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Le droit face à son public

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Le droit face à son public

PERRIN, Jean-François

PERRIN, Jean-François. Le droit face à son public. Genève : CETEL, 1983

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4982

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1 / 1

(2)

5, rue Saint-Ours

CH 1211 GENEVE 4

(fév, 1984)

LE DROIT FACE A SON PUBLIC

\1

A t.l h

?bRK .t1J~Y

Jean-Francois PERRIN

1) F D]3, 4+(,lf

Résumé de l'exposé fait le 28 janvier 1983 dans le cadre du séminaire du Centre d'études sociOlogiques - Unité de recherche et d'étude de sociologie juridique et judiciaire, au Collège de France,

UNI-GE

1111111 uo~",,+15*

1.~ Gô S- ;\ S GO

(3)

LE DROIT FACE A SON PUBLIC

Le droit met en forme des modèles de rapports sociaux.

On sait et l'on sent qu'il y a un intérêt à opérer une com- paraison entre les modèles préformés dans les moules légaux d'une part et ceux que l'on peut observer d'autre part en procédant à une investigation dans le public du droit, c'est- à-dire auprès des destinataires des règles légales. L'inté- rêt d'une comparaison entre modèles juridiques et modèles so- ciaux a été perçu comme une évidence par la sociologie du droit postérieure à la deuxième guerre mondiale. Les enquê- tes dites KOL se sont multipliées, sous l'influence notam- ment de la sociologie nord-américaine. Ce succès a joué un très mauvais tour à la sociologie du droit contemporaine car l'on assiste, depuis quelques décades, à un feu nourri de critiques qui visent globalement toutes les enquêtes de

grande envergure qui tendent à investiguer le domaine des rap- ports entre le droit et ses f a i t s . J'ai l'impression qu'au vu de ces critiques on a un peu vite jeté le manche avec la cognée. Il est clair qu'une certaine sociologie du droit se disant "empirique" est partie tête baissée, avec beaucoup de naïveté, fondée sur des implicites très ambigus, sans hypo- thèses, voire même sans théorie. Le projet général de ces chercheurs n'était pourtant pas sans intérêt. Il est indé- niable que si le droit a effectivement l'ambition et la voca- tion de régir globalement les rapports sociaux qU'il dessine, i l est intéressant de connaître globalement aussi la "réalité sociale" qui existe dans le domaine investigué. Toute la difficulté et toute l'ambiguité proviennent du fait que l'on s'est fait beaucoup d'illusions sur le deuxième terme de la comparaison. Il n'est pas facile, face à l'image solide et

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et certaine proposée par le droit, d'identifier "une" réa- lité sociale qui ne soit pas une pure fiction naïvement éla- borée par l'auteur de la recherche. Certes BOURDIEU avait-il raison d'affirmer que "l'opinion publique n'existe pas". A le bien lire, l'expression était volontairement provocatrice.

Certes le monolithe figé suggéré par !'opinion publique au singulier est méthodologiquement impossible à traquer. Mais le concept recouvre des éléments, mouvants, composites, ..• une

"réalité" tout de même. Si tel est le cas, on est passé un peu vite de la critique méthodologique, certes fondée au vu des naïvetés légitimement dénoncées, à l'abandon pur et simple de toute velléité de recherche sérieuse dans ce domaine.

Ce n'est pas parce que l'un des deux termes de la comparaison est un univers multiforme et fluctuant que la comparaison est nécessairement impossible ou sans intérêt. Elle est certes difficile et pleine de pièges. Elle est cependant, à mon avis,

indispensable si l'on veut que la sociologie du droit existe et serve véritablement à quelque chose. La leçon essentielle à tirer, à mon sens, est la suivante : toute démarche tendant à opérer une comparaison entre normes juridiques et faits so- ciaux doit être accompagnée d'une théorie qui légitimise la

"faisabilité" d'une telle comparaison. Le présent exposé n'est évidemment pas destiné à poser toutes les définitions qui

constitueraient le préalable nécessaire. Je me contenterai d'un essai de modélisation, sommairement esquissé, et prendrai appui sur un exemple de recherche qui fera l'objet d'une pu- blication prochaine. Le thème est celui de la sociologie du droit de la famille. Quels cadres conceptuels faut-il forger pour opérer une comparaison entre règles juridiques et faits sociaux dans le domaine du droit civil de la famille? Je com- mencerai par affirmer la nécessité de partir du modèle ju-

ridique. C'est d'abord une manière de se simplifier singulière- ment la tâche, d'un point de vue méthodologique. Cette légis-

lation dessine des rapports sociaux précis qui constituent un bon point de départ pour une recherche. Mais ce domaine est, tout le monde le sait, bourré de fictions ou de reliquats

