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Les difficultés d’apprentissage Serge Boimare

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Les difficultés d’apprentissage

Serge Boimare est Directeur pédagogique du centre médico-psychologique Claude Bernard à Paris.

Le CMP travaille avec des enfants et des adolescents en échec. Ils sont intelligents et curieux, n’ont pas de troubles psychologiques ni de défauts de motricité grave. Ils représentent en gros 15 % des élèves. Ce sont les

"intouchables", ceux qui “ traversent ” le collège. Les enseignants se posent toujours la question de les laisser passer ou pas dans la classe supérieure. Ces adolescents ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. Ils ont une connaissance des règles de grammaire mais pas de leur application et ont beaucoup de mal à argumenter oralement.

La difficulté d'apprentissage obéit à 2 logiques différentes :

1) Logique du manque : correspond à un élève sur deux. Le repérage est facile. Les pratiques adaptées sont alors “ connues ”. On travaille en petits groupes, on donne de la méthode, du soutien, on sait “ faire ”. Le redoublement sera peut-être efficace.

2) Logique du dérèglement de la pensée : elle n’est pas reconnue par l’école et pourtant remarquée dès les premiers apprentissages. Elle sera cependant toujours traitée selon la logique du manque. Ce noyau dur d’élèves en grandes difficultés représente 15% des cohortes.

Les difficultés d’apprentissage relèvent de ces deux logiques différentes et il ne faut pas traiter l’une comme l’autre.

Le système reste inefficace pour les élèves relevant du dérèglement de la pensée. Au moment où l’on propose la situation d’apprentissage, remontent des émotions, des sentiments, qui vont brouiller la relation d’apprentissage. La dévalorisation s’accompagne d’un sentiment de persécution. Deux activités provoquent ces dévalorisations : l’appel aux capacités réflexives (hypothèses, imagination, associations), et la confrontation avec la règle et la Loi.

La peur d’apprendre entraîne un nouvel équilibre sur un évitement de pensée.

Signes extérieurs de ce dérèglement de pensée :

- Curiosité qui n’arrive pas à se détacher à sublimer les occupations primaires (sexe, violence, argent) et les seuls ressorts qu’ils savent mettre en route sont le voyeurisme, le sadisme, la mégalomanie.

- Phobie : certaines opérations mentales leur posent problème : imager, associer.

Ils recherchent des façons d’apprendre qui permettent d’échapper à la pensée : inhibition, arrêt, conformisme, agitation, sens de l’humour, de la répartie. Ils travaillent vite afin d’éviter le temps de réflexion.

- refus du travail et relais pris par le corps : instabilité, agitation, violence ou nonchalance, endormissement, position de retrait, anorak sur la tête. Perte de tonus. Maux de tête, envie d’aller aux toilettes, stratégies d’évitement.

- Difficulté à franchir l’étape du langage argumentaire. Ils buttent sur le monde interne qui n’est pas assez riche. Comme ces élèves n’arrivent pas à s’appuyer sur leur dimension intérieure, leur langage pauvre et peu réflexif.

Quand les 4 points sont présents, on est dans une logique de dérèglement.

La pédagogie n’a jamais répondu à ces élèves (même les “ méthodes actives ”).

Il faut s’appuyer sur la dimension interne pour apprendre. Pour cela, il y a deux outils utiliser : le nourrissage culturel et l’entraînement langagier

Le nourrissage culturel est présent à l’école maternelle, avec au moins 30 minutes par jour de lecture des textes mythologiques, de romans, de poésie. Les élèves ont besoin d’un retour au sens pour apprendre (2 à 3 ans de travail sont nécessaires). Il faut créer l’énigme. Pour cela il faut trouver un support dans une culture non sublimée, faisant appel à des archétypes profonds et collectifs. La dimension de groupe est importante : apprendre c’est un projet collectif. La difficulté consiste pour ces élèves “ à faire de l’image avec de l’écrit ”, passage de la forme au sens.

Débat :

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Sylvie : Vous dites qu’à l’école il faut redonner du sens donc créer de l'énigme, pouvez-vous préciser ? S B : par exemple relire Jules Verne. A chaque chapitre on voit comment il a le souci de décrire un inquiétude (figuration d'angoisse archaïque). Jules Verne profite de cette figuration pour montrer comment l'étayage sur le groupe va permettre d'avancer. L'explication qui suit est attendue pour rassurer.

Catherine : On retrouve les "intouchables" au lycée, comment ont-ils pu arriver jusqu’à ce niveau ? Ils n'ont pas de comportement violent, ils sont dans une grande souffrance et la blessure sera d'autant plus grande s'ils sont réorientés.

X : En ZEP le nourrissage culturel est à envisager. La médiation par les pairs (autres élèves) est importante (car refus de ce qui est demandé par l'adulte).

SB: il est important de les mettre en groupe et de ne pas créer de la division. Il faut un premier ¼ d'heure pour recréer la dimension groupale

Alice: Les élèves qui se retrouvent dans ces comportements n'avaient peut-être pas ce comportement avant.

SB : les élèves peuvent avoir un comportement normal puis le déclenchement peut arriver plus tard, voire même en Deug, en maîtrise…. Et arriver brutalement.

Florence : Le nourrissage culturel en maternelle débouche sur des activités manuelles, est-ce qu'en accordant une place plus importante aux activités manuelles on améliorerait pas la situation au collège ?

SB : l’activité artistique dans le prolongement est une excellente idée. Parfois je fais mimer une scène. C'est une étape vers le langage argumentaire.

Y: Pendant les heures d'éducation civique, lecture de mythe sur les origines ; il peut y avoir des remontées très fortes sur les inquiétudes archaïques.

SB : une école primaire a accepté de travailler avec le roman de Perceval. Ce support d'une médiation culturelle sert aussi les enseignants qui les utilisent. Comment supporter des classes ou une partie de la classe est à côté ? L'empêchement de penser peut gagner les adultes qui sont face à ces élèves. La co- reflexion avec les collègues est d'une grande richesse.

La coréflexion permet d'expliquer nos réactions personnelles face aux provocations.

Margot : Échange avec collègue allemande non prévenue avec une classe en difficulté (12 élèves)

Bananes par terre, casquette sur visage, manteau…. : moment de stupeur. J'étais censée enseigner le français.

Je leur ai dit : on va commencer par faire le ménage. Petit à petit le ménage a été fait en nommant les objets en français. Au cours suivant reprise du vocabulaire puis pièce de théâtre autour des mots 2 ou 3 élèves ont accepté de faire quelque chose avec un certain plaisir à réutiliser des mots. La dernière semaine activité de tous les élèves. Une question : qu'entendez vous par reconstruire la dimension interne ?

SB : cette description correspond à la classe relais où on essaie de recréer le groupe. Le mieux est d'avoir un point d'accroche pour tout le monde. La dimension interne est très sollicitée devant un apprentissage nouveau en faisant appui sur son monde représentatif. Passage de la forme au sens.

Z : Quelles sont les causes de ce refus ?

SB : C’est la pauvreté de la dimension intérieure du fait du manque d’initiation de la part des parents.

Il y a alors nécessité d’initiation à la frustration (dans la cellule familiale). On assiste souvent aujourd’hui au refus de dire NON des parents (catégories sociales prof, psy etc…).

On pourrait avoir comme idée première d’individualiser la réponse. C’est une erreur. La réponse doit être collective (pièce de théâtre etc.., appui culturel).

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