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GRANDES INVASIONS OU MIGRATION DE PEUPLES?

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Academic year: 2022

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ALAIN DIERKENS Université Libre de Bruxelles

Comment perçoit-on aujourd'hui le phénomène autrefois qualifié de« Grandes invasions» ? Les conséquences de l'arrivée des « Barbares» dans l'Empire romain se traduisent-elles en terme de destruction et d'anarchie ?

GRANDES INVASIONS OU MIGRATION DE PEUPLES ?

Une question mal posée

Les Huns, illustration tirée d'un livre d'histoire des années 1950.

Les illustrations des anciens livres scolaires donnaient des « Barbares »

l'image d'envahisseurs, détruisant tout sur leur passage ...

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ANS LES MANUELS D'HIS- TOIRE, les « Grandes inva- sions» bénéficient d'une place à pa rt. Présen- tées comme l'irruption en masse de popula- tions barbares dans l'Empire romain, elles auraient contribué à détruire un Empire vacillant, déjà usé par la corruption et la décadence des mœurs. Elles auraient pré- ludé à plusieurs siècles d'anarchie (ou presque), pendant lesquels des royaumes violents se seraient établis sur les ruines d'un État dont les fondements institution- nels, politiques, idéologiques leur auraient été complètement étrangers. li aurait fallu attendre le «grand» Charlemagne pour qu'enfin la Civilisation puisse progressive- ment renaître et mette fin à trois ou quatre siècles de ténèbres. De ce schéma, véritable création historiographique, il ne reste plus rien aujourd'hui...

La situation dans l'Empire

Dans l'Empire romain, une crise politique et économique, nettement perceptible dès le milieu du Ill° siècle, a conduit à une modifi- cation significative des structures de l'État.

C'est principalement à Dioclétien, à l'ex- trêmefin du 111• siècle,que l'on doit l'initiative de la refonte administrative de l'Empire. Le nombre de provinces est quasiment doublé (de 47 à une centaine environ), par division des provinces existantes, placées sur un plan d'égalité institutionnelle: ainsi, la Belgique est séparée en Belgique Première (Trèves) et Belgique Seconde (Reims); on distingue désormais Germanie Première (Mayence) et Germanie Seconde (Cologne); les deux Bre- tagnes sont redistribuées en quatre provin- ces, les deux Pannonies en cinq, etc. Dirigées par un gouverneur, les nouvelles provinces sont regroupées en diocèses, eux-mêmes réunis en préfectures, administrées par un préfet du prétoire placé sous l'autorité directe de l'empereur. Par exemple, le dio- cèse des Gaules, englobé - avec les diocèses de Bretagne et d'Espagne - dans la préfec- ture des Gaules (Trèves), rassemble dix-sept provinces, dont les deux Belgiques, les qua- tre Lyonnaises et les deux Germanies. Ou encore, les diocèses d'Afrique, d'Italie et des Pannonies sont unis en une préfecture ltalo- il lyrienne. Cette pyramide h iéra rch ique, dont nous connaissons la structure par diverses listes administratives du 1\/" siècle (surtout la Notitia Dignitatum des environs de 400), intègre les circonscriptions locales, les cités (civitates), dont on modifie rarement le res- sort territorial.

C'est dans le cadre des ci vit ates que se déve- loppe le christianisme, dont le culte est autorisé au début du

iv•

siècle (313: édit,

Reconstitution, d'après les fouilles, des limes de Germanie (en haut) et de Rhétie (en bas).

D'après H.J. Diesner,

The Great Migration ... , Londres, 1982, fig. p. 43.

A

partir du milieu du IW s., les frontières de· l'Empire sont renforcées.

Empereur

--- I ---

préfecture des Gaules préfecture d'Italie-Illyrie-Afrique

,al al

u 0

0

Bretagnes Gaules 7 Provinces Espagnes

,al al

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Afrique

Italie suburbicaire Italie annonaire Illyrie

Dacie Macédoine

préfecture d'Orient

al

Thraces

"' Asie

,(!)

u Pont 0 0 Orient

Egypte

Province - Province. Province... Province - Province - Province... Province - Province- Province

~--- 100 au total __.

Cité - Cité - Cité - Cité - Cité... Cité - Cité - Cité - Cité - Cité... Cité - Cité - Cité - Cité - Cité ...

