à de multiples rencontres et évènements (rencontres avec des lycéens, leurs familles, d’anciens étudiants handicapés, ainsi que des acteurs impliqués à l’échelle locale et nationale). Dans le cadre d’un mémoire de recherche de master 2, je réalise une enquête qualitative et compréhensive par des entretiens non-directifs auprès de cinq étudiants accompagnés par l’association.

L’analyse des parcours de ces étudiants, qui met en évidence des situations plurielles s’inscrivant dans un contexte local spécifique, vise à saisir la manière dont s’articulent et interagissent à la fois l’étudiant dans son historicité et sa subjectivité, le savoir spécifique transmis à l’université et le contexte universitaire particulier dans lequel ils s’inscrivent.

Ces expériences professionnelles, conjointement à ce travail de recherche m’ont

permis d’acquérir un statut particulier auprès des acteurs locaux (étudiants et

professionnels) : celui de « membre » du collectif et « d’initiée » aux problématiques

relatives au handicap à l’université. Ils m’ont permis de partager pendant plusieurs

années le quotidien d’étudiants handicapés à l’université, de développer une bonne

(14)

connaissance du dispositif local, de ses acteurs et de ses enjeux, mais aussi de me familiariser avec « le monde du handicap », ou du moins une partie de ce monde, tant sur plan empirique que théorique. Ces différents éléments ont constitué un indéniable levier rendant possible cette recherche doctorale d’inspiration ethnographique nécessitant d’enquêter sur un « terrain difficile », même si « quel que soit le terrain, il est susceptible d’être considéré comme difficile », certains terrains « le sont certainement plus que d’autres. » (Boumaza et Campana, 2007, p.8). Ainsi, les principales difficultés que nous avons rencontrées ne renvoient pas à la manière d’accéder ou d’approcher le terrain. Il s’agissait plutôt de parvenir à trouver un équilibre et à gérer le paradoxe entre

« proximité » et « distanciation », ce qui exige « un travail sur soi constant, qui peut relever de l’affrontement en lui-même » (op. cit., p.9). Nécessitant bien plus que des compétences techniques et méthodologiques, un certain nombre de choix que nous avons opérés (détaillés dans le chapitre dédié à la méthodologie), visaient à tenter de réduire les biais liés à cette position particulière « d’immersion » et cette posture du

« dedans-dehors ». C’est dans ce contexte particulier qu’est née cette recherche doctorale, rendue possible par l’obtention d’un financement (contrat doctoral ministériel).

Concernant les enjeux épistémologiques et les choix méthodologiques, le choix d’une approche qualitative et compréhensive a été opéré afin d’étudier l’acte d’apprendre et de comprendre ce que vivent les étudiants handicapés à l’université, ce pour plusieurs raisons liées aux objectifs de la recherche. L’objectif principal est d’ouvrir la « boîte noire » des processus de cognition et de socialisation à l’œuvre dans l’apprentissage universitaire, d’étudier la manière dont les étudiants handicapés construisent leurs parcours et leurs perspectives à l’université en produisant du sens vis-à-vis de l’acte d’apprendre. En considérant le « fait humain » comme global et renvoyant à un ensemble de significations (Mucchielli, 1994), c’est le sens subjectif (Weber, 1922 ; Simmel 1984 ; 1999) qui se trouve au cœur de ce travail, celui visé et construit par l’étudiant vis-à-vis de son apprentissage et plus largement vis-à-vis de ses comportements, ses actions, ses expériences.

Cette centration sur la subjectivité et le point de vue des acteurs apparait essentielle pour saisir l’expérience du sujet, son interprétation du monde et la manière dont il participe à le construire. Ainsi, l’étudiant est considéré comme un acteur, et non comme un agent passif ou déterminé, un sujet à la fois singulier et social (Charlot, 1999) qui interagit avec son environnement en donnant du sens aux situations dans lesquelles il s’inscrit. L’un des impératifs de l’approche qualitative renvoie à la nécessité d’adopter une démarche inductive et compréhensive, avec une certaine « souplesse », en tentant d’explorer le réel sans « présupposés de résultats », sans « hypothèse de départ forte » (Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, 2009), avec une question de départ ouverte, centrée sur le sens de l’apprentissage et le vécu de la socialisation, et un certain

« flottement conceptuel » (Dumez, 2013). La démarche compréhensive implique un

« renversement » du mode de construction de l’objet de recherche (Kaufmann, 2007), une

dynamique particulière « partant du bas » à la manière de la théorie ancrée (« grounded

theory »). Dans des aller-retours permanents entre le « terrain » et la « théorie »,

l’enquête a été déployée et menée dans le même temps et en interrelation avec

l’élaboration progressive de l’appareil théorique et conceptuel. Ainsi, nos

questionnements sont multi-référentiels, interrogent le « social en train de s’assembler »

(Coulon, 1993) et des processus « en train de se faire » et mobilisent des concepts issus

de champs de recherche variés. Ils portent sur l’expérience et la subjectivité de

(15)

l’étudiant, sa perception, son vécu et sa définition des situations et ils visent à saisir la manière dont il agit et interagit.

