• Aucun résultat trouvé

Suspense psychologique parfaitement mené. Une tension constante. J. Borgé - N. de Rabaudy (Paris-Match)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Suspense psychologique parfaitement mené. Une tension constante. J. Borgé - N. de Rabaudy (Paris-Match)"

Copied!
28
0
0

Texte intégral

(1)
(2)

Un style « à l'américaine ».

Sous ce ciel de vacances, dans ce paysage enchan- teur, nous éprouvons « l'impression d'assister à une sorte de corrida, chatoyante et sournoise ».

Michel Aubriant (Paris-Presse)

Deray tisse autour des personnages une véri- table toile d'araignée psychologique, qui dévoile les ressorts de chacun, les motivations secrètes, les tentations enfouies.

Henri Chapier (Combat)

Tout est diabolique dans ce film.

Jacques Deray a fait sentir jusqu'à l'exaspération la brutalité et la fragilité des passions.

Robert Chazal (France-Soir)

Suspense psychologique parfaitement mené. Une tension constante.

J. Borgé - N. de Rabaudy (Paris-Match)

(3)

LA PISCINE

(4)

ALAIN DELON

ROMY SCHNEIDER MAURICE

RONET

Un film de

JACQUES DERAY LA PISCINE

Les photographies illustrant ce volume ont été fournies par la

SOCIÉTÉ NOUVELLE DE CINÉMA

(5)

JEAN-EMMANUEL CONIL

LA

PISCINE

Solar/Éditeur

(6)

© Solar, 1969.

T o u s droits d e r e p r o d u c t i o n , de t r a d u c t i o n et d ' a d a p t a t i o n réservés p o u r t o u s pays, y c o m p r i s l ' U . R . S . S .

(7)

1

(8)
(9)

Jean-Claude trouvait que sa vie était sem- blable à la goutte d'eau qui roulait le long de sa main. Transparente, fragile et anonyme.

Allongé au bord de la piscine, écrasé de soleil, il la voyait en gros plan, cette goutte. A force de la fixer, il l'avait élevée à la hauteur d'un univers et il guettait sa chute, le cœur battant.

Il lui semblait qu'il allait mourir en même temps.

Lâchement, il préféra bouger, tourna la tête en laissant sa main tomber dans l'eau bleue de la piscine. Maintenant, la moquette de nylon qui entourait le bassin semblait s'éten- dre à perte de vue, à la hauteur de son regard.

Un désert, oui, un désert crème, lisse et déses- pérant.

(10)

Il n'y avait pas un bruit, pas même le chant d'un oiseau. Jean-Claude aimait ces silences, au point qu'il en retenait presque sa respira- tion.

Là-bas, plus bas, c'était la Côte, St-Tropez, l'horrible fête permanente des beaux jours.

Mais pas un écho n'en parvenait sur ces hau- teurs où la maison se cachait dans la verdure.

Jean-Claude ferma les yeux, essaya d'oublier le temps, l'heure, le jour, l'année... Il était enfant, étalé dans l'herbe qui le chatouillait, des nuages passaient de temps à autre et il frissonnait sous leur ombre... Une fourmi tentait l'escalade d'une fragile marguerite et le spectacle de cette lutte le passionnait comme un film d'aventures... Ou bien une vache se manifestait dans le lointain et Jean- Claude crispait ses mains dans l'herbe comme s'il avait craint qu'on l'arrachât à cette terre, à cette solitude...

Le temps n'avait plus de signification.

C'était un ennui très doux, un peu terne, un peu gris, semblable à ces journées d'octobre que le soleil ne parvient pas à éclairer.

Un clapotis dans l'eau et tout se remet en place. Le temps, l'année, le jour, l'heure...

Trois heures et le pied de Marianne qui prend la température de l'eau. Son image se

(11)

brouille, s'étire, se déforme, explose en mille éclats lumineux...

Jean-Claude ouvrit un œil et dut faire un effort pour avoir une image nette de la jeune femme. Il se demanda s'il ne préférait pas son reflet. Mais peut-on faire l'amour avec un reflet, une ombre, une projection?... A essayer.

Le quotidien est si banal.

Marianne avait retiré son pied. Elle était debout, de l'autre côté et Jean-Claude savait qu'elle l'observait. Il ferma son œil tout douce- ment, souhaitant qu'elle ne le remarque pas.

