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Raisonnement sur des énoncés conditionnels indicatifs : étude chronométrique des productions d’inférences d’un point de vue développemental

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Academic year: 2022

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Master

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Raisonnement sur des énoncés conditionnels indicatifs : étude chronométrique des productions d'inférences d'un point de vue

développemental

ECKMANN LEVY, Nicole

Abstract

Selon la théorie des modèles mentaux (Johnson-Laird & Byrne, 2002), résoudre une inférence, c'est-à-dire déduire une conclusion à partir d'un énoncé conditionnel « si p, alors q

» et d'une prémisse mineure (p, non-p, q, ou non-q), nécessite de construire et manipuler des modèles mentaux définissant les possibilités découlant de cet énoncé. Nous avons testé la tendance développementale décrite par cette théorie (interprétation conjonctive, biconditionnelle puis conditionnelle) avec une tâche informatisée de production d'inférences, chez des sujets de 12 ans, 15 ans et des adultes. Nous anticipons des temps de réponse dépendant du nombre de modèles construits, dont la théorie prédit l'augmentation avec l'âge...

ECKMANN LEVY, Nicole. Raisonnement sur des énoncés conditionnels indicatifs : étude chronométrique des productions d'inférences d'un point de vue

développemental. Master : Univ. Genève, 2014

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:38968

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Raisonnement sur des énoncés conditionnels indicatifs:

étude chronométrique des productions d’inférences d’un point de vue développemental

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE

ORIENTATIONS

Psychologie développementale Psychologie clinique

PAR

Nicole Eckmann Lévy

DIRECTEURS DU MEMOIRE Prof. Pierre Barrouillet

Dr Caroline Gauffroy

JURY

Prof. Pierre Barrouillet Dr Julien Chanal (MER) Dr Caroline Gauffroy

Genève,juin 2014

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE

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Remerciements

En préambule à ce mémoire, je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont apporté leur aide et qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail, en particulier :

Le Professeur Pierre Barrouillet, pour sa disponibilité ainsi que pour son regard pertinent sur mon travail et ses réflexions toujours riches en enseignements.

Caroline Gauffroy, pour avoir repris le suivi de ce mémoire et offert un accompagnement de qualité à travers ses relectures, commentaires et conseils avisés. Je la remercie pour son aide précieuse ainsi que pour le temps consacré à l’encadrement de ce mémoire.

Thomas Charreau, pour les nombreuses discussions ayant mené au choix et à la conception de la tâche expérimentale utilisée.

Le Professeur Olivier Renaud pour son soutien statistique dans l’analyse des données.

Julien Chanal, membre du jury, pour l’intérêt porté à cette recherche en acceptant d’examiner ce travail et de l’enrichir par ses propositions.

Ma famille, pour le soutien sous toutes ses formes, offert au quotidien durant ces années.

.

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Résumé

Selon la théorie des modèles mentaux (Johnson-Laird & Byrne, 2002), résoudre une inférence, c’est-à-dire déduire une conclusion à partir d’un énoncé conditionnel « si p, alors q » et d'une prémisse mineure (p, non-p, q, ou non-q), nécessite de construire et manipuler des modèles mentaux définissant les possibilités découlant de cet énoncé. Nous avons testé la tendance développementale décrite par cette théorie (interprétation conjonctive, biconditionnelle puis conditionnelle) avec une tâche informatisée de production d’inférences, chez des sujets de 12 ans, 15 ans et des adultes. Nous anticipons des temps de réponse dépendant du nombre de modèles construits, dont la théorie prédit l’augmentation avec l’âge. En plus d’appréhender cet effet, les données chronométriques (mesure nouvelle dans ce champ d’étude) permettront d’étudier l’effet de directionnalité: les inférences allant de l’antécédent au conséquent sont plus rapides que celles de sens inverse (Evans, 1993). Les prédictions concernant ces deux effets sont confirmées chez les adultes biconditionnels.

Notre étude montre cependant une absence de développement lié à l’âge, l’interprétation biconditionnelle étant majoritaire dans chaque groupe. Certains biais liés à la tâche sont discutés.

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Table des matières

Introduction Théorique ... 1

Raisonnement Conditionnel ... 2

Théorie des Modèles Mentaux ... 4

Aspect Développemental dans la Théorie des Modèles Mentaux ... 6

Raisonnement Conditionnel et Chronométrie ... 11

Notre étude ... 12

Méthode ... 15

Participants ... 15

Matériel ... 15

Procédure de Recueil des Données ... 16

Résultats ... 17

Analyse des réponses produites pour chaque type d’inférence ... 17

Analyse des patterns de réponse ... 20

Analyse des temps de réponse ... 21

Discussion ... 26

Patterns de réponse ... 26

Temps de réponse ... 29

Choix de la tâche ... 30

Conclusion ... 31

Références ... 32

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Introduction Théorique

Comme le relèvent Evans et Over (2004) dans leur ouvrage « If », le « si » est un outil linguistique qui permet un processus de pensée hypothétique. Selon ces auteurs, la pensée hypothétique est une fonction typique de la cognition humaine : aucun autre animal ne considère une hypothèse ou prend des décisions en imaginant et évaluant des conséquences sous forme de possibilités. C’est pour cela que la compréhension du « si » est un défi académique qui est d’importance centrale pour saisir ce qui rend l’intelligence humaine spéciale et caractéristique. L’usage du « si » dans la vie quotidienne a été étudié depuis très longtemps et peut être considéré comme un essai de décrire le monde tel qu’il est ou pourrait être. Johnson-Laird et Byrne (2002) considèrent également le raisonnement conditionnel comme une part centrale de la pensée humaine. En effet, une grande partie de notre savoir, de nos connaissances, sont conditionnels. Nous verrons par la suite que ces auteurs ont développé le modèle explicatif le plus populaire dans l’étude du raisonnement conditionnel : la théorie des modèles mentaux.

La tâche d’inférence est la plus adéquate pour capter cette pensée hypothétique. En effet, elle permet d’aborder la question du raisonnement conditionnel en mettant en évidence de façon expérimentale la façon dont les individus infèrent des conclusions à partir de deux affirmations. Par exemple :

1. Si le carré est rouge, l’étoile est bleue.

2. Le carré est rouge.

Donc…

…l’étoile est bleue (ce que le sujet peut inférer des deux affirmations précédentes).

Cette recherche va donc s’intéresser aux différentes réponses données par les individus dans une tâche d’inférence et particulièrement aux variations de ces réponses selon l’âge de ces individus. L’intérêt pour les processus psychologiques sous-jacents au raisonnement conditionnel sera donc nourri par une approche développementale des inférences. L’ajout de données chronométriques mesurant le temps nécessaire au traitement de ces inférences permettra de compléter les informations sur les processus mis en œuvre par les individus lorsqu’ils raisonnent. Il n’existe que peu d’études développementales portant sur les inférences (Barrouillet, Grosset, & Lecas, 2000 ; Barrouillet & Lecas, 1998) et à notre connaissance aucune étude chronométrique des inférences d’un point de vue développemental. Cette étude cherche donc à combler ceci.

Après avoir précisé quelques notions utilisées dans le cadre de l’étude du raisonnement conditionnel, notamment dans les tâches d’inférence comme celle que nous allons utiliser, nous approfondirons certains aspects plus théoriques avec une présentation de la théorie des modèles mentaux (Johnson-Laird & Byrne, 2002) ainsi que de la façon dont le raisonnement conditionnel évolue au cours du développement (Barrouillet & Lecas, 1998).

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Nous terminerons cette partie introductive par quelques résultats de chronométrie et pourrons ainsi enchaîner sur les hypothèses spécifiques à notre recherche.