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historiques qui n'ont plus nécessairement la moindre corres- pondance dans le champ social. N'est-ce pas dès lors mettre au départ d'une recherche de sociologie un ensemble de fictions plutôt qu'un ensemble d'hypothèses solides ayant quelques

chances de préfigurer la réalité que la démarche tend à iden- tifier? Le risque est acceptable si l'on garde à l'esprit qu'il ne s'agit que d'un point de départ, indispensable en sociologie du droit, discipline qui n'est pas identique à la sociologie générale ou à la sociologie de la famille. Ce point de départ n'implique en aucune manière que la théorie admet- te implicitement ou explicitement l'existence de corrélations nécessairffientre les deux termes de la comparaison. On doit pouvoir comparer les deux secteurs, le juridique et le social, indépendamment de toute consédiration concernant leurs inter- férences, nécessaires ou non. Il est ~ ___________ possible _que des faits sociaux soient identifiés dans un milieu social

déterminé et considérés comme pertinents du point de vue de la comparaison avec le domaine juridique, sans pour au~

Ç r i l faille nécessairement admettre qu'ils"anticipent"une modification des normes juridiques ou qu'ils constituent une mise en oeuvre ou une déviance par rapport à la loi. Le dé- part par le dessin juridique est simplement une règle métho- dologique de découpage d'une portion de la réalité sociale.

Faisons, dans un premier temps, comme si ce découpage ne ser- vait à rien, comme s'il n'anticipait rien, comme s ' i l était pure préoccupation gratuite d'un chercheur. Dans un temps ultérieur de la réflexion et de la théorie i l sera possible de dire pour qui la comparaison est pertinente et quelles éventuelles constantes la multiplication de telles études pour- rait révéler. Le départ parle droit, et tout particulière- ment par le droit légal, a donc l'avantage de tracer l'esguis-

se d'un rapport social, pas nécessairement réaliste ... ni

"ressemblant" mais souvent précis, dessiné avec des mots dont le sens a été élaboré avec soin. Il est indéniable que la

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sociologie du droit a, sur la plupart des autres sociologies, la chance de disposer, pour l'un des termes des comparaisons qu'elle doit effectuer, d'un corpus cohérent de modèles qui ont l'intérêt de ne pas avoir été fabriqués arbitrairement par le chercheur mais qui constituent, pour la thématique de cette discipline, une donnée objective à partir de laquelle

il est relativement facile de partir. Il serait absurde de ne pas utiliser, au point de départ, cet instrument qui facilite considérablement la tâche.

On peut se rappeler que le droit constitue aussi _ _ _ _ _ ~ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ une "socio-graphie",altérée cèrtes, mais révélatrice des repré- sentations de la classe des juristes qui, par "tradition", par

métier, interprètent et gèrent le social dans la continuité depuis très longtemps ... avant même que le mot "sociologie" fût seulement inventé ! On peut donc admettre que le droit a été élaboré compte tenu d'une expérience séculaire des rapports hu- mains, des conditions de la vie en société et, si l'on fait abs- traction de son impérativité, on peut, à travers lui, lire un certain état de la société. Essayons-nous donc à la théorie

d'une comparaison entre les modèles de rapports familiaux dessinés par le législateur d'une part et ceux que l'on peut identifier dans le domaine considéré, par une investigation effectuée auprès des destinataires de cette législation d'autre part.

A partir du modèle de rapport social dessiné par la norme légale, je propose une typologie tripartite des faits sociaux pertinents pour la comparaison; les faits de connais- sance, les pratiques et les aspirations.

La connaissance du droit

Les enquêtés ont peut-être (ou n'ont pas) une représenta- tion mentale, qui est un modèle, de ce qu'ordonne le droit po- sitif, en l'occurrence la législation matrimoniale, sur une

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question déterminée qui leur est soumise. Ce modèle (de connaissance) peut être comparé avec l'étalon que constitue

la norme juridique, correctement interprétée par l'enquêteur.