Mais elle le contraignait à l'immobilité, au dosage de sa respiration... Il sentit venir la crampe dans le pied, les fourmis dans l'épaule...

Là-bas, Marianne s'allongea sur le bord.

Jean-Claude en profita pour bouger son bras, s'en faire un abri. Il pouvait voir Marianne sans qu'elle le sut. Il aimait ces attitudes idiotes, enfantines, qui lui laissaient l'impres- sion de courir un grand danger.

A nouveau le silence. Marianne s'était ins- tallée comme lui. L'observait-elle ? Il ferma les yeux, chercha encore à s'évader... Mais les images fuyaient, incohérentes, pâles, sans bruit et sans odeur... Un gravier tomba dans l'eau, l'éclaboussant légèrement.

(12)

Sans élever la voix, Marianne dit :

— Je sais que tu me regardes...

Pourquoi ne jouait-elle jamais le jeu ? Pour- quoi ne comprenait-elle jamais rien ? Jean- Claude se força à ne pas remuer. Un second gravier suivit le premier.

— Harry sera là tout à l'heure.

Pas une nouvelle, ça. Pas quelque chose qui vaille la peine de bouger.

Un troisième gravier. Jean-Claude détestait ces gouttelettes qui lui sautaient sur les épau- les. Il entrouvrit son œil. Là-bas, Marianne avait déjà changé de position. Elle devait sûre- ment s'énerver.

— Et il amène sa fille.

Quelque chose de différent. Comme un corps étranger dans l'œil.

— Merde.

Ça signifiait quoi, la fille d'Harry ? Le sou- venir confus d'une grande sauterelle entrevue un soir de chasse, gauche et agressive, ron- geant ses ongles sous un regard flottant qui coulait d'un invité à l'autre. Des lèvres volon- tairement pincées et un soupçon d'acné.

C'était il y a trois ans.

— Pourquoi dis-tu ça ?

Jean-Claude déplia son bras, tenta de trou- ver son reflet dans la piscine.

(13)

— Comme ça.

— C'est drôle, non, la fille d'Harry ?

Et Harry, donc... Les effets de torse, les bains matinaux, les sourires sur un rythme de mitrailleuse, la vitesse, le mouvement, l'ivresse un peu fatigante de ceux qui s'agitent sans cesse pour ne pas vieillir.

— Il te plaît, Harry ?

— Hé... hé...

— Pourquoi ?

— Il est reposant.

— Tu trouves ?

— Oui... Il n'oblige pas à penser. Et penser, c'est bien ce qu'il y a de plus fatigant.

Un jour, quelqu'un l'avait appelé Harry Canaille. Il avait ri. Il aurait aimé qu'on le prenne pour une synthèse moderne de Milord l'Arsouille et du Chevalier d'Orsay. Ce n'était qu'un play-boy au tournant dangereux. Une sorte de fauve fatigué qui parcourt les sentiers par habitude. Un vieil animal à la recherche de son cimetière.

La fille d'Harry... Jean-Claude tourna la tête, tenta de l'imaginer dans le décor...

— Comment s'appelle-t-elle ?

— Pénélope. Et elle arrive d'Angleterre.

Pénélope sort de la maison blanche couverte de feuillage, Pénélope s'étire en pensant :

(14)

« C' est beau la France ». Pénélope s avance vers la piscine, Pénélope tâte l'eau de la pointe du pied...

— Merde, répéta Jean-Claude.

— Pourquoi ?

Difficile à expliquer. Comme si un petit nuage de brouillard courait à ras du sol. Une chose confuse et froide. On n'explique pas ces vues de l'esprit, on dit :

— Pour rien.

Profiter de ce calme à en avoir mal. Que Marianne se taise, que l'eau elle-même se fige, que l'univers entier se pétrifie. Jean-Claude tenta de ne pas vivre pendant quelques secondes. Minéral. Et si je ne pouvais plus lever mon bras ? Ou bien ma jambe... Rester là indéfiniment à penser, intégré à la terre, éternellement prisonnier... Il eut peur, bougea son bras.

S'asseoir, prendre les cigarettes, en allumer une sans plaisir, regretter déjà d'avoir bougé.

— On lui donnera la petite chambre du haut... Je suis sûre que ça l'amusera de grim- per à l'échelle.

— Et si elle se tue ?

— Ça te plairait ?

— Non... A cause du remue-ménage...