L'organisation administrative de l'Empire romain à la fin du IV• s.

erronément dit « de Milan», promulgué conjointement à Nicomédie par Licinius et Constantin) avant de devenir, sous sa forme catholique, religion d'État à la fin de ce siècle (diverses mesures prises par Gratien etîhéo- dose dans les années 380). La cité est choi- sie comme circonscription épiscopale et le caput civitatis, devenu siège de l'évêché, est doté de l'infrastructure adéquate. Les ha u- tes fonctions publiques, y compris religieu- ses, sont réservées aux seuls membres de l'aristocratie foncière, formant une véritable noblesse sénatoriale, dont les pouvoirs et la richesse vont croître de façon spectaculaire.

L'organisation militaire, elle aussi profon- dément remaniée et tout à fait distincte de l'administration civile, repose désormais sur une armée chargée de la défense des frontières (limitanei) et sur une armée de campagne, plus mobile, destinée égale- ment au maintien de la sécurité intérieure (comitatenses). En Gaule du Nord, on assiste

au renforcement du limes rhénan, à la créa- tion d'un réseau de forts destinés à proté- ger la côte de la mer du Nord (litus saxoni- cum ), à la construction - à distances régu- lières - de fortins le long des principales voies routières (Trèves-Cologne, Bavay- Cologne, Nimègue-Maastricht), au station- nement de petites garnisons dans des for- tifications de hauteur situées non loin du.

limes rhénan. Pour assurer ces fonctions militaires renforcées, on favorise le recru- tement de soldats non-Romains, principale- ment venus d'outré-Rhin : la barbarisation progressive de l'armée romaine est l'un des traits les plus caractéristiques du Bas- Empire.Certains officiers barbares, principa- lement des Francs et des Alamans, se signa- lent d'ailleurs par une belle carrière qui les pousse aux plus hauts postes de l'Empire.

On pense, par exemple, au général franc Arbogast à la fin du

1v•

siècle ou, avant lui, aux Francs Bonitus, Silvanus et Mellobaud.

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La Notitia 'fnjt um - ou, plus exactement, la Notitia i riitatum omnium tam civilium quam militariu ·n partibus Orientis et in partibus Occid n s - est un relevé administratif présentant l'orga igrarnrne des postes dirigeants

de I' dministration civile et du commandement mi· ire dans les deux parties de l'Empire romain.

R montant aux environs de 40 I, la version ue nous connaissons de ce texte essentiel pour 'histoire de l'Empire romain tardif est conservée en plusieurs manuscrits, dérivant tous

d'un manuscrit carolingien perdu, autrefois possédé par la cathédrale de Spire.

Selon toute apparence, la Notitia orientale, antérieure, a servi de modèle à la réalisation de la Notitia occidentale. Ce répertoire était régulièrement tenu à jour à la Cour impériale, sous la responsabilité du chef des notaires impériaux. La Notitia a été, pour l'Occident, remaniée jusqu'aux environs de 420 et certains manuscrits montrent que ce document a fait l'objet d'utilisations postérieures,

notamment carolingiennes.

Les quelques imprécisions et inexactitudes que les historiens ont mises en évidence pour la pars Occidentis - la Notitia orientale semble échapper à toute critique - résultent des remaniements successifs, dont le copiste du manuscrit perdu de Spire n'a peut-être pas perçu la signification ou la cohérence.

Elles ne mettent nullement en cause la valeur d'un document de gestion, illustrant la grande complexité des institutions des environs de 400.

La Notitia dignitatum est, pour la Gaule, recoupée et complétée par une autre liste, remontant elle aussi au début du V' siècle et fréquemment remaniée ensuite : la Notitia provinciarum

et civitatum Gal/iarum, énumérant les dix-sept

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provinces de la Gaule et les cités qui dépendaient de chacune d'elles.

La fin du Ill° et le début du IV" siècle voi- ent des modifications notables dans la topographie urbaine. La ville, autrefois ouverte, se ferme par la construction d'en- ceintes autour du centre névralgique. Dans ce dessein, on n'hésite pas, le cas échéant, à utiliser des pierres de remploi et à pro- céder, pour des raisons stratégiques, à la création de glacis en détruisant les habita- tions immédiatement voisines de la future enceinte. Les dimensions réduites de la superficie emmuraillée (souvent quelques hectares, rarement plus de vingt hectares)

Fœdus (traité) : accord par lequel I' empereur concède au peuple bénéficiaire l'autorisation de s'installer dans les limites de l'Empire, de garder son roi, son droit, ses institutions, sa religion, pour autant qu'il s'engage à contribuer à la vie de l'État.

principalement du point de vue militaire.