Le corpus de données a été construit à partir d’une enquête qualitative menée de 2015 à 2019, par une série d’entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2007) répétés dans le temps selon une approche longitudinale (Cayouette-Remblière, Geay et Lehingue, 2018) auprès de 18 étudiants identifiés handicapés par l’institution et bénéficiant de mesures de compensation du handicap. Conformément à la démarche compréhensive, le

« terrain » et les données empiriques ne visent pas à vérifier des théories ou à valider des hypothèses de recherche préétablies. Un premier cadre conceptuel provisoire a guidé l’entrée sur le terrain et la problématisation progressive. Il a été construit selon deux axes en tentant de faire dialoguer la sociologie du handicap et les travaux portant sur l’apprentissage étudiant. L’appareil théorique a ensuite été enrichi, réajusté et retravaillé de manière permanente au fur et à mesure de l’enquête, de l’analyse des données, de l’évolution de nos questionnements.

L’appareil conceptuel final s’articule autour de l’acte d’apprendre à l’université qui renvoie à un ensemble de processus de cognition et de socialisation et qui est susceptible d’engager une dynamique transformatrice du sujet qui apprend. La notion de relation à l’apprendre (Paivandi, 2011 ; 2015), proche du rapport au savoir (Charlot, 1999) permet d’étudier les dimensions épistémique, identitaire et sociale sous-tendues par l’apprentissage universitaire. Etudier le sens subjectif qu’accorde l’étudiant à ses études et à l’acte d’apprendre, en termes de signification mais aussi de valeur, implique d’analyser la dialectique entre les buts et les mobiles (Leontiev, 1975) qu’il poursuit, les résultats qu’il vise et les désirs qui le poussent à se mobiliser. Il s’agit d’identifier et d’analyser les particularités ou les spécificités dues aux situations de handicap et aux mesures de compensation mises en œuvre. Celles-ci étant susceptibles d’entraver ou au contraire de faciliter l’accès au savoir, son appropriation, son usage et sa critique par l’étudiant.

Le sens est produit par la mobilisation du sujet, par sa mise en mouvement dans et par l’activité d’apprentissage, mais cette mobilisation ne dépend pas uniquement de l’étudiant lui-même. L’apprentissage universitaire est ainsi envisagé comme une activité complexe qui se réalise toujours en situation, dans un contexte spécifique et un environnement particulier. Le processus de socialisation et le concept d’identité (Dubar, 2015) permettent de questionner l’articulation entre les dimensions individuelles et les dimensions contextuelles de l’apprentissage universitaire ainsi que la dynamique transformatrice qu’il sous-tend. En quoi la construction subjective d’un sens et l’autoproduction de soi se construisent-elles dans une dialectique avec les autres et plus largement l’ordre symbolique et social de l’université ?

Plus spécifiquement, il s’agit de questionner la confrontation entre la mobilisation

d’un sujet et les possibilités offertes par l’université. Cette confrontation peut être

envisagée à travers la tension ou la dialectique entre « vouloir apprendre » et « pouvoir

apprendre » (Parmentier, 1996) : suffit-il à l’étudiant handicapé de « vouloir »

apprendre à l’université pour « pouvoir » y apprendre ? Cette tension questionne tout

d’abord le processus de socialisation secondaire que connait l’étudiant novice qui entre

à l’université, les (im)possibilités de s’intégrer sur le plan académique et social (Tinto,

1975), de s’acculturer à ce monde nouveau et de s’affilier intellectuellement en

apprenant son métier d’étudiant en étant reconnu comme un membre de la communauté

(Coulon, 1997). Ensuite, étudier l’interaction entre l’étudiant et son environnement

(16)

