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Revue Africaine d Anthropologie, Nyansa-Pô, n

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1- Institut d’Ethno-Sociologie (IES) –UFR-SHS, Université Félix Houphouët-Boigny, jacobagob@yahoo.fr

2- Institut des Sciences anthropologiques de développement (ISAD) UFR-SHS, Université Félix Houphouët-Boigny; kpattajeromegmail.com

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 21 - 2016

DE LA BANALISATION DE L’ORDONNANCE MEDICALE A LA CONSTRUCTION DE LA SANTE : UNE APPROCHE SOCIO ANTHROPOLOGIQUE DU PROCESSUS DE SOINS DE QUELQUES PATIENTS DU DISTRICT SANITAIRE D’ABIDJAN COTE D’IVOIRE

RESUME

L’étude analyse quelques supports idéologiques à propos du tri médicamenteux d’achat que les acteurs se font des ordonnances médicales. De façon spécifique, l’article met en évidence les enjeux liés à la banalisation des ordonnances médicales à propos du tri systématisé des médicaments pour le marché parallèle au détriment des officines.

Pour ce faire, une méthodologie fondée sur une approche qualitative a permis d’obtenir les résultats suivants. Les idéologies et les pratiques sociales des patients à propos des ordonnances sont connues d’une part ; le marché parallèle pour l’achat d’une partie ou de la totalité des médicaments prescrits par les traitants sont localisés d’autre part.

En conclusion, la paupérisation des populations tirée en laisse par leur ignorance des dangers liés à la consommation des médicaments de la rue sont les indicateurs de cette déviance comportementale.

Les preuves se résument dans leur choix des circuits de distribution non officiel et du tri des produits à acheter.

Mots-clés : Banalisation, Ordonnance médicale, Construction de la santé, Approche socio-anthropologique, Processus de soins, Patients.

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ABSTRACT

The study analyzes some ideological supports about the medicinal sort of purchase that the actors make of medical prescriptions. Specifically, the article highlights the stakes associated with the trivialization of medical prescriptions concerning the systematized sorting of medicines for the parallel market to the detriment of pharmacies.

To achieve this, a methodology based on a qualitative approach yielded the follow in gresults. The ideologies and social practices of patients about prescriptions are known on the one hand; The parallel market for the purchase of some or all of the medicines prescribed by the contractors is located on the other hand.

In conclusion, the impoverishment of populations driven by their ignorance of the dangers associated with the consumption of street drugs are indicators of this behavioral deviance. The evidence is summarized in their choice of informal distribution channels and the sorting of products to be purchased.

Keywords: Banalisation, Medical prescription, Health construction, Socio-anthropological approach, Care process, Patients.

INTRODUCTION

Les médecins sont issus de milieux sociaux qui véhiculent des représentations (des valeurs, des normes, des idéologies et des croyances) et des façons d’appréhender les « autres » (Cuche, 1996).

Cela suppose que, les façons de se soigner sont traversées par des dimensions socioculturelles influençant les pratiques de soins.

En France, la dispensation des médicaments comme toute activité pharmaceutique est régie, par des lois, des textes réglementaires et des règles de déontologie. Par ailleurs cette déontologie en plus de son principe de morale professionnelle, soumis à la conscience individuelle est définie par un code de déontologie élaboré par l’Ordre des pharmaciens, adopté et publié officiellement (Fainzang, 2002).

De ce point de vue, la plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont soumis à ce même principe où diverses règles de déontologie reprennent et précisent des éléments de la réglementation. Sous ce rapport la réglementation concernant l’ordonnance accrue durant

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le XXe siècle dans la perspective de servir des points de rencontre entre le médecin, le pharmacien et le patient. Le médecin est appelé à “prescrire” les médicaments, ce qui le différencie d’un quelconque distributeur ou commerçant qui se limite à remettre à ou vendre des marchandises.

Depuis 1994 en Côte d’Ivoire, il est recommandé d’autoriser les pharmaciens à remplacer une spécialité de marque inscrite sur une ordonnance médicale par un générique de même composition. Ce droit de substitution a été accordé aux pharmaciens par la réglementation dans seulement six(06) des 18 pays concernés : Burkina Faso, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal (données diffusées en 1998)1. Cette mesure devrait s’accompagner de l’élaboration et de la publication officielle de guide d’équivalence thérapeutique entre spécialités de marque et génériques (Fainzang, 2001).

