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Place et images des langues étrangères dans les bibliothèques municipales françaises : un cas pour les sciences de l'information.

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00808999

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00808999

Submitted on 8 Apr 2013

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Place et images des langues étrangères dans les bibliothèques municipales françaises : un cas pour les

sciences de l’information.

Laurence Marion Lhuillier

To cite this version:

Laurence Marion Lhuillier. Place et images des langues étrangères dans les bibliothèques municipales françaises : un cas pour les sciences de l’information.. Sciences de l’information et de la communication.

Université de Grenoble, 2012. Français. �NNT : 2012GRENL001�. �tel-00808999�

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Université Joseph Fourier / Université Pierre Mendès France / Université Stendhal / Université de Savoie / Grenoble INP

THÈSE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE

Spécialité : Langues, Littérature et Sciences humaines/

Sciences de 'Information et de la Communication

Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par

Marion LHUILLIER

Thèse dirigée par Laurence BALICCO

préparée au sein du Laboratoire GRESEC –

Groupe de Recherches sur les Enjeux de la Communication

dans l'École Doctorale n° 50

(Langues, littérature et Sciences Humaines) Université de Grenoble

Place et images des langues

étrangères dans les bibliothèques municipales françaises : un cas pour les sciences de l’information

Thèse soutenue publiquement le 14 septembre 2012, devant le jury composé de :

Madame Laurence BALICCO

Professeur, Université Pierre Mendès France Grenoble II, Directrice de thèse Madame Dominique CARTELLIER

MCF/HDR, Université Pierre Mendès France Grenoble II, Examinateur Madame Viviane COUZINET

Professeur, Université Paul Sabatier Toulouse III, Présidente du jury, Rapporteur

Monsieur Hervé LE CROSNIER

MCF/HDR, Université de Caen Basse-Normandie, Rapporteur

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(4)

1

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont :

À Laurence Balicco, ma directrice de recherche pour la patience qu'elle a su opposer à mes relances inquiètes, au GRESEC et à Isabelle Pailliart pour m'avoir admise dans leurs rangs, À Christine Carrier pour m'avoir accordé un aménagement de mes horaires de travail, sans lequel il n'aurait pas été possible de mener ce travail à son terme, à Anne-Cécile Génier et Cécile Zoïa pour m'avoir efficacement secondée à la Bibliothèque Internationale de Grenoble, À Pauline Roland et Leslie Thérond qui ont assuré, dans le cadre de leur seconde année de Master, le recensement des bibliothèques municipales françaises engagées dans les langues étrangères, comme à Evelyne Mounier et Talal Zouhri qui les ont encadrées,

À tous les bibliothécaires qui se sont pliés avec patience à l'exercice de l'entretien et dont les réponses ont nourri ma recherche,

À Florence Trottier pour avoir assuré avec diligence et professionnalisme la mise en page de ce travail,

Au Groupement d'Intérêt Scientifique Institutions Patrimoniales et Pratiques InterCulturelles, et particulièrement à Hélène Hatzfeld et Ghislaine Glasson Deschaumes pour leur intérêt et leur soutien institutionnel tacite,

À Sylviane Teillard et Catherine Pouyet qui m'ont embauchée pour construire au concret le projet de la Bibliothèque internationale de Grenoble : ce fut une belle aventure.

À Marie-Claude Bajard et Francis Grosmann pour avoir les premiers pris au sérieux ce projet de recherche,

À tous les ami(e)s qui ont accepté de me voir disparaître pendant quelques années de leur proche horizon sans en prendre ombrage et qui m'ont, par la voix et la parole, permis

d'achever ce travail, à mon frère et ma sœur qui se sont régulièrement inquiétés de mon état de recluse,

À mes trois enfants pour m'avoir enseigné les obstacles de la course de fonds et ne jamais s'être départis de leur soutien,

Au Docteur Henri Pinatel dont la perspicacité fulgurante m'a encouragée,

Enfin et surtout au Docteur Jean-Pierre Pinard-Bertelletto, qui a partagé avec vaillance les conditions spartiates de ma vie de doctorante et a su m'entraîner, malgré quelques

mouvements d'humeur, vers les sommets montagneux d'ici et d'ailleurs pour prendre de la

distance et soutenir ce marathon.

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2

IN MEMORIAM

En souvenir de Michèle Verneyre, docteur en sciences de l'éducation, qui, la

première, m'a suggéré de m'engager dans un travail de recherche.

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3

RESUME

Sujet

Place et images des langues étrangères dans les bibliothèques municipales françaises : un cas pour les Sciences de l'Information

Résumé

Issu d'une pratique professionnelle consacrée à l'offre en langues étrangères dans une bibliothèque municipale, ce travail de recherche questionne le positionnement de l'institution, basée sur le principe d'égalité d'accès au service public de la lecture, alors que celle-ci cherche à enrayer la baisse de sa fréquentation et celle du nombre de ses inscrits à une époque caractérisée par l'accroissement des mouvements migratoires et l'augmentation conséquente du plurilinguisme. La problématique s'attache aux transformations des pratiques et des représentations des professionnels dans les bibliothèques municipales métropolitaines induites par l'introduction d'une offre en langues étrangères, en questionnant les notions de public, d'information et de positionnement institutionnel. Une première enquête quantitative vise à établir le nombre d'établissements concernés par cette offre singulière et la taille de celle-ci en volume et en valeur ; une seconde enquête qualitative s'attache à l'analyse des propos recueillis lors d'entretiens en face à face avec des professionnels, des non usagers des bibliothèques et des élus dont dépendent ces établissements. Les résultats montrent des bibliothèques nombreuses à proposer ce type d'offre, les faibles volumes et valeurs de celle-ci. Ils soulignent une méconnaissance des publics cibles comme de leurs attentes, le bouleversement des pratiques et des représentations professionnelles engendré par la prise en compte du critère inhabituel de la langue des usagers et des documents, la transformation du positionnement des bibliothécaires, des publics et de l'institution finalement peu investie dans le champ des langues étrangères. Ils montrent que cette question déborde les pouvoirs décisionnels des professionnels, interpelle ceux de la tutelle territoriale et de l'Etat. Ils ne permettent pas de déterminer si l'évolution de cette offre singulière relève plus de l'ombre d'un développement ou d'un développement dans l'ombre.

Mots-clefs

bibliothèque municipale, langue française, langue étrangère, plurilinguisme, migrant,

immigrant, non public, interculturalité.

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4

SUMMARY

Subject

Status and place of foreign languages in the French public libraries: a case for information sciences.

Abstract

Initiated and informed by years of professional experience dedicated to providing foreign language resources in a French public library, this research questions the positioning of the library as an institution anchored in the principle of equal access to public service, in the context of a decline in both attendance and enrolment as well as that of increased international migration and multilingualism. The argument focuses on the transformation of practice and professional representation generated by the introduction of foreign language material in France’s municipal libraries and questions the notions of “general public,”

“information,” and “institutional positioning.” A quantitative survey assesses the size of the phenomenon. The qualitative survey analyses observations collected during face-to-face interviews with professionals, with non-library users as well as with elected representatives responsible for overseeing public libraries. Results reveal a real, albeit limited evolution:

while numerous libraries now provide resources in foreign languages, such offers remain small in terms of both volume and value. They also highlight a lack of understanding of the nature and expectations of target audiences, the disruption of professional practice and representation generated by the acknowledgment of language as one of the criteria to shape the offer of resources, the transformation of the positioning of public librarians, of audiences and, more generally, of an institution not yet substantially involved in the field of foreign languages. In conclusion, the results show that this question goes beyond the sole decision-making power of public libraries themselves and falls more broadly in the remit of territorial and national authorities. Whether the development of foreign language resources in French public libraries is merely a passing shadow or, on the contrary, a significant evolution remains to be determined.

