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Casablanca : de la ville projet urbain à la ville projet social Quelle lecture des documents d urbanisme

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Texte intégral

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Casablanca : de la ville projet urbain à la ville projet social Quelle lecture des documents d’urbanisme

El Houssine NEJMI, Professeur de Géographie et aménagement, Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme (INAU), Rabat-Maroc

Résumé

Cet article retrace une synthèse d’un siècle d’urbanisme pratiqué dans une ville comme Casablanca (1917-2004); et met l’accent sur le problème de gouvernance que pose l’urbanisme non seulement dans cette ville, mais dans le Maroc. En effet, tout au long du XXème siècle et le début du XXIème siècle, Casablanca va connaitre de multiples mutations qui porteront les traces d’une histoire originale d’une ville qui, depuis sa « renaissance au début du XXème siècle, a constitué un vrai laboratoire d’urbanisme, en même temps qu’elle a dû assurer son rôle de capitale économique dans un premier temps et de métropole internationale dans un deuxième temps.

Mots clés : Maroc, Casablanca, planification urbaine, urbanisme de projet, espace social,

Abstract

This article retraces a synthesis of a century of urban planning in a city like Casablanca (1917-2004). and focuses on the problem of governance with urbanism not only in this city, but in the Morocco. Indeed, throughout the twentieth century and the beginning of the 21st century, Casablanca will know of multiple mutations that will carry the traces of an original story of a city which, since its "renaissance in the early twentieth century, was a true laboratory." planning, at the same time she had to ensure its role as economic capital initially and international metropolis in a second time.

Key words : Morocco, Casablanca, urban planning, project planning, social space,

.ًعامتجا عَزشمك حىٌذمنا ىنإ يزضح عَزشمك حىٌذمنا هم ،ءاضٍثنا راذنا

ٌآ قئاثُن جءازق ح

زٍمعتنا

صخلم

( ءاضٍثنا راذنا حىٌذمت زٍمعتنا هم نزقن صخهم ءاطعإ لاقمنا اذٌ لَاحٌ

9191 - 4002 ذكؤٌ َ )

.مكك بزغمنات هكن َ حىٌذمنا يذٍت ظقف سٍن زٍمعتنا ًحزطٌ يذنا حماكحنا مكشم ىهع نزفنا حهٍط ،معفنات

تقُنا سفو ًف زٍمعتهن اٍقٍقح ازثتخم ءاضٍثنا راذنا تهكش ،هٌزشعنا َ ذحاُنا نزقنا حٌاذت َ هٌزشعنا .ذعت ام ًف حٍمناع حٍنُتزتم حىٌذم َ حٌاذثنا ًف حٌداصتقلاا حمصاعنا رَد ةعهت نأ اٍٍهع ناك يذنا

حيتافملا تاملكلا ظٍطختنا ،ءاضٍثنا راذنا ،بزغمنا

:

لاجمنا ،عَزشمك زٍمعتنا ،يزضحنا

ًعامتجلاا

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Introduction

Tout au long du XXème siècle et le début du XXIème siècle Casablanca va connaitre plusieurs mutations : démographique, économique et spatiale. Toutefois, ses mutations vont peser lourdement sur l’organisation de la ville et vont poser de front les problèmes de gestion et de gouvernance, ce qui nous pousse à nous interroger sur la dimension sociale que Casablanca a connue et notamment sur les inégalités que son développement a produites. Ceci nous à conduit à examiner la société à travers la politique d’urbanisme pratiquée dans la ville.

Dans ce cadre, il convient de revenir sur l’évolution des politiques urbaines et de leur contenu social.

1. 1912-1960 de la ville projet urbain à la ville projet social

Durant la première moitié du XXème siècle, Casablanca à fait figure de lieu d’expérimentation fondamentale dans le domaine de l’urbanisme et de l’architecture moderne.

Comment peut-on tirer profit de cette expérimentation dans la lecture des plans d’aménagement et par là de l’espace social de la ville ?