De nombreux médecins semblent peu favorables à ce droit de substitution car de nombreux pharmaciens font de la substitution, même en l’absence d’autorisations officielles surtout qu’il n’existe pas de guide d’équivalence dans tous les pays concernés. (Beleoken, 1999).

Une enquête réalisée en Côte d’Ivoire en 1998 a fourni quelques données sur les pratiques officinales : sur 426 médicaments demandés en automédication dans 20 officines réparties sur le territoire, 191 (45

%) contenaient des substances vénéneuses : 166 (87 %) ont alors été vendus sans ordonnance médicale ; 326 des 355 clients (92 %) avaient été servis par un simple vendeur (sur les 70 vendeurs concernés par l’enquête, cinq (05) seulement avaient reçu une formation dans une école). Quant aux médicaments demandés, moins de 40 % correspondaient aux symptômes décrits par les clients ; 39 clients seulement avaient demandé des conseils aux vendeurs (Traoré, 1999).

Sous ce rapport, les acteurs manifestent un penchant quelque peu élevée en automédication dans leur comportement social de traitement médical. Aujourd’hui il est constaté que le rapport que les patients ont à leurs médecins, et plus généralement à l’autorité médicale s’objective à travers l’usage qu’ils font des objets impliqués dans la relation médicale et à travers la représentation qu’ils ont de la place occupée par le médecin dans la gestion de leur corps et de leurs

1- Beleoken E “La promotion des MEG en Afrique : contraintes et mesures favorables”

Salon international du médicament essentiel générique (SIMEG), Douala décembre 1999

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maladies. En ce qui concerne les objets les plus couramment présents dans la maladie et que le patient est amené à manipuler, ceux qui retiennent notre attention de manière privilégiée dans le cadre de la présente étude sont l’ordonnance médicale et les médicaments.

Le fait que le texte de l’ordonnance soit rédigé par un personnage bien déterminé, le médecin, dont l’en-tête et la signature encadrent la liste des médications prescrites, suggère combien le rapport à l’ordonnance condense à la fois le rapport à la maladie et aux médicaments, mais aussi au corps, à l’écriture et au médecin.

Dès lors l’on constate que le patient ne perçoit pas de différence entre le service rendu à l’officine dans les centres médicaux et celui qu’il trouve sur les marchés dits illicites où les prix sont moins élevés.

En effet, les ordonnances médicales prescrites par les médecins ont tendances à être banalisées par les patients, à travers les tris systématisés qu’ils font des médicaments après prescription. A ce propos, le choix du lieu d’achat se fait entre les officines et les marchés parallèles dits de rue, alors que les acteurs mettent en relief, le conditionnement des médicaments vendus dans un rapport entre la santé et l’idée de guérison.

Alors face à ce paradoxe comportemental, pourquoi les patients optent pour le marché parallèle concernant l’achat d’une partie ou de la totalité des médicaments prescrits ? Autrement dit, quelles sont les logiques sociales qui sous-tendent le choix des patients vers le marché parallèle pour l’achat de leur médicament ?

La compréhension de ce paradoxe conduit à orienter le regard autour de variables socioculturelles avec un argumentaire sous- tendu par un questionnement spécifique ci-dessous listé :

Quelles sont les représentations sociales à propos du tri médicamenteux d’achat que les acteurs se font des ordonnances médicales ?

Quelles sont les pratiques sociales des patients à propos des méthodes thérapeutiques ?

Quels sont les enjeux liés à la banalisation des ordonnances médicales à propos du tri systématisé des médicaments pour le marché parallèle au détriment des officines ?

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1. MATÉRIEL ET MÉTHODE

Une enquête a été menée dans le district sanitaire d’Abidjan (République de Côte d’Ivoire). Elle s’est déroulée du 21 mars 2016 au 22 avril 2016 (un mois environs). Elle a été essentiellement qualitative et a consisté en des entretiens semi-directifs administrés à 16 patients. Ainsi, un ensemble de témoignages recueillis, ont permis d’apprécier les représentations sociales à propos du tri médicamenteux d’achat que les acteurs se font des ordonnances médicales.