Keywords

public library, French language, foreign languages, plurilingualism, library needs, migrants,

immigrants, non user, interculturalism.

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TABLE DES MATIERES

Remerciements ... 1

In memoriam ... 2

Résumé ... 3

Summary ... 4

Introduction ... 7

Les bibliothèques municipales au risque du plurilinguisme des publics ... 17

La reconnaissance des publics linguistiquement et culturellement divers ... 18

1. Un thème ancien et récurrent à actualiser : la diversification des publics et leur accroissement .... 20

2. Des lacunes quantitatives et qualitatives à combler ... 23

3. Schémas à l’oeuvre ... 31

De la transformation des pratiques bibliothéconomiques à une redistribution des places des personnels et des publics ... 36

1. Les collections ... 36

2. Des pratiques empiriques ... 42

3. De nouveaux territoires pour les professionnels et les publics ... 49

D’un lieu d’intégration à un lieu d’hospitalité, vers un substrat commun ? ... 53

1. D’un lieu d’intégration … ... 53

2. … À un lieu social de construction de soi et d’hospitalité et de médiation ... 63

3. Un "substrat commun" en voie de constitution ?... 66

Des hypothèses inscrites dans les Sciences de l'Information et de la Communication, une double méthodologie ... 75

Des hypothèses liées à un contexte complexe et inscrites dans les Sciences de l'Information et de la Communication ... 76

1. Connaissance quantitative et qualitative des publics allophones ... 78

2. Collections et pratiques bibliothéconomiques ... 80

3. Le positionnement des professionnels et de l'institution ... 81

Une double méthodologie d'enquête ... 84

1. Recensement des bibliothèques municipales du territoire métropolitain dont tout ou partie des collections est constitué de documents et/ou de services en langues étrangères : ... 85

2. Les entretiens qualitatifs ... 92

3. Entretiens avec des non usagers et avec l’élue à la culture de Grenoble ... 95

RECUEIL ET EXPLOITATION DES DONNÉES ... 98

1. Recueil de données ... 98

2. Exploitation des données ... 105

Un développement dans l'ombre ou l'ombre d'un développement ? ... 118

LES PUBLICS ... 119

1. Connaissance des publics et de leurs attentes ... 120

2. La question de l'immigration ... 128

L’OFFRE ET LES PRATIQUES BIBLIOTHECONOMIQUES ... 138

1. L'offre ... 138

2. Transformation des pratiques bibliothéconomiques ... 153

Le positionnement des professionnels et de l'institution ... 170

(9)

6

1. Les publics à l'égal des professionnels ... 170

2. Les institutions ... 180

3. Vers un substrat commun ? ... 190

Conclusion ... 199

ANNEXES ... 206

Annexe n° 1 / Mouvements migratoires internationaux et transmission des langues en France ... 207

Annexe n° 2 / Etrangers, immigrés ... 210

Annexe n° 3 / Questionnaire administré aux non usagers de la BMI de Grenoble ... 212

Annexe n° 4 / Questionnaire guide d'entretien avec Madame l'élue à la culture de Grenoble ... 215

Annexe n° 5 / Récapitulatif des éléments caractéristiques des onze bibliothèques retenues ... 216

Annexe n° 6 / Questionnaire administré aux bibliothécaires ... 222

Annexe n° 7 / Responsabilités des bibliothécaires rencontrés... 226

Annexe n° 8 / Résultats du recensement ... 227

Annexe n° 9 / Médiathèque Le Dôme – Albertville ... 235

Annexe n° 9 / Bibliothèque d'agglomération Bonlieu - Annecy ... 257

Annexe n° 9 / Médiathèque Paul Éluard – Aubervilliers ... 287

Annexe n° 9 / Bibliothèque Municipale Internationale - Grenoble ... 311

Annexe n° 9 / Médiathèque – Mâcon ... 332

Annexe n° 9 / Bibliothèque Marguerite Yourcenar – Paris 15è ... 368

Annexe n° 9 / Médiathèque Jean Falala Reims ... 410

Annexe n° 9 / Médiathèque Jacques Baumel – Rueil Malmaison ... 440

Annexe n° 9 / Médiathèque – Communauté d'agglomération Sarreguemines Confluences ... 470

Annexe n° 9 / Médiathèque André Malraux - Strasbourg ... 494

Annexe n° 9 / Bibliothèque Georges Perec Vaulx-en-Velin ... 505

Annexe n° 10 / Thématiques, séquences et entretiens ... 540

Annexe n° 11 / Entretiens avec des non usagers ... 545

Annexe n° 12 / Résultats des entretiens avec des Grenoblois non usagers de la BMI. ... 570

Annexe n° 13 / Compte-rendu de l'entretien avec Madame la 10è adjointe à M. le Maire de Grenoble ... 572

Annexe n° 14 / Langues utilisées dans les outils de communication ... 575

Annexe n° 15 / IFLA – Multicultural Communities: Guidelines for Library Services ... 576

Annexe n° 16 / Bibliographie ... 611

Annexe n° 17 / Sitographie ... 621

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7

INTRODUCTION

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1

La présentation abrupte, et sans doute légèrement provocante sous sa forme originale, d'un extrait du poème de Mahmoud Darwich Une rime pour les Mu’allaqat (Darwich, 1996 : 89) répond à un double objectif. Par son contenu d'abord, qui honore la langue et la dit indissociable de l'individu qui la parle, il sert à pointer l'importance du lien à la langue maternelle affirmée par les linguistes (Bentolila, 2008 : 191 et Billiez, 1985 : 95-105) et les ethnopsychiatres (Moro, 2011) qui sous tend les discours et les actions de certains bibliothécaires, parmi lesquelles nous nous situons. Par sa forme ensuite il montre à notre lecteur peut-être désemparé les difficultés auxquelles se heurtent les professionnels des bibliothèques, rarement plurilingues et encore plus rarement arabophones, amenés à travailler sur les collections en langues étrangères dans les bibliothèques municipales françaises qui peuvent réunir des documents en caractères latins et non latins au sein d'une offre maintenant plus diversifiée à destination de publics dont l'institution bibliothèque semble ignorer ou faire semblant d'ignorer qu'ils sont souvent allophones

2

.

Un cas pour les Sciences de l'Information et de la Communication

1 Darwish, Mahmoud (1941-2008), Limâdhâ tarakta al-hisân wahîdan, Beyrouth, Riad el-Rayyes Books, 1995. ت ـﱠ ـَ ـُ ـْ ا ِ ـ ْ أ ْ ـِ ٌ ـَ ـِ ـ, Une rime pour les Mu’allaqat. (Les mu’allaqat sont des poèmes arabes préislamiques, le mot veut dire littéralement poèmes suspendus. Ils sont un modèle de perfection pour la poésie arabe classique). "De ma langue je suis né sur la route de l’Inde Au sein de deux petites tribus Vivant sous la lune des religions anciennes et de la paix impossible Je suis ma langue, moi. Et je suis un, deux, dix poèmes suspendus. Voici ma langue. Je suis ma langue. Et je suis Ce que les mots ont dit : Sois notre corps, et je fus un corps pour leur timbre […] Voici ma langue et mon miracle." Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?, Actes Sud, 1996, traduit par Elias Sanbar, p. 123.