Planches extraites de la Notitia Dignitatum, copie réalisée vers 1436 à Bâle, d'après un manuscrit (aujourd'hui disparu) provenant de la cathédrale de Spire Paris, BnF, Ms. lat. 9661.

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la nomenclature des cadres civils et militaires s'ajoutent quatre-vingt-dix illustrations représentant les symboles et insignes du pouvoir des différentes fonctions décrites, notamment des boucliers portant les emblèmes des différentes unités militaires et /'évocation stylisée de très nombreuses villes et camps fortifiés.

n'impliquent pas forcément un rétrécisse- ment de la vie économique ou politique:

il s'agit surtout de protéger le centre des institutions urbaines et d'offrir un possi- ble lieu de repli aux populations environ- nantes. Les plus grandes villes sont étroi- tement intégrées à l'organisation militaire de l'Empire et disposent souvent de con- tingents affectés à leur défense. De façon plus générale, on assiste à la fortification des plus grandes vil/if, à l'édification (ou à la récupération) de refuges fortifiés, à des rassemblements d'habitats et à des regroupements de patrimoines fonciers aux mains des membres de l'aristocratie.

On connaît aussi de nombreux cas, un peu partout dans l'Empire, de formations de

« lètes » (/.fti), soldats recrutés au sein de collectivités paysannes barbares établies sur le territoire romain en échange d'un service militaire.

Les fédérés de l'Empire

Depuis la seconde moitié du IV" siècle, des peuples - surtout germaniques - peuvent bénéficier d'un traité (fœdus*), garanti par I' empereur.Ce typed' accord,pa rfois négocié

sous la contrainte mais fréquemment sol- licité par Rome qui y trouve un avantage non négligeable, contribue à favoriser l'installation durable de Germains en terre romaine. li implique la délimitation précise de la région où le peuple fédéré est installé (souvent plusieurs civitates, voire une pro- vince entière), une réglementation stricte' de la répartition des revenus et des terres entre les populations gallo-romaines et les nouveaux arrivants, une définition des lois régissant la cohabitation (principe de la personnalité du droit). Parmi les peuples bénéficiant ainsi du fœdus, on peut citer les Wisigoths, les Ostrogoths, les Burgon- des ou les Francs qui furent globalement fidèles aux conventions passées avec l'Em- pire. Nombre d'entre eux firent ainsi partie des troupes placées sous la direction d'Ae- tius lorsqu'elles remportèrent aux Champs Catalauniques près de Troyes une victoire importante sur les Huns d'Attila (451).

L'origine de ces fœdera fort avantageux pour les populations germaniques est liée à la grande poussée des Huns dans le troisième quart du

1v•

siècle. En effet, alors que les peuples fédérés étaient originelle- ment formés d'ennemis de Rome, vaincus,

contraints de rendre leurs armes et autori- sés, sous conditions, à s'établir dans l'Em- pire, la situation exceptionnelle des années 375 a poussé les autorités romaines à admettre sur leur sol des Goths, fuyant les Huns et passant le Danube sans être désar-

més. Ces réfugiés, vite révoltés, infligèrent aux Romains une série de défaites reten- tissantes, dont la plus fameuse est certaine- ment la bataille d'Andrinople (378) qui vit la mort de l'empereur et le quasi-anéantisse- ment des armées impériales. Lors des négo-

les remparts de la ville du Mans Dans fa seconde moitié du IW siècle, fa plupart des villes de Gaule se dotent

d'une enceinte destinée à protéger leur centre administratif et religieux.

Au Mans, chef-lieu de cité, les remparts (c. 285-c. 315) sont conservés presque intégralement; de forme approximativement rectangulaire (500 x 200 m), ils enserrent une surface d'environ 9 hectares.

ciations qui suivirent, apparut le nouveau type de fœdus, renforçant l'autonomie et la puissance des fédérés. C'est ainsi, notam- ment, que, vers 400, le Wisigoth Alaric put cumuler sa qualité de roi fédéré et de géné- ral romain.

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Mais qui sont ces peuples barbares?