Raisonnement Conditionnel

A la base du raisonnement conditionnel, il y a un énoncé conditionnel de la forme « si p, alors q » (par exemple, « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue ») ; p (le carré est rouge) étant l’antécédent et q (l’étoile est bleue) le conséquent.

Quatre situations découlent de ce type d’énoncé : p et q (le carré est rouge et l’étoile est bleue) ; p et non q (le carré est rouge et l’étoile n’est pas bleue) ; non p et q (le carré n’est pas rouge et l’étoile est bleue) ; non p et non q (le carré n’est pas rouge et l’étoile n’est pas bleue).

Plusieurs types de tâches sont utilisés pour l’étude du raisonnement conditionnel. L’une d’entre elles est la tâche d’inférence conditionnelle. Bien que cette tâche ait été la plus utilisée à la naissance de la psychologie du raisonnement, il y a étonnamment très peu d’études en développement portant sur les inférences et c’est donc le but de notre recherche.

Tâche d’inférence conditionnelle. Ce type de tâche s’intéresse aux inférences que les individus produisent ou acceptent à partir d’énoncés conditionnels. Ces inférences portent à chaque fois sur deux énoncés qu’on appelle « prémisses ». A l’énoncé conditionnel décrit précédemment (et qu’on appellera prémisse majeure), on ajoute un second énoncé (prémisse mineure).

Le premier énoncé, la prémisse majeure, prend donc la forme suivante : « si p, alors q » (par exemple : « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue »). La seconde prémisse, ou

prémisse mineure, peut prendre quatre formes différentes selon l’affirmation ou la négation de l’antécédent (p) ou du conséquent (q). Les inférences conditionnelles peuvent donc prendre quatre formes principales : l’affirmation de l’antécédent, appelé Modus Ponens (MP), la négation du conséquent, appelé Modus Tollens (MT), l’affirmation du conséquent (AC) et le déni de l’antécédent (DA). Le tableau 1 récapitule ces quatre formes d’inférences à l’aide d’un exemple.

Sur la base des deux prémisses (majeure et mineure), la tâche d’inférence peut se présenter de deux façons différentes. Un premier type de tâche consiste à demander aux sujets quelle conclusion ils peuvent inférer de ces prémisses (tâche de production). Une autre façon de faire est de présenter aux sujets une conclusion et de leur demander si cette conclusion suit nécessairement les deux prémisses (tâche d’évaluation).

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Tableau 1

Les 4 types de syllogismes conditionnels sur la base de la prémisse majeure « si p, alors q » avec comme exemple : « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue »

En logique formelle, seuls l’affirmation de l’antécédent, appelée Modus Ponens (MP) et la négation du conséquent, appelée Modus Tollens (MT) permettent des conclusions certaines (respectivement q et non p), qu’on appelle valides. Par opposition, l’affirmation du conséquent (AC) et le déni de l’antécédent (DA) ne permettent pas de tirer une conclusion ferme et sont donc considérées comme des inférences invalides. À l’aide de l’exemple suivant : « si c’est un chien, alors il a quatre pattes », on comprend que c’est un chien (MP) permet de conclure de façon certaine qu’il a quatre pattes de même que savoir qu’ il n’a pas quatre pattes (MT) permet également de conclure de façon certaine que ce n’est pas un chien. Il s’agit donc d’inférences valides. Un argument est considéré comme étant valide s’il n’y a pas de possibilité dans laquelle les prémisses sont vraies et la conclusion est fausse.

Dans l’exemple du chien à quatre pattes, on ne peut par exemple pas imaginer un chien n’ayant pas quatre pattes. Par opposition, il a quatre pattes (AC) ne permet pas de tirer une conclusion ferme. Il pourrait s’agir d’un chien mais également d’un éléphant ou d’une souris.

De la même façon, ce n’est pas un chien (DA) ne permet pas de conclure sur le nombre de pattes (qui pourrait être de quatre mais aussi deux ou huit). Ainsi, ces deux dernières inférences sont considérées comme des inférences invalides, ne permettant pas de conclusion certaine.

Dans une synthèse d’études effectuées sur ces quatre types d’inférence, Evans (1993) présente les taux d’acceptation de chacune d’entre elles: le taux d’acceptation de MP varie entre 89% et 100% selon les études, pour MT entre 41% et 81%. Les taux d’acceptation pour DA (21-73%) et AC (23-75%) sont eux extrêmement variables selon les différences d’une étude à l’autre. Un élément retrouvé de façon robuste à travers toutes les études (Evans, 1993) est que MP est toujours plus fréquent que MT et AC plus fréquent que DA.

En s’intéressant à la façon dont les individus raisonnent sur les tâches d’inférence, ainsi que sur d’autres tâches de raisonnement et en cherchant notamment à comprendre pourquoi ces individus ne raisonnent pas toujours de façon « correcte », Johnson-Laird et Byrne (2002) vont développer la théorie des modèles mentaux, comme modèle explicatif des

Inférence Prémisse mineure

MP : Modus Ponens p le carré est rouge

MT : Modus Tollens non q l’étoile n’est pas bleue AC : Affirmation du Conséquent q l’étoile est bleue DA : Déni de l’Antécédent non p le carré n’est pas rouge

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processus en jeu pour expliquer les données obtenues dans l’ensemble des tâches de raisonnement conditionnel.

Théorie des Modèles Mentaux

La théorie des modèles mentaux postule que le raisonnement se base sur la signification des prémisses, sur le sens que leur donnent les individus en fonction de leurs connaissances générales. Ce sont ces dernières qui permettent d’imaginer les différentes possibilités et ces possibilités sont représentées chacune par un modèle mental. Un modèle mental est donc une représentation que l’individu se fait d’un état du monde et cette représentation a une structure proche de cet état. En reprenant l’énoncé « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue », l’individu peut donc se représenter par exemple un carré rouge et une étoile bleue, ce qui est définit dans la théorie comme un modèle mental.

Notre intérêt ici se limitera aux énoncés que Johnson-Laird et Byrne (2002) nomment

« les énoncés conditionnels basiques »1 pour lesquels les possibles influences sémantiques et pragmatiques sont réduites au maximum, comme dans notre exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue ».

Lorsque les individus raisonnent à partir d’énoncés conditionnels de la forme « si p, alors q », ils construisent et manipulent des modèles mentaux. Les modèles mentaux sont des représentations des états auxquels l’énoncé fait référence, ils représentent les états possibles quand l’énoncé est vrai. Johnson-Laird et Byrne (2002) formulent donc le premier principe à la base de leur théorie : le principe de vérité. « L’antécédent d’un énoncé conditionnel basique décrit une possibilité, au moins partiellement, et le conséquent peut se produire étant donné cette possibilité. » (Johnson-Laird & Byrne, 2002, p.650). Dans le cas « si p, alors q », le conséquent q doit se produire étant donné l’antécédent.

La construction et le maintien de ces modèles en mémoire de travail étant couteux cognitivement et allant à l’encontre du principe d’économie cognitive, Johnson-Laird et Byrne (2002) développent le principe des modèles implicites. Ainsi, les sujets vont construire tout d’abord un modèle initial :

p q

La première ligne fait référence au cas où l’antécédent p et le conséquent q sont vrais. Les autres possibilités, quand l’antécédent est faux, ne sont pas représentées de façon explicite

1 « Les énoncés basiques sont définis comme des énoncés à contenu neutre qui sont le plus indépendants possibles du contexte et des connaissances préalables et dont l’antécédent et le conséquent sont indépendants du point de vue sémantique, si ce n’est par leur occurrence dans la même phrase. » (Johnson-Laird & Byrne, 2002, p.648).