2 "Allophone : en didactique (linguistique), personne dont la langue maternelle est une langue étrangère, dans la communauté où elle se trouve". In : Le grand Robert de la langue française, 2è édition, Paris, Dictionnaires le Robert, 2001 : 380)

(11)

8 Telles ont été en effet nos expériences déconcertantes à la Bibliothèque Municipale Internationale de Grenoble (BMI) à la création de laquelle nous avons participé en l'an 2000, dont nous avons assuré l'ouverture aux publics en 2003, la responsabilité depuis lors jusqu'à aujourd'hui. Cette dernière, ressentie par nous comme isolée et singulière au sein du réseau des bibliothèques de Grenoble comme dans la profession, nous a conduite à vouloir prendre de la distance d'avec les tâches quotidiennes, souvent strictement bibliothéconomiques de notre exercice professionnel, à déterminer dans quel contexte cette bibliothèque, dite spécialisée à Grenoble, s'inscrivait, à isoler les questions soulevées par ce travail particulier et à les approfondir, à éventuellement apporter notre pierre à l'édification peut-être naissante, certainement fragile d'une offre en langues étrangères dans les bibliothèques de lecture publique françaises et donc à engager ce travail de recherche. Le cas de la BMI est donc bien à l'origine de notre réflexion.

Dans un article du Bulletin des Bibliothèques de France (BBF) consacré aux thèses sur les bibliothèques, Y. Polity (2001 : 64-70) relève, malgré l'élargissement du corpus étudié au- delà des seules bibliothèques relevant de l'Etat et des collectivités territoriales, aux bibliothèques privées, à celles des écoles primaires, des collèges et des lycées, et à celles de certaines autres professions, la rareté des thèses sur les bibliothèques : seules 91 thèses portant sur ce sujet ont en effet été soutenues entre 1971 et 2000. Elle note également que les Sciences de l'Information et de la Communication contribuent pour environ un tiers des thèses à la recherche sur les bibliothèques mais que le type de bibliothèques étudié dépend des disciplines dans lesquelles ces recherches ont été menées : si les bibliothèques universitaires ou spécialisées sont les objets de prédilection des Sciences de l'Information et de la Communication, les établissements de lecture publique sont ceux de la sociologie. Dans cette autre perspective, notre recherche, dont le territoire est circonscrit aux bibliothèques municipales mais qui relève des Sciences de l'Information et de la Communication, peut également apparaître comme un cas.

Les conditions de production de notre travail de recherche (activité professionnelle à plein

temps) confirment l'âpreté de celles décrites par Y. Polity dans l'article précité mais notre

parcours professionnel qui n'a pas suivi la voie traditionnellement en vigueur dans le monde

des bibliothèques de lecture publique jalonnée des concours de la Fonction Publique

Territoriale (Assistant qualifié de conservation et/ou Bibliothécaire et/ou Conservateur), ni

celui d'un cursus universitaire en Sciences de l'Information et de la Communication, comme

la fin prochaine de notre activité professionnelle dans le réseau des bibliothèques de

(12)

9 Grenoble, font également des circonstances de production de cette thèse un cas parmi les différentes situations analysées par Y. Polity dans son article du BBF.

Une approche spécifique

L'objet même de notre travail – les transformations induites par l'introduction d'une offre en langues étrangères dans les bibliothèques municipales métropolitaines, qu'elles soient d'ordre informationnel, communicationnel ou institutionnel, mais toujours vues de l'intérieur - dont le pivot est la question des langues étrangères dans les bibliothèque françaises de lecture publique - n'a jamais, à notre connaissance, constitué un sujet de recherche. Approché sous des angles différents du nôtre, il a été abordé, dans le cadre des recherches de certains élèves conservateurs à l'ENSSIB

3

, sous l'angle des collections dans une langue et pour une ville précises (Bidard, 2002), ou sous celui de l'accueil de publics spécifiques : le public étranger (Godonou-Dossou, 2002), les populations migrantes (Moncey, 2008) ou le public chinois (Suchet, 2006). Il l'a été également par le biais d'une comparaison avec des réalisations étrangères aux Etats-Unis (Tacheau, 1998) ou à partir d'exemples étrangers comme le Québec (Laurenceau, 2004), ou selon une partition entre les langues d'étude et les langues dites d'immigration (Bouquin, 2001). Il a enfin été effleuré dans le cadre d'un questionnement sur la diversité culturelle en bibliothèque (Salanouve, 2011). Nous notons d'ailleurs que la majorité de ces travaux, exception faite de celui d'O.

Tacheau qui date de 1998, appartient au 21

ème

siècle, rejoignant en cela notre remarque précédente sur la construction récente et peut-être en cours d'une offre en langues étrangères à destination de ces publics spécifiques.

La focale de ce travail est orientée vers la place accordée et reconnue aux langues étrangères dans les bibliothèques municipales métropolitaines en terme d'offre, que nous estimions rare et parcimonieuse faute d'un état des lieux disponible, tant pour ce qui concerne sa composition - quel type de documents - que pour ce qui concerne son volume et sa valeur. En la resserrant nous nous consacrons à l'analyse des pratiques bibliothéconomiques spécifiques concernant ces fonds singuliers. En l'élargissant, nous nous intéressons aussi aux différents acteurs en présence. Nous étudions également les représentations à l'œuvre à l'égard des langues étrangères en bibliothèque, qu'elles concernent les langues présentes, les publics concernés, les professionnels en place et l'institution.

3 Ecole Nationale Supérieure des Sciences de l'Information et des Bibliothèques (Lyon)

(13)

10 L'objectif est donc d'interroger, au travers des témoignages recueillis auprès des professionnels en charge de ces collections, le positionnement de l'institution, fondée sur le principe d'égalité d'accès au service public de la lecture (Bertrand, 1999 : 172), dans un temps où l'institution cherche à attirer de nouveaux usagers et où les démographes soulignent l'accroissement des mouvements migratoires (Organisation de Coopération et de Développements Economiques (OCDE), 2010 : 204-205) et l'atténuation de la distinction habituelle entre pays d’émigration et pays d’immigration (Simon, 2002 : 3).

Une problématique qui cible les transformations induites par cette offre spécifique

Ceci nous conduit à poser la problématique suivante : la prise en compte d’un fonds spécifique, ici celui des collections en langues étrangères, transforme, par la traversée de frontières géographiques, techniques et symboliques que nous supposons, les pratiques et les représentations des professionnels dans les bibliothèques municipales françaises métropolitaines que ces modifications concernent l’appréhension de publics spécifiques et la compréhension de leurs attentes, les techniques bibliothéconomiques mises en oeuvre ou les liens que les personnels et l'institution entretiennent avec l'institution scolaire, avec les collectivités territoriales et avec l’Etat.