Donnons l'exemple suivant:

Question 92 1* : Vous vous êtes mar1es officiellement, mais sans faire de contrat chez un notaire4 Supposons que l'épouse ait eu, de- puis avant son mariage, des biens qui lui appartiennent~

Savez-vous si, du point de vue des obligations juridiques, l'épouse peut:

HOMMES FEMMES

% N= % N=

- prendre seule la décision de vendre ces biens

- oui, elle le peut 22,9 95 20,5 85

- non·e11e ne le peut pas 47,8 198 44,9 186 - je ne sais pas, j'hésite 26,6 110 30,7 127

- sans réponse ou refus 2,6 11 3,8 16

Total 100 % 414 100 % 414

*Extrait d'une enquête genevoise : J~ KELLERHALS et al .. : Mariages au quo- tidien, Lausanne, P.-M. Favre, 1982.

Pour les juristes, nul n'est censé ignorer la loi. Pour le sociologue du droit, les choses sont nettement moins sim- ples. Ce type de question est d'un maniement particulièrement délicat. Le piège du nominalisme est partout présent. Ce n'est pas parce que les sujets doivent avoir connaissance de la ré- glementation qu'ils ont, nécessairement, une quelconque idée de la question. On peut se trouver face à une fausse image du droit, mais aussi face à un vide : la problématique ne concer- ne pas nécessairement les enquêtés. Il ne faut pas oublier que la loi poursuit parfois des objectifs qui ne tiennent pas compte de ce que peuvent savoir les destinataires des règles. Ainsi, par exemple, i l est certain que la distinc- tion entre droit des régimes matrimoniaux et droit successoral n'est pas toujours perçue par les personnes qui n'ont pas

une formation juridique. Ce type de découpage institutionnel s'explique par la nécessité de mettre au point un système de

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liquidation et de répartition des acquis. Il est inutile de poser des questions auxquelles on répondra nécessaire- ment par oui ou par non alors qu'il est quasi certain que

la portée du problème échappe à l'enquêté.

Les pratigues des destinataires

On appellera "pratiques" les faits de comportement, les attitudes, voire des dispositions mentales (la soumission, l'influence, etc.), dans les domaines qui sont régis par les règles juridiques. La répétition de ces pratiques engendre des normes au sens modal du terme, c'est-à-dire des phénomènes d'un type donné qui se retrouvent avec une fréquence évaluable.

Il est impensable de dresser à l'avance un catalogue de ces

"agissements", ainsi largement entendus, que le droit est susceptible de vouloir appréhender. L'exemple type sera celui d'une action ou d'un ensemble d'actes que le droit incite à accomplir, autorise ou prohibe ; voici un exemple :

Question 31 rr*: Si vous possédiez, dès avant le mariage, des biens assez impor- tants (immeubles, actions, etc.), continuez-vous à vous en occuper seu1(e) ?

Oui, je m'en occupe seul(e) Je consulte mon conjoint

J'ai transmis la gestion de ces bie~s

il i:!on conjoint

$.:lns réponse et pas de bie~ls

Total

HO!1.'1ES

% N =

10,4 20,1

0,9 68,5

100 "

45 87

(4 )

296 432

FE~ES

% N

4,4 19,4

2,5 73,6 100 ~

19 84

(11 )

318

432

(Dans cet exemple la loi suisse en vigueur incite la femme à transmettre cette gestion à son mari; le projet de réforme du droit des régimes matri- moniaux inciterait plutôt chaque époux à gérer ses affaires ... et la majo- rité des enquêtés pratique la concertation !)

'Extrait d'une enquête genevoise J. KELLERHALS et al. op. cit.

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Il faut admettre que ces pratiques sont susceptibles

d'être étudiées par l'enquête indépendamment de toute influence que l'on pourrait hypothétiquement prêter au droit. L'action de l'enquêté est peut-être provoquée par une conscience ou une connaissance de ce que le droit ordonne. Il est possible aussi (voire beaucoup plus probable !) que d'autres détermi- nants expliquent les faits de comportement décelés. La ques- tion mentionnée ci-dessus ne dit strictement rien sur l'effet de la norme légale. Nous verrons que l'information ainsi re- cueillie n'est pas moins intéressante pour autant.

Il faut noter aussi que la pratique étudiée possède une

"proximité" avec la norme légale qui est variable à l'infini.