d’études implique de prendre en compte d’une part les spécificités et les différenciations qui s’opèrent selon les contextes pédagogiques, selon les différents types d’études et disciplines qui constituent de puissantes « matrices socialisatrices » (Galland, 1995 ; Lahire, 1997 ; Hermet, 2000 ; Millet, 2003 ; Monfort, 2003). D’autre part, la dimension temporelle apparait centrale au sein de ces multiples processus, d’apprentissage et de construction de sens, de production du handicap, de cognition et de socialisation. En envisageant le temps comme une construction sociale (Dubar et Thoemmes, 2013) nous considérons que, du point de vue du sujet, plusieurs temps ou temporalités coexistent, se superposent, s’articulent (Grossin, 2000 ; Lesourd, 2006). Il s’agit d’étudier et d’analyser les différentes temporalités à l’œuvre dans l’apprentissage universitaire, qui questionnent la dimension synchronique (superposition ou articulation de différents temps, l’existence de temps particuliers relatifs à la déficience (Blanc, 2015)) ainsi que la dimension diachronique et dynamique qui met en jeu le passé et l’héritage de l’étudiant ainsi que sa projection dans l’avenir. Enfin, cette tension questionne également les possibilités (qui sont offertes objectivement mais aussi la manière dont elles sont perçues subjectivement par les étudiants) d’apprendre, de compenser le handicap, de réussir, de nouer de nouvelles relations aux autres, de faire évoluer son rapport à soi, aux autres et au monde (Charlot, 1997). Finalement, en quoi l’existence des situations de handicap dans un environnement potentiellement composé de barrières et d’obstacles influence l’accès au savoir et aux activités d’apprentissage pour ces étudiants ? En quoi ces derniers sont-ils susceptibles de faire l’expérience d’une socialisation spécifique ? Quels sont les effets du dispositif (de l’identification institutionnelle et des mesures de compensation universitaire du handicap) sur la cognition et la socialisation universitaire, en termes d’accessibilité au savoir et aux activités académiques mais aussi en termes d’étiquetage et de stigmatisation (Goffman, 1975 ; Becker, 1985) ?

Ainsi, c’est à partir d’expériences singulières vécues, de situations et de limitations que les étudiants rencontrent et vivent au sein de leur environnement d’études, que nous questionnons l’hospitalité (Prairat, 2018) et l’accessibilité de l’institution universitaire et des différents environnements d’études (dans leurs dimensions certes matérielles mais aussi sociales, symboliques et pédagogiques). Examiner le processus d’accessibilisation à l’œuvre (Sanchez, 2000 ; Ebersold, 2012 ; 2017) implique d’étudier les barrières, les obstacles, visibles ou invisibles, qui persistent dans l’accès au savoir et aux activités académiques pour l’étudiant handicapé ainsi que les facilitateurs permettant de favoriser un apprentissage de qualité, sa participation sociale et l’apprentissage de son métier d’étudiant (Coulon, 1997). Qu’il s’agisse de la socialisation universitaire, du sentiment d’intégration, de l’appréciation des nouvelles relations et sociabilités (Jellab, 2011) développées à l’université, nous questionnons les effets du contexte d’études et le poids de l’environnement universitaire sur l’expérience et l’apprentissage des étudiants handicapés. Etudier l’accessibilisation de l’université engage à interroger les dynamiques d’évolution et de transformation de l’institution en questionnant les écarts qui peuvent persister entre, d’une part, les discours de promotion de l’inclusion et, d’autre part, les pratiques à l’œuvre telles qu’elles sont perçues par les étudiants handicapés.

Au fil de l’enquête, émerge un double questionnement relatif à la transformation

conjointe de l’étudiant et du contexte dans lequel il apprend : en quoi l’université est-

elle susceptible de transformer l’étudiant handicapé et en quoi cet étudiant participe-t-

il à transformer l’environnement universitaire ? En quoi peut-il vivre une

transformation tout en réinventant partiellement le contexte dans lequel il apprend ?

(17)

Ainsi, nous avons fait le choix de centrer notre travail sur l’expérience subjective des étudiants handicapés à l’université et la relation que ces derniers y développent vis- à-vis de l’acte d’apprendre. En choisissant cette centration sur les processus de socialisation et de cognition sous-tendus par l’apprentissage universitaire, nous avons renoncé à d’autres thématiques qui mériteraient également une analyse approfondie, telles que les questions relatives au corps et à la corporéité, ou encore celles relatives au genre et aux inégalités sexuées dans l’enseignement supérieur dans une approche intersectionnelle.

A l’issue de l’enquête, le corpus de données analysé est constitué des transcriptions des 36 entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2007). Pour analyser le matériau riche et hétérogène, une première analyse « par entretien » a précédé une seconde analyse thématique (Dumez, 2013) afin d’identifier des régularités et des oppositions, des convergences et des divergences. L’analyse des données met en évidence la diversité des projets poursuivis par les étudiants de l’enquête et l’usage « détourné » qu’ils font parfois de l’université. Elle met également en exergue des vécus différenciés de la socialisation universitaire en termes d’intégration académique et sociale (Tinto, 1975) et de sociabilités (Jellab, 2011). De plus, la pluralité des perspectives d’apprentissage (Paivandi, 2011 ; 2015) et du sens accordé à l’acte d’apprendre est mise en lumière. Les résultats présentés dans ces trois axes d’analyse apparaissent liés à l’hétérogénéité des parcours scolaires antérieurs à l’entrée dans le supérieur ainsi qu’à la variabilité de l’implication des familles, dont l’engagement parental (Baker et Soden, 1998 ; Poncelet et Francis, 2010) dans les études peut fortement diverger d’un étudiant à l’autre.