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mais uniquement de façon implicite (les trois points) par une « mental footnote ». Cette note de bas de page implicite (sans contenu explicite) permet de distinguer l’énoncé conditionnel

« si p, alors q » de la conjonction « p et q ».Dans notre exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue », le modèle initial serait le suivant :

le carré est rouge l’étoile est bleue

Ce modèle initial fait bien référence au cas dans lequel le carré est rouge et l’étoile est bleue sont vrais. Les cas dans lesquels le carré n’est pas rouge ne sont pas représentés de façon

explicite.

Si la note de bas de page mentale indiquant qu’il existe d’autres possibilités (quand l’antécédent p est faux) reste conservée, le sujet peut enrichir son modèle mental initial en rendant explicite d’autres états du monde compatibles avec l’énoncé conditionnel. Un premier enrichissement, par un processus de « fleshing out », permet une interprétation biconditionnelle de l’énoncé « si p, alors q » avec deux modèles représentés explicitement (¬

étant un signe logique pour la négation).

p q

¬ p ¬ q

Dans notre exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue », le modèle obtenu suite au premier enrichissement serait le suivant :

le carré est rouge l’étoile est bleue le carré n’est pas rouge l’étoile n’est pas bleue

Ce modèle peut être enrichi une seconde fois par le processus de « fleshing out » pour aboutir à une interprétation conditionnelle complète de l’énoncé « si p, alors q ».

p q

¬p ¬q

¬p q

A partir de ce modèle complet, les individus peuvent juger l'ensemble des situations compatibles avec l’énoncé. Dans notre exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue», le modèle complet obtenu suite au deuxième enrichissement serait le suivant :

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le carré est rouge l’étoile est bleue le carré n’est pas rouge l’étoile n’est pas bleue le carré n’est pas rouge l’étoile est bleue

Ce modèle complet permet bien de se représenter l’ensemble des situations compatibles avec l’énoncé « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue » selon le principe de vérité : le cas dans lequel le carré est rouge et l’étoile est bleue, le cas dans lequel le carré n’est pas rouge et l’étoile n’est pas bleue et le cas dans lequel le carré n’est pas rouge et l’étoile est bleue.

Seuls les aspects possibles sont représentés de façon explicite. Les situations qui ne sont pas compatibles avec l’énoncé conditionnel ne sont pas représentées sous forme de modèle mental. Par exemple le carré est rouge et l’étoile n’est pas bleue (p ¬q) n’est pas représenté pour l’énoncé « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue ». En ne représentant pas ces cas incompatibles avec l’énoncé conditionnel, la mémoire de travail de l'individu est moins chargée, ce qui laisse davantage de ressources pour effectuer les processus de raisonnement.

Pour conclure et résumer cette partie présentant la théorie des modèles mentaux de Johnson-Laird et Byrne (2002), on peut dire que cette théorie suppose que le raisonnement déductif est un processus sémantique, c’est-à-dire que les individus comprennent et interprètent un énoncé conditionnel par la représentation de sa signification. Quand un même énoncé fait référence à plusieurs états du monde possibles, comme par exemple avec

« si p, alors q », une compréhension complète de cet énoncé nécessite la construction et la manipulation de trois modèles mentaux. En raison de la capacité limitée de la mémoire de travail, les sujets réduisent la charge cognitive liée à la construction et la manipulation des modèles mentaux en représentant une partie de l’information de façon implicite.

Aspect Développemental dans la Théorie des Modèles Mentaux

L’intérêt pour la façon dont le raisonnement conditionnel évolue au cours du développement, pour l’évolution des représentations avec l’âge, apporte des éléments de compréhension des mécanismes qui sous-tendent le raisonnement adulte et permet de révéler certaines propriétés qui restent inaccessibles lors de l’étude des performances d’un adulte dont le fonctionnement est déjà plus abouti.

Lorsqu’ils raisonnent, les sujets, même adultes, peuvent avoir tendance à négliger certains modèles, à oublier la note de bas de page et on peut observer certaines erreurs systématiques dues au fait que le raisonnement ne se base pas sur le modèle complet.

Ainsi, certains adultes concluent à partir de AC et DA, bien qu’il s’agisse d’inférences

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invalides ou encore les acceptent dans les tâches d’évaluation (Evans, Newstead, & Byrne, 1993).

Barrouillet et Lecas (1998) ont mis en évidence des patterns de réponse liés à différentes étapes développementales en utilisant plusieurs tâches avec des enfants de 8, 11 et 15 ans. Dans une première expérience, ils utilisent une tâche de falsification et demandent aux enfants d’identifier, pour chacun des quatre cas (p q, non p q, p non q, non p non q), lesquels sont incompatibles avec une règle de type « si p, alors q », étant donné que cette règle (l’énoncé conditionnel) est vraie. Tous les enfants jugent le cas p non q comme étant incompatible et aucun d’entre eux n’a jugé le cas p q comme étant incompatible. Les auteurs observent également un déclin avec l’âge de l’identification des cas non p q et non p non q comme étant incompatibles au profit d’une réponse « indéterminée », signifiant que ces cas ne sont ni compatibles, ni incompatibles avec la règle (l’énoncé conditionnel). Dans une deuxième expérience, une tâche de production de cas compatibles, on demande à d’autres enfants des mêmes groupes d’âge de construire les cas qui sont compatibles avec la règle (l’énoncé conditionnel « si p, alors q »). Les résultats vont dans le même sens et permettent aux auteurs de les interpréter comme une progression développementale allant d’une lecture conjonctive (production du seul cas p q comme étant compatible) à une lecture biconditionnelle (production des cas p q et non p non q comme étant compatibles) puis à une lecture conditionnelle (seul le cas p non q n’est pas produit comme étant compatible). Cette diminution du nombre de cas classés comme étant incompatibles avec l’énoncé en parallèle avec une augmentation du nombre de cas classés comme étant compatibles avec l’énoncé peuvent être compris comme une augmentation du nombre de modèles construits avec l’âge et amènent donc des arguments en faveur de la théorie des modèles mentaux.

Dans une étude semblable à celle de 1998, Barrouillet et Lecas (1999) retrouvent cette séquence développementale et montrent que le type d’interprétation est corrélé avec la mesure de l’empan en mémoire de travail. Ce n’est donc pas l’âge en tant que tel mais l’accroissement de la mémoire de travail qui prédit le pattern d’interprétation observé.

La compréhension du « si » en tant que connecteur conditionnel est donc difficile pour les enfants et son développement prend du temps. La théorie des modèles mentaux permet d’expliquer aisément ce développement du raisonnement de l’enfance à l’âge adulte : avec l’âge, les capacités croissantes en mémoire de travail des enfants leur permettent de construire et manipuler progressivement un plus grand nombre de modèles mentaux. Cette évolution se découpe selon une tendance développementale en trois étapes : l’étape conjonctive qui s’explique par la formation d’un seul modèle mental (modèle initial p q) et se manifeste par une interprétation conjonctive de l’énoncé conditionnel, seul le cas p q étant représenté (et donc reconnu comme étant compatible avec l’énoncé) ; l’étape biconditionnelle qui peut être expliquée par la construction d’un deuxième modèle ¬p ¬q (par

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le processus de « fleshing out ») et se manifeste par une interprétation biconditionnelle de l’énoncé conditionnel avec les cas p q ainsi que non p non q qui sont reconnus comme compatibles avec l’énoncé; et finalement l’étape conditionnelle qui est rendue possible par la construction du modèle complet (incluant le modèle ¬p q) et se manifestant par une interprétation conditionnelle de l’énoncé conditionnel, avec les cas p q, non p non q ainsi que non p q qui sont reconnus comme étant compatibles avec l’énoncé conditionnel. Les patterns de réponse découlant de chacune de ces trois interprétations (Tableau 2) ont été retrouvés dans de nombreuses études (Barrouillet, Gauffroy, & Lecas, 2008 ; Barrouillet et al., 2000 ; Barrouillet & Lecas 1998,1999 ; Lecas & Barrouillet, 1999).

