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Balzac, Flaubert, Musset, Théophile Gautier se sont

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Academic year: 2022

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H H L'EPOPEE

J H H DES SLEEPINGS

V o y a g e r e n train était bien,

y dormir confortablement était mieux...

et le Belge Georges Nagelmackers inventa le wagon-lit.

B

alzac, Flaubert, Musset, Théophile Gautier se sont montrés bien injustes à l'égard du voyage en chemin de fer. L'ère nouvelle qui débute avec le train en 1835 n'apporte pas, pour eux, de nouveauté sur le plan de la rapidité et du confort. Daumier nous laisse de ces premières liaisons ferroviaires de féroces estampes, dans lesquelles le voyageur de troisième classe semble aussi inconfortablement installé que dans une patache. L a fumée de la locomotive prenant le relais de la pous- sière du chemin. Ce monstre d'acier, pensaient-ils, allait gâter le paysage et, ses progrès dans le domaine de la vitesse altérer la santé des voyageurs.

Soyons juste, pouvait-on envisager l'évolution rapide du chemin de fer et imaginer qu'il serait la grande aventure de la fin du x i xe siècle ? Rien ne résistera au train : la forêt s'ouvrira devant lui, la montagne accouchera d'un tunnel, les fleuves lui tendront leur tablier pour les franchir.

Alors nous viendra d'Amérique la rumeur d'un progrès ignoré jusqu'ici des ingénieurs : ce progrès c'est le confort. Là-bas,

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L'EPOPEE DES SLEEPINGS 601 le jeune George Mortimer Pullman modifie le décor classique du wagon de chemin de fer : des sièges transformables en lits, pour dormir tandis que le train roule, des panneaux décoratifs, des miroirs soulignés de cuivres éclatants.

L

e 18 décembre 1867, un steamer de la Cunard Line quitte Liverpool à destination de New York. A son bord trois Belges venant d'Anvers à destination de l'Amérique.

Le trio est composé de deux jeunes garçons chaperonnés par un aîné, le comte de Berlaymont. Maurice Aubert accompagne son camarade Georges Nagelmackers, victime d'un chagrin d'amour.

Georges est le fils d'un banquier de Liège dont le nom, aujourd'hui encore, est celui de la plus ancienne banque d'affaires de Belgique.

Il a vingt-trois ans, sort de l'Ecole des mines, avec son brevet d'ingénieur en poche. Il est amoureux de sa cousine plus âgée que lui, voilà une affaire qui ne plaît guère à ses parents. Puisque le comte de Berlaymont a des projets de voyages, que Georges l'accompagne ainsi que son camarade Maurice. Grâce au Journal que tient le comte de Berlaymont, nous pouvons suivre les voya- geurs dans leur découverte du Nouveau Monde.

Georges Nagelmackers oubliera vite ses amours enfantines pour s'amouracher des premiers wagons de George Mortimer Pullman dans lesquels il voyage pour se rendre d'une ville à une autre. Le jeune ingénieur en suppute avantages et inconvénients.

Berlaymont, dans son Journal, nous décrit par le menu la façon dont sont agencés ces wagons. Les sleeping-cars sont traversés par le milieu d'un couloir central. Les couchettes se transforment en banquettes pendant le jour. Ils possèdent, à leurs extrémités, water-closet et cabinet de toilette. Il n'y a pas de compartiment proprement dit, des rideaux seuls séparent les dormeurs. Ber- laymont est surpris et constate qu'il n'y a pas de compartiment réservé aux dames, et que l'exiguïté du passage central fait entrouvrir, chaque fois qu'on le traverse, les rideaux protégeant l'intimité de chacun. « Les Américains, qui poussent la déférence à l'égard des dames si loin que, même dans les gares ils leur réservent des salles d'attente, semblent agir ici contre leur pru- derie habituelle », note-t-il. Georges, de son côté, observe, mesure,

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apprécie car sa décision est prise : dès son retour en Europe, il va travailler à un projet de voiture-lit.

Pullman a inventé le wagon- dortoir, lui va en adapter l'idée et concevoir la cabine fermée donnant sur un cou- loir latéral : le wagon-lit.

Et Georges Nagelmackers

inventa le wagon-lit...

Rentré en Belgique, Georges Nagelmackers classe ses notes, ses cro- quis, ses observations, ses calculs financiers. Pour- quoi, se dit-il, ne voyage- rait-on pas confortablement dans les chemins de fer d'Europe ?

Il rédige et publie à ses frais une brochure intitulée Projet d'installation de wa- gons-lits sur les chemins de fer du continent. Ce docu- ment daté du 20 avril 1870 annonce que le voyage en train va sortir de la pré- histoire.