Brusquement, Marianne se laissa glisser

(15)

dans l' eau, avançant un instant comme un bateau sur son erre. L'eau se ridait légère- ment, clapotait juste sous le visage de Jean- Claude. On aurait dit un bateau de commando procédant silencieusement à l'attaque noc- turne d'une base. Marianne venait vers Jean- Claude. Ses mains agrippèrent le rebord, cherchèrent un appui. Jean-Claude les regar- dait comme deux choses étrangères, un peu inquiétantes. Marianne secoua la tête et quel- ques gouttes sautèrent sur Jean-Claude qui frissonna.

— T'es dingue ?

Elle rit, pour le plaisir de l'irriter. Leurs regards se croisèrent. Jean-Claude baissa la tête le premier. Il n'aimait pas qu'elle l'oblige à participer à ces silencieuses minutes de vérité.

Savoir ce que veut Marianne, ce qu'elle cherche, ce qu'elle attend. Elle lui tendit la main.

— Aide-moi.

Elle s'écroula près de lui, ruisselante, l'épaule à la hauteur des yeux de Jean-Claude.

Il suivit, fasciné, une goutte qui roulait sur la peau ambrée. Un autre univers lui échap- pait, allait encore disparaître.

Il posa brusquement sa main sur Marianne,

(16)

lui caressa la naissance du cou. Marianne fris- sonna à son tour, renversa légèrement la tête.

La main de Jean-Claude sous la bretelle de son soutien-gorge.

— Harry va arriver.

— Et puis ?

La caresse de Jean-Claude se précisa.

Marianne semblait ne plus respirer. Elle attend. Elle semble toujours attendre. Quoi ? Son regard filtre entre ses paupières mi-closes.

J'aime mieux quand elle me regarde ainsi à l'envers. Lui faire mal. Comme ça, sa grimace aura l'air d'un sourire.

Sa main tenait son sein prisonnier. Il accen- tua sa pression sur la pointe. Marianne gémit, se retourna légèrement pour lui échapper.

Jean-Claude regretta aussitôt, se trouva petit, mesquin, minable.

L'agrafe du soutien-gorge sauta.

— Jean-Claude...

— Quoi ?

— Pas ici...

Les vieux tabous. L'amour en plein soleil, face aux arbres et au ciel. Dieu nous voit.

Jean-Claude se pencha. Avait-il vraiment envie de faire l'amour ? Il pensa à Harry et décida que oui.

Elle glissa à sa hauteur, consentante. Lais-

(17)

ser parler la nature, y participer... Idiot. Je suis ce point infime dans le ciel, je suis aussi le ciel tout entier, un univers en expansion.

Il se vit très loin, très petit, penché sur Marianne, prisonnier de ses doigts. Le goût fade de la piscine sur ses lèvres, puis sur sa hanche...

Elle ferme les yeux. Egoïstement. Elle garde son bonheur pour elle, bien au chaud, bien enfermé. Je ne suis que l'étranger, le passant.

Peut-être l'emmerdeur si je lui parle... Son ventre plat, la tièdeur de sa cuisse et ce point de rencontre mystérieux et troublant...

L'agrafe du soutien-gorge sauta et l'élas- tique frappa la peau bronzée avec un petit bruit sec, insolite. Marianne soupira. Elle s'en voulait d'autant participer, mais le moyen de faire autrement lorsqu'on se trouve étroite- ment soudé à un beau corps dur et nerveux qui vous retient prisonnière... De nouveau cette confusion de sentiments. Je l'aime pour son corps ou pour son âme ?... Peut-être seule- ment pour sa main qui se fait précise, qui s'attarde sur ma nuque avant de descendre, légère, comme autonome, le long de mon dos jusqu'au creux de mes reins... Marianne sou- pire.

Je suis bien, j'ai décidé que j'étais bien...

(18)

Il connaît m o n corps p a r cœur, il en explore les m o i n d r e s points sensibles et je chavire c o m m e si rien d ' a u t r e a u m o n d e était impor- tant...

Jean-Claude glissa sa m a i n sous la ceinture d u slip, enfonça ses ongles dans la chair ferme et tiède. M a r i a n n e p o u s s a u n petit cri, vite t r a n s f o r m é en soupir d'aise. Elle était tou- j o u r s allongée s u r lui, s'alourdissant à m e s u r e que les caresses se précisaient.