1.1. Le projet urbain de Prost : dédoublement de la structure urbaine

Dès la mise en place du protectorat, l’aménagement de l’espace a très vite cristallisé un modèle idéologique de la ville, traduisant des rapports sociaux inégaux, qui sont gérés par le pouvoir en place. De ces rapports a émergé une sorte de dualité de l’espace1, l’un traditionnel (médina), l’autre moderne (ville nouvelle). On est donc en présence d’une nouvelle organisation de l’espace et un nouveau mode de l’urbanisme. Ce nouveau modèle et le reflet d’une idéologie basée sur la séparation « quasi-totale » des populations au sein de la ville dont la signification socio-spatiale s’exprime dans le dessin du plan.

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Durant cette période, la planification urbaine a été fondée sur un « projet de société » qui a pris l’allure d’un système idéologique, et les bases de ce système ont été établies sur la séparation quasi totale entre la population européenne et la population marocaine. À son début, ce système a été couvert par une idéologie claire qui était considérée par le maréchal Lyautey comme la manière la plus adéquate de respecter les coutumes et les traditions locales.

Cette conception a donné naissance à une nouvelle organisation de la ville, qui reposait sur la séparation spatiale entre deux modes économico-urbains : le premier, correspond au modèle arabo-islamique, représenté par la ville traditionnelle (médina), le deuxième est fondé sur la nouvelle économie du marché et représente le modèle occidental en prenant comme assise spatiale la ville nouvelle connue sous le nom de « ville européenne », ville qui par la suite occupera une position très importante dans l’organisation générale de l’espace casablancais.

Le premier plan d’aménagement de Casablanca, dit plan Prost2, a constitué un outil fondamental à travers lequel le discoure idéologique a pu se traduire concrètement pour asseoir une structure urbaine spatialement et socialement ségrégée. Cela se justifie clairement dans les propositions d’Henri Prost dans les principes de conception de la ville nouvelle de Casablanca : « Le Général Lyautey s’employa à organiser le développement des futures cités.

Le programme qu’il a imposé, les caractérisera et les différenciera des villes de nos colonies et de nos protectorats. Il comporte une condition essentielle : la séparation complète des agglomérations Européennes et Indigènes, et cela pour les raisons politiques, économiques, sécuritaires, édilitaires et esthétiques ».3

2 Le premier plan d’aménagement de Casablanca établi par Henri Prost en 1917-1918 reflétait une pensée de l’aménagement marquée par la conception de l’organisation rationnelle de l’espace en France. Les urbanistes qui défendaient cette notion ont fait du plan l’élément indispensable de l’évolution urbaine. Le progrès urbain doit obéir à la loi de la spécialisation, de la division et de la séparation des fonctions. Cette séparation trouve aussi son expression dans l’organisation sociale de l’espace urbain. Le zonage constitue le meilleur instrument dans la poursuite d’une évolution urbaine maîtrisée et rationnelle. L’agglomération doit comporter un noyau central, désencombré, voué aux affaires. Afin de répondre aux objectifs de fonctionnement, d’hygiène et d’esthétique, les

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Plan Prost (1917)

On mesure la violence du zonage spatial. Le zonage en tant qu’outil novateur dans le domaine de l’urbanisme a servi à l’aménagement de la ville en plusieurs zones d’activités, d’habitat et de loisirs, mais il a aussi donné lieu à une séparation quasi brutale entre les populations de la ville, avec la création de zones d’habitat réservés à la population Européenne et d’autres à la population Musulmane et Israélite, avec d’un côté la ville indigène (médina, nouvelle médina) et de l’autre, la ville européenne. Il s’agit d’un acte de contrôle social par la séparation comme démarche de la planification urbaine.

1.2. Le projet social d’Ecochard ou la fragmentation de l’espace urbain

Avec le deuxième plan d’aménagement de Casablanca (plan Écochard 1951-1952), un nouveau processus d’aménagement est mis en place et dont on peut saisir les composantes à travers les types d’aménagement proposés. Une des composantes fondamentale du plan Écochard est sa volonté de loger les “masses laborieuse” vivant dans les bidonvilles dans la périphérie de la ville et de lutter contre la spéculation foncière. On retient de ce plan deux points importants, le premier est le lancement de programmes d’habitat pour le « plus grand nombre » et le deuxième est l’invention de la notion “d’habitat adapté” avec l’élaboration de types d’habitat aussi bien destinés aux « Européens », qu’aux « Marocains Musulmans », et aux « Marocains Israélites » et la reconnaissance selon les termes de l’administration de

“cultures de l’habiter” spécifiques à chaque population.