En effet, les données recueillies ont fait l’objet d’une analyse de contenu qui a permis, de cerner les différentes idéologies qui légitiment la banalisation des ordonnances médicales à propos du tri systématisé des médicaments pour le marché parallèle au détriment des officines.

Puis nous avons appliqué à l’analyse des entretiens, le schéma théorique du constructivisme pour appréhender la réalité sociale et les phénomènes sociaux comme étant « construits ». C’est dire crées, institutionnalisés et par la suite transformés en tradition (Blumer, 2009

; Zaouche-Gaudron, 2006). En effet, l’approche constructiviste permet donc de comprendre que les patients construisent leurs santés. Les ordonnances médicales prescrites par les médecins ont tendances à être banalisés par les patients, à travers les tris systématisés qu’ils se font des médicaments après prescription.

2. RÉSULTATS

2.1 Idéologie légitimant le marché parallèle pour l’achat d’une partie ou de la totalité des médicaments prescrits On pourrait s’attendre à ce que l’intérêt que les patients peuvent porté aux liens entre santé et maladie les conduise nécessairement à considérer la question de l’ordonnance médicale sous l’angle de sa dimension symbolique ou sous l’angle de la guérison qu’elle induit.

Par conséquent, que ce soit pour magnifier l’intérêt des prescriptions médicales ou, la problématique des liens entre, santé et maladie paraît immanquablement liée à la question des prescriptions médicales.

Pourtant, cette réflexion sur la banalisation des ordonnances médicales dans les rapports à la santé et à la maladie aujourd’hui ne saurait se réduire à l’examen de l’incidence du prix des médicaments

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dans les officines. On peut déceler la prégnance des représentations de la maladie et les conduites thérapeutiques ou les systèmes de soins parmi les conduites des patients. Dans le cadre de cette étude, la question s’est posée de savoir quel rapport les patients entretiennent avec les spécialistes de soins et plus largement avec l’autorité médicale. En clair, quelles représentations se font les patients de l’ordonnance médicale dans le processus de soins.

Il est admis au cours de cette étude que les patients ont des comportements différents à l’égard de la maladie et des médicaments prescrits en fonction de leur milieu social. Lors de l’investigation, D.L, un patient interviewé dans le CHU de Yopougon : « Pour un paludisme, les médecins écrivent des ordonnances très longues.

Or, avec un seul médicament que tu achètes souvent avec les commerçantes de médicaments pharmaceutiques de rue, tu retrouves aussitôt la guérison ». T.H, un patient interviewé à l’hôpital général d’Abobo renchérit en ces termes : « Ce sont les mêmes médicaments prescrits par les médecins qu’on retrouve dans les pharmacies de rue avec des prix abordables. On retrouve la santé en prenant ses médicaments ». Ces témoignages permettent de rendre compte des raisons pour lesquelles les comportements des malades vis-à-vis des Ordonnances varient, en fonction des idéologies qui légitiment l’achat des médicaments de rue par les patients, autrement dit S’il est vrai que les idéologies ne sont pas une variable suffisante pour analyser les conduites des patients au tri médicamenteux, sa prise en compte contribue à analyser des conduites que les déterminations sociales ne suffisent pas expliquer.

Notons que les patients interviewés au cours de cette étude, ne perçoivent pas de différence entre le service rendu aux pharmacies et celui qu’ils trouvent sur les marchés de rue où les prix sont moins élevés et l’accueil est plus convivial.

2.2 Représentations sociales à propos du tri médicamenteux par les patients

L’étude a montré que les patients interviewés sont plus enclins à banaliser les ordonnances médicales à propos du tri systématique des médicaments vendus dans la rue. En effet, l’attitude des patients à l’égard des ordonnances délivrées par les spécialistes de santé émane d’un ensemble de valeurs concernant la gestion des patients de leurs

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santés et de leurs maladies. Le fait de gérer soi-même sa santé et de prendre part aux décisions concernant sa santé est d’autant plus important chez les patients au cours de cette étude.

C’est à juste titre qu’affirme S.A, un patient interrogé au CHU de Yopougon en ces termes : « L’hôpital offre de plus en plus des ordonnances aux malades que de leur donner les médicaments dont ont besoin les malades pour leurs guérisons. De ce fait, si les malades ont recours aux médicaments de rue, c’est parce que non seulement, les ordonnances coutent chers vu le mode vie des populations en générale mais surtout, le fait que les pharmacies de rue procurent les mêmes médicaments prescrits par les traitants aux patients déjà fragilisés par leurs maladies ».