Le texte s’organise en quatre parties qui se succèdent et qui sont composées de plusieurs chapitres.

La première partie, composée de deux chapitres, expose le contexte de la recherche.

Pour mieux comprendre l’arrivée croissante des étudiants handicapés à l’université, le chapitre 1 propose des éléments de cadrage historiques, législatifs et politiques. Ils permettent de mieux saisir l’émergence de la notion d’inclusion en matière d’éducation (Thomazet, 2006 ; Musset et Thibert, 2010), et semblent nécessaires pour questionner l’émergence d’une « université inclusive ». En France, le passage progressif d’une approche intégrative et diagnostique centrée sur l’élève (Gardou, 1998 ; Tremblay, 2012) à une approche inclusive centrée sur l’accessibilité des environnements et situations pédagogiques constitue un véritable « renversement de perspective » (Benoit, 2008) impliquant de questionner et de repenser les normes et les pratiques éducatives. Le chapitre 2 présente d’une part le contexte national relatif à l’accueil des étudiants handicapés à l’université, la manière dont les établissements du supérieur s’adaptent au handicap et mettent en œuvre des mesures de compensation universitaire du handicap (aménagements et accompagnements). D’autre part, les données quantitatives issues du recensement ministériel annuel permettent de mettre en évidence la répartition inégale des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur (en termes de disciplines et de niveaux) comparativement à la population générale. Enfin, le contexte local spécifique dans lequel la recherche a été menée est présenté pour mettre en évidence les particularités locales du dispositif lorrain et contextualiser plus finement notre recherche.

Une deuxième partie, composée de trois chapitres, présente d’une part un état des

lieux non exhaustif des travaux de recherche relatifs au monde étudiant, à la

performance et à l’apprentissage universitaire ; d’autre part, un état des savoirs relatif à

(18)

l’expérience des étudiants handicapés. Le chapitre 3 retrace l’évolution de la population étudiante de plus en plus hétérogène dans l’université « de masse » et la manière dont l’expérience étudiante et l’apprentissage ont fait l’objet d’un intérêt grandissant mais relativement récent des chercheurs en France. Il propose une analyse des notions d’échec et de réussite nous permettant de glisser progressivement vers une centration sur la qualité de l’apprentissage plutôt que sur la performance. Le chapitre 4 s’intéresse à la complexité et à la variabilité de l’acte d’apprendre à l’université, à la qualité de l’apprentissage étudiant ainsi qu’aux processus de cognition et de socialisation sous- tendus par l’acte d’apprendre à l’université. Différents concepts et notions sont mobilisés afin de mettre en évidence les particularités et les spécificités de l’apprentissage en contexte universitaire : les croyances épistémiques (Perry, 1970), les styles d’apprentissage, les conceptions ou approches de l’apprentissage (Säljö, 1979 ; Entwistle et Ramsden, 1983 ; Biggs, 1987 ; Marton et al., 1993), les formes de compréhension (Biggs et Collis, 1982 ; Entwistle et Entwistle, 1992) ; la notion de matrices socialisatrices et les différenciations qui s’opèrent selon les disciplines et le type d’études (Galland, 1995 ; Lahire, 1997 ; Hermet, 2000 ; Millet, 2003 ; Monfort, 2003) ; les processus de socialisation secondaire, l’intégration académique et sociale, l’affiliation intellectuelle et l’apprentissage du métier d’étudiant (Tinto, 1975 ; Coulon, 1997 ; Jellab, 2011 ; Berthaud, 2017). Le chapitre 5 propose un état des savoirs relatifs à l’expérience et aux parcours des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur. Un tour d’horizon des recherches internationales, le plus souvent qualitatives, met en évidence la diversité du groupe « étudiants handicapés » et de leurs expériences à l’université (Stilwell et al., 1981 ; English, 1993 ; West et al., 1993 ; Synatschk, 1994 ; Reis et Terry, 1997 ; Paul, 2000 ; Holloway, 2001 ; Finn, Getzel et McManus, 2008 ; Gentzel et Thoma, 2008 ; Mullins et Preyde, 2013 ; Weedon, 2016) ainsi que la difficulté à entreprendre des comparaisons internationales (Zendrera et al., 2015 ; Järkestig Berggren et al., 2016).