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Plan Ecochard (1952)

Ainsi, en même temps que de vastes programmes d’habitation à bon marché destinés à la population européenne sont lancés dans le Sud-ouest et le Sud de l’agglomération, les

“projets d’habitat adapté à la culture musulmane” sous forme de cités satellites sont projetés dans la périphérie, aux limites externes de l’agglomération. Parmi les plus grands projets, on retient ceux du “Village urbain de Hay Hassani” (25 000 habitants) dans le Sud-ouest, la grande “cité d’Aïn Chock” (100 000 habitants) au Sud, et la cité de “ cité Hay-Mohammadi”

(45 000) dans le Sud-est.

La cité d'Aïn-Chock La cité El Hank

La cité Hassani

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Sur le plan urbanistique, le but de ces programmes est de créer différents types d’habitations, permettant d’une part, de recaser les habitants des bidonvilles, sachant que, pour Écochard, le bidonville est une première étape nécessaire d’adaptation à la vie urbaine, pour les populations marocaines dont le mode de vie est issu des traditions rurales et, d’autre part, de leur offrir des maisons à patio, respectant les usages traditionnels, et enfin des immeubles à étages comme étape finale à l’adaptation.

Sur le plan social, si la séparation sur la base culturelle est prise en compte dans l’aménagement de la ville, la ségrégation sociale reste par contre moins perceptible. Par ces grands projets d’habitation, Écochard a voulu mettre en place une forme de “cohésion sociale” et de “déségrégation sociale” en diversifiant les types d’habitats de chaque programme.

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Sur le plan de l’organisation de l’espace, on voit bien que ce type de programme, sous forme de cités satellites d’habitat adapté, a abouti à un aménagement qui se traduit par une segmentation de l’espace urbain ce qui a accentué la “fragmentation de la ville.

Modèles “d’habitat adapté ” le programme de construction d’habitat de type marocain comprend les formes évolutives suivantes :

1. Recasement provisoire des bidonvilles ( trame sanitaire)

-3. Elévation avec ouvertures sur patios superposés.

4. Immeubles en hauteur, de conception européenne, avec ouvertures sur l'extérieur.

2. Construction traditionnelle en rez-de-chaussée (pièces sur patio fermé),

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Casablanca : du modèle urbanistique au phénomène de l’urbanification4 (1960-2004)

Cette phase est marquée, dans un premier temps (1960-1974), par un redéploiement de la ville sur elle-même englobant ainsi les zones interstitielles et intégrant les « cités satellites autonomes » construites dans les marges périphériques de la ville. Dans un deuxième temps (1975-1983) l’extension spatiale de Casablanca s’est faite dans toutes les directions avec une tendance Sud et Sud-est beaucoup plus prononcée sans aucune considération aux orientations du plan d’aménagement d’Ecochard. Suite à cela, le périmètre urbain a été redéfini et la superficie urbaine a été multipliée par deux, passant de 4500 hectares en 1960 à plus de 9260 hectares en 1982.

Deux facteurs essentiels ont précipité le lancement du premier schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de Casablanca de 1984 à savoir le facteur démographique et le facteur social.

Sur le plan démographique, Casablanca est la première ville marocaine. Entre 1971 et 2004, la population de Casablanca a été multipliée par deux, passant ainsi de 1 500 000 à 2 950 000 habitants et représentant 20.5% de la population urbaine marocaine en 2004. A l’échelle de la ville, cette croissance reste cependant très difficile à maîtriser surtout dans les zones périphériques. Il fallait donc juguler cette croissance et mettre en place une stratégie qui permettrait de mieux gérer l’extension anarchique de l’agglomération.