Une photographie plutôt qu'une perspective historique

Ce travail ne met pas en évidence une perspective historique, entendue comme un "avant"

et un "après". Il s'agit de la photographie à un instant T des transformations à l'œuvre dans

les pratiques professionnelles et les représentations des bibliothécaires, dès lors qu'il est

question des collections en langues étrangères dans leur établissement. La création

relativement récente de ces fonds et des services qui leur sont attachés de même que la

fragilité actuelle de leur existence ne nous permettent pas en effet d'affirmer qu'ils se

développeront de façon conséquente sur le long terme. Nous notons simplement comme

possible l'inscription de notre réflexion dans un courant de pensée critique postcolonial

(Naudet : 2011) qui appelle à une espèce de décentrement, à une conversion du regard (ib.)

sur lequel l'institution bibliothèque ne saurait faire l'impasse sans se priver d'un lectorat non

encore acquis ni rater son inscription dans une époque que caractérise l'importance des

mouvements internationaux de population précédemment signalée.

(14)

11 Une mise en évidence et une vérification

Cette recherche ne se présente pas comme un état comparatif systématique entre les pratiques en usage pour les collections en langue française et celles en vigueur pour les collections en langues étrangères : rares sont en effet les bibliothécaires à ne travailler que sur ces dernières et notre expérience professionnelle n'est probablement pas représentative. Si nous avons fait nôtres le rôle de la bibliothèque, le principe de l'égalité d'accès à la lecture sur lequel il repose et les techniques qui y sont utilisées, nous n'avons en effet jamais travaillé sur l'offre en langue française, traditionnellement proposée dans les établissements. Fréquentes ont d'ailleurs été nos interrogations, au cours de notre exercice professionnel, sur la justesse des options prises lors de la constitution et au fil du développement des collections et des services proposés par la BMI – ne fallait-il pas développer une offre liée à l'apprentissage des langues plutôt que des collections en langues originales constituées dès l'origine ? - tout comme lors de l'évaluation de ces collections tant elle diffère d'une langue à l'autre et interroge la variété offerte : faut-il conserver, pour certaines langues, une offre qui ne rencontrerait pas son public à l'heure où l'évaluation se fait reine et les ressources financières comptées ? Ces interrogations ont été convoquées dans notre recherche. L'intention est donc de mettre en évidence et de vérifier auprès d'autres professionnels amenés à travailler sur cette offre singulière les transformations que nous supposons à l'œuvre tant en terme de représentations qu'en terme de pratiques et de liens entre les différents acteurs.

Un cadre particulier : le contexte hexagonal

Si nous faisons référence à des exemples étrangers, pour certains remarqués dans la

littérature spécialisée et dans un site qui les recense (LibrariesForAll.eu - New Models for

Intercultural Library Services), nous n'en avons pas systématisé la comparaison. Ceux dont

nous avons connaissance aux Etats-Unis (Queens Library), au Canada (Ville de Montréal -

Réseau des bibliothèques publiques de Montréal - Ici et ailleurs), en Finlande (Helsinki City

Library - Materials in different languages), en Suède (Brigant, 1991), en Allemagne

(Interkulturelle Sprach- und Leseförderung - Berlin.de) sont en effet liés à des contextes où la

question linguistique, celle de l'immigration, la mission de l'institution bibliothèque – qui se

distingue du rôle attribué aux bibliothèques municipales françaises (Bertrand, 1992 : 634) -

(15)

12 les rendent profondément différents du contexte hexagonal. Certains travaux de recherche l'ont souligné de façon explicite (Tacheau, op. cité) ou plus indirecte (Bona de la Plata, 2011).

Toutefois ces réalisations étrangères comme les travaux de recherche existants et la littérature spécialisée étrangère qui développe cette question beaucoup plus largement qu'en France ont nourri notre réflexion et ont contribué à l'inscrire au sein des Sciences de l'Information et de la Communication.

Des hypothèses inscrites dans les Sciences de l'Information et de la Communication

Les bibliothèques de lecture publique, objets des sciences de l'information et de la communication plutôt que champ véritable de recherches (Polity, 2001 : 66), constituent l'univers de référence de notre travail mais nous le circonscrivons au territoire métropolitain. En effet la question des langues innerve de façon ouverte la vie des institutions des Collectivités d'Outre-Mer (COM) comme en témoignent les comptes rendus d'audience au Conseil d'Etat (2006 ; 2007) et modifie le contexte où sont situées les bibliothèques municipales de ces espaces géographiques.

Pivot de notre réflexion, la présence des langues étrangères dans les bibliothèques municipales est aussi le prisme au travers duquel nous avons questionné certaines notions relevant des SIC et posé nos hypothèses :

Les publics : la sociologie de l'information souligne combien il est essentiel pour les fournisseurs de services publics d'être conscients de la diversité de leurs usagers et usagers potentiels (S. Edwards et A. Hall, cités par Poissenot et Ranjard, 2005 : 16).

Ainsi les bibliothèques des Etats-Unis ont depuis longtemps engagé de nombreuses

études quantitatives pour connaître le profil de leurs utilisateurs comme de ceux qui

ne le sont pas (Burke, 2009) et certains établissements français ont mené des enquêtes

de fréquentation les concernant (Chatelet et al., 2006). Si les publics sont un caractère

secondaire de l'ensemble des activités municipales françaises comme le note I. Paillart

(2002), les bibliothèques ont appris à segmenter leurs publics et s'essaient à adapter

leur offre aux attentes des différentes catégories identifiées. Pourtant la baisse de leur

fréquentation et l'intérêt récent de l'institution pour ceux qui en sont absents, en

France (Poissenot, 2003 ; Bertrand, 2007) ou ailleurs (Moeschler, 2008) montrent

l'importance des études qualitatives à mener auprès des usagers et des non usagers de

ces établissements (Burke, art. cité). Or il semblerait que la tendance amorcée dès les

(16)

13 années 1980 à vouloir diversifier les publics des bibliothèques ne prendrait pas ou que peu en compte la diversité linguistique de la population française et que, lorsque celle- ci est prise en considération, cette façon de faire s'opèrerait, tant au niveau des publics qu'au niveau de l'offre qui leur est destinée, selon des représentations des langues éventuellement contestables liées à leur qualité supposée d'étude ou à leur lien avec l'immigration (Bouquin, 2001).

L'information : Lieu de collecte et d'offre de documents et de services, la bibliothèque est bien un lieu ressource d'informations proposées sous différentes formes : imprimée ou numérique, textuelle ou iconographique (Polity, 2001). La collecte met en œuvre des stratégies, des processus et des outils de recherche d'informations et l'offre en implique le traitement par l'analyse bibliographique effectuée par des outils maintenant informatiques, leur classement, leur rangement, leur accessibilité pour être utilisées. Dans le champ de l'information, envisagée sous les angles mentionnés ci- dessus, la présence des langues étrangères en bibliothèque nous conduit à interroger le contenu de l'offre en langues étrangères, le spectre des langues proposées, l'éventuelle hégémonie de l'anglais et les rares préconisations trouvées sur cette question dans la littérature spécialisée. Elle implique de questionner, parce que nous les supposons différents des usages habituels, les pratiques des bibliothécaires travaillant sur ces fonds spécifiques pour ce qui concerne leur traitement, leur classification et leur mise en place tout comme les ressources et les outils permettant traditionnellement aux professionnels de constituer les collections et de les faire vivre.