Dans le contexte français, le handicap à l’université est un objet de recherche nouveau qui a longtemps souffert d’un relatif « désintérêt » (Ebersold, 2008). Quelques travaux émergent cependant ces dernières années, en s’intéressant à l’émergence de groupes militants selon une approche socio-historique (Bas, 2017 ; 2019) ; aux facteurs qui entravent ou facilitent l’accès aux études (Rick, 2011 ; CNH, 2012) ; à l’accessibilité de l’enseignement supérieur et à ses effets émancipatoires ou à l’inverse d’accentuation des vulnérabilités (Georget et Mosnier, 2006 ; Ebersold, 2017 ; Marcellini, 2017) ; à l’évaluation et la perception par les étudiants handicapés des mesures de compensation universitaire du handicap (Segon, Brisset et Le Roux, 2017) ; à la diversité de leurs expériences et de leurs conditions de vie (Vérétout, 2019) ; à leur transition vers l’emploi et leur insertion professionnelle (Segon, 2017).

La troisième partie, composée de six chapitres, est consacrée au cadre théorique,

conceptuel et méthodologique de la recherche. Le chapitre 6 s’intéresse à l’évolution

conceptuelle et au renversement de sens qu’a connu la notion de handicap, aux tensions

relatives à la succession des différents modèles et classifications et à la distinction entre

les notions de déficience, d’incapacité, de handicap et de situation de handicap nous

permettant d’adopter une définition sociologique du handicap (Blanc, 2015). D’autres

théories et concepts relatifs à l’expérience du handicap viennent nourrir l’appareil

théorique : l’étiquetage et la stigmatisation (Goffman, 1975 ; Becker, 1985) issus de la

tradition sociologique de l’Ecole de Chicago ; ainsi que les apports de la sociologie de la

santé, des « disability studies » et de l’approche anthropologique pour penser

l’expérience quotidienne du handicap. Le chapitre 7 se penche sur la cohérence de

l’appareil théorique fondé sur l’analyse de l’interaction entre des dimensions subjectives

et contextuelles dans les processus à l’œuvre. Il explicite la manière dont ce travail

(19)

propose une « lecture en positif » qui s’oppose au « déterminisme objectiviste » (Charlot, 1997) en questionnant l’accessibilité de l’enseignement supérieur et le processus d’accessibilisation (Sanchez, 2000 ; Benoit et Sagot, 2008 ; Blanc, 2015 ; Plaisance, 2013).

Le chapitre 8 propose de faire dialoguer les concepts de rapport au savoir selon une approche microsociologique (Charlot, Bautier, et Rochex, 1992 ; Charlot, 1997 ; 1999) et celui de relation à l’apprendre et de perspectives d’apprentissage (Paivandi, 2011 ; 2015).

Il explore les notions de savoir(s) et de connaissance en questionnant la spécificité des savoirs universitaires, pour envisager qu’il n’y a pas de savoir sans sujet (Schlanger, 1978) et donc sans rapport au savoir (Charlot, 1997). Le chapitre 9 porte sur la notion de sens en sciences humaines et sociales avec un focus sur le sens subjectif (Weber, 1922) afin de questionner le sens des études face à l’injonction au projet en contexte universitaire ; ainsi que sur la question du temps et des temporalités qui rythment la vie étudiante. Le chapitre 10 s’intéresse au processus de socialisation (Darmon, 2007 ; Dubar, 2015) en termes de continuité et de rupture, mais aussi en termes de construction identitaire en adoptant une définition sociologique de l’identité (Kaufmann, 2004 ; Dubar, 2015). La problématisation de la recherche reprend l’appareil conceptuel final et expose l’évolution de nos questionnements, des questions de départ à la problématique, en détaillant les hypothèses de travail qui ont guidé la recherche et l’enquête. Le chapitre 11 détaille les choix épistémologiques et méthodologiques opérés. Selon une approche qualitative et compréhensive centrée sur le sujet qui apprend, la démarche inductive adoptée est détaillée, suivie de la présentation des étudiants interrogés, de la construction des outils méthodologiques, du déploiement de l’enquête, du traitement et de l’analyse des données, des biais de la recherche et des difficultés rencontrées.