L a guerre franco-prus- sienne de 1870 viendra contrecarrer les projets de Georges Nagelmackers. L a paix revenue, d'autres obstacles se présentent : techniques, financiers, politiques. Que l'on s'imagine ce que sont à cette époque les chemins de fer euro-

Georges Nagelmackers

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L'EPOPEE DES SLEEPINGS 603 péens. D'un pays à l'autre, les règles techniques ne sont pas les mêmes : gabarits des voitures différents, systèmes de freinage, de chauffage, d'éclairage, d'accouplement dissemblables. L'Europe très cloisonnée oblige les voyageurs continentaux à des trans- bordements aux frontières. Les réseaux dépendent d'une multi- tude de petites compagnies qui rendent les négociations difficiles.

L'obstination de Nagelmackers est renforcée par l'appui que lui apporte depuis peu son souverain, le roi Léopold. Il obtient, en novembre 1872, un contrat qui lui permettra de faire circuler une voiture-lit qu'il a construite sur la ligne Paris-Vienne. C'est le succès pour le premier sleeping-car, la presse se fait l'écho de l'événement : « Le monde élégant doit à l'ingénieur Nagelmackers la manière américaine de voyager, améliorée, en fonction des usages européens. »

Nagelmackers profite de son succès pour accélérer la signa- ture de nouveaux contrats. 19 février 1973 Paris-Avricourt, Paris- Calais, Paris-Cologne, Paris-Berlin. 15 juin 1873 Ostende-Berlin, Ostende-Cologne.

Après l'Etat belge, les chemins de fer rhénans, les empires d'Europe centrale, lui ouvrent leurs voies. Des voitures-lits cir- culent entre Vienne et Prague, Berlin et Vienne, Berlin et Ham- bourg... et, le 4 décembre 1876, Georges Nagelmackers fonde la Compagnie internationale des wagons-lits, société de droit belge, ayant son siège social à Bruxelles et dont l'un des puissants actionnaires n'est autre que le roi Léopold II de Belgique. De nouvelles concessions, accordées, permettent à Nagelmackers de tisser une trame de liaisons ferroviaires de nuit sur toute l'Europe.

Le wagon-lit a acquis ses titres de noblesse. Aucun réseau de che- min de fer, à partir de 1880, ne peut lancer un express de nuit sans faire appel à la Compagnie internationale des wagons-lits.

Mais ce que veut Nagelmackers, c'est créer des trains compo- sés uniquement de ses propres voitures, des trains dans lesquels le voyageur pourrait se restaurer, faire sa toilette, dormir comme dans un appartement. Pour cela, il met au point une formule de voiture-restaurant. Après trois ans d'études et d'essais il commande, en 1882, à des ateliers munichois la voiture qui va

lui permettre de réaliser ce premier express composé exclusive- ment de wagons de sa compagnie. 1882 est l'année décisive.

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Georges Nagelmackers va frapper un grand coup. Il décide d'invi- ter quelques personnalités du monde ferroviaire et de la presse à un voyage Paris-Vienne, aller et retour. Avec un sens de la publi-

I c calurilère Le couloir Le cabinet de toilette

Installation de jour... et de nuit Intérieur d'un wagon-lit en 1875

cité très efficace, il fait parvenir son invitation sous forme de lettre :

« Vous avez pu voir dans les journaux que noire compagnie organise entre Paris et Vienne un train d'essai dit "Train Eclair de luxe". Si le cœur vous en disait, :t si vous ne redoutiez pas

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L'EPOPEE DES SLEEPINGS 605 un voyage à toute vapeur de 2 000 kilomètres, nous serions heureux de vous voir vous joindre à nous. Je pense qu'il serait intéressant pour vous qui voyagez beaucoup de juger par vous- même la manière dont nous voulons transporter, plus rapidement et plus confortablement, sur les grandes lignes du continent.

Nous partons de Paris mardi 10 octobre à 6 h 40 du soir (gare de Strasbourg (l)), nous serons à Vienne mercredi soir et en repar- tirons vendredi... »

L'Orient-Express et ses chantres Ce train éclair, le tout premier grand express international, prélude à l'Orient-Express.

Joindre la Seine au Bosphore sans avoir à descendre du train est le pari que s'est fixé Georges Nagelmackers avec son Orient-Express. Cette gageure, c'est déjà une certaine idée de l'Europe ! C'est, en tout cas, une des premières manifestations de sa prise de conscience.

Que l'on pense à ce que représente la mise au point du voyage d'un tel train ; la signature d'un contrat avec chacun des dix réseaux ferroviaires, qu'il faudra emprunter, l'attente de l'avancement des travaux de construction des voies dans les Balkans qui ne seront terminés qu'en 1889. D'ici là, l'Orient- Express devra s'arrêter au bord du Danube que les voyageurs traverseront sur un bac. Ils reprendront un train jusqu'au port de Varna sur la mer Noire, où ils embarqueront sur un bateau du Lloyd autrichien à destination de Constantinople. Malgré ces transbordements, c'est une économie de trente heures que feront les voyageurs par rapport au service en vigueur jusque-là.