— Non, Jean-Claude, non...

Cette m a n i e de protester, m ê m e lorsqu'elle était bien. Que croyait-elle sauvegarder ? Sa p u d e u r ou quelque chose de plus p r o f o n d qu'elle appelait son « moi » dans ses m o m e n t s de révolte ? Elle était là, il n'était pas venu la chercher. Il n'avait besoin de rien, de rien d ' a u t r e que de cette piscine proche de ce soleil qui détruisait toute volonté, toute envie de bouger, ne fût-ce que le petit doigt. Elle était venue, elle devait accepter. D'ailleurs n'y avait- il pas divorce e n t r e ce corps qui lentement s'offrait et cet esprit qui se croyait obligé de livrer u n b a r o u d d ' h o n n e u r ? E n a m o u r , il n'y a ni vainqueur, ni vaincu.

Tu es s u r moi, Marianne, ton sexe appelle m o n sexe, il f a u t les laisser faire. Tu aimes la nature, et ceci est u n e loi de la nature...

(19)

Tu as réveillé en moi ce désir que je crois à chaque fois éteint... Laisse-toi faire, laisse mes mains parcourir ta peau qui n'attend que ça...

La serrant à plein bras, Jean-Claude la retourna brusquement. Les positions étaient inversées, mais le problème restait le même.

Leurs regards s'accrochèrent.

— Je vois le ciel dans tes yeux... Des oiseaux y passent en se poursuivant...

— Tu n'y vois rien d'autre ?

— Si, mais il ne serait pas convenable de le dire.

— Les mots te font peur ?

— Les mots seulement. Et puis à quoi bon parler...

Ils restèrent un moment sans bouger, sou- dés. Leur désir montait lentement comme si le contrôle de leurs corps leur échappait. Il la sentait tendue comme au premier jour lorsqu'il l'avait raccompagnée et qu'elle l'avait invité à prendre un verre... Il l'avait crue affranchie et s'était attendu à ce qu'elle sacri- fie aux mœurs bien parisiennes en se déshabil- lant pour qu'il la prenne puisque telle était la règle du jeu. Or, elle ne lui avait rien facilité et plus tard il s'était demandé jusqu'où ce n'était pas une suprême habileté... Ils étaient tous deux sur le divan bas, à parler, à prolon-

(20)

ger u n e conversation sans importance... Il se disait : « H a r r y a i m e r a i t avoir u n e fille c o m m e elle ». P o u r q u o i se référait-il continuellement à H a r r y ? P o u r q u o i celui-ci était-il c o m m e l'observateur, le censeur invisible de ses moin- dres faits et gestes ? Il y avait pensé et il avait désiré M a r i a n n e c o m m e s'il se fût agi de la m a î t r e s s e de Harry.

Que pensait-elle alors qu'il se laissait aller s u r le divan et que sa m a i n traînait à proxi- mité de sa mini-jupe ? La conversation lan- guissait, les silences s'étiraient et Jean-Claude voyait le m o m e n t où il n ' a u r a i t plus de raison de rester. Il avait mis sa m a i n s u r le genou de Marianne, c o m m e ça et elle n'avait pas bougé. Ils s'étaient regardés. Jean-Claude lui avait envoyé u n sourire sans écho. Il savait qu'elle le soupesait, qu'elle le jaugeait.

Le fait d'avoir posé sa m a i n s u r le genou impliquait qu'il avait atteint le point de non retour, sinon il s o m b r a i t dans le ridicule. Ses doigts avaient r e m o n t é lentement le long de la cuisse et M a r i a n n e l'observait t o u j o u r s c o m m e s'il se fut agi de quelque corps étran- ger et n o n du sien.

Il s'était alors piqué au jeu. Je t'aurai, tu seras là, gémissante, implorante, gibier con- sentant, p r ê t e à accepter t a petite mort. Au

(21)

niveau de la jupe, il avait marqué un temps d'arrêt. Il restait un si court chemin à par- courir...

L'instant délicat. Rendre son propre corps immatériel, se glisser à la bonne hauteur, retrouver des mots qui saoulent, des mots qui dissimulent cette main qui chemine vers ce lieu mystérieux et protégé...

Elle avait enfin réagi et posé sa tasse de café. Sa respiration s'était faite plus courte et il en avait profité pour se rapprocher encore. Elle avait murmuré :

— Il est tard...

— Non, tôt.