Le succès de l'Empire romain, évidemment polyethnique, repose en grande partie sur sa capacité d'intégration; c'est ce qu'illustre le célèbre édit de Caracalla (212) attribuant la qualité de citoyen romain à tout homme libre vivant dans l'Empire. La généralisation de la qualité de civis Romanus a ipso facto entraîné un phénomène progressif d'affir- mation de consciences régionales ou des origines« barbares», sans que cette mise en avant de spécificités géographiques ou ethniques ne soit ressentie comme antagoniste de la qualité de citoyen romain.

L'intégration à l'Empire de populations venues du Barbaricum* a sus- cité une réaction simi- laire, d'autant plus que, dans leurs préoccupa- tions bureaucratiques et classificatoires, les autorités impé- riales ont catégorisé les nouveaux arrivants en fonction de critères gréco- romains classiques: l'ordonnancement par ethnie sert ainsi de base à leur recon- naissance officielle. Pour paraphraser une des belles formules de Patrick Geary, un des résultats les plus durables du« génie politi- que et militaire romain» fut la définition et la création des peuples germaniques. Car, pas plus que les Romains, les «Germains»

ne forment une entité ethnique; ils regrou- pent tout au contraire des communautés politiques et culturelles polyethniques en perpétuelle évolution.

Les meilleurs spécialistes de ce qu'il est convenu d'appeler l'ethnogenèse* sont parvenus à distinguer les peuples formés par regroupement occasionnel autour de chefs de guerre charismatiques et d'autres, de formation plus ancienne, souvent diri- gés par des rois appartenant à une lignée sacrée, fiers de leurs origines et volontiers

«agglomérants».

Autour des chefs de guerre

À la première catégorie appartiennent les Francs ou les Alamans, regroupant des peuples vivant aux marges du limes rhéno- danubien; pour les Francs (les « coura- geux» ou les « libres ») comme pour les Alamans (« tous les hornrnes »), il est inu- tile de chercher une provenance lointaine.

Seul le nom est récent; les populations que

ces noms recouvrent habitent là depuis des siècles. Si le royaume franc a réussi à s'im- poser comme l'un des regna successeurs de l'Empire romain d'Occident, c'est parce que Childéric et Clovis - rois francs parmi d'autres - sont parvenus à concentrer pro- gressivement autour d'eux les autres Francs (comme ceux de Cambrai ou de Cologne) et les populations gallo-romaines qu'ils avaient été chargés de gouverner.

Autour des rois

De la seconde catégorie relèvent des peu- ples dont les noms sont anciens (nomina vera et antiqua: on les connaît souvent

Anneau sigillaire en or de Childéric (t vers 481). Copie de l'original disparu

© MAN. Saint-Germain-en-Laye

depuis Tacite vers 100 de notre ère ou depuis le JI< siècle) et dont les origines géographiques sont identifiables (le nord de l'Allemagne actuelle, les rivages de la mer Baltique, etc.) : tant pour les Goths ou les Lombards que pour les Vandales, les lignés royales sont bien attestées par des arbres généalogiques foisonnants et les hauts faits de leurs membres les plus illus- tres sont conservés dans des sagas ou des récits héroïques. Leur force d'attraction leur a permis d'intégrer avec succès un nom- bre important de peuples alliés (de gré ou de force) ou de vaincus rattachés aux vain- queurs, dont ils adoptent le nom:« l'auto- désignation d'un peuple par son nom sup- pose une solidarité et une communauté d'action» (Walter Pohl). C'est dans ces peuples du « second type» que les tradi- tions sont maintenues le plus fortement ou que certains traits secondaires (comme la langue ou la religion) peuvent prendre une valeur de signe de reconnaissance.

La structuration en royautés monarchiques clairement identifiables est d'ailleurs indis- pensable à la reconnaissance par les auto- rités impériales. Quant aux « mythes des origines» (origines gentium), ils contri- buent fondamentalement à la construc- tion des identités, dans la mesure où ils impliquent une véritable appropriation du passé.

