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Reconnaître l’expérience des malades

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16 SANTÉ MENTALE|197 |AVRIL 2015

Reconnaître l’expérience des malades

Pouvez-vous nous présenter les deux premiers volumes de la collection Éducation thérapeutique, soin et formation ?

Cette collection cherche à articuler les concepts d’éducation, de soin et de for- mation. Cet espace éditorial permet de s’in- terroger et de formuler des propositions théoriques et opérationnelles nouvelles sur la pratique de l’éducation, du soin et de la formation. Le premier ouvrage veut mar- quer une rupture avec la vision classique de l’éducation thérapeutique en France (1).

Plutôt que de se précipiter à construire des enseignements pour les malades, il est plus pertinent de commencer par apprendre des malades pour ensuite réfléchir à un « apprendre à apprendre » reconnaissant les apprentis- sages qu’ils effectuent tout au long de leur vie avec la maladie et leur parcours de soins. J’ai passé plus de trente ans de ma vie professionnelle à accompagner, former, écouter des malades, j’ai puisé dans les matériaux recueillis et mis en forme ce que m’ont apporté ces échanges.

Dans le même temps, avec Joris Thieve- naz (responsable de formation du master didactique professionnelle à l’UPMC-Sor- bonne Universités), nous avons réalisé un ouvrage collectif (2) à partir d’une approche par l’activité. Les onze chercheurs réunis dans ce second volume présentent des tra- vaux issus de leurs recherches empiriques sur une grande variété de terrains d’études et d’interventions : hôpital, cabinet libéral, réseau de santé, association de malades…

Vous envisagez la maladie comme une « occasion d’apprentissage » et parlez d’un « travail » mené par le patient. Quelle est votre conception de la place et du savoir des patients ?

Au cours des dix dernières années, je me suis détachée progressivement des approches théoriques utilisées pour expliciter l’expé- rience du sujet en soin, et notamment des travaux de la psychologie. J’avais l’im- pression que le cadre pour penser l’expé- rience vécue du sujet malade ne pouvait pas englober ni rendre compte de ce que les

patients, avec lesquels je travaillais, me rapportaient. Au fond, pour moi, il n’existe pas de comportement type du malade. Je pense que théoriser la maladie chronique à partir du modèle du deuil ne correspond pas à la réalité thérapeutique au quotidien.

Pendant plus de dix ans, comme cher- cheure et intervenante, j’ai travaillé sur l’observance thérapeutique pour rendre compte de ce que les malades ont à faire pour se maintenir en santé. J’ai observé, d’abord dans le champ du sida puis en néphrologie, en psychiatrie et plus récem- ment en hématologie, à quel point être malade et s’occuper de sa santé constitue parfois un travail à temps complet qui n’est jamais valorisé ni reconnu. J’ai donc théo- risé cette question pour identifier et carac- tériser les activités conduites par tout sujet malade. Mon premier ouvrage présente en détail cette hypothèse avec ses implica- tions en éducation thérapeutique, qui pour moi relève du champ de la formation des adultes. La maladie est une occasion d’ap- prentissage et de redéploiement du déve- loppement de la personne, qui, de fait, se repositionne. En ce sens, je suis opposée aux courants éducatifs qui postulent que le malade doit s’adapter à sa maladie. Aujour- d’hui, c’est à la société tout entière de trouver les moyens d’inclure les dix-sept mil- lions de citoyens malades chroniques qui, même s’ils retrouvent la santé, restent mar- ginalisés. Le monde du travail par exemple doit s’adapter aux crises, aux rechutes, à la fatigabilité et aussi aux rémissions, aux rétablissements et aux guérisons de ces

Enseignante-chercheure, professeure des universités et responsable du Master en éducation thérapeutique à l’UPMC-Sorbonne Universités, Catherine Tourette-Turgis dirige chez De Boeck une nouvelle collection consacrée à l’éducation thérapeutique du patient. Entretien.

patients. De fait, la société est organisée par des personnes valides qui légifèrent et décident, avec comme référence dominante le cycle biologique et physiologique d’un être humain en bonne santé.

Vous avez eu l’occasion de mener une expérience d’ETP en psychiatrie. Quels sont les enjeux spécifiques dans cette spécialité ?

J’ai travaillé avec des collègues de Mont- réal et plus récemment de Yale engagés dans le courant du rétablissement (reco- very) et nous avons découvert des paral- lèles avec mes recherches sur le travail du malade somatique. En effet, les sujets engagés dans un processus de rétablissement doivent déployer en permanence leurs capacités à anticiper, se protéger, se contrô- ler, à réguler leurs états émotionnels. Leur travail semble différent de celui d’une personne aux prises avec une maladie somatique, mais il est tout aussi intense et complexe. Pour ma part, lorsque j’in- terviens en psychiatrie, j’utilise sans a priori les outils de la pédagogie et je m’aperçois que cela marche. Je crois au fond que le noyau d’apprentissage est activable dans toute situation par chaque être humain et c’est la raison pour laquelle j’ai fondé en 2009 l’Université des patients qui offre à tout malade chronique la pos- sibilité de suivre des enseignements uni- versitaires sur le thème de la maladie, de la démocratie en santé et la formation des adultes. Nous sommes tous nés appre- nants-chercheurs et cette fonction per- siste tout au long de notre vie.

• À lire

1– L’éducation thérapeutique du patient. La maladie comme occasion d’apprentissage.C. Tourette-Turgis. De Boeck, 2015, 168 pages.

2– Penser l’expérience du soin et de la maladie.J. Thievenaz, C. Tourette-Turgis. De Boeck, 2015, 232 pages.

Voir aussi le blog : www.catherine-tourette-turgis.fr www.deboecksuperieur.com SM197_arret_pages_DeBoeck_SM 15/04/15 13:14 Page16

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