« Rien ne commence par la littérature mais tout finit par elle, y compris l'Orient-Express », écrit Paul Morand. Les écri- vains vont maintenant effacer par leurs louanges les critiques acerbes portées contre le train par les grands auteurs de la moitié du x i xe siècle. Edmond About, qui fera partie du premier voyage de l'Orient-Express le 4 octobre 1883, écrit dans son livre De Pontoise à Stambul :

(1) Il s'agit de l'actuelle gare de l'Est.

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« L'aventure que je vais vous raconter par le menu ressem- ble au rêve d'un homme éveillé. J'en suis encore ébloui et étourdi tout ensemble, et la légère trépidation des wagons-lits vibrera très probablement jusqu'à demain dans ma colonne vertébrale. Il y a exactement treize jours que je quittais les bords de l'Oise pour aller prendre le train rapide de l'Orient à la gare de Strasbourg ; et dans ces treize jours, c'est-à-dire, en moins de temps qu'il n'en fallait à Mme de Sévigné pour aller de Paris à Grignan, je suis allé à Constantinople... »

Le romancier de l'Homme à l'oreille cassée fait un récit enthousiaste et passionné de son voyage, Georges Boyer, l'envoyé spécial du Figaro, dans le numéro daté du 20 octobre 1883 titre :

« L'Orient , à toute vapeur ». Plus tard, Paul Morand, Joseph Kessel, Mac Orlan, Emile Henriot, Valéry Larbaud, Jacques Chardonne, Graham Greene... vanteront le charme du voyage en wagon-lit, cette « solitude mobile des cabines et des compar- timents ».

Les grands hôtels compléments indispensables des grands express Les nombreux bureaux chargés de la vente des places de wagons-lits sont rapidement devenus de véritables agences de voyages. Plus tard, en 1928, le jumelage de ces bureaux avec ceux de Thomas Cook devait former la plus grande organisation mondiale de voyages.

Georges Nagelmackers, inquiet du sort de ses voyageurs au terminus des grands express, crée en 1898 une filiale, la Compagnie internationale des grands hôtels, première chaîne hôtelière européenne. Ainsi, à Paris, l'Elysée Palace, avenue des Champs-Elysées (actuellement le siège d'une grande banque), à Constantinople le Péra Palace destiné à recevoir les voyageurs de l'Orient-Express, à Lisbonne l'Avenida Palace, pour ceux du Sud-Express, à Pékin le Grand Hôtel des wagons-lits pour l'arri- vée du Transsibérien, etc. Le génie du fondateur des wagons-lits ne s'arrête pas là, il transforme un château des Ardennes situé entre Dinant et Jemelle en hôtel. Dans le vaste parc de 4 000 hec- tares, il organise chasse au chevreuil, faisan et lièvre ; pêche à la truite dans les rivières, l'Yvoigne et la Lisse. Equitation, concerts.

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promenade..., inventant ainsi le premier club de vacances à prix forfaitaire.

G

eorges Nagelmackers avait acheté à Villepreux, non loin de Paris, une vaste propriété dans laquelle il fit construire une grande bâtisse et des communs. Il aimait s'y retrouver en famille ou y organiser des garden-parties, dont cer- taines sont demeurées célèbres.

Là aussi, il lui faut inventer. Il construit une petite centrale électrique pour éclairer les maisons. Il découvre une source dont l'eau potable se retrouvera sur les tables des wagons-restaurants, l'élevage de vaches fournissant le lait des petits déjeuners des grands express.

Cet homme infatigable meurt à l'âge de soixante ans le 10 juillet 1905 à Villepreux, au moment même où, à la grande exposition ferroviaire de Liège, la Compagnie des wagons-lits présente une voiture-restaurant portant le numéro 1 000, chiffre symbolique de la première grande étape de l'histoire des wagons- lits.

Le nom de Georges Nagelmackers n'est pas resté dans les mémoires comme celui de Pullman dont la prononciation est plus aisée. Dans le livre i'Orient-Express, que Jean des Cars et moi- même avons publié récemment (2), nous avons tenu à lui rendre hommage. Son nom paraît dans les nouvelles éditions du Larousse.

L a municipalité de Villepreux, qui s'honore d'avoir eu Georges Nagelmackers comme administré, vient de donner son nom à une avenue de la ville nouvelle.

Pionnier du confort sur le rail, Georges Nagelmackers, par son courage, son obstination, demeure un exemple pour ceux qui, aujourd'hui, ont la charge de diversifier les activités de la Compa- gnie internationale. Européen, il le fut en gommant les frontières.

Son cosmopolitisme a montré qu'une meilleure connaissance des pays et des hommes est toujours facteur de progrès.

J E A N - P A U L C A R A C A L L A

(2) Chez Denoël.

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