Du point de vue des inférences, Barrouillet et Lecas (1998, expérience 3) mettent également en évidence un pattern développemental de réponse selon les trois mêmes étapes. Il s’agit cette fois d’une tâche de production d’inférences dans laquelle les sujets doivent produire les quatre inférences suivantes : MP (p implique q), MT (non q implique non p), AC (q implique p) et DA (non p implique non q). Sur la base d’un énoncé de type « si p, alors q », suivi d’une des quatre prémisses mineures (p, q, non p, non q), les sujets doivent dire si « quelque chose suit » ou si « rien ne suit » et, si le sujet estime que « quelque chose suit », il doit préciser ce qu’il pense être la conclusion qui « suit ». Dans un premier niveau développemental, les enfants produisent MP et AC plus fréquemment que DA et MT. La production des inférences pour les quatre formes logiques (MP, MT, AC, DA) est uniquement observée chez les enfants plus âgés. Finalement, lors d’une troisième étape développementale la production de MT continue à augmenter tandis que la production de DA et de AC diminue.

Cette évolution des taux de production de chacune des inférences en fonction de l’âge, montrée également par Barrouillet et al. (2000, expérience 3), peut à nouveau être expliquée aisément par la théorie des modèles mentaux : les jeunes enfants construisent un seul modèle et produisent ou acceptent les inférences pouvant se baser uniquement sur ce modèle initial, c’est-à-dire MP et AC. En effet, le modèle initial (p q) permet d’inférer q à partir de p (MP) et p à partir de q (AC). Sur la base de l’exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue », les sujets n’ayant construit que le modèle initial (en l’occurrence un carré rouge et une étoile bleue) vont conclure que l’étoile est bleue lorsqu’on leur dit que le carré est rouge (MP) et que le carré est rouge lorsqu’on leur dit que l’étoile est bleue (AC). Ils ne pourront ni produire ni accepter des inférences portant sur la négation de l’un ou l’autre des éléments (DA : le carré n’est pas rouge ou MT : l’étoile n’est pas bleue), ces cas n’étant pas représentés dans le modèle initial construit.

Dès 11-12 ans, les sujets construisent deux modèles et peuvent donc produire ou accepter les quatre types d’inférences (MP, MT, AC, DA) grâce au « fleshing out » permettant la construction du second modèle (¬p ¬q) en plus du modèle initial (p q).

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Toujours sur la base de l’exemple « si le carré est rouge, alors l’étoile est bleue », ils vont donc construire les deux modèles suivants : un carré rouge et une étoile bleue (p q) ainsi qu’un carré qui n’est pas rouge et une étoile qui n’est pas bleue (¬p ¬q). Ces deux modèles vont leur permettre de conclure, de la même façon que les sujets plus jeunes, que l’étoile est bleue lorsqu’on leur dit que le carré est rouge (MP) et que le carré est rouge lorsqu’on leur dit que l’étoile est bleue (AC). De plus, ils concluront également, sur la base du second modèle construit (¬p ¬q), que l’étoile n’est pas bleue lorsqu’on leur dit que le carré n’est pas rouge (DA) et que le carré n’est pas rouge lorsqu’on leur dit que l’étoile n’est pas bleue (MT).

Ce n’est qu’à partir de la fin de l’adolescence et chez les adultes qu’on observe une production d’inférences selon un pattern attestant l’intervention d’un système de représentation complet (p q, ¬p ¬q, ¬p q). La construction de ces trois modèles permet aux adultes et aux adolescents de produire et d’accepter MP et MT. En effet, comme le font également les sujets plus jeunes, ils concluent, sur la base du modèle initial construit (p q ; un carré rouge et une étoile bleue), que l’étoile est bleue lorsqu’on leur dit que le carré est rouge (MP). Toujours comme les sujets plus jeunes, ils concluent que le carré n’est pas rouge lorsqu’on leur dit que l’étoile n’est pas bleue (MT), et ceci sur la base du second modèle construit par « fleshing out » (¬p ¬q ; un carré qui n’est pas rouge et une étoile qui n’est pas bleue). En ce qui concerne AC et DA, les prédictions sont plus complexes pour les sujets ayant construits trois modèles. En effet, aux deux modèles décrits précédemment s’ajoute, toujours par « fleshing out », le modèle ¬p q (un carré qui n’est pas rouge et une étoile bleue). Ainsi, on peut s’attendre à des réponses de type « rien ne suit » pour AC et DA. En effet, lorsqu’on dit au sujet que le carré n’est pas rouge (DA), il a deux modèles qui pourraient lui permettre de conclure : ¬p ¬q (un carré qui n’est pas rouge et une étoile qui n’est pas bleue) et ¬p q (un carré qui n’est pas rouge et une étoile bleue). Il est donc dans l’incapacité de produire une conclusion certaine, un modèle lui indiquant que l’étoile est bleue et l’autre modèle lui indiquant que l’étoile n’est pas bleue. Il en va de même pour AC.

Lorsqu’on dit au sujet que l’étoile est bleue, il a deux modèles qui pourraient lui permettre de conclure : p q (un carré rouge et une étoile bleue) et ¬p q (un carré qui n’est pas rouge et une étoile bleue). Le sujet se trouve donc à nouveau dans l’incapacité de conclure, il ne peut ni inférer que le carré est rouge, ni inférer que le carré n’est pas rouge. C’est cette incertitude sur la conclusion qui rend AC et DA invalides. Malgré le fait que AC et DA soient des inférences invalides, et qu’on pourrait donc s’attendre à des réponses de type « rien ne suit », elles sont tout de même souvent acceptées et produites par les sujets adultes, de façon semblable au pattern observé chez les sujets plus jeunes (Evans et al., 1993).

Pour notre recherche, nous nous baserons sur les prédictions de la théorie des modèles mentaux concernant les inférences et montrées dans les études de 1998 et 2000 (Barrouillet et al., 2000 ; Barrouillet & Lecas, 1998): dans une première étape développementale, MP et

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AC (basées sur le modèle initial) sont produites plus fréquemment que MT et DA (qui nécessitent un « fleshing out ») ; augmentation de la production de MT (basé sur la construction d’un second modèle ¬p ¬q) avec l’âge. Concernant DA, on s’attend tout d’abord à une augmentation de la production de cette inférence (grâce à la construction du second modèle ¬p ¬q) suivie d’une diminution de la production de cette inférence lorsque les sujets sont capables de construire les trois modèles et que DA les met face à une incertitude liée à la construction du troisième modèle ¬p q (Tableau 2).