La quatrième partie se décompose en six chapitres distincts et présente les résultats de l’enquête et de la recherche. Le chapitre 12 propose une analyse de « l’héritage » scolaire des étudiants interrogés en mettant en évidence des parcours variés dans l’enseignement primaire et secondaire : des parcours plutôt « fluides » en milieu ordinaire et en adéquation avec les normes temporelles de l’institution scolaire (bacheliers « à l’heure ») ; des parcours « alternés » entre milieu ordinaire et milieu spécialisé ou interrompus par des temps de soins ; des parcours « du combattant » ou chaotiques, plus heurtés et en décalage des normes temporelles de l’institution. Le chapitre 13 présente les données relatives aux familles, à l’appartenance sociale et à la profession des parents, mais aussi à l’implication plus ou moins forte de la famille dans la scolarité et les études supérieures de leurs enfants qui fait apparaitre un engagement parental très variable. Le chapitre 14 porte sur le sens que les étudiants interrogés accordent à leurs études et à leur apprentissage et met en évidence la diversité des attentes vis-à-vis de l’enseignement supérieur à partir d’une typologie de quatre projets (professionnel, intellectuel, personnel ou social, en (dé)construction). Une attention particulière est accordée à la manière dont ces projets se construisent « chemin faisant » et sont fortement dépendants des contextes dans lesquels ils se déploient et s’ajustent et bien souvent se déconstruisent face à des barrières et des obstacles liés aux situations de handicap. Le chapitre 15 s’intéresse à la socialisation universitaire, avec une attention particulière portée sur la transition et l’entrée dans l’enseignement supérieur. Selon les moments, les contextes et les situations de handicap ou de participation, les étudiants se sentent parfois reconnus comme « membres » de la communauté avec une appréciation positive de leur intégration académique et sociale, parfois ils sont maintenus dans un statut « d’étranger » et font l’expérience de situations d’exclusion ou de marginalisation, parfois ils sont maintenus dans un espace interstitiel et dans un statut

« d’entre-deux ». Le chapitre 16 met en lumière la diversité des perspectives

(20)

d’apprentissage et de la relation à l’apprendre développées par les étudiants de l’enquête.

Des vécus différenciés de la compensation universitaire du handicap sont mis en

évidence ainsi que ses effets sur l’accès au savoir et la participation aux activités

académiques. L’appréciation et l’évaluation des étudiants vis-à-vis des mesures et du

dispositif de compensation apparaissent fortement liées au sens que l’étudiant accorde

à ses études et à son apprentissage. Enfin, un dernier chapitre, le chapitre 17, propose

des éléments de discussion ainsi qu’une analyse transversale articulant les différentes

thématiques d’analyse abordées précédemment. Ces éléments nous permettront de nous

questionner : peut-on parler d’une université inclusive ?

(21)

Partie 1 : Contexte de la recherche

P

OUR MIEUX

appréhender les problématiques et les enjeux relatifs à l’acte d’apprendre des étudiants handicapés à l’université, certains éléments de contextualisation nous semblent essentiels. La scolarisation des élèves handicapés ou à besoins éducatifs particuliers est progressivement devenue une préoccupation majeure à l’échelle internationale et nationale. Les inégalités qui persistent à l’égard de la population handicapée dans le monde conduisent les politiques internationales et nationales à légiférer. La majorité des pays et des instances internationales ont engagé des politiques de lutte contre les discriminations en (ré)affirmant les droits des personnes handicapés.

Si nous tentons une comparaison internationale, avec les difficultés et les risques que cela comporte, ainsi qu’une brève approche historique de la scolarisation des jeunes handicapés, c’est dans le souci de penser la situation française comme étant une configuration (de) possible(s) parmi une diversité d’autres. Loin de constituer la norme, la situation de la France concernant les processus d’inclusion mais aussi de catégorisation des élèves handicapés est donc toujours relative à une norme située historiquement et géographiquement.

Le premier chapitre propose une brève comparaison internationale, quant à la scolarisation des élèves handicapés, qui permettra de situer la France dans le paysage international en questionnant la variabilité des pratiques d’inclusion selon les différents pays, en fonction de leurs systèmes de valeurs et leurs traditions nationales (Beaucher, 2012). Les recherches mettent en évidence des situations très contrastées selon les pays, qu’il s’agisse de la proportion d’élèves reconnus comme ayant des « besoins éducatifs particuliers » au sein des différents systèmes éducatifs, de leur répartition respective au sein d’établissements ordinaires ou d’établissements spécialisés, et plus généralement du degré d’inclusion de leur législation et de leur société (Madouche, 2006 ; Plaisance et Benoit, 2009). Ensuite, nous nous centrerons sur la scolarisation des élèves handicapés en France : quelle place a-t-on fait et fait-on aujourd’hui à ces élèves dans l’école ordinaire ? Trois périodes seront différenciées car elles sont marquées par des logiques distinctes (Thomazet, 2008) : une période ségrégative caractérisée par la séparation et l’exclusion, une période intégrative, puis une période inclusive. Il s’agira de mieux comprendre pourquoi, dans le contexte français, l’éducation inclusive (Benoit, 2008), dans laquelle il revient à l’école de s’adapter aux besoins de chaque élève (en se focalisant sur l’accessibilité du système scolaire et de l’apprentissage), impose de repenser les situations et les pratiques. Cette perspective historique permettra de mieux appréhender l’héritage susceptible de peser encore à l’heure actuelle sur les représentations et les pratiques relatives à l’inclusion. Nous nous pencherons également sur l’évolution de la terminologie employée pour désigner les élèves « handicapés » ou