— Ce n'est pas la même chose ?

— Croyez-vous qu'il y ait une heure pour être bien ?

— Vous êtes bien ?

— Oui. Pas vous ?

Sa main s'était immobilisée, bien au chaud, bien à l'abri. Celle de Marianne se posa dessus, s'alourdit. Il y eut une lutte brève dont elle sortit vaincue. Restait à vaincre ce front lisse et ce qui se cachait derrière. Il l'avait embras- sée, puis comme elle ne réagissait pas, mor- due. Elle s'était débattue, voulant le repous- ser. Une courte réaction, violente, dans

(22)

laquelle il avait encore eu le dessus. Ils étaient un peu haletants.

— Je ne vous violerai pas, avait-il murmuré.

Il lui avait lâché les bras, mais il était resté sur elle, collé à sa poitrine. Ces regards qui se fouillent, qui s'épient comme deux adver- saires au coin d'un bois. Pourquoi faut-il avoir à se battre, à lutter ? Mais le plaisir serait-il le même sans cela ? Un moment interminable avant qu'elle referme la main sur sa nuque, qu'elle l'attire à elle et qu'elle lui rende enfin un baiser digne de ce nom... Lui, faisait sauter déjà les quelques boutons du chemisier, insi- nuait sa main sous la patte du soutien-gorge (quel modèle ?) puis, après avoir éliminé l'obstacle, remontait vers l'épaule ronde, lisse, là où se trouve un point sensible... Le premier gémissement, enfin. Il la parcourait du bout des lèvres, du bout des dents, glissant vers ce sein offert, en cernant l'aréole du bout de la langue tandis qu'elle s'animait lentement.

Il avait pris le bouton délicatement entre ses lèvres, puis entre ses dents, le mordillant jusqu'à ce qu'elle demande grâce. Il avait cher- ché son regard. Son œil s'affolait, la paupière battait tandis qu'il glissait vers la fermeture- éclair de la jupe...

L'espace d'un instant, je t'ai aimée profon-

(23)

dément, Marianne, le temps d'une seconde, tu as été mon univers alors que mon corps apprenait le tien, alors que tes jambes empri- sonnaient les miennes, retardant à plaisir le moment suprême... Il est arrivé et je t'ai prise comme peut-être je n'avais encore jamais pris une femme. Avec une fureur contrôlée, épiant ton visage alors que je pénétrais en toi... Je n'ai pas senti tes ongles dans mon dos, je te possédais, mais je t'appartenais... J'étais le vainqueur et le vaincu d'un combat sans com- battants puisqu'il était écrit que nous étions les mêmes soldats d'un même corps... Sou- viens-toi des mille soleils qui ont explosé dans la pièce lorsque tu as hurlé mon nom... J'ai oublié les mots sans suite que je t'avais dits et nous avons oublié que le temps se mesurait.

Pourtant...

Trois ans et te voilà pareille au premier jour, tes jambes agiles entourant les miennes tandis que tes seins s'écrasent sur ma poitrine.

Je vais faire glisser ton slip et rien ne nous empêchera plus de ne faire qu'un, d'être ce que nous étions ce premier matin. D'où vient que cela est si différent aujourd'hui ? C'est à mon tour d'avoir un corps qui me trahit, qui veut vivre sa vie avec le tien... Après,

(24)

satisfaite, tu croiras encore que je t'appar- tiens. Oh ! ce corps qui m'échappe...

Et comme Jean-Claude allait avoir vraiment envie de l'aimer, l'explosion brutale, soudaine.

Un oiseau fila comme une flèche. Derrière le rideau d'arbres, le monde se manifestait à nouveau, à grand renfort de coups de klaxon deux tons et de cris d'enthousiasme...

Marianne se redressa d'un bond, comme si on l'avait prise en faute. Elle eut du mal à ouvrir les yeux, à reconstituer le décor. Celui-ci était d'un vert uniforme, glauque, puis les couleurs lui revinrent...

Marianne achevait d'agrafer son soutien- gorge.

— C'est Harry, murmura-t-elle.

Jean-Claude, à plat ventre, laissait traîner sa main dans l'eau. Là-bas, encore le klaxon.

Merde. La jambe de Marianne, toute proche, sa chaleur encore dans le creux de la main.

— Va ouvrir.

— Tu ne viens pas ?

— Non.

— Pourquoi les as-tu invités ?