On peut par exemple sonder les phénomènes d'influence au sein du couple parce que la loi définit la manière dont le pouvoir doit être exercé au sein de la famille. Il est dans un tel cas évident qu'il y a un monde entre ce qui est sondé et le phénomène légal. A l'inverse on peut sonder une pratique qui concerne directement le droit : par exemple demander aux en- quêtés qui ont perdu l'un de leurs parents selon quelles mo- dalités le partage des biens s'est effectué avec le conjoint survivant.

Les aspirations

Il est possible de sonder les voeux des destinataires dans le domaine normatif régi par la loi. Le champ couvert par cette définition est très éclectique. Une grande dicho- tomie s'impose immédiatement. _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ On peut entendre "domaine normatif régi par la loi" d'au moins deux manières qu'il faut très soigneusement distinguer si l'on entend pouvoir exploiter les réponses : premièrement, i l est possible de mettre les enquêtés face à un véritable choix de contenu concernant la législation, notamment dans une perspec- tive de réforme législative. Ainsi par exemple :

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a le droit d'administre~ ces biens. Estimez-vous que:

HOH~lES FH!ôlES

- - -

7, N= % N=

cC!ln est e:'1 somme assez normal 16,5 92 13,5 75 cela n'est pas normal, cela ne devrait

pas être ainsi 60,7 338 66,6 371

vous n'Olvez pas d'opinion tranchée en

cette m.1tière 20,3 113 17,4 97

pas de réponse ou refus 2,5 14 2,5 14

Total *J.KELLERHALS et al., op. cit. 1007- 557 100% 557 Il est donc possible de mettre les enquêtés directe-

ment face au choix politique dont ils sont à même de "décider".

Ce type de question est cependant loin d'être sans danger car i l n'est pas du tout certain que les enquêtés soient tous

intéressés et concernés au même titre; plus _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

précisémen~ la réaction de l'enquêté dépend fortement de la qualité et de la quantité de l'information dont i l dispose.

Nous avons, dan~ttemême enquête, découvert à nos dépens que les avis des personnes concernant le nom de la femme mariée sont susceptibles de varier selon que l'enquêteur livre ou non des informations sur

l'existence des diverses solutions légales possibles. J

~Dans ces conditions on pourra juger préférable de sonder le deuxième type d'aspirations "dans le domaine régi par la loi Il ; à savoir celles qui ont trait aux normes que les enquêtés souhaitent pour eux-mêmes, indépendamment de la question de l'extension aux autres par le truchement de la loi. On part de l'idée qu'ils savent mieux ce qu'ils estiment souhaitable pour eux . ... et on laisse dans l'ombre la question de l'oppor- tunité d'une extension du modèle par le droit. -On son- dra ainsi une aspiration concernant ce que doit être la pra- tique de l'enquêté, dans un champ couvert par la loi.

On leur demande quelle doit être la norme pour eux; ainsi par exemple :

(11)

\

\ j

i

Question 96 1*: Supposons n.:iintena:it qu'au moins u!'..e partie des biens sont mis en CO~lln. Pe:lsez-vous que, pour votre cas:

il vaut mieux que le mari prenne finalement les décisions importantes à propos de ces biens

il vaut mieux que toutes les décisions importantes à propos de ces biens soient prises en commun

pas de réponse ou refus

Total

*J.KELLERHALS et al., op. cit.

HOl'!!'lES k t{=

4,8 27

94,3 525 0,9 5

1007. 557

FEMMES

i: N=

3,1 17·

95,5 532 1,5 8

1007. 557

Norme à laquelle on souscrit pour soi ou pour sa famille Normes auxquelles on estime que les autres doivent être sou- mis - Normes que l'on voudrait voir inscrites dans la loi - ces diverses acceptions des diverses aspirations des desti- nataires du droit légal doivent être conceptuellement distin- guées, même si l'on peut facilement imaginer qu'elles entre- tiennent des relations. On peut penser que le sujet sera enclin à concéder aux autres une dose de liberté __________ __

moins ____ __ grande que celle qu'il se veut attribuer, ---- On peut penser aussi qu'il n'est pas nécessairement bon

,d9nc la nécessité,

que la loi "dise" la légitimité,):l'une pratique ou d'une attitu- de que l'on admet pour soi. On rencontre ici, sans doute possible, une sensibilité du public à cette fonction "déclama- toire", ou "symbolique" de la loi qui doit de plus en plus être prise en compte par la sociologie du droit actuelle. Ces hiatus ;?ossibles sont des phénomènes mesurables et identi- fiables. Ils ne doivent cependant pas nous faire perdre de vue que la réaction. des enquêtés est nécessairement fonction de leur perception de la "normalité" dans le secteur investi- gué. Cette perception possède - c'est du moins l'hypothèse la plus solide - une certaine univocité et cohérence. C'est

elle qu'il faut traquer et cela est possible par divers

moyens notamment en confrontant les enquêtés non pas nécessairement

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face à une norme qui définit un comportement mais plutôt face à une décision qui est nécessairement fonction de cette norme.