Le contexte socio-politique sensible dans lequel se trouvait Casablanca (les émeutes de juin 1981), est un autre facteur à prendre en compte. Ce contexte a nécessité l’élaboration d’une nouvelle stratégie d’organisation et de maitrise de l’espace casablancais comme réponse aux problèmes sociaux et économiques5.

4 Le terme est proposé par Gaston BARDET pour désigner le phénomène spontané du développement urbain, par opposition au développement organisé que propose l’urbanisme. (L’urbanisme, 1983, PUF, Que-sais-je ?.

20 000 2 020 000 4 020 000

1907 1917 1926 1936 1952 1960 1971 1982 1994 2004

Croissance de la population de Casablanca (1907-2004)

0 5 10 15

1907 1936 1971 2004

TAAM en %

Evolution du Taux d'accroissement annuel moyen

de casablanca (1907-2004)

TAAM Expon.

(TAAM)

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On retient, sur le plan d’orientation du Schéma Directeur, les points essentiels résumés comme suit :

 Remédier au déséquilibre du marché foncier dû à la spéculation foncière et à l’insuffisance de terrains urbanisables ;

 Réduire le déficit en logements estimé à 60 000 logements, et résorber les logements insalubres (bidonvilles et douars) localisés dans les marges périphériques de la ville6 ;

 Corriger la mauvaise répartition des fonctions urbaines et l’insuffisance des équipements collectifs indispensables ;

 Corriger la difficulté des déplacements des populations, due à la mauvaise desserte et à la précarité des transports en commun, particulièrement pour les quartiers périphériques Sud-est et Est.

 Rééquilibrer l’agglomération marquée par une hiérarchisation de l’espace avec une opposition visible entre le centre, ses extensions immédiates et la périphérie.

6

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L’élément-clé de cette nouvelle politique d’aménagement est de promouvoir un projet qui soit à l’échelle d’une métropole naissante. Ce projet a pour ambition de dépasser les limites spatiales de l’agglomération urbaine et d’intégrer un espace plus vaste, celui du grand Casablanca, selon une vision globale de la transformation urbaine dont les grandes lignes sont :

 Soutenir et mettre en valeur le rôle de Casablanca entant que métropole nationale, par la mise en œuvre de mesures économiques et urbanistiques ;

 Appuyer la croissance de son centre des affaires comme pôle tertiaire majeur ; SCHÉMA DIRECTEUR (1984)

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Sur le plan opérationnel, il faut noter que les options de base retenues dans le plan d’aménagement de 1952 ont été reprises dans le Schéma directeur au moins sur deux points essentiels :

1. Sur le plan d’orientation de l’extension de la ville, la reprise de la liaison autoroutière qui relie Casablanca-Mohammedia à la capitale Rabat, selon le tracé précédemment inscrit dans le plan Écochard.

2. Sur le plan social, l’accent est mis sur la reprise des réalisations de grands ensembles d'habitat collectif, moyen le mieux adapté aux besoins en logements ;

L’extension démesurée de Casablanca, la forte crise de logement et la prolifération des lotissements non réglementaires dans les marges de la ville sont la conséquence directe du décalage qui s’est maintenu durant cette phase entre l’urbanisme de planification7 d’une part, et l’urbanisme de régulation8, d’autre part.

7 L’urbanisme de Planification est une prospective du développement d’une agglomération. Il définit les structures de son évolution par le moyen d’un Plan d’aménagement ou d’un Schéma directeur.

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A côté du « Bidonville » qui représente la forme la plus visible et la plus choquante de

PARC LOGEMENT DANS LA PÉRIPHÉRIE DE CASABLANCA

@ : El-Houssine NEJMI (2000)

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terrains en procédant à un morcellement en petits lots à bâtir qu’ils vendent ensuite selon des modes de transactions coutumière. Le lotisseur dit « clandestin » apparait donc comme un nouvel acteur foncier. Le passage de « l’état clandestin » à «l’état légal » se fait progressivement et « l’état de clandestinité » va devenir par la suite, non pas un état de non droit définitif, mais une étape provisoire dans un processus évolutif à l’égard du code et du règlement de l’urbanisme officiel par la restructuration et la mise à niveau des quartiers.