Tableau 2

Patterns de réponse prédits par la théorie des modèles mentaux pour différents types de tâche sur la base d’un énoncé conditionnel de type « si p, alors q » pour chacun des trois niveaux d’interprétation

Ainsi, le développement en fonction de l’âge se manifeste par des patterns de réponse spécifiques (Tableau 2). En considérant l'hypothèse que la capacité d'enrichissement du modèle initial dépend en grande partie des ressources en mémoire de travail (Barrouillet &

Lecas, 1999), et donc du développement de l'individu, la théorie des modèles mentaux permet d’expliquer les données développementales obtenues dans différentes tâches de raisonnement basées sur des énoncés de type « si p, alors q ». La compréhension de ces énoncés ainsi que la production des inférences qui en découlent sont soutenues par le développement du système représentationnel. La construction de ces représentations établissant une relation entre l’antécédent et le conséquent (les modèles mentaux) dépendant des capacités cognitives qui augmentent avec l’âge, elle permet à l’enfant de rendre explicite un nombre plus important de représentations au cours du développement (Barrouillet & Lecas, 1998).

Type de tâche Interprétation

conjonctive biconditionnelle conditionnelle

Falsification : cas incompatibles avec l’énoncé

p non q non p q non p non q

p non q non p q

p non q

Production : cas compatibles avec l’énoncé

p q p q

non p non q

p q

non p non q non p q

Production d’inférences MP et AC plus

fréquent que MT et DA

MP, MT, AC, DA MP et MT plus

fréquent que AC et DA

(16)

Notre étude cherchera d’une part à confirmer cette tendance développementale d’évolution des patterns de réponse aux différentes inférences selon l’âge (Barrouillet et al., 2000, Barrouillet & Lecas, 1998) mais avec une tâche d’inférence légèrement différente, dans laquelle les sujets choisissent une conclusion parmi trois propositions : une conclusion

« positive » (par exemple, l’étoile est bleue), une conclusion « négative » (par exemple, l’étoile n’est pas bleue) ainsi qu’une troisième conclusion « on ne peut pas conclure » (onppc) correspondant aux situations pour lesquelles les sujets ne peuvent pas inférer de conclusion sur la base des deux prémisses. L’ajout de cette troisième possibilité de conclusion a été proposé par Wason (1966) comme réponse aux cas qui ne rendent l’énoncé conditionnel ni vrai, ni faux, mais qui sont « irrelevant » à son sujet. Dans le cadre des tâches d’inférence, le fait d’inclure directement cette troisième possibilité est nouveau.

D’autre part, nous joindrons à ces données qualitatives des données chronométriques.

En effet, l’étude des temps de réponse permet également d’obtenir des informations sur les processus mis en œuvre par les individus lorsqu’ils raisonnent et la chronométrie n’a encore jamais été utilisée dans le cadre de l’étude du raisonnement chez les enfants.

Raisonnement Conditionnel et Chronométrie

Comme nous l’avons déjà vu, la théorie des modèles mentaux propose que les différentes réponses données par les sujets aux quatre inférences principales (MP, MT, AC et DA) sont sous-tendues par le nombre de modèles mentaux construits. De plus, la construction de ces modèles mentaux suit une tendance développementale clairement établie allant d’une interprétation conjonctive (construction du seul modèle p q) à une interprétation biconditionnelle (p q et ¬p ¬q) puis conditionnelle (p q, ¬p ¬q et ¬p q). L’étude du temps pris par les individus pour répondre aux différentes inférences est une manière d’amener des arguments supplémentaires sur les processus en jeu. En effet, les temps de réponse vont nous renseigner sur les processus sous-jacents au raisonnement. Par exemple, Vergauwe, Gauffroy, Morsanyi, Dagry et Barrouillet (2013) ont montré que les temps de réponse des sujets adultes sont une fonction directe du nombre de modèles construits selon chacune des réponses. Ce résultat est également expliqué en termes de niveau de processus en jeu : les réponses basées sur le modèle initial s’appuieraient sur un processus automatique tandis que les autres nécessiteraient un processus analytique qui rendrait donc leur traitement plus lent.

Deux effets principaux concernant les temps de réponse aux différentes inférences ont été observés de façon expérimentale dans les quelques études utilisant la chronométrie dans le cadre du raisonnement conditionnel: l’effet du nombre de modèles et l’effet de directionnalité (Barrouillet et al., 2000 ; Vergauwe et al., 2013).

(17)

Effet du nombre de modèles. Barrouillet et al. (2000, expériences 1 et 2) mettent en évidence chez des sujets adultes que les inférences négatives DA et MT (dont la prémisse mineure nie l’antécédent ou le conséquent) entraînent des temps de réponse plus élevés que les inférences positives MP et AC (dont la prémisse mineure affirme l’antécédent ou le conséquent). Pour expliquer ces résultats, les auteurs s’appuient sur l’idée que le processus de « fleshing out » est un processus couteux cognitivement. Ils avancent que lorsque l’on présente aux sujets des prémisses mineures affirmatives p (MP) ou q (AC), ils peuvent tirer directement les conclusions q (pour MP) ou p (pour AC) sur la base du modèle initial car p et q sont représentés explicitement dans ce modèle. Quand la prémisse mineure est négative (non p ou non q), il n’y a pas de représentation explicite dans le modèle initial. Ainsi, pour conclure non q à partir de non p (DA) et non p à partir de non q (MT), les sujets construisent par « fleshing out » le modèle supplémentaire ¬p ¬q, ce qui prend un certain temps.

Effet de directionnalité. Barrouillet et al. (2000), dans leurs deux premières expériences, montrent aussi que les inférences sont plus rapides lorsque la prémisse mineure porte sur l'antécédent. Parmi les inférences basées sur le modèle initial, AC (prémisse mineure portant sur le conséquent) prend plus de temps que MP (prémisse mineure portant sur l’antécédent) et parmi les inférences nécessitant un « fleshing out », MT (prémisse mineure portant sur le conséquent) prend plus de temps que DA (prémisse mineure portant sur l’antécédent). Cet effet de directionnalité est expliqué par Evans (1993) qui suggère que les modèles construits à partir d’un énoncé conditionnel « si p, alors q », sont directionnels et orientés de l’antécédent vers le conséquent. Les sujets porteraient en premier leur attention sur la partie de l’énoncé qui est modifiée par le « si » et raisonneraient de ce composant vers l’autre. Ainsi, les inférences allant de l’antécédent au conséquent (MP et DA) sont traitées plus rapidement que les inférences allant du conséquent à l’antécédent (MT et AC) car les individus traitent en premier, et donc plus rapidement, les éléments faisaient suite immédiatement au « si » (l’antécédent en l’occurrence).

Notre étude

Nous chercherons d’une part à répliquer ces deux effets montrés chez les adultes mais nous viserons surtout l’étayage de ces prédictions chronométriques par une approche développementale, ce qui n’a encore jamais été fait. Afin d’avoir une plus grande représentativité des trois types d’interprétation, notre étude portera sur différents groupes d’âge, ainsi que le suggèrent Vergauwe et al. (2013) dans leur conclusion. L’ajout de données chronométriques pour lesquelles nous attendons une évolution avec l’âge selon la façon dont les sujets interprètent l’énoncé conditionnel (interprétations conjonctive, biconditionnelle ou conditionnelle) permettra à notre recherche d’enrichir les données existantes sur la tendance développementale déjà mise en évidence par le passé, mais cette

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fois-ci avec une tâche de production d’inférence dans laquelle les sujets choisissent une conclusion parmi les trois possibles. Nous allons proposer à des enfants (12 ans), des adolescents (15 ans) et des adultes une tâche sur ordinateur dans laquelle ils devront choisir, parmi trois conclusions, celle qu’ils pensent faire suite à une inférence de type :

Si le carré est rouge, l’étoile est bleue.

Le carré est rouge.

Donc…

Nous présenterons les quatre types d’inférences aux sujets (MP, MT, AC, DA). Les données chronométriques ayant été peu utilisées chez les enfants, l’intérêt de cette étude réside donc dans l’association de données qualitatives et chronométriques et les hypothèses porteront tant sur les patterns de réponse fournis par les participants (Barrouillet et al., 2000) que sur les temps de réponse (Vergauwe et al., 2013), toujours dans une perspective développementale.