Il faut se souvenir que la norme légale ne modélise pas seulement un comportement dans le but de le provoquer pour le futur. Elle définit une normalité en fonction de laquelle les événements passés peuvent être évalués: c'est sa fonction

~normatif

"évaluative" , a posteriori. Souvent le même texte est censé provoquer un comportement futur et constitue, de plus, la norme d'éva- luation pour un événement passé. (Les exemples foisonnent en matière de circulation routière; ex.: la règle.qui nous incite

à rester maître de notre véhicule en toutes circonstances).

En matière de droit matrimonial cette deuxième fonction a beaucoup plus de chance d'être proche des- préoccupations des enquètés car elle vise, pour eux, une problématique à laquelle ils ne peuvent pas ne pas savoir qu'ils seront sou- mis : celle des conséquences patrimoniales du divorce ou du

,dès lors

décès. Ils peuvent)plus facilement s'imaginer "en situation".

On prêtera à la norme légale une attention plus grande car

\. seulEment

on n'est pas,confronté avec cet effet "incitateur" de la loi, que l'on a au fond jamais ressenti puisque l'Etat n'inter- vient pas pour forcer l'application des normes de comportement

du droit du mariage. Face à l'expression de la norme en .termes d'évaluation d'une situation qui pourrait être la sienne concrè- tement, l'enquêté pourra réagir par identification. On sait que l'on y passera, soi-même comme les autres " . et l'on sait sur- tout qu'en cas de difficultés, avec le conjoint ou les cohéritiers, c'est un autre qui tranchera ..• le juge; et qu'il devra tran-

cher en fonction de sa norme à lui, c'est-à-dire en fonction du droit dont le spectre n'est plus si lointain. Voici un exemple:

(13)

n'y a pas de fautif). ta profession d'Àndré a permis d'économiser en 10 ans Fr. ÔQ'COO.-. Mises à ?art Les quescions de pension ~limentaire9 pour les enfants et le conjoint, escL=ez-vous que la loi dev=aic :

(A) ::..aisser ces économies à ~dré, "='esc Lui qui les a gagnées.

(3) Donner une certaine ?ar"':.ie évaluer) à Jeanne c:::mlme compensation ~ou=

te travail effec~ué à 13 ~ison.

(C) Donner sy'stématiquemenc la :lOi cié de ces économies à c~acun : ils ont cous deux joué un =Ole essentiel. et on ne ?eut ni ~esu:er, ~i évaluer.

Ré~nses des hommes

réponse {Al rêponse (a) réponse (Cl

sans réponse ou re fus

Mponses des femmes réponse (A)

réponse (B) réponse (Cl sans rliiponse

(tableau extrait de J.KELLERHALS et al., op. cit.)

nombre \

a 2.3

104 29.8 232 66.5 L.4 349 100.0

6 L.7

75 21.5 266 76.2

2 .6

349 LOO.O Cette ubiquité des fonctions de la loi, incitatrice (pro futuro) et liquidatrice (a posteriori)., fait problème en sociologie du droit car il est certain que le législateur de l'époque actuelle, réaliste, comme l'esprit du temps, sans vouloir renoncer vraiment à la fonction incitatrice, sait qu'elle est de plus en plus fictive. Il accorde plus d'atten- tion, secrètement, à l'autre fonction. Il ne dit pas, dès lors, quel est son véritable objectif ce qui, du point de vue des comparaisons avec la normalité sociale soulève des difficultés et le danger de comparer l'incomparable. Ainsi par exemple : le nouveau droit du mariage des pays européens

incite très souvent les époux à la concertation et à la parti- cipation. Ils sont conviés à constituer une communauté de vie à laquelle chacun participe par des apports qui sont fonction de ses aptitudes. Il est possible de tester le degré d'adhé- sion idéologique des interrogés à l'égard de ce modèle parti- cipatif. Dans une autre perspective, ces nouvelles législa- tions continuent à distinguer très soigneusement les masses