— Pourquoi pas ?

Maintenant, les pieds de Marianne courant sur la moquette humide... Jean-Claude colla son oreille tout contre, fut surpris de la réso-

(25)

nance. Une charge qui faisait trembler la terre, remettant toute paix en question.

Puis le moteur qui s'arrête sur un dernier coup d'accélérateur, le mufle émergeant des buissons, à deux pas de la piscine. Cette fois, il faut bouger, bouger pour de bon, réenfiler sa peau...

Jean-Claude contourna la piscine, s'arrêta à l'extrémité opposée. Il était là, Harry, semblable à lui-même, inévitablement bronzé, le torse moulé dans un tee-shirt à petites rayu- res bleues, blanches et rouges. Il agita la main, à demi sorti de son Alfa-Roméo blanche.

Son autre main tenait Marianne par la taille, la plaquant contre la carrosserie. Jean-Claude

sourit.

Une vieille amitié... sans doute. Plutôt une vieille habitude qui remontait à une époque lointaine de Quartier Latin où déjà un Harry bronzé se faisait les dents sur son entourage...

Et depuis, une technique sans cesse améliorée qui séduisait et inquiétait tout à la fois. L'uni- vers de Harry était étrange, assez effrayant, mais on s'y laissait prendre facilement quand on était une belle évaporée ou un jeune homme complexé.

Puis, à travers le pare-brise constellé de tra- ces de moustiques, une autre vision, diffé-

(26)

rente, surprenante... Jean-Claude fit deux pas, entendant à peine Harry crier :

— Hé ! Paris-Gassin, sept heures quinze, chrono en main...

Tout Harry. Il partait acheter des allu- mettes et lorsqu'il revenait, dix minutes plus tard, il rentrait comme un croisé après dix ans d'absence, superbe, modeste, souriant, éternel vainqueur d'un adversaire inexistant.

La vision, donc. Puis Harry qui parle encore :

— Combien fais-tu, toi, avec ta voiture pour- rie ?

Elle était belle cette fille qui attendait sans bouger, à l'abri de ses lunettes de soleil, les cheveux serrés dans un foulard blanc à pois bleus, un bras appuyé sur la portière, une cigarette pendant entre ses doigts.

Harry sauta de sa voiture, souleva Marian- ne, la couvrit de petits baisers, se retourna vers Jean-Claude, la main largement tendue, le geste toujours excessif.

— Sacré vieux salaud... Ça me fait plaisir de te revoir...

— Je croyais que tu devais amener ta fille ? Le rire de Harry envahit tout l'espace ambiant. Harry se retourna vers la jeune fille :

(27)

ACHEVÉ D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L ' I M P R I M E R I E HÉRISSEY A ÉVREUX (EURE)

LE 21 AVRIL 1969

N° d'éditeur : 107 N° d'imprimeur : 4907 Dépôt légal : 2 trimestre 1969

(28)

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

Couverture :

Conception graphique ‒ Manon Lemaux Typographie ‒ Linux Libertine & Biolinum, Licence OFL

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia

‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒ dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.

Références

Documents relatifs

Bousculé, apostrophé, harcelé, l'auditeur ne sait plus si le bulletin météorologique qui annonce la neige a trait à la journée d'hier ou à celle de demain ; et il se retrouve en

Pour repérer la thèse défendue, il convient tout d'abord de trouver le thème du texte.. On peut ensuite chercher le jugement ou le sentiment du locuteur à propos de

zI FRM : Courant direct moyen maximal : C'est le maximum admissible pour la valeur moyenne du courant direct; cette valeur étant calculée sur une période avec un redressement

Ceci est vrai dès le Tome II, mais va devenir caricatural dans les derniers volumes, surtout sous la plume du chevalier de Jaucourt, comme nous le verrons un peu plus loin.. Nous

Adresse IP privée Serveur STUN. Quelle est mon adresse

Ainsi, il nous appartient de traiter – plus que jamais – nos collections avec égards, conscients qu’elles seront demain les témoignages des écosystèmes du passé

De prime abord, l’allure de ce conférencier surprend et  intrigue.  Il  est  anglophone  et  malgré  un  fort  accent,  il  ose  s’exprimer  dans  un 

Il va aller voir les différents animaux de la ferme pour leur demander de l'aide..!. Pendant la lecture, arrête-toi sur chaque animal que rencontre