« à besoins éducatifs particuliers » et préciserons les choix terminologiques que nous

avons opérés pour désigner les étudiants de notre enquête. Enfin, nous présenterons des

éléments de contextualisation politiques et législatifs qui permettront de saisir comment

les droits à l’éducation des personnes handicapées et la promotion d’une éducation

inclusive sont devenus des préoccupations majeures à l’échelle internationale. En

France, nous verrons qu’il a fallu attendre la loi de 2005 pour qu’un tournant soit opéré,

tant vis-à-vis de la définition du handicap entendu comme « une limitation d’activités ou

une restriction de participation à la vie en société » que de l’inclusion des jeunes

handicapés en milieu scolaire ordinaire. Depuis la loi de 2005, il revient aux

(22)

établissements d’enseignement supérieur la responsabilité de la compensation du handicap dans le cadre des examens, des concours et du contrôle continu. Par la suite, divers textes spécifiques aux étudiants handicapés vont voir le jour ; tandis que, dans le même temps, le secteur associatif se mobilise également autour de l’accessibilité à l’enseignement supérieur pour les étudiants handicapés.

Le deuxième chapitre propose un état des lieux relatif à la population « étudiants

handicapés » dans l’enseignement supérieur en France, à la manière dont les

établissements du supérieur s’adaptent à ce nouveau public, ainsi qu’au contexte local

de cette recherche et les particularités du dispositif lorrain de compensation

universitaire du handicap. De quels éléments statistiques dispose-t-on concernant

l’évolution de la population étudiante identifiée handicapée ? Les établissements

d’enseignement supérieur connaissent une croissance continue des effectifs étudiants

qu’ils identifient « en situation de handicap ». Bien que le recensement disponible

constitue une mesure imparfaite (Le Roux et Marcellini, 2011), il met en évidence une

répartition différenciée, en termes de filières et de niveaux dans l’enseignement

supérieur, comparativement à la population générale. Nous verrons que les étudiants

recensés handicapés sont massivement inscrits à l’université, surreprésentés dans les

formations en lettres, sciences humaines et sociales et dans les premiers cycles (en

licence). Comment les établissements d’enseignement supérieur s’adaptent-ils à ce

nouveau public ? Nous constaterons qu’ils mettent en place différents dispositifs et

mesures de compensation du handicap afin de s’adapter aux nouvelles exigences en

termes d’accessibilité et d’inclusion (Georget et Mosnier, 2006 ; Martel, 2015). Nous

questionnerons l’existence de disparités territoriales, en termes de moyens humains et

financiers selon les établissements, susceptibles d’être productrices d’inégalités. Enfin,

nous détaillerons le contexte local dans lequel s’inscrit notre recherche, ainsi que

l’organisation particulière du dispositif lorrain de compensation du handicap. Son

caractère original réside notamment dans sa création antérieure à la loi de 2005 mais

aussi dans son organisation spécifique puisqu’une association d’associations est

prestataire de l’université pour accompagner les étudiants handicapés.

(23)

Chapitre 1 : Le handicap à l’école : changements de places, de mots, de lois

1. Tour d’horizon international de la scolarisation des enfants handicapés

A

L

ECHELLE

mondiale, les personnes handicapées font partie des groupes les plus marginalisés et les plus exclus, couramment privées de leur droit à une éducation de qualité (UNESCO, 2017). En 2011 dans le monde, on estime à plus d’un milliard le nombre de personnes vivant avec un handicap soit environ 15% de la population mondiale (OMS, 2011), et l’on constate une augmentation du nombre de personnes handicapées, dû notamment au vieillissement des populations et à l’augmentation des problèmes de santé chroniques. Selon le Rapport Mondial sur le Handicap, les barrières qui contribuent au handicap accentuent les désavantages vécus par les personnes handicapées. Les personnes handicapées ont une plus grande probabilité d’être pauvres et en moins bonne santé que le reste de la population, elles connaissent un taux d’inactivité 2,5 fois plus élevé et sont en général moins bien rémunérées lorsqu’elles ont un emploi. Concernant l’éducation, elles ont en moyenne un niveau d’études plus faible et les enfants handicapés ont moins de probabilités d’être scolarisés et de progresser dans le système scolaire (OMS, 2011).

1.1 Une comparaison difficile au regard de la diversité des définitions et des classifications diverses

C

HERCHER

à établir une comparaison internationale et évaluer les avancées dans le domaine de l’éducation et la scolarisation des enfants handicapés semble une entreprise complexe, en l’absence d’une « mesure opérationnelle et comparable » du handicap et face aux différences de systèmes de classification selon les pays (UNESCO, 2016). Les considérations éthiques et financières, ainsi que la diversité des « formes » ou de définitions du handicap contribuent à compliquer les comparaisons internationales.