Hypothèses portant sur les patterns de réponse. D’après la tendance développementale décrite par la théorie des modèles mentaux, on s’attend à une diminution de la proportion de patterns de réponse conjonctifs avec l’âge, parallèlement à une augmentation de patterns biconditionnels, ces derniers diminuant à nouveau (selon une tendance quadratique) avec l’augmentation de la proportion de patterns conditionnels. Les patterns de réponse attendus aux quatre inférences pour les trois niveaux d’interprétations sont présentés dans le Tableau 3.

Ainsi, pour Modus Ponens (MP, prémisse mineure p), on s’attend à une production élevée de réponses q dans tous les groupes d’âge car cette réponse est sous-tendue par la construction du seul modèle initial (p q).

Pour Modus Tollens (MT, prémisse mineure non q), on s’attend à une augmentation des réponses non p avec l’âge en parallèle à une diminution des réponses onppc. En effet, pour les sujets conjonctifs, la prémisse non q n’est pas représentée dans le seul modèle construit (modèle initial p q), ils devraient donc donner la réponse onppc. Pour les sujets biconditionnels (modèles p q et ¬p ¬q), la prémisse non q est associée à non p, ils devraient donc répondre non p. Enfin, pour les sujets conditionnels (modèles p q, ¬p ¬q, ¬p q), ils devraient également répondre non p, pour les mêmes raisons que les sujets biconditionnels.

Pour l’Affirmation du Conséquent (AC, prémisse mineure q), on s’attend à une augmentation des réponses onppc en parallèle à une diminution des réponses p avec l’âge.

En effet, dans les représentations conjonctive (p q) et biconditionnelle (p q et ¬p ¬q), la prémisse q est associée à p. Dans une représentation conditionnelle (p q, ¬p ¬q, ¬p q), la prémisse q est associé une fois à p et une fois à non p, amenant les sujets conditionnels à répondre onppc.

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Enfin, pour le Déni de l’Antécédent (DA, prémisse mineure non p), on s’attend tout d’abord à une diminution des réponses onppc suivie d’une augmentation de ces mêmes réponses, en parallèle avec une augmentation des réponses non q suivie d’une diminution de ces mêmes réponses. En effet, pour les sujets conjonctifs (p q) la prémisse non p n’est pas représentée, ils devraient donc donner la réponse onppc. Pour les sujets biconditionnels (modèles p q et ¬p ¬q), la prémisse non p est associée à non q, ils devraient donc répondre non q. Chez les sujets conditionnels (p q, ¬p ¬q, ¬p q), la prémisse non p est associé une fois à non q et une fois à q, les amenant à répondre onppc. L’ensemble de ces prédictions pour les quatre inférences permet de définir les patterns de réponse attendus pour chacune des interprétations (Tableau 3).

Tableau 3

Patterns de réponse prédits dans une tâche d’inférence pour chacun des trois niveaux d’interprétation (avec le nombre de modèles nécessaires à la production de chacune des réponses selon la théorie des modèles mentaux)

Hypothèses portant sur les temps de réponse. Les trois différentes interprétations devraient se caractériser par des temps de réponse différents pour chaque inférence, en fonction du nombre de modèles construits. Plus le nombre de modèles construits sera élevé, plus le temps de réponse sera long. Parallèlement à cela, on s’attend à ce que les inférences soient traitées plus rapidement lorsque la prémisse mineure porte sur l'antécédent. Nos hypothèses concernant les temps de réponse portent donc sur l’effet du nombre de modèles, et sur l’effet de la directionnalité de l’inférence.

Effet du nombre de modèles. Pour les sujets conjonctifs (construction du seul modèle initial p q), on s’attend à ce que les temps pour répondre q à MP et p à AC, qui sont représentées dans le modèle initial, soient plus rapides que les temps pour répondre onppc à MT et DA, dont les prémisses mineures (respectivement non q et non p) ne sont pas représentées.

Pour les sujets biconditionnels (p q et ¬p ¬q), on s’attend à ce que la production des réponses q à MP et p à AC, basées sur le modèle initial p q, soit plus rapide que la

Inférence Interprétation

conjonctive biconditionnelle conditionnelle

MP q (1) q (1) q (1)

MT onppc (1) non p (2) non p (2)

AC p (1) p (1) onppc (3)

DA onppc (1) non q (2) onppc (1 ou 3)

onppc : on ne peut pas conclure

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production des réponses non p à MT et non q à DA qui nécessite la construction du modèle

¬p ¬q par « fleshing out ».

Pour les sujets conditionnels (p q, ¬p ¬q, ¬p q), on s’attend à ce que la réponse non p à MT, qui nécessite un « fleshing out » du modèle initial, avec la construction de ¬p ¬q en plus du modèle initial p q, prenne plus de temps que la réponse q à MP qui s’appuie uniquement sur le modèle initial. Par ailleurs, la réponse onppc à AC et à DA devrait prendre encore plus de temps car elle nécessite la construction par un second « fleshing out » du modèle ¬p q.

Effet de directionnalité. D’après Evans (1993), on s’attend à ce que MP et DA (prémisse mineure portant sur l’antécédent) soient plus rapides que MT et AC (prémisse mineure portant sur le conséquent), et ce, quel que soit le niveau d’interprétation du sujet.

Méthode Participants

Dix-sept enfants de 8P Harmos (M = 12.36, SD = 0.3, 11 filles), 19 enfants de 11CO Harmos (M = 14.7, SD = 0.3, 11 filles) et 34 étudiants en première année de psychologie à l’Université de Genève (M = 21.21, SD = 3.84, 32 filles) ont participé à l’expérience. Dans un premier temps, un groupe d’enfants de 5P Harmos (8-9 ans) avait été inclus dans la recherche mais la tâche s’est avérée trop complexe pour cette tranche d’âge et les données n’ont pas pu être utilisées.

Matériel

Pour cette expérience, nous avons utilisé un ensemble de 36 énoncés conditionnels différents. Chacune de ces 36 prémisses majeures a été associée successivement aux quatre prémisses mineures : p, q, non p, non q. Soit un total de 144 stimuli parmi lesquels on en a présenté 36 tirés de façon aléatoire à chaque participant. Ces 36 essais expérimentaux ont également été présentés dans un ordre aléatoire. Chacune des séries de 36 était composée de neuf essais de chaque type (MP, MT, AC, DA). L’expérience complète durait au total entre 15 et 30 minutes.

Les 144 stimuli étaient constitués chacun d'un énoncé conditionnel dont l’antécédent et le conséquent étaient de forme affirmative (prémisse majeure). Les prémisses majeures présentaient une relation artificielle entre l’antécédent et le conséquent et portaient sur toutes les associations possibles entre trois formes (carré, rond et étoile) et trois couleurs (bleu, jaune, rouge). Par exemple : si le carré est rouge, l’étoile est bleue. Chacune des associations forme/couleur pouvait être successivement l’antécédent ou le conséquent mais on ne retrouvait jamais deux fois la même forme ou la même couleur dans un énoncé

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conditionnel particulier. La prémisse majeure était suivie d’une affirmation (prémisse mineure) qui permettait de tirer une conclusion sur la base de ces deux éléments. Par exemple : l’étoile n’est pas bleue ou le rond est rouge.

Procédure de Recueil des Données

L’expérience s’est déroulée sur ordinateur sur la base du logiciel E-Prime. Les passations se sont déroulées en petits groupes de 5-7 participants, chacun des participants se trouvant devant un ordinateur avec des écouteurs durant toute la durée de l’expérience.