Le positionnement des professionnels et de l'institution : La politique des

bibliothèques des Etats-Unis se base sur la notion d'égalité de services à proposer à

leurs usagers quelles qu'en soient les spécificités ethniques, culturelles ou linguistiques

(Reference & User Services Quaterly (RUSQ), 2008). Les spécialistes français soulignent,

quant à eux, le respect, par l'institution, du principe d'intégration dans la francophonie

et la culture française des lecteurs d'origine étrangère (Calenge, 1994 : 294 ; Bouquin

Keller, 2003 : 34). L'institution se positionne donc comme médiatrice de

l'apprentissage du français en vue de l'intégration linguistique et culturelle de ses

usagers et fait sien cet enjeu sociétal.

(17)

14 La présence des langues étrangères en bibliothèque, celle-ci considérée sous l'angle de son positionnement, nous invite à penser qu'elle conduirait l'institution à prendre ses distances d'avec le "dogme" du monolinguisme d'Etat en reconnaissant le multilinguisme existant (Cerquiglini, date non précisée) pour mieux respecter le principe de l'égalité d'accès au service public de la lecture qui la fonde et à s'éloigner de la fonction intégrative qu'elle se reconnaît jusqu'à présent. Ce faisant l'expertise de la profession, hier catalogage, aujourd'hui acquisition pourrait se situer dans la médiation, dont le paradigme serait renouvelé et confèrerait aux bibliothécaires comme aux publics un nouveau positionnement. Nous posons également comme hypothèse que l'introduction des collections en langues étrangères en bibliothèque serait d'origine hétérogène et pourrait relever notamment du fait de la tutelle territoriale à la recherche d'objectifs variés. Enfin, si l'efficacité d'un substrat commun réunissant les personnels, les collectivités territoriales et l'Etat a été éprouvée lors de la modernisation des bibliothèques en France dans les années 1966-1977 (Bertrand, 1999 : 308), nous voulons vérifier si cette conjonction est réunie pour que se développent les collections en langues étrangères dans les bibliothèques municipales métropolitaines.

Organisation de la réflexion et indications méthodologiques

Le plan suivi reprend les trois étapes de notre travail : un état des connaissances, une phase d'enquêtes, une présentation de leur analyse et des résultats qui en découlent.

L'état des connaissances s'attache dans un premier temps à la question des publics en

soulignant d'abord le pluriel de l'expression, la pauvreté des outils disponibles pour

connaître ceux auxquels l'offre en langues étrangères en bibliothèque est destinée, enfin les

représentations à l'œuvre, dans l'institution, pour les décrire. Dans un second temps, il se

concentre sur l'offre en langues étrangères dans les établissements de lecture publique, les

pratiques bibliothéconomiques qui lui sont liées, les nouveaux territoires des bibliothécaires

et des usagers peut-être en ébauche. Dans un troisième temps enfin, il s'attache au

positionnement actuel de l'institution comme lieu d'intégration, en souligne les glissements

en cours et présente les différents acteurs interpellés par la question des langues étrangères

en bibliothèque.

(18)

15 La deuxième partie de notre travail présente les méthodologies utilisées pour répondre aux deux objectifs que nous nous sommes fixés. En premier lieu, savoir ce que parler de l'offre en langues étrangères veut dire, tant en termes de nombre de bibliothèques concernées par ces collections, qu'en terme de volume, de valeur et de variété des langues offertes. Il s'agit donc d'une opération de recensement réalisée au moyen d'une enquête quantitative dont nous délimitons d'abord le champ, décrivons ensuite les outils puis les modalités de réalisation. En second lieu, cerner, auprès de professionnels issus d'un échantillon de bibliothèques engagées dans la constitution de cette offre singulière, les publics visés, la façon dont ils les appréhendent et la place qu'ils leur accordent, le détail des collections et des services mis en place, les techniques bibliothéconomiques utilisées, le rôle reconnu à chacun des acteurs en présence. Une enquête qualitative s'est donc révélée appropriée et nous décrivons les modalités de sa mise en place. Pour compléter le dispositif d'enquête, nous avons cherché à connaître les attentes de certains non usagers pourtant visés par cette offre singulière, et l'opinion des représentants des collectivités territoriales, lieux d'implantation des bibliothèques retenues. Nous en décrivons également la mise en place.

Le descriptif du recueil et de l'exploitation des données achève cette seconde partie méthodologique.

Les résultats et les analyses de l'ensemble des enquêtes constituent la troisième partie du travail qui souligne les transformations à l'œuvre dans les bibliothèques dues à l'introduction des collections en langues étrangères. De ce point de vue, nous nous attachons, dans un premier temps, à analyser les informations recueillies qui concernent les publics, leurs descriptions, leurs attentes et les images qu'en ont les professionnels interrogés. Dans un second temps, nous nous consacrons au détail de l'offre, tant en matière de collections qu'en matière de services et aux pratiques bibliothéconomiques utilisées par les bibliothécaires interrogés. Dans un troisième temps enfin nous analysons les effets liés à l'introduction des langues étrangères dans les bibliothèques sur chacun des acteurs en jeu : les professionnels, les publics, l'institution, les collectivités territoriales et interrogeons la place de l'Etat sur cette question.

Eclaircissements terminologiques

(19)

16 Nous distinguons deux catégories de termes à expliciter : ceux qui relèvent de la bibliothéconomie et ceux qui relèvent de la linguistique, considérée sous l'angle de la langue étrangère. Les bibliothécaires utilisent les premiers pour décrire l'environnement qui les entoure et qu'ils construisent, le concret de leurs tâches et des techniques qu'ils utilisent.

Connus et compris de tous les professionnels, ils forment consensus. C'est pourquoi nous les avons volontairement conservés dans notre travail. Néanmoins, nous savons qu'ils sont hermétiques pour les usagers des bibliothèques et comprenons qu'ils puissent l'être également pour nos lecteurs. Nous en donnons donc les définitions dès leur première apparition dans le texte. Le champ des langues étrangères, relevant lui de la linguistique, fait référence à des concepts – multi- et plurilinguisme par exemple- et des notions, comme l'allophonie par exemple, dont les contours retenus ici nécessitent, eux aussi, d'être précisés.

Nous avons choisi d'expliquer les acceptions retenues de chacun de ces termes au fil de leur

apparition dans le texte.

(20)

17

LES BIBLIOTHEQUES

MUNICIPALES AU RISQUE DU PLURILINGUISME

DES PUBLICS

(21)

18 Alors que la notion de variété des publics à servir et à conquérir est une préoccupation dont l'institution bibliothèque s'est emparée depuis la première moitié du 20

è

siècle (Chartier, 1992 : 512), elle se double maintenant de la volonté d'enrayer la baisse du nombre des usagers et de la fréquentation des bibliothèques (Poissenot, 2009 : 17). Pourtant la prise en compte des populations allophones, en tant que porteuses de langues et de cultures spécifiques, ne compte encore que rarement parmi les actions envisagées par l'institution pour répondre à ces deux préoccupations. En effet, lorsqu'elles s'engagent dans la constitution d'une offre en langues étrangères, les bibliothèques municipales françaises métropolitaines s'exposent à plusieurs risques.

Force est de constater que les outils statistiques pour évaluer l'éventail des langues en présence sur le territoire hexagonal et le nombre de leurs locuteurs respectifs, récemment élaborés (1999), apparaissent peu pertinents et traduisent le poids du dogme du monolinguisme français (Cerquiglini). Cette lacune est par ailleurs doublée, dans les discours de certains professionnels des bibliothèques considérant le plurilinguisme hexagonal, par des représentations -"langues d'étude, langues d'immigration" (Bouquin Keller 2001) - sans contenu défini, contestables aux yeux des linguistes (Yaguello, 1988) et des historiens (Noiriel, 2007) à une époque où le multilinguisme hexagonal est admis (Héran et al., 2002).