Les principaux peuples germaniques vers 100 (selon Tacite, Pline I' Ancien, Ptolémée), Todd, 1975

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La tombe du roi Childéric à Tournai

Mise au jour en 1653 près de l'église Saint-Brice à Tournai et publiée très rapidement ( 1655) par l'humaniste Jean-Jacques Chiflet dans un livre d'une exceptionnelle qualité (Anastasis Childerici regis ... , paru chez Plantin-Moretus à Anvers), la tombe du roi Childéric (t vers 481 ), père de Clovis, révèle ce que devait à la Romanité ce roi fédéré franc, gouverneur de la province romaine de Belgique Seconde. Le mobilier funéraire, extraordinairement riche et comparable aux plus beaux ensembles funéraires d'Europe centrale dans la seconde moitié du V' siècle, contient de superbes objets cloisonnés, pour lesquels on a pu proposer une origine méditerranéenne, probablement italienne (Ravenne ?). La belle fibule cruciforme en or présente la forme caractéristique de celles des plus hauts fonctionnaires romains de !'Antiquité tardive. L'anneau sigillaire - destiné donc à sceller des actes écrits et muni de l'inscription latine Childirici regis - montre le roi aux cheveux longs portant le paludamentum, le manteau d'apparat des hauts fonctionnaires; cette représentation peut être comparée aux portraits gravés

sur les intailles (sigillaires ?) de rois contemporains de Childéric, le Wisigoth Alaric li (484-507) et !'Ostrogoth Théodoric I" (473-526). Par ailleurs, et entre autres indices, la présence, autour du tumulus qui recouvrait la tombe, de fosses contenant les restes d'une vingtaine de jeunes chevaux sacrifiés rattache la tombe de Childéric à celles d'autres souverains et chefs militaires d'outre-Rhin (Thuringe) et d'Europe centrale.

Intaille à l'usage de sceau à l'effigie d' Alaric li (484-507), roi des Wisigoths Vienne, Kunsthistorisches museum.

AN-ASTASIS

C H IL D E R I C I

I

I ..

FR-ANCORVM REG IS,

S I V E

THES-A VRVS- SEPVLCHRA_LIS

Tornaci Neruiorum effoffi.1s ~ & Cornmen- tarie illuflratus.

AVCTOR:E'

loANNE IA

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Èquice, Regio Archiarro- rum Comirc, & Archiducali Medico primario,

ANTVERl'JI.A:'., ·

EX OFFICINA PLANTTNIAN.lt B A L T H A ~ A R I S M O R E T I-

M. DC. LV.

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Intaille sigillaire en améthyste de Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths (473-526) - Coll. Part.

Malgré leur forte ressemblance stylistique et esthétique, ces trois représentations de rois barbares contemporains sont nettement individualisées.

On peut penser à de réels portraits.

Barbaricum : les territoires

barbares extérieurs'à l'Empire romain.

Ethnogénèse : processus dynamique de création, d'affirmation

et de développement des gentes (peuples).

Page de titre de l'ouvrage de Jean-Jacques Chiflet, Anastasis Chi/derici ... , Anvers, 1655.

En publiant les fouilles de la tombe de Childéric deux ans seulement après sa découverte, Jean-Jacques Chiflet a livré une des plus anciennes publications archéologiques dignes de ce nom. À son propos, on a pu parler d'" incunable de l'archéologie mérovingienne ».

C MAN. Saint-Germain-en-Loye

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Collections du Museum Burg Linn (Krefeld).

La disparition de l'empereur

La faiblesse du pouvoir impérial en Occi- dent, de plus en plus nette dans le courant

du V" siècle, renforce l'autonomie des peu- ples fédérés et favorise, dans les provin- ces et cités, la montée en puissance des membres de l'aristocratie sénatoriale romaine qui monopolisent - ou à peu près - les fonctions dirigean- tes. L'existence d'un empereur au sommet de la pyramide adminis- trative, et comme garant des trai- tés passés avec les fédérés, permet de maintenir une certaine cohé- rence au gouvernement dans la pars Occidentis de l'Empire. En 476, est déposé Romulus Augus- tule, dont on ne sait

Reconstitution d'un chef militaire franc à cheval (2• quart du VI• s.), d'après les objets découverts dans la tombe 1782

du cimetière mérovingien de Krefeld-Gellep, sur la rive gauche

du cours inférieur du Rhin (Allemagne).

Illustration C Anne Renaud

évidemment pas encore qu'il est le dernier empereur romain en Occident avant Charlemagne en 800. Les années qui suivent cette déposition se caractéri- sent par un «flottement» adminis- tratif, allant dans le sens d'une régio- nalisation de fait. Les uns, membres de la vieille aristocratie, nommés à des postes-clés par l'empereur ou le pouvoir central, tentent de mainte- nir le système tel qu'il leur a été con- fié mais ne manquent pas de profiter au maximum de leur indépendance.