Tout d'abord les participants recevaient oralement les consignes générales de l'expérience. Puis, assis chacun devant un ordinateur personnel, une consigne plus précise sur la tâche à réaliser s'affichait : « Des petits problèmes vont s'afficher à l'écran. À chaque fois, tu vas voir et entendre deux phrases. En-dessous, tu auras le choix entre trois réponses. Tu devras choisir celle qui te semble la plus correcte en cliquant dessus avec la souris. ». Une fois qu’ils ont eu accès à la consigne, les participants étaient invités à réaliser quatre essais d’entraînement correspondant aux quatre types d’inférence (un MP, un AC, un DA et un MT). Durant cette phase d’entraînement, l’expérimentateur pouvait répondre à leurs éventuelles questions, ce qui n’était plus le cas pendant la phase de test.

Chaque essai se déroulait de la façon suivante : après une brève présentation d’une croix de fixation, une prémisse majeure de la forme « si p, q » apparaissait. En même temps, les participants entendaient un enregistrement vocal de cette phrase. Le fait d’entendre les énoncés simultanément à leur apparition à l’écran avec un casque audio permet de prendre en compte les différences de niveau de lecture entre les enfants. Cette procédure d’accompagnement audio des énoncés qui s’affichent à l’écran est utilisée pour l’ensemble de l’expérience.

A la fin de ce premier enregistrement, une prémisse mineure apparaissait. En dessous de la prémisse mineure et en même temps que cette dernière, apparaissaient trois illustrations représentant les trois propositions de conclusions (Figure 1). Ces trois propositions de conclusion étaient à chaque fois : une conclusion positive (symbolisée par une forme d’une certaine couleur, par exemple une étoile bleue signifiant l’étoile est bleue), une conclusion négative (symbolisée par la même forme de la même couleur mais tracée, par exemple une étoile bleue tracée signifiant l’étoile n’est pas bleue) et la réponse « on ne peut pas conclure » (symbolisée par un point d’interrogation et signifiant que, sur la base des informations dont ils disposaient, les sujets ne pouvaient pas inférer de conclusion).

Les trois propositions de conclusions ont été expliquées aux sujets lors de la consigne générale avant le début de l’expérience afin de s’assurer leur bonne compréhension des symboles utilisés (forme, forme tracée, point d’interrogation). A ce moment-là et de façon

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orale, on expliquait aux participants qu’ils allaient devoir choisir laquelle de ces trois conclusions leur semblait la plus correcte en regard des deux prémisses.

Figure 1. Exemple de stimulus. La première ligne correspond à la prémisse majeure, la seconde ligne à la prémisse mineure et les trois illustrations aux trois propositions de conclusion : conclusion positive (l’étoile est bleue), conclusion négative (l’étoile n’est pas bleue), réponse « on ne peut pas conclure » (symbolisée par le point d’interrogation).

L’ensemble des informations (la prémisse majeure, la prémisse mineure ainsi que les trois possibilités de conclusion) restaient présentes à l’écran jusqu’à ce que le participant fasse son choix en cliquant avec la souris sur une des trois réponses proposées. La position des trois réponses dans l’espace était contrebalancée entre les participants. La distance à parcourir pour cliquer sur chacune des réponses est contrôlée afin d’être identique. Après chaque réponse donnée, le curseur revenait automatiquement à sa position initiale, à égale distance des trois réponses proposées, afin que les temps de réponse des participants ne soient pas affectés par la réponse donnée à l’essai précédent. Les réponses des participants ainsi que leurs temps de réponse à partir de l’apparition de la prémisse mineure et des trois conclusions étaient enregistrés et le prochain essai commençait (avec la croix de fixation) sans que les participants ne reçoivent de feed-back sur leur performance.

Résultats

Analyse des réponses produites pour chaque type d’inférence

Nous avons calculé, sur la base de l’ensemble des réponses données par tous les sujets d’un groupe d’âge, le taux de sélection de chacune des réponses (p, q, non p, non q, onppc) pour les quatre inférences ainsi que les temps de réponse moyens correspondants (Tableau 4). Les réponses ne correspondant à aucune des interprétations attendues (non q

(23)

et onppc pour MP, p pour MT, non p pour AC et q pour DA) représentent 10% de l’ensemble des réponses (28% chez les 8P, 7% chez les 11CO et 3% chez les adultes).2 Cette observation suggère que les participants ont compris la tâche et y ont été attentifs, du moins pour les plus âgés d’entre eux. Concernant les 8P, une partie non-négligeable d’entre eux ne semble pas avoir compris la tâche de la façon attendue.

Tableau 4

Pourcentages et temps moyens de réponse (avec écart-types) pour les différentes réponses données à chaque inférence pour les trois groupes d’âge

8P n = 17

11CO n = 19

adultes n = 34 Type

d’inférence

Réponses Pourcentage Temps de réponse (ms)

Pourcentage Temps de réponse (ms)

Pourcentage Temps de réponse (ms) MP p →

q non q onppc

59 23 18

5866 (3711) 6914 (3009) 4520 (2838)

91 4 5

3854 (2628) 5178 (3593) 3665 (2995)

99 0 1

4581 (2727) 8740 (2510)

MT non q→

p non p onppc

21 53 25

6774 (4500) 5719 (3899) 6408 (4630)

5 82 12

7984 (5375) 4529 (3976) 4681 (5277)

3 71 23

9688 (3925) 6961 (4015) 8971 (5384)

AC q → p

non p onppc

59 23 16

4592 (2674) 7917 (5463) 4792 (2198)

81 6 12

4186 (3128) 3252 (2267) 3509 (2601)

75 0 24

5693 (3804) 6436 (3229)

DA non p→

q non q onppc

23 50 26

6225 (4525) 5277 (3916) 6056 (4232)

4 80 15

4167 (3046) 3568 (2015) 5344 (3667)

2 72 24

6455 (3555) 6393 (3588) 8229 (4008) Les réponses d’intérêt sont indiquées en italiques. Les pourcentages manquants (pour aller jusqu’à 100) correspondent aux items pour lesquels les sujets n’ont pas donné de réponse (0% pour MP, 2% pour MT, 1%

pour AC, 1,5% pour DA).

Nous avons effectué des ANOVA simples à un facteur mesurant, pour chaque inférence, l’effet du groupe d’âge sur la réponse attendue à l’inférence (q pour MP, non p pour MT, onppc pour AC et pour DA). Pour l’ensemble des ANOVA effectuées, la variable indépendante est le groupe d’âge avec ses trois modalités (8P, 11CO, adultes) et la variable dépendante est le taux de production de la réponse attendue pour chaque sujet. Le seuil de significativité est fixé à .05 dans cette étude.

Comme prédit, le taux de réponse q à MP (qui est la seule réponse attendue dans les trois interprétations connues) est très élevé pour les 11CO (91%) et les adultes (99%).

Cependant, contrairement à nos hypothèses, nous observons un effet significatif de l’âge, F(2,67) = 13.15, p < .001, dû au faible pourcentage de réponses q chez les 8P (59%), et probablement explicable par le fait que 40% d’entre eux ne semblent pas avoir compris la tâche (voir plus bas lors de la catégorisation des participants par type d’interprétation).

2 Les items pour lesquels aucune réponse n’a été donnée (1% pour chacun des groupes d’âge) sont inclus dans ces pourcentages.

