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« La vérité qui parle dans ce qui se dit, dit quelque chose de différent de ce que vous voulez dire »*

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Texte intégral

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1088 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 14 mai 2014

L’autorité politique et pénale veut tout savoir du criminel dangereux. Ce der- nier doit être totalement transparent.

A croire que nous voulons voir chez lui la racine même du mal ! Il ne doit rien garder secret de manière à ce que, au nom de la sécurité et du bien public, mais aussi d’une haine plus ou moins con s ciente,1 le peuple se sente en sécurité. Comme le droit pénal autorise tout citoyen à se taire, même à mentir, alors l’autorité politique (les chefs latins des Départements de justice et de police) décide de modifier la loi d’appli- cation du code pénal 2 en passant du droit d’aviser au devoir de signalement. Ils ont, dans un mouvement «abdominal» et non pas à la lumière d’une responsabilité poli- tique, décidé d’obliger, de contraindre les médecins et presque tous 3 les acteurs gravitant autour des délinquants, définis par le code pénal comme dangereux, à tout dire, à cafter, à dénoncer ce qui est dépo- sé, par le criminel, dans la confidentialité de la consultation. Or, le médecin sait qu’il ne peut pas être pris en otage par ce droit à la confidentialité qu’ont tous ses patients, puisque le législateur a prévu, qu’en cas de péril en la demeure, il peut en tout temps se faire très rapidement délier du secret médi- cal pour annoncer à l’autorité un danger qui

met à mal la sécurité du patient ou celle de la collectivité. Si le médecin l’annonce, ce n’est pas seulement en raison d’un danger mais aussi pour garantir la poursuite de la relation thérapeutique.

Pour tout savoir, l’autorité politique n’a rien trouvé de plus subtil que de recourir à un argument d’une pauvreté intellectuelle affligeante ; elle affirme que les délinquants dits dangereux ne sont pas dans une rela- tion de soins – donc pas de thérapeutique – mais qu’il s’agit, dans leur cas, d’une ges- tion du risque, d’une maîtrise de la dange- rosité. Nos subtils et vertueux politiciens ne se sont à aucun moment demandé com- ment alors, le détenu ou le condamné dit dangereux, pourra-t-il demander des soins qui lui sont garantis par le principe d’équiva- lence ? N’a-t-il, parce qu’il est qualifié de dangereux, plus le droit d’être malade et d’être soigné ? N’a-t-il pour cette raison plus droit aux conditions de confidentialité que lui garantit la loi (art. 321 CP) 4 et le code de déontologie de la FMH (art. 11 et 6) ? C’est tout simplement absurde et, plus grave encore, cette mesure de délation introduit un danger supplémentaire dans les éva- luations du risque de passage à l’acte. Celui qui conduit à ce que le sujet concerné ne

nous dise que ce que l’autre de la Loi veut entendre ! Nous circulerons alors à l’aveu gle.

Ce sera tellement transparent qu’on y verra plus rien du tout !

Les autorités politiques, pénales, médi- cales et autres acteurs doivent ainsi se mettre autour de la table pour faire émerger de vraies réponses et non pas des solu- tions populistes et surtout dangereuses pour la collectivité. Les médecins ont des propo- sitions concrètes ! Ce n’est pas une ques- tion de secret médical, qui au demeurant est mal nommé puisqu’il s’agit en fait d’un secret qui appartient au patient et dont le médecin n’est que le dépositaire.

Messieurs et Mesdames les politiciens, vous confondez la transparence et la qualité de l’articulation entre les acteurs en cause.

Si vous persévérez dans cette erreur, c’est vous qui serez évalués comme dangereux ! Pour quelle raison, parce que : «Le sujet parlant, nous devons l’admettre comme sujet. Et pourquoi ? Pour une simple raison : c’est qu’il est capable de mentir, c’est-à- dire qu’il est distinct de ce qu’il dit».5 Ce que vous lisez-là ne vaut pas que pour le criminel dangereux, c’est valable pour nous tous. Nous sommes tous suspects !

«La vérité qui parle dans ce qui se dit, dit quelque chose de différent de ce que vous voulez dire»*

réflexion

R. Raggenbass

Dr René Raggenbass Psychiatre, psychothérapeute, psychanalyste

Ancien médecin-chef du Service de médecine pénitentiaire du canton du Valais

Président de la Commission de déontologie de la Société médicale du Valais

Rue des Cèdres 4, 1920 Martigny rene.raggenbass@hin.ch

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 1088

Bibliographie

1 «Nous en sommes, sur ce sujet de la haine, si étouffé, que personne ne s’aperçoit qu’une haine, une haine solide, ça s’adresse à l’être, à l’être même de quelqu’un qui n’est pas forcément Dieu». Lacan J. Séminaire En- core. Paris : Seuil, 1975;91.

2 Cf. l’art.28b (nouveau) de la loi d’application du code pénal suisse du 14 septembre 2006.

3 Nous notons presque tous les acteurs puisque les

aumôniers et les avocats à qui le criminel ne confie évidemment rien d’important, échappent encore à ce délire de transparence. On se demande bien pourquoi l’autorité ose laisser ces taches d’ombre !

4 Voir l’excellent article du Professeur de Droit, Sprumont D, paru dans le Temps, le 8 avril 2014.

5 Lacan J. Séminaire I. Paris : Seuil, 1975;218.

* Miller JA. La psychanalyse, sa place parmi les sciences.

Mental 2011;18.

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