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de biens qui constituent le patrimoine des époux. Ces di- verses législations continuent à considérer que la date du mariage est un critère déterminant pour les principes d'alloca-

tion des masses. On peut sonder, ici aussi, les aspirations des intéressés face à ces problèmes de masse. La perspective

n'est cependant pas sans danger car les objectifs du droit ne sont précisément pas ceux auxquels pensent les interviewés lorsqu'ils répondent sur le problème de l'identité des masses dans leur union conjugale. Le droit préfigure les difficultés du contentieux de liquidation alors que les intéressés répon- dent en fonction du vécu au sein de leur couple; exemple :

HOMMES

X TOT Al

65.0 362

5.'

47

Z6.0 145

.5 3

---

TOTAL 557

---

CODE

OuesUM 95 r*!r*

Dans tout ménage, Il y a certains biens : un ou dp.s salaires, ou81- Ques meubles et bijoux, éventuel- lement une certaine forlune ou . argent sous une autra forme. Voici trois ~8nibres possibles de s'or- ganls8f h ce propos. LaQuelle pr'-

rdrez-~ous dans votra cno ?

o .. PlaS:l8 coft1mune : on met en commun tous les biens.les

deu~ tpoux sont ensemble propriétaires de tout .Oeux maS~BS s'per'es : on sépera tous les biens, ch~,

étant propri'taire d'une certeine partie des bIens 2 *"'aU8 conmune + 2 1118SS811 86p8r'88 1 on met une par ..

lIa d€8 bIens en CD~mun, .un8 autre portie 6tant·

1 .Sans rdponoo sdparde

'variabla a8lon la8 C8S

!

**'Extrait de J.KELLERHALS et al., op. cit.

Le danger est grand, vu l'éclectisme de ces fonctions, de se tromper concernant les objectifs prioritaires de la loi au moment de la traduction à destination des enquêtés.

Toute la problématique des masses de biens est au fond

ambiguë. Confrontées directement avec une terminologie et une notion qui n'est _ _ _ _ _ _ pertinente que pour la technique du droit, les réponses des enquêtés seront nécessairement biaisées ou inexploitables (à cet égard, la question 95 l e s t

(15)

probablement une mauvaise question :). La sociologie du droit devrait éviter toute comparaison lorsque la législa- tion ne poursuit pas directement une finalité sociale clai- re et pour laquelle la traduction de la logique juridique en logique sociale est facile à effectuer. Ce sont ces types de rapprochements hasardeux qui ont coûté cher à cette discipline.

C'est son crédit qui est en jeu.

Il faut exprimer maintenant en termes généraux les grands axes théoriques de l'utilité de ces comparaisons entre normes

juridiques et faits sociaux. La question simple s'exprime dans les termes suivants à quoi servent ces comparaisons?

Deux thèses extrêmes balisent la problématique de l'utilité

I. L'histoire démontre que presque sans exceptions les faits sociaux, générateurs de la normalité sociale, ont anticipé le droit. Ce n'est pas sans profondes raisons que GURVITCH a

_ _ _ assimilé "droit" et "faits normatifs". Si tel est le cas, la révélation scientifique des normes sociales recèle la possibilité de faire "scientifiquement" le droit futur.

II. On peut soutenir, au contraire, que le droit appartient par définition à la catégorie du "devoir être". Il est invention sociale et non pas transcription d'une quelconque réalité qui appartient au domaine du fait. Il est en tout cas vrai que l'on a proscrit le commerce avec le diable et brûlé ceux qui s'y adonnaient sans jamais avoir pris la peine de vérifier dans les faits la question de savoir si un tel commerce était vrai- ment possible ! On dira dans cette perspective que bien sou- vent le droit, qui cultive les fictions, veut tourner le dos aux réalités et/qu'à tout le moins, l'histoire de ses conni- vences avec celles-ci a toujours été trop agitée pour que les

"faits" puissent être considérés comme la préfiguration né- cessaire du droit

futur.1L~

drame, dans cette

affaire,C~st

(16)

que, bien que contradictoires, ces deux perspectives sont l'une et l'autre vérifiées ! On peut même dire que l'apport le plus intéressant de la sociologie du droit de notre époque consiste ou réside dans la reconnaissance, ou la démonstra- tion du caractère également fondé, de ces deux vérités con- cernant le droit. C'est aussi ce qui explique que la sociolo- gie du droit vit, depuis sa fondation, entre la mégalomanie et le dérisoire ! Il faut maintenant sortir de ce dilemme en profitant des expériences qui ont été faites sans, nécessai~

rement, jeter le manche avec la cognée. Une partie du droit, mais une partie seulement, possède dans la logique sociale, une bonne correspondance possible. Il est manifestement utile de poursuivre des travaux qui tendent à mettre en évidence les faits de connaissance, de pratique et d'aspiration dans ces domaines comparables. Utile à qui? Utile pour quoi? Si