Enfin les populations visées ne semblent pas exprimer d'attentes spécifiques qu'une bibliothèque pourrait satisfaire (Evans, 2008). Les bibliothécaires qui s'engagent dans ce travail particulier s'exposent donc à un triple risque : ils ne disposent que de peu d'outils fiables pour connaître les publics cibles ; ils sont amenés à déconstruire les représentations concernant ces derniers en vigueur dans la profession ; ils doivent prospecter pour rencontrer les populations concernées et pouvoir s'enquérir de leurs attentes.

Les pratiques bibliothéconomiques sont elles aussi questionnées. La littérature spécialisée

affirme que les acquisitions en langues étrangères doivent avoir leur pendant en langue

française (Calenge, 1994) et les présentations officielles (Ministère de la Culture et de la

Communication & Centre National du livre, 2006) retiennent essentiellement, probablement

faute d'un état des lieux disponible, l'offre destinée à l'autoformation en langue française

(laboratoires de langues, prêts de didacticiels). A rebours des pratiques maintenant

habituelles, l'empirisme caractérise les usages en matière d'acquisition, entièrement

dépendant des technologies de l'information et de la communication (TIC), comme ceux liés

au traitement et à la mise en place des documents : la langue du document à acquérir ou à

traiter est l'élément essentiel de ces opérations dont il transforme la logique. Pour résoudre

(22)

19 les difficultés linguistiques auxquelles les professionnels se trouvent confrontés dans ces tâches, les publics, usagers ou non, sont parfois sollicités pour partager voire prendre en charge certaines de ces opérations bibliothéconomiques. Ils se placent alors au cœur de la bibliothèque à l'égal des professionnels au risque de faire perdre à ces derniers ce qui fondait jusqu'à présent leur légitimité.

L'introduction des collections en langues étrangères dans les bibliothèques publiques interroge le positionnement de l'institution fondé sur le respect du principe de l'intégration dans la francophonie et la culture française (Bouquin-Keller, 2003 et Callenge, 1994) à la différence de l'institution scolaire qui reconnaît depuis 1992 l'intérêt de l'enseignement des langues et des cultures d'origine (ELCO). Pourtant le rôle et la place de la population allophone dans certains établissements proposant ce type d'offre rapprochent le positionnement de ces derniers du principe de régulation utilisé maintenant en sociologie (Schnapper, 2007). La fonction médiatrice de l'institution se trouve également questionnée : elle sort de son cadre traditionnel mais reste hésitante entre la soumission à une logique économique et une réponse aux attentes exprimées ou latentes des populations allophones du territoire hexagonal en souhaitant éviter toutefois le communautarisme. Cette médiation se fonde en effet sur la place du langage et de la langue dans la construction du sujet (Caune, 2000). Par ailleurs, alors que l'action concertée des bibliothécaires, des collectivités territoriales et de l'Etat s'est avérée fructueuse lors de la modernisation des bibliothèques et aujourd'hui dans l'installation d'une offre numérique dans les établissements, elle n'existe pas, ou pas encore, dans le développement d'une offre en langues étrangères. L'ambiguïté de la position de l'Etat comme les hésitations des professionnels des bibliothèques, en charge du choix des livres par délégation des collectivités territoriales (Ministère de la Culture, 1987), qui se heurtent, dans le domaine des langues étrangères, à deux des assises de l'institution – la langue française et l'égalité d'accès au service public de la lecture - constituent des obstacles au développement de cette offre singulière. Publics, professionnels des bibliothèques, collectivités territoriales et Etat ont pourtant partie liée pour les lever.

Nous allons donc analyser successivement dans les champs des publics, des pratiques

bibliothéconomiques et des institutions, les transformations liées à l'introduction d'une offre

en langues étrangères dans les bibliothèques métropolitaines et les risques qui lui sont

inhérents.

(23)

20

LA RECONNAISSANCE DES PUBLICS

LINGUISTIQUEMENT ET CULTURELLEMENT DIVERS

La notion de variété des publics à conquérir n’est pas nouvelle dans le monde des bibliothèques, mais les populations allophones, plus nombreuses en métropole qu'on ne le croit généralement, ont été, jusqu’à présent soit omises, faute d’outils statistiques pertinents et faute d’expression ouverte des demandes de ces populations, soit considérées au prisme de la dichotomie "langues d’étude", "langues d’immigration" (Bouquin Keller : 2001) contestée par les linguistes et les historiens. Pourtant l'interdiction d'une discrimination fondée sur la langue est proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (2000) et l'importance de la diversité linguistique reconnue dans la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'Unesco (2002).

1. Un thème ancien et récurrent à actualiser : la diversification des publics et leur accroissement

Si certains auteurs datent de la première moitié du 20

ème

siècle la préoccupation des bibliothèques de diversifier leurs publics, elle reste une constante jusqu'à aujourd'hui. Elle se double plus récemment du souci d'enrayer la baisse du nombre de leurs usagers. La prise en compte des populations allophones qui pourrait y contribuer n'a pas été comptée au rang des actions envisagées par l'institution pour remédier à cette situation.

A. Un thème ancien et récurrent

Le discours sur la conquête de nouveaux publics n’est pas récent comme le précise Anne-

Marie Chartier qui place, dans les bibliothèques, la naissance du discours contemporain sur

la lecture dans les premières années du 20

ème

siècle (Chartier, 1992 : 512). Ce discours

s'enrichit progressivement d'une volonté de rendre compte de la diversité des publics visés

par la mise en œuvre d'opérations de segmentation : "A la fin du siècle dernier, lorsque dans

les années 1990 la baisse de la fréquentation du livre est apparue en particulier chez les

jeunes et chez les gros lecteurs, les missions du bibliothécaire s’orientent également vers

ceux "qui restent en dehors des bibliothèques. […] On retrouve, comme au début du siècle,

(24)

21 les soldats, les malades et les prisonniers ; s’y ajoutent progressivement les enfants, les ruraux, les immigrés, les retraités, les chômeurs et les habitants des quartiers périurbains".

(ib. : 522) . Cette segmentation des publics rejoint l’une des préoccupations centrales des sciences de l’information à propos de laquelle S. Edwards et A. Hall notent qu'elle correspond au besoin pour les fournisseurs de services publics d’être conscients de la diversité des usagers et usagers potentiels pour lesquels ils fournissent des produits et des services (Poissenot & Ranjard, 2005 : 16).

À cette diversité des usagers et des usagers potentiels des bibliothèques, C. Poissenot ajoute celle des usages qui sont faits des services proposés par ces institutions et interroge les rationalités qui sous-tendent ces usages. Il précise que fréquentation et usages ne trouvent pas seulement leur sens dans le seul rapport à la lecture mais aussi dans une multitude d’autres sources, les bibliothèques ayant incorporé à leurs collections une offre éloignée du seul document imprimé : la musique et les films en terme de contenu, cassettes audio puis CDs, cassettes vidéos puis DVDs, en terme de supports. Les services associés à ces collections y contribuent également : accès à Internet, écoute sur place de musique ou visionnage de film in situ, utilisation de service à distance (interrogations et recherches, service de question/réponse, téléchargements de musique, films, maintenant livres).