L’enquête nationale réalisée par les services du ministère de l’habitat en 1993 a révélé que

«l’habitât non réglementaire » couvre une superficie de plus de 9000 hectares et concerne 13% de la population urbaine, soit 1 740 000 habitants et 350 000 ménages.

Pourquoi le projet social a échoué? Il faut chercher la réponse dans la politique urbaine. La politique urbaine existe et elle structure l’espace urbain; et ses conséquences apparaissent clairement. Dans cette politique, il faut faire la part de deux orientations ; d’une part distinguer le discours et la pratique concrète d’autre part.

Si le discourt de l’Etat est en faveur de l’intégration; le résultat de ces pratiques réelles traduit des processus d’exclusion sociale de populations de revenus modestes vers la périphérie ou les différenciations socio-spatiales ne cessent de s’exacerber. On touche bien à la question de la gestion politique de la ville de Casablanca entre la volonté de bien faire et le résultat de la pratique. Un résultat qui a aboutit à une déperdition des ressources, à un gâchis des moyens financiers et de compétences. On est donc devant une gestion chaotique de la ville; et celle-ci s’est trouvée à l’aube du 21eme siècle confrontée à la nécessité d’une misse à niveau sévère pour faire face à la mise en place urgente de bonnes infrastructures de circulation; de transport, d’équipement et d’espace de production, de récréation et de loisir et d’une politique de logement social pour une ville trois fois millionnaire.

La question principale est comment la ville est arrivée à cette situation chaotique ? On peut avancer deux processus en cause. Le premier processus est relatif à la scissiparité du territoire municipale et l’empilement des institutions. En effet, Casablanca est passée d’une seule municipalité au lendemain de l’indépendance (1956) à vingt-sept (27) communes urbaines en l’an 2000. Dans la même période, l’administration territoriale est passée d’une préfecture unique à six (6) nouvelles préfectures dans une perspective de gestion sécuritaire de la ville. Le résultat tangible de ces remaniements administratifs de l’espace casablancais est que le principe de péréquation qui permettait de faire bénéficier les quartiers pauvres, donc périphériques, des avantages des revenus fiscaux des parties riches de la ville est devenu caduc. Chaque commune ne doit compter dorénavant, que sur ses propres ressources; et les subventions accordées par l’Etat ne pouvaient pas combler les déficits des collectivités démunies9. Il s’agit donc d’un processus qui accroit la différentiation socio-spatiale et accentue les déséquilibres entre les différentes parties de la ville. Le deuxième processus concerne la multiplication d’institutions dont l’empilement provoque tantôt des modalités de prise de décision, tantôt leur extrême concentration entre les mains de quelques responsables au niveau de la communauté urbaine ou de la wilaya. Les responsabilités sont ainsi diluées entre plusieurs niveaux de gestion de la ville, sans coordination rigoureuse entre la commune,

9 En 2002, il a été décidé le retour à l’unité de la ville et d’unifier la gestion en vertu de la charte communale 00-

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l’agence urbaine, la préfecture, la communauté urbaine et la wilaya. Le résultat de ce dysfonctionnement c’est que plusieurs projets d’infrastructures de base dument programmés sont restés en panne pendant plusieurs années.

On peut ajouter aux causes de ses disfonctionnements une autre raison, qui est celle de la gestion foncière, avec l’existence d’une forte spéculation foncière sur les terrains. Une des problématiques foncière qu’on peut évoquer est celle du rôle des industriels dans le cas casablancais. En effet, les industriels, confrontés aux problèmes de financement, vont se protéger contre les banques en constituant un capital de réserves foncières. Certains d’entre eux sont passés de la production industrielle à la promotion immobilière et à la spéculation.