Un rapport de l’UNESCO (2010) met en évidence de grandes disparités selon les pays quant à la proportion d’élèves identifiés à « besoin éducatif particulier » (BEP) au sein du système scolaire, mais aussi quant à leur répartition dans des établissements ordinaires ou spécialisés. En 2010, dans 30 systèmes éducatifs européens, les élèves identifiés comme ayant un BEP représentaient 3,7% des élèves qui suivent une scolarité obligatoire. Mais de grandes différences s’observent selon les pays étudiés : ainsi ils étaient près de 12% en Lituanie contre moins de 2% en Suède. Des disparités sont également observables dans le temps pour un même pays. Par exemple, une nouvelle définition en Estonie fait passer la proportion d’élèves BEP de 19% en 2008 à 9% en 2010.

D’autres grandes différences s’observent quant à la proportion d’élèves scolarisés en milieu ordinaire par rapport à ceux fréquentant un établissement spécialisé.

Globalement, plus de 40% des élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux fréquentent

(24)

des établissements spécialisés

1

ou des dispositifs qui leur sont particulièrement destinés, mais cette proportion est quasi-nulle en Italie et en Norvège alors qu’elle atteint plus de 80% en Belgique et en Allemagne (UNESCO, 2016).

Dans une visée de comparaison internationale, Éric Plaisance et Hervé Benoit (2009) proposent une typologie de trois groupes de pays selon le degré d’inclusion de leur législation et leur société. Le premier groupe est composé des pays qui mènent une politique d’inclusion, parfois depuis plusieurs décennies comme l’Italie ou la Suède, où l’on retrouve principalement les pays d’Europe du Nord. Le second groupe, intermédiaire, se compose de pays qui ont connu une période d’évolution rapide et importante depuis les années 1990 ou 2000, tels que la France, le Royaume-Uni et le Portugal. Le troisième groupe est composé de pays qui ont une approche de l’inclusion réductrice, souvent liée à des facteurs historiques, comme le Japon qui a un système éducatif très marqué par l’élitisme, ou encore la Lituanie où le système éducatif a été marqué par le totalitarisme (Plaisance et Benoit, 2009).

1.2 La scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers en Europe

A

L

ECHELLE

européenne, la situation des élèves BEP apparait très contrastée en termes de définition du phénomène, mais aussi de mise en œuvre de politiques ou de dispositifs (Poizat, 2006 ; Musset et Thibert, 2010). Pour la période 1996-2004, le taux d’élèves scolarisés « séparément », c’est-à-dire dans des dispositifs ou établissement spéciaux reflète les différentes politiques nationales (Poizat, 2006). Sur l’ensemble des élèves en âge de suivre une scolarité obligatoire, la proportion d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers scolarisés dans des dispositifs séparés est de moins de 1% en Grèce, Espagne, Italie, à Chypre, au Portugal, en Islande et en Norvège ; entre 1 et 3 % dans treize autres systèmes éducatifs ; et de plus de 3% en Belgique, République Tchèque, Allemagne, Estonie, Lettonie, Hongrie, Slovaquie et Finlande (Poizat, 2006). Toutefois, le taux d’élèves scolarisés dans l’enseignement spécial ou « séparé », ne suffit pas à lui seul pour établir des conclusions sur la qualité de l’éducation.

Une étude comparative des politiques du handicap dans plusieurs pays européens met en évidence trois groupes selon leur degré d’inclusion en milieu ordinaire et l’existence d’une éducation spéciale ou spécialisée (Madouche, 2006). Le premier groupe est constitué de pays qui ont privilégié la « voie de la trajectoire unique » (one-track approach) où moins de 0,5% des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers sont scolarisés dans des établissements spécialisé au profit d’une inclusion de tous les élèves en milieu ordinaire. C’est le cas pour la Norvège, la Suède et l’Italie, rejoint plus récemment par l’Espagne, le Portugal et la Grèce. Le second groupe se compose de pays qui pratiquent deux systèmes éducatifs distincts (two-track approach) tels que la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et l’Allemagne, dans lesquels les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers sont très marginalement intégrés dans les écoles ordinaires, au profit d’une scolarisation dans des écoles ou des classes spéciales. Les pays qui constituent le troisième groupe privilégient une « approche multiple de l’intégration » (multi-track approach), tels que la France, l’Angleterre, l’Autriche, la Finlande, le Danemark, l’Irlande, le Luxembourg et la Pologne. Dans une position intermédiaire par rapport aux deux groupes précédents, ces pays mettent en place des

1 Des établissements qui relèvent de l’enseignement spécial ou « séparé » (Poizat, 2006) par opposition aux établissements dit en milieu ordinaire.

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