C’est dans les années 1980 que le pluriel du nom – publics - apparaît, au moment où les

bibliothèques prennent conscience qu’elles ne touchent qu’un petit tiers de la population,

comme le reconnaît G. Grunberg : "Nous ne pouvons pas parler de bibliothèque en la

définissant simplement comme un équipement qui prête des livres à 20 ou 30 % de la

population, ce qui suppose que 70 à 80 % restent à l’écart et que cela regroupe, le plus

souvent, les catégories sociales les plus défavorisées. La bibliothèque draine un public qui

socio culturellement est prédisposé à venir la fréquenter, mais il reste alors une immense

majorité du public que l’on ne touche pas" (Bertrand, 1999 : 110). Ces chiffres sont toujours

d’actualité dix ans plus tard : la dernière enquête Les pratiques culturelles des Français à

l’ère numérique de 2008 conduite par Olivier Donnat montre que le taux d’inscription en BM

est resté stable à 17 % et que la proportion d’usagers, inscrits ou non, est passée de 31 % en

1997 à 28 % de la population en 2008, ce qui, note C. Poissenot dans un article paru dans un

numéro de Livres Hebdo, correspond à une baisse relative compte tenu de l’augmentation

du nombre d’établissements mis à la disposition de la population (Poissenot, 2009 : 17). Ce

faisant il revisite les résultats de l’enquête réalisée par le Credoc à l’automne 2005 pour le

Ministère de la Culture et de la Communication (Maresca et al., 2007).

(25)

22

B. Des publics allophones à prendre en compte

Or si les actions des bibliothèques en direction des publics éloignés du livre et de la lecture, les enfants en premier lieu, les malades (bibliothèques en milieu hospitalier), les prisonniers (bibliothèques de l’institution pénitentiaire), les adolescents, les illettrés, se sont progressivement organisées comme en témoigne la richesse de la littérature théorique et pratique, elles semblent ne pas s’être véritablement développées pour ce qui concerne les populations allophones vivant dans l'Hexagone.

Le secteur des collections en langues étrangères pose pourtant la question de la diversification des publics avec la plus grande acuité. En effet, proposer des collections en langues étrangères signifie qu’une bibliothèque vise non seulement un lectorat francophone intéressé par l’apprentissage ou la pratique d’une ou plusieurs de ces langues qu’elle connaît plus ou moins mais aussi – et théoriquement à parité – un lectorat allophone souhaitant garder lien ou renouer avec sa langue d’origine ou une langue pratiquée antérieurement.

L’hypothèse ici posée est que le public, y compris potentiel, des bibliothèques municipales françaises n’est encore pensé trop souvent que comme un public francophone ou "à franciser". Les termes généralement utilisés dans les enquêtes concernant les inscrits et les non-inscrits, les usagers et les non usagers des bibliothèques publiques (sexe, âge, profession, commune de résidence, enfants) (Bertrand et al., 2001 : 275) pourraient en constituer la preuve : il ne nous a pas été donné de trouver une enquête comportant l’item de la langue, des langues pratiquées par l’interviewé, sauf deux, celle menée à la bibliothèque de Bobigny, par la directrice de l'établissement auprès de ses lecteurs, dont on verra les limites plus avant et celle menée tout récemment (2009) à la bibliothèque de Roubaix par SCP Communication (Wahnich, 2010 : 54), dont il sera également question plus loin.

Pourtant, la mondialisation et la construction européenne rendent les mouvements de

population plus importants qu'auparavant

(annexe n° 1, tableaux 1 et 2, p.205)

et font de la

pluralité linguistique et culturelle une donnée essentielle : "si nous tenons à préserver la paix

civile dans nos pays, dans nos villes, dans nos quartiers […] si nous souhaitons que la

diversité humaine se traduise par une coexistence harmonieuse, plutôt que par des tensions

(26)

23 génératrices de violence, nous ne pouvons plus nous permettre de connaître "les autres" de manière approximative, superficielle et grossière. Nous avons besoin de les connaître avec subtilité, de près, je dirai même dans leur intimité. Ce qui ne peut se faire qu'à travers leur culture" (Maalouf, 2009 : 205). En France, et malgré l'alinéa 2 de l'article 1

er

de la Constitution, qui déclare que la langue de la République est le français, les langues parlées sur le territoire métropolitain à l'intérieur du cercle familial sont nombreuses : "Ainsi un adulte sur quatre avait des parents qui dans sa petite enfance lui parlaient une autre langue que le français,"soit 5,5 millions une langue régionale et autant une langue étrangère"

(Lefebvre & Filhon, 2005 : 27).

Parallèlement, l’article II-81 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (Parlement européen, 2000) affirme qu’est interdite toute discrimination fondée, entre autres, sur la langue, et celle-là a créé, en 2007, un commissariat à la diversité linguistique et prône l’apprentissage d’une langue personnelle adoptive en plus de sa langue maternelle (Maalouf et al., 2008) . L’Unesco a, en outre, signé en 2001 la Déclaration Universelle sur la diversité culturelle qui affirme, dans son préambule, que la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle (Unesco, 2002).

2. Des lacunes quantitatives et qualitatives à combler

Le plurilinguisme hexagonal n'a été mesuré qu'en deux occasions, alors qu'il est avéré dans les usages : sous Napoléon III – encore que les données n'aient été exploitées que beaucoup plus tardivement – et lors du recensement de 1999. Rares sont les institutions à avoir tiré parti de ces derniers résultats, pourtant utiles par exemple aux bibliothèques pour connaître la variété des langues parlées sur leurs territoires, le nombre de leurs locuteurs et faire venir ces derniers dans leurs murs. La prospection sur le terrain, qui relève plus de l'empirisme, remplace les données statistiques fiables mais présente l'avantage de rencontrer au concret les publics à atteindre, encore absents des instances de réflexion créées au sein des bibliothèques et qui pourtant les concernent.

A. Absence d’outils statistiques sur les langues étrangères en France

A l’évidence, et comme le précise B. Calenge, pour ce qui concerne les collections en langues

étrangères, "bien entendu, une étude préalable des publics potentiels est indispensable,

ceux-ci pouvant être des immigrés de fraîche date mais aussi des touristes nombreux (dans

ce cas, c’est une lecture de loisir ou d’information culturelle qui sera recherchée)" (Calenge,

(27)

24 1994 : 294). Nous notons ici que la formulation de B. Calenge, "de fraîche date", peut laisser sous-entendre soit que la durée de séjour des immigrés en France aurait une influence sur l'abandon progressif de leur langue d'origine, soit qu'elle conditionne leur statut.

Or, si certaines bibliothèques étrangères sont capables de suivre, en se dotant d’équipes de démographes comme la Queen’s Library (Queens Library, date non précisée) ou par l'intermédiaire d'une bibliothèque centrale spécifique, comme en Finlande ("Si au moins 10 habitants parlent une autre langue [que l’une des trois langues officielles de Finlande] ils pourront, bien sûr, disposer des livres et des journaux dans cette langue dans leur bibliothèque municipale. La Multilingual library, supportée par le Ministère, fournit des documents spécifiques aux bibliothèques publiques."

4

), les langues parlées dans le bassin de population qu’elles desservent, la connaissance de cette donnée est, en France, très malaisée.