Aussi le système bancaire et la gestion urbaine conjuguent dans ce domaine, les inconvénients du système des crédits aux dysfonctionnements de la gestion urbaine. La conséquence est que les prix de terrains dans la périphérie sont parfois plus élevés que ceux des terrains du centre, et l’offre est devenue extrêmement tenue alors que la demande ne cesse d’augmenter surtout dans la périphérie. On est devant une question fondamentale qui est celle du foncier. Ceci renvoi à la question suivante : Est-ce que c’est un phénomène historique particulier à Casablanca, ou bien il s’agit d’une situation résultant de la gestion foncière dans les zones à urbaniser, et que les pouvoirs publics n’ouvrent pas à l’urbanisation ? C’est toute la question foncière qu’il faudrait cerner. Alors que les bidonvilles sont encore là depuis plus d’un demi- siècle, et que les lotissements non réglementaires10 s’étendent sur ces mêmes terrains que les collectivités territoriales tardent à ouvrir à une urbanisation maîtrisée. Comment expliquer alors ces apparentes contradictions ? Les lotissements non réglementaires ont, d’abord concerné les terrains agricoles, situés en dehors du périmètre urbain, à la limite des zones couvertes par les plans d’urbanisme. Ces opérations sont donc, au départ, les conséquences du manque d’anticipation de l’ampleur des mouvements d’urbanisation, du fait du phénomène cumulatif d’accroissement démographique. Ils sont devenus le moteur majeur de l’urbanisation, non seulement à Casablanca, mais dans l’ensemble de l’aire métropolitaine.

Quelle est alors leur place dans l’accroissement des différentiations sociales dans la ville ? Les causes sont multiples et on peut citer :

1. le manque d’anticipation entre l’administration territoriale (autorités administratives, élus communaux) et les instances de la planification territoriale.

2. l’Etat semble adopter la posture du laisser faire, parfois de compromis social, ce qui justifie son retrait progressif entant que responsable de construction de logements sociaux.

3. Un autre éléments majeur d’explication, c’est cette articulation entre la faiblesse de l’offre en terrains à bâtir et en logements et la dégradation du niveau de vie d’une partie des classes moyennes qui vont se trouver obligées de recourir à cette solution pour s’assurer un logement, même si le quartier ne correspond pas à leurs ambitions d’ascension sociale.

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L’habitat non réglementaire est donc le résultat d’un processus complexe relative à l’urbanisme pratiqué dans la ville, à la gestion urbaine et à la politique économico-sociale.

Conclusion

Casablanca se singularise par sa faculté à anticiper les phases de l’histoire urbaine et urbanistique au Maroc. La ville a suscité un intérêt particulier en matière de planification, depuis le premier plan Prost en édifiant une ville moderne dotée d’un héritage architectural sans équivalent sur le continent et en projetant les premiers éléments structurant, le grand port qui assure l’ouverture de la ville sur le monde extérieur et représente l’élément fondamental de son développement économique et, la gare ferroviaire qui relie la ville aux différentes régions du Maroc. Le plan Ecochard s’inscrit, par contre, dans une lignée de politique urbaine sociale répondant à la crise aigüe du logement. Le Schéma Directeur de 1984 répondait à un aménagement sécuritaire, tout en structurant la ville et ses périphéries.

Au tournant du XXIème siècle, et en même temps que Casablanca se hisse au rang des métropoles internationales avec l’aménagement et la mise en chantier de plusieurs équipements structurants : Technoparc-Casablanca, Parc dédié aux sociétés offshores, Casablanca-Finance-City, Tramway-Casa, réaménagement de la gare ferroviaire, Grand centre commercial…etc., on constate par contre que, les difficultés sociales, les hésitations et les retards dans la mise en œuvre des programmes socio-économiques vont peser lourdement sur l’organisation peu cohérente de l’espace de la ville; ce qui a fait le sujet du discours royal de 2013 critiquant la mauvaise gestion de la ville et soulignant que la première ville du Maroc souffre d’un « déficit en matière de gouvernance », tout en rappelant que la volonté de faire de la ville une métropole internationale « exige une mise à niveau en termes d’infrastructures et des services de bases, la consolidation des règles de bonne gouvernance, la mise en place d’un cadre juridique approprié, la formation des ressources humaines et l’adoption de techniques et méthodes de gestion moderne ».

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