2.3 Pratiques sociales des patients à propos des ordonnances médicales

Le positionnement des patients vis-à-vis des traitants et la représentation sociale de l’ordonnance médicale déterminent les enjeux liés à la banalisation de l’ordonnance médicale. Ainsi, chez les patients, les ordonnances sont soit conservées en vue de pouvoir être présentées à un spécialiste de santé qui les demanderait, soit jetées, lorsque le patient considère qu’elles ne peuvent être d’aucune utilité car son médecin a consigné l’information.

T.M, un parent de malade interviewé au CHU de Cocody témoigne en ses termes : « Il est bon de garder les ordonnances médicales. Cela aide des fois les médecins à mieux orienter le traitement du patient si ce dernier a rechuté ou est venu pour un bilan de santé ». Pour sa part, D.P, un patient interrogé au CHU de Yopougon : « Ce n’est pas évident de garder l’ordonnance médicale. C’est un bout de papier qui se perd facilement. Il est intéressant de recopier les noms des médicaments où on pourrait mieux les garder ». Les patients qui conservent les ordonnances, le font en vue de pouvoir s’y reporter eux-mêmes, et de pouvoir, le cas échéant, recourir à l’automédication.

Ceux qui les jettent par contre, prennent souvent le soin d’en recopier le contenu, là encore au cas où, ils auraient besoin de se souvenir du nom des médicaments prescrits. En effet, la possibilité de retrouver le nom du médicament en cas de besoin et, le plus souvent, en vue d’une automédication ultérieure, ne suffit pas à expliquer cette conduite car il serait aisé, à cette même fin, de se reporter au

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double de l’ordonnance. Le fait de perdre l’objet ordonnance mais d’en conserver la teneur n’est pas anodin puisqu’il implique de se débarrasser de l’entête. C’est dire des coordonnées du médecin. Il s’agit pour le patient d’effacer la trace du médecin prescripteur, pour ne conserver que la trace du remède jugé adéquat, c’est-à-dire la trace de sa propre décision, de son propre jugement, et s’attribuer la responsabilité de la prescription. Recopier l’ordonnance, équivaut à s’en approprier l’acte même et l’autorité de la prescription.

3. DISCUSSION

Une étude réalisée par Fainzang (2001) sur les patients d’origine catholique et protestante, a montré que les protestants étaient plus enclins à détruire l’ordonnance à la fin d’un traitement, en prenant souvent soin de la recopier. Une pratique qui, à l’analyse, s’avère liée à une tradition d’écriture, au savoir et au pouvoir. Cela confirme les résultats de cette étude sur l’usage de l’ordonnance médicale par les patients du district d’Abidjan.

L’auteur a aussi poursuivi ses enquêtes, dans le cadre d’une recherche qui s’est élargie à d’autres cultures d’origine religieuse, et en l’occurrence aux juifs et aux musulmans, et a révélé que ces divers groupes avaient toute une série de comportements à l’égard des médecins et de leurs prescriptions, analysables par référence à une certaine manière de se situer face à l’autorité en général et à l’autorité médicale en particulier.

Le résultat de l’étude a montré que, d’une part, l’étroite relation qui existe entre l’attitude des individus soit à l’égard du représentant de l’autorité religieuse soit du représentant de l’autorité médicale ; d’autre part, le fait que les mêmes comportements sont observables chez les croyants et les non-croyants. Tout se passe comme si, à l’intérieur de chaque groupe culturel et/ou cultuel, il y avait une sorte de transmission et d’intériorisation de certaines valeurs et de certaines conduites, en vertu de laquelle l’individu apprend à se positionner face à l’autorité en général. Ceci permet d’affirmer que l’autorité médicale serait un avatar quant à l’autorité religieuse le paradigme.