(24)

En ce qui concerne MT, en accord avec nos hypothèses, nous observons, avec l’âge, une augmentation significative de la production des réponses non p qui nécessitent la construction par « fleshing out » du second modèle ¬p ¬q (53 % chez les 8P, 82% chez les 11CO, 71% chez les adultes), F(2,67) = 3.14, p <.05. La différence entre les adultes et les 11 CO n’est cependant pas significative, t(51) = 1.24, p = .22

Comme attendu, la réponse onppc à AC (qui nécessite la construction par « fleshing out » de trois modèles) devient plus fréquente chez les adultes (16% chez les 8P, 12% chez les 11CO, 24% chez les adultes) mais cet effet de l’âge n’est pas significatif, F(2,67) = 0.84, p = .44.

Finalement, pour DA, on observe la tendance attendue de manière descriptive avec une diminution des réponses onppc qui sont basées sur la construction d’un seul modèle chez les sujets conjonctifs (26% chez les 8P et 15% chez les 11CO), suivie d’une augmentation de ces mêmes réponses (basées sur la construction par « fleshing out » de trois modèles chez les sujets conditionnels) chez les adultes (24%) mais ces différences ne sortent pas statistiquement, F(2,67) = 0.63, p = .54.

L’analyse de ces pourcentages de réponse pour chaque inférence semble refléter deux résultats principaux. D’une part, près de la moitié des sujets de 8P ne semble pas avoir compris la tâche. En effet, ils produisent un pourcentage important de réponses ne correspondant à aucune des interprétations connues. D’autre part, la très grande majorité des sujets semblent être biconditionnels. En effet, dans l’ensemble des groupes d’âge, les réponses basées sur une interprétation biconditionnelle sont les plus fréquentes, les taux de production des différentes réponses correspondant à une interprétation biconditionnelle étant quasi similaires chez les 11CO et les adultes (91% et 99% de réponses q pour MP, 82% et 71% de réponses non p pour MT, 81% et 75% de réponses p pour AC et 80% et 72% de réponses non q pour DA). Parmi les réponses des 8P correspondant à l’une des interprétations connues, ce sont également les réponses biconditionnelles qui sont majoritaires (59% de réponses q pour MP, 53% de réponses non p pour MT, 59% de réponses p pour AC et 50% de réponses non q pour DA).

Ces premières constations vont être renforcée par l’analyse des patterns de réponse.

En effet, à ce stade de l'analyse, les temps de réponse moyens généraux restent peu informatifs car une réponse particulière peut être sous-tendue par différents processus. Par exemple, une réponse onppc à DA peut être basée sur la construction du modèle initial seulement (interprétation conjonctive) ou nécessiter la construction de trois modèles par le processus de « fleshing out » (interprétation conditionnelle). Le sens d’une réponse est donc donné uniquement par les réponses à l’ensemble des quatre inférences, selon le pattern dans lequel elle s’insère et qui indique quelle est l’interprétation que le sujet a de l’énoncé conditionnel. C’est pour cela que, pour la suite des analyses, nous avons catégorisé les

(25)

individus selon leur type d’interprétation, ce qui permet d’exprimer ces résultats de façon plus claire.

Analyse des patterns de réponse

On peut distinguer trois patterns de réponse correspondant aux trois interprétations attendues (Tableau 3) : interprétations conjonctive (respectivement q, onppc, p, onppc pour les inférences MP, MT, AC et DA), biconditionnelle (respectivement q, non p, p, non q) et conditionnelle (respectivement q, non p, onppc, onppc). Un participant donné est considéré comme consistant avec une interprétation donnée si les deux-tiers (c’est-à-dire au moins 6 sur 9) de ses réponses pour chaque inférence (MP, MT, AC, DA) sont consistantes avec son interprétation dominante.

On trouve parmi les 8P, 18% de participants conjonctifs, 41 % de participants biconditionnels ainsi que 41% de participants qui n’ont pas pu être catégorisés. Comme attendu, chez les 11CO, l’interprétation biconditionnelle est majoritaire (68%) tandis que les interprétations conjonctive et conditionnelle représentent 5% des participants pour chacune d’entre elle. Dans cette tranche d’âge, 21% des participants n’ont pas pu être catégorisés.

Contrairement à nos hypothèses, chez les adultes l’interprétation biconditionnelle est également majoritaire (62%), les interprétations conjonctive et conditionnelle sous-tendant le raisonnement de 9% des participants pour chacune d’entre elle. 21% des adultes n’ont pas pu être catégorisés (Figure 2). Ces résultats descriptifs sont corroborés par les analyses statistiques. En effet, contrairement à notre hypothèse développementale, le test du X2 entre les variables âge (avec trois modalités : 8P, 11CO, adultes) et type d’interprétation (avec quatre modalités: interprétation conjonctive, interprétation biconditionnelle, interprétation conditionnelle, pas catégorisé) n’est pas significatif, X2(6) = 6.36, p = .38, l’interprétation biconditionnelle étant l’interprétation dominante à tous les âges.

Un total de 18 participants (26% de l’ensemble de l’échantillon) n’a donc pas pu être caractérisé comme étant consistant avec une interprétation donnée. Parmi eux, 4 participants ont montré un pattern intermédiaire entre une interprétation conjonctive et une interprétation biconditionnelle, 3 participants ne montrent aucune régularité dans leurs réponses tandis que parmi le reste d’entre eux (11 participants), on trouve divers patterns de réponse réguliers mais non conformes aux interprétations identifiables. Parmi ces derniers, certains (uniquement des 8P) ne produisent même pas la réponse attendue pour MP (c’est- à-dire q), ce qui suggère qu’ils n’ont probablement pas compris la tâche étant donné que ce faible taux d’acceptation de MP n’est pas concordant avec ce qui est généralement décrit dans la littérature (Evans, 1993). L’ensemble de ces participants n’ayant pas pu être catégorisés n’a pas pu être pris en considération pour les analyses ultérieures portant sur les temps de réponse.

(26)

Figure 2. Pourcentage de sujets de chaque type d’interprétation (conjonctive, biconditionnelle, conditionnelle, participants non catégorisés) pour chaque groupe d’âge.

Analyse des temps de réponse

Pour chaque participant dont le pattern de réponse a pu être catégorisé comme étant basé sur une interprétation conjonctive, biconditionnelle ou conditionnelle de l’énoncé, nous avons calculé le temps de réponse moyen3 pour la réponse la plus fréquemment choisie pour chaque type d’inférence (MP, MT, AC, DA). Il s’agit donc pour chaque participant des réponses qui sont consistantes avec le pattern de réponse propre à l’interprétation en question (Tableau 3). Cette procédure a mené à l’exclusion de respectivement 14%, 5% et 8% des réponses données par les participants conjonctifs, biconditionnels et conditionnels, ce qui dénote d’une forte consistance dans les réponses données par les participants. Les moyennes des temps de réponse par type d’inférence ont été analysées selon les différents patterns de réponse obtenus (interprétations conjonctive, biconditionnelle, conditionnelle), tous groupes d’âge confondus. Parmi les sujets qui ont compris la tâche, la grande majorité d’entre eux ayant répondu aux inférences selon un pattern correspondant à une interprétation biconditionnelle, nous allons commencer l’analyse des temps de réponse par ces sujets-là.

Sujets biconditionnels. Conformément à nos hypothèses, les sujets interprétant les énoncés de manière biconditionnelle (n = 41) mettent moins de temps pour répondre q à MP

3 Dans un premier temps, nous avons exclu les valeurs supérieures à 2 écarts-types de la moyenne du sujet pour chacune des réponses à chaque inférence. Les analyses statistiques portant sur les données avec et sans exclusion donnant des résultats similaires, nous avons finalement conservé l’ensemble des données sans exclusion des valeurs extrêmes.

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