Les autres, rois et peuples fédé- rés, voient dans l'absence

L' tJflJ'tOri'té Je (' e/flft,,ereur orien.-ttJf( n. 'est: iue tnéor,iue

d'autorité centrale l'occasion de renforcer leur autonomie ou même la possibilité de gouverner la totalité des habitants de l'es- pace territorial qui leur a été concédé.

Poursuivre l'Empire

La fin du

v•

siècle est donc marquée par les conflits sur la façon de gérer l'Empire d'Oc- cident sans empereur, ou plutôt en tenant compte de l'autorité théorique d'un empe- reur en Orient, mais sans que cette exis- tence impériale lointaine ne menace la réalité d'un pouvoir local ou régional accru. Faut-il espérer (ou craindre) la nomination d'un nouvel empe- reur qui entraînerait le retour à l'état antérieur? Faut-il, au con- traire, tabler sur la disparition définitive de la fonction impé- riale et repenser le système poli- tique en vigueur?

Quoi qu'il en soit, il y a tout intérêt à clarifier au plus vite les rapports de force et à maintenir le plus possible les structures existantes, par exemple en ce qui concerne le maintien de l'ordre, l'entre- tien des routes, la perception de l'impôt ou l'exercice de la religion. C'est dans ce con- texte qu'il convient de placer l'action des rois francs Childéric et Clovis (481-511 ), du roi ostrogoth Théodoric (473-526) et du roi wisigoth Alaric li (484-507). • A.D.

Le baptême de Clovis

Le baptême de Clovis, tiré des Grandes Chroniques de France, enluminées par le maître de Marguerite d'Orléans, v. 1425 Paris, BnF, Ms. Fr. 2605 f0 13.

Aujourd'hui, plutôt que de suivre le schéma chronologique proposé par notre source la plus complète - les Decem libri Historiarum rédigés par Grégoire de Tours à l'extrême fin du VJ• siècle - et de dater ce baptême de 496, ou éventuellement de 498, on retient une date nettement plus tardive, peut-être 508.

Selon toute apparence, les Francs de Childéric et de Clovis avaient conservé leur religion traditionnelle et n'avaient pas adopté le christianisme sous sa forme catholique ( devenu, depuis la fin

du IV' siècle, la religion unique et officielle de l'Empire romain) ou sous sa forme arienne (comme les Goths, les Vandales ou une partie significative des Burgondes - voir p. 19). Le statut de fédérés dont ils bénéficiaient leur conférait une certaine autonomie en la matière. La décision de Clovis d'opter pour la religion

des Gallo-Romains qu'il avait à diriger a permis aux populations sous domination franque de ne pas faire intervenir l'argument religieux dans d'éventuelles tensions internes et donc de favoriser l'intégration. On ne saura jamais ce que cette décision doit

aux convictions personnelles, aux pressions de l'entourage (on cite habituellement sa femme, la Burgonde Clotilde, et le vénérable évêque de Reims, Rémi, membre d'une très grande famille aristocratique gallo-romaine), aux victoires militaires (bataille dite de « Tolbiac »/Zülpich, dont le scénario fait inévitablement penser à Constantin et à la bataille dite du pont Milvius) ou à l'opportunisme politique. li convient cependant de relativiser l'importance historique de ce baptême, geste symbolique fort, dans la mesure où Clovis, encore païen, avait accepté que ses fils (et donc ses successeurs) soient baptisés selon le rite catholique.

Aujourd'hui, plutôt que de suivre le schéma chronologique proposé par notre source la plus complète - les Decem libri Historiorum rédigés par Grégoire de Tours à l'extrême fin du VI' siècle - et de dater ce baptême de 496, ou éventuellement de 498, on retient une date nettement plus tardive, peut-être 508. Quoi qu'il en soit, peu avant sa mort, Clovis a convoqué un concile (Orléans 5 I I) dont il a déterminé l'ordre du jour et qui atteste de sa qualité de chrétien catholique.

Ce que montre aussi sa volonté d'être enterré, à Paris, aux côtés de sainte Geneviève (t 502 ?), dans une église qui porte la titulature des Saints-

Apôtres comme celle qui, à Constantinople, abrite les tombes des empereurs romains d'Orient depuis Constantin.

«:> BnF

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Références

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