C’est à Victor Duruy, alors ministre de l’instruction publique de Napoléon III, qu’il revient d’avoir le premier cherché à savoir quelles étaient les langues parlées en famille en France lorsqu’en 1863 il avait demandé aux instituteurs et aux secrétaires de mairie de dresser un bilan des enfants francophones et non francophones dans leur commune. Michel De Certeau et Jacques Revel qui signalent l’existence de ces données (Revel et al., 1975), précisent également qu’elles n’ont été exploitées qu’en 1977 par l’historien américain Eugen Weber et que les résultats, très agrégés, ne prennent en compte que les communes où le français est parlé par tous les enfants, une partie ou aucun. A cette époque, l’idée d’un outil mesurant la diversité linguistique du territoire national n’est pas encore d’actualité puisque le bilan demandé par Victor Duruy cherchait à mesurer le taux de pénétration de la langue française.

Plus près de nous, la seule enquête d’envergure et comportant des données homogènes sur ce sujet date seulement du recensement de 1999, mené conjointement par l’INSEE et l’INED qui comportait un volet Etude de l’histoire familiale, dite encore Enquête Famille. Dans ce volet, une série de questions, considérées comme une innovation majeure, élaborées en partenariat avec la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France (DGLFLF) et certains linguistes, visait à mieux cerner la transmission familiale des langues (Lefebvre & Filhon, op. cité : 26). Cette enquête avait pour objectif de décrire la diversité linguistique du pays et la dynamique de l’intégration nationale tout au long du XXe siècle (Cassan et al., 2000 : 29) et trouvait ses fondements dans deux enquêtes, l’une Efforts d’éducation des familles menée en 1992 par l’INSEE, l’autre Mobilité géographique et

4 Wigell-Ryynänen, Barbro, Lhuillier, courrier électronique, décembre 2008, "communication personnelle".

(28)

25 insertion sociale des immigrés, conduite à la même date, qui visaient à mesurer le rythme d’intégration culturelle des familles d’origine étrangère. Nous soulignons ici que la mesure de la diversité linguistique ne va pas sans la mesure de l’intégration culturelle et qu’elle n’est pas, par exemple, envisagée dans la perspective de création de services publics spécifiques dans des langues données. Les résultats de cette étude montrent pourtant que "les adultes interrogés sont nombreux à se souvenir que leurs parents leur parlaient, associée ou non au français, une autre langue : 26 % des adultes vivant aujourd’hui en métropole, soit 11,5 millions de personnes. Six fois sur dix, cette langue a été transmise en même temps que le français. Dans la moitié des cas, il s’agit de langues régionales ou frontalières ; dans l’autre moitié des cas elles sont liées à l’immigration, et ont été transmises avant ou après l’installation en France" (Héran et al., 2002). Ils montrent également qu'une fois sur trois ces langues sont transmises aux enfants et que si l'usage du français "couronne la richesse du patrimoine linguistique lié à la diversité de nos origines et de nos expériences […] il ne l’abolit pas" (ib.). Les tableaux n° 3 et 4 de l'annexe n° 1

(p.205)

permettent de visualiser cette situation.

Certaines régions, dont la majorité à forte présence de langues régionales, ont utilisé ces résultats pour poursuivre des enquêtes locales (Ile de France, Nord Picardie, Aquitaine, Bretagne, Alsace, Corse). Il ne semble pas y avoir eu d’enquêtes plus approfondies ailleurs sur ce sujet et cette perspective d’enquête n’a d’ailleurs pas été reconduite par la suite. Nos recherches actuelles n’ont pas non plus montré qu’une bibliothèque aurait utilisé ces résultats.

Sauf à exploiter à son initiative et pour un coût probablement prohibitif les données issues

de l'enquête précitée (de Valerio, 2006 : 27) une bibliothèque qui chercherait à connaître les

langues parlées sur le territoire qu’elle dessert ne peut utiliser que des informations

caractérisant les nationalités des ressortissants internationaux (issues d’une déclaration en

préfecture), en sachant que ces informations ne sont que relativement significatives dans la

mesure où nationalité ne vaut pas langue. C'est ce que souligne C. de Valério dans son

mémoire d'étude en affirmant que seule la provenance des ressortissants lui a permis de

supposer leur langue d’origine (de Valerio, 2001 : 26). Pour les Français par acquisition –

sont désignées ainsi les personnes ayant acquis la nationalité française soit par la naissance

sur le territoire soit par démarche personnelle –, dont on peut supposer qu'elles ont, elles

aussi, comme langue d'usage privé une autre langue que le français, la loi interdit, dans un

souci de protection de la vie privée, la diffusion de données personnelles sur ces populations

(29)

26 et notamment celles concernant leur pays d'origine. De plus, les résultats du recensement relatifs aux Français par acquisition ne peuvent concerner que les communes de plus de 5000 habitants. Les données rassemblées ne peuvent donc qu'être lacunaires.

La directrice de l’une d’entre elles, à Bobigny, a, malgré tout, pris l’option, non soutenue par son équipe, de mener une enquête auprès de ses lecteurs pour connaître leur nationalité (Ministère de la Culture et de la Communication, 2009 : 108). Dans la même bibliothèque et à la question de savoir pourquoi le fonds en langue tamoul avait été créé, un membre du personnel a répondu lors de notre visite in situ en novembre 2008 : "parce que ça se voit dans les rues". Ce que confirme Nelly Godonou-Dossou : "Si mieux connaître la composition de cette population de lecteurs étrangers était un préalable indispensable à la conduite de ce projet, il se révèle cependant illusoire de chercher à donner des contours précis au public étranger car la loi "Informatique et liberté" interdit d’enregistrer, au moment de l’inscription d’un lecteur, toute information relative à l’origine de l’usager. L’évaluation du public étranger fréquentant la bibliothèque ne peut se faire que de manière intuitive, par l’intermédiaire du personnel ayant un contact régulier avec les lecteurs" (Godonou-Dossou, 2002 : 27-28). Cette affirmation laisse en outre assez bien entendre que seuls sont pris en compte les usagers de la bibliothèque (quel que soit l’usage qu’ils en font) mais que l’intérêt ne se porte pas sur les allophones qui ne fréquentent pas l’institution.

On sait par ailleurs combien est sujette à discussion, en France, la question des statistiques ethniques, dont on peut considérer qu’en relèverait également un outil permettant de connaître les langues parlées par la population d’un bassin de desserte d’une bibliothèque.

Nous notons cependant qu'une étude réalisée en 2009 par SCP Communication à la demande de la bibliothèque de Roubaix pour déterminer l'impact de l'écran sur l'écrit et donner ainsi suite aux conclusions d'une première étude sur le même thème réalisée en 2001, témoigne de la prise en compte, à notre connaissance pour la première fois dans une étude de cet ordre, du critère linguistique non pas pour caractériser les enquêtés mais pour vérifier la pérennisation de leur lien avec leur pays d'origine par l'utilisation des nouvelles technologies :"En effet, la question de la langue parlée dans le foyer montre que 33 % des Roubaisiens parlent une autre langue en plus du français.[…] On note que, pour ce qui est des fréquentants, on obtient quasiment le même résultat (34 %)" (Wahnich, 2010 : 54).

Ce manque d’informations concernant les langues parlées à l’échelle nationale et locale

n’est pas sans renvoyer à la généralisation encore relativement récente de l’usage de la

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