_ (de l'alternative . ~

- et c'est le deuxieme terme~ ment~onnè€ci-dessus - le droit est nécessairement une invention, i l faut se méfier particulièrement de l'inventeur. Il a toujours fallu une idéo- logie ou, ce qui revient au même, une métaphysique pour faire le droit. Nous avons maintenant compris que cette donnée est inéluctable. Il n'est d'autre part pas possible de déterminer par des voies scientifiques si l'une ou l'autre de ces idéo- logies ou de ces métaphysiques doit être choisie. Il est par contre possible, en utilisant la méthodologie adéquate, de faire en sorte que le droit nouveau soit élaboré compte tenu non pas seulement de l'idéologie des entrepreneurs mo- raux traditionnels mais aussi, et c'est cela qui est nouveau, des faits de connaissance, de pratique et d'aspiration de ceux qui sont concernés le plus directement, c'est-à-dire des des- tinataires de la loi. Si cet a priori est admis, et épistémo- logiquement il faut bien reconnaître que cela en est un, tout le reste n'est que question de méthode. Le problème des rapports du droit à son public se pose, pour la sociologie du droit, en termes simples: faut-il, parce qu'un certain nombre d'erreurs concernant la méthode ont été commises, renoncer à ce que les conceptions des destinataires des règles entrent en ligne de

(17)

,

compte parmi les facteurs de l'élaboration législative?

Faut-il, parce que certaines naïvetés et certaines illusions ont présidé aux premiers travaux, laisser comme par le passé, le champ libre

a

ceux qui "savent" a priori mieux où

réside "le bien" ? Faut-il, parce que certes l'infaillibilité méthodologique n'existe pas plus dans ce domaine scientifique que dans un autre, laisser les seules morales subjectives, les conceptions "révélées" du juste,

dicter unilatéralement la loi de demain comme fut dictée la loi d'hier? Ma réponse

a

ces questions est, je ne le cache pas, assez déterminée: la sociologie du droit ne fera jamais scientifiquement la moindre décision juridique. Il faut accepter encore que l'évolution des valeurs et des in- térêts des destinataires n'est que l'un, parmi plusieurs autres, des facteurs

a

prendre en compte. L'expérience de la mise en oeuvre, celle des praticiens de la décision de justice notam- ment, est probablement un facteur prépondérant s ' i l s'agit d'évaluer l'adéquation du droit aux besoins sociaux. Il faut admettre que le droit a sa logique propre, ses objectifs et ses impératifs spécifiques. L'analyse du fait est inapte

a

opérer,

a

cet égard, un quelconque remplacement. L'identifi- cation de certains "faits normatifs" peut cependant, si elle est opérée d'une manière déontologiquement et méthodologique- ment correcte, contribuer

a

ce que le droit soit, plus que par le passé, élaboré compte tenu des valeurs et des intérêts qui sont directement ceux des destinataires des règles. On rétorquera d'emblée que ceux-ci sont nécessairement éclecti- ques et contradictoires. Ne vaut-il pas mieux trancher compte tenu d'une bonne connaissance de ces différences plutôt que compte tenu de la fausse conviction qu'il est impossible de les identifier et de les gérer? les connaissancES les pra- tiqueset les aspirations dans le domaine investigué ne cons- titueront donc pas la loi de demain. Leur mise en évidence contribuera pourtant, c'est maintenant certain,

a

une réduc- tion de la distance qu'il y a nécessairement entre la loi

d'une part et sa définition par la référence

a

la volonté

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de~~lite~'sociales d'autre part. La sociologie du droit pourra peut-être contribuer à couper quelque peu l'herbe sous les pieds de tous ceux qui, depuis que la loi existe, utilisent la possibilité qu'ils ont d'exprimer ce qui est conforme à "la volonté générale", pour faire le bien des gens malgré eux. Par sa thématique, ses objectifs et surtout la qualité de sa méthode, elle sert le public du droit.

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