Dans les milieux musulmans, en revanche, l’ordonnance n’est jamais conservée. Elle n’est gardée que le temps du traitement. Aucun usage ultérieur n’est fait de l’ordonnance. Il ne s’agit pas plus de

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la garder en vue de la montrer au médecin plus tard que pour s’y reporter soi-même. D’abord parce qu’il y a très peu d’automédication, ensuite parce que le médecin presque toujours le même est supposé, par le patient, savoir ce qu’il lui a prescrit, sans qu’il ait besoin de le lui rappeler. En revanche, ceux qui, parmi les musulmans conservent l’ordonnance, le font en raison directe du statut qu’elle a à leurs yeux. Pour certains, «une ordonnance, c’est comme une facture, c’est une preuve», la preuve de ce qui a été fait ou de ce qui doit être fait.

L’entête (la «vignette du docteur»), le tampon et la signature, sont l’estampille de l’autorité. Ce résultat concorde avec les ceux de cette étude effectuée dans le district d’Abidjan. Deux idéologies se dégagent et légitiment le rapport des patients à l’ordonnance médicale.

D’une part, les patients trouvent en l’ordonnance médicale une assurance thérapeutique et en font bon usage sans toutefois la banaliser ; d’autre part, le mode de vie des patients avec les capitaux économiques insuffisant contraignent ces derniers à faire un tri médicamenteux ou bien s’approvisionner sur le marché illicite.

Chez les protestants, en revanche, il n’y a pas de médiation par le pasteur, mais par la seule Ecriture. S’il y a des fonctions et des ministères, il n’y a pas de monopole (Kaltenbach, 1997). Alors que le catholicisme repose sur le principe d’autorité, le protestantisme repose sur le principe du libre-examen. La genèse même du protestantisme s’inscrit dans la rupture de certaines valeurs catholiques et, en particulier, de la soumission à l’autorité de l’Eglise. L’attitude des patients à l’égard de l’autorité médicale s’aligne ainsi sur l’attitude vis- à-vis de l’autorité ecclésiastique puisque dans les deux cas, on note le refus d’une soumission à son pouvoir. L’avis du pasteur est d’ailleurs moins sollicité chez les protestants, contrairement à celui du curé chez les catholiques, pour régler les problèmes auxquels les sujets sont confrontés. On note toutefois que le rapport à l’autorité est légèrement différent chez les luthériens et les calvinistes, et tout particulièrement chez les réformés cévenols, et que ces derniers sont encore plus prompts à marquer leur indépendance. À cet égard, les valeurs que les individus tirent de leur culture religieuse ne reposent pas sur les seules doctrines mais sont indissociables du contexte historique dans lequel ces cultures se sont développées (Fainzang, 2001).

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Le rapport à l’autorité médicale chez les juifs s’aligne pour sa part sur le rapport à l’autorité religieuse que représente le rabbin et dont la parole est volontiers discutée ou contestée. Quant à l’attitude de soumission au médecin valorisée et préconisée chez les musulmans, elle est corrélative à celle qu’ils ont à l’égard de l’autorité religieuse comme le prévoit la doctrine.

De fait, la soumission semble fortement valorisée chez les musulmans, dont le nom lui-même (musulman, mouslim en arabe) signifie «soumis», du mot islam dont la traduction est «soumission».

Les conduites des musulmans sont liées à une certaine indistinction entre la loi sociale et la loi religieuse.

CONCLUSION

Cette étude a permis de voir une forme de perception sociale de l’ordonnance médicale. Celle-ci selon les patients incarne la figure du médecin traitant. De ce fait, l’ordonnance médicale sous l’angle symbolique apporte la guérison, un type de pouvoir thérapeutique.

Mais les conduites des patients eux-mêmes à l’égard du médecin et de ses prescriptions sont aussi profondément marquées par le pouvoir qui lui est ainsi reconnu. Attendant de lui qu’il les conseille, qu’il les guide ou qu’il les dirige, qu’il les prenne en charge ou qu’il les assiste, les patients du district d’Abidjan gèrent diversement les prescriptions et les recommandations qui leur sont faites par les médecins, prenant une plus ou moins grande liberté vis-à-vis d’elles.

Par-delà, les diverses déterminations sociales aptes à induire des types de comportements spécifiques chez les patients, ces derniers sont donc imprégnés de modèles culturels de façon si profonde qu’ils tendent à entretenir avec leurs médecins un type de relation qui est à l’image de celui que leur culture sociopolitique d’origine accorde au représentant de l’autorité du médecin, à savoir respect et soumission des ordonnances médicales.

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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