A NNALES DE L ’I. H. P., SECTION B
J. P. B ENZÉCRI
Un modèle géométrique de milieu continu déformable : la théorie des deux métriques
Annales de l’I. H. P., section B, tome 3, n
o3 (1967), p. 277-321
<http://www.numdam.org/item?id=AIHPB_1967__3_3_277_0>
© Gauthier-Villars, 1967, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de l’I. H. P., section B » (http://www.elsevier.com/locate/anihpb) implique l’accord avec les condi- tions générales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute uti- lisation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
277-
Un modèle géométrique
de milieu continu déformable : la théorie des deux métriques
J.
P.BENZÉCRI
Ann. Inst. Henri Poincaré, Vol. III, n° 3, 1967, p. 320.
Section B : Calcul des Probabilités et Statistique.
Pour être en état
d’appliquer
facilement la Géométrie à laMécanique,
ilne suffit pas de connaître les diverses formes que les
lignes
ou surfaces peuventprésenter,
et lespropriétés
de ceslignes
ou de cessurfaces,
mais ilimporte
encore de savoirquels
sont leschangements
de forme que peuvent subir les corps considérés comme dessystèmes
depoints matériels,
et àquelles
loisgénérales
ceschangements
de forme se trouventassujettis (1).
A.
Cauchy
. SOMMAIRE. - Notre modèle
comprend
deuxmétriques riemanniennes,
dont l’une donne les distances des molécules dans
l’espace
et l’autre les distancesqui
tendraient à s’établir en l’absence de contrainte. Cette der- nièremétrique
estgénéralement
noneuclidienne;
sa variation au coursdu temps
correspond
aufluage.
Lemodèle, qui
estsusceptible
de diversesgénéralisations,
est étudié dupoint
de vue de lathermodynamique.
SUMMARY. - In our
model,
we use two different riemannianmetrics ;
the first one
gives
the actual distances betweenmolecula;
the secondgives
(1) Cité après N. Jukovskii, Thèse, Recueil Mathématique, Tome VIII, ou
0152uvres complètes, Tome II, 1949.
the distances that should
be;
if there were no stren. The latter isgenerally
;non
euclidian,
and its ’ variationthrough
times isequivalent
toplasticity.
’Various
generalisations
aresuggested.
Athermodynamical study
isincluded.
1. INTRODUCTION :
LES
MÉTHODES
DE LAMÉCANIQUE
L’étude des milieux continus progresse suivant trois directions
princi- pales : technologie, physique, géométrie.
C’est
l’ingénieur qui
découvre des matériaux(plastiques, alliages...),
des méthodes
d’usinage (emboutissage,
traitement desurface),
desphéno-
mènes
parasites (vibrations, fluage...) :
il pose ainsi desproblèmes
nouveauxet leur donne une
première
solution.Du
physicien,
aucontraire,
on attendl’explication
intime et définitivedes
phénomènes :
tel comportementmacroscopique
résulte de ladisposition
des
longues
chaînes moléculaires d’unpolymère (caoutchouc);
tel autre, d’unprincipe statistique
de lamécanique quantique
ou de lathermodyna- mique... Mais, quelle
que soit notre confiance dans lamécanique physique,
nous devons savoir que si la
description
moléculaire des gaz(milieux
peu condensés où laplus grande
part del’énergie échangée
parchaque
moléculel’est
pendant
une faible fraction du temps dans des interactionsbinaires)
est
depuis longtemps
fortavancée,
laphysique
des solides cristallins(milieux
très ordonnés où
chaque
élément est en permanence, en interaction avecles mêmes voisins
immédiats...,
ou les mêmes modesénergétiques globaux)
est en
plein développement,
tandis que la théorie desliquides (milieux
assezdenses pour que
chaque
élément soit en permanence en interaction avecplusieurs voisins, qui cependant
se renouvellent sanscesse...)
en est à sesdébuts.
A fortiori,
la théorie desplastiques
est-elle dans l’enfance.Avec les
phénomènes matériels,
legéomètre,
en tant quetel,
n’a pas un contactprivilégié.
Mais dansl’espace
des formes oùl’imagination
l’intro-duit et où la
rigueur règle
ses pas, il lui échoitd’organiser
en unsystème
harmonieux et
efficace
les ébauches del’ingénieur
et duphysicien.
Deplus, quand
les informations sont rares, lesconjectures
du mathématicien peuventétayer
desdescriptions partielles
etguider
la recherche des faits. D’où lagrande part
que, faute demieux,
tiennentaujourd’hui
dans tant de sciences(sciences
humaines :psychologie, sociologie, linguistique,
...; mais aussiphysique
desparticules élémentaires...)
les modèles de comportements.Qui ignore
les alcaloïdesparle
de dormitiva virtus;qui
ne connaît la loide Newton
place
lesplanètes
sur des cerclesengrenés...
MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE 279
Quant
à nous, en concevant des modèles de milieux continus(plus parti-
culièrement de milieux condensés
déformables,
considérés dans le domainestatique
où lesénergies
de déformationl’emportent
debeaucoup
sur lesénergies cinétiques...) puissions-nous
êtreplus
heureux que tant d’astro-nomes
qui
se sont succédé de Ptolémée àCopernic.
Depuis quelque
dix ans, une école degéomètres
a renouvelél’appareil mathématique
de lamécanique
des milieux continus. Nos propres vuesse sont formées il y a
plusieurs
années en confrontant à la théorie des espaces deRiemann,
des rudiments detechnologie
et dephysique.
Si les recherches dont G. Truesdell(1965),
vient depublier
uneanthologie
ne nous sontconnues que
depuis
peu, nous aurions eugrand-peine,
hors de ce cadrefavorable,
à trouver tout seulquels
énoncésanalytiques
donner de nosintuitions. Nous renverrons donc
fréquemment
aux mémoires de A. E.Green,
W.
Noll,
R. S.Rivlin,
C.Truesdell...,
tant pour reconnaître ce que nous devons à ces auteurs, que pour marquer, s’il sepeut, l’originalité
de nosconceptions.
Donnons le
plan
de notre travail :au § 2,
nous formulons leséquations cinématiques
etdynamiques
d’un milieucontinu,
en faisantjouer
un rôlecentral à la
métrique
deposition (cf. 2.2).
Ainsi se trouvemarquée
laplace
des
équations rhéologiques,
relations entre contrainte déformation etfluage qui
fontl’objet du § 3,
là est introduite lamétrique
de structure(cf. 3.1)
dont onpeut
dire en brefqu’elle
est en état de référence non eucli-dien,
variable. Noussuggérons
desexplications
pour deuxphénomènes physiques :
lapulvérisation
du verretrempé (cf. 3.2.4)
et legelage
descontraintes
(cf. 3.5.3).
Uneanalogie mécanique (cf. 3.5.2)
noussuggère
une théorie
thermodynamique
du processus irréversiblequ’est
le mouve-ment d’un matériau
visqueux
et fluent(cf. 3.6).
2.
OBJET
DE LARHÉOLOGIE
Par
rhéologie,
nous entendronsici,
en suivantl’étymologie,
étude de la matièrequi coule, qui
se déforme continument. Pourpréciser
cettedéfinition,
nous
procéderons négativement;
c’est-à-dire que nous écarterons progres- sivement duchamp
de notre étude desphénomènes qui
certes concernentle flux de la
matière,
mais dont les lois peuvent être déduites desprincipes généraux
de lacinématique
et de ladynamique
ou même dequelques postulats
nouveauxqui, présumés valables, quelle
que soit lamatière,
ne nous disent rien de la diversité des états où peut se trouver celle-ci.
2.1. Continuum de masses.
Par continuum de masses, nous entendrons une variété tridimension- nelle
fl,
munie d’une mesurepositive
Unpoint
seraappelé
un
point matériel,
unepartie
mesurable !!!. c v«, seraappelée
un domainematériel; l’intégrale yl
de la mesure (1. étendue à m, seraappelée
la massedu domaine. Un
système
de coordonnées locales sur fl seradésigné
par{ ua } ;
on supposera que la mesure {JL a par rapport à toutsystème
une densité non-nulle
(notée
aussi(1.)
et l’on écrira :Cette formule
appelle
une remarque.En toute
rigueur l’intégrale
ci-dessus n’a de sens que si m est uncycle
orienté de J6
(par exemple
unepartie, difféomorphe
à unesphère
et munied’une
orientation)
inclus dans le domaine de définition des coordonnées or, à l’encontre d’une formedifférentielle,
l’élément de masse doit avoirune
intégrale
dont la valeur nechange
pas designe
avec l’orientation de lapartie
dont on cherche la masse ; on peut de deux manièreséchapper
à cette difficulté
(que
seuls lespuristes
de lagéométrie
admettrontd’abord,
mais
qui
peut soudain seprésenter
à un calculateur sous la forme d’unemasse rendue
négative
par unchangement
decoordonnées...).
D’une part, fl(devant,
on va levoir,
être réalisable comme unepartie
del’espace
eucli-dien
tridimensionnel),
est orientable : l’on peut donc se restreindre auxsystèmes
de coordonnées directs pour une certaineorientation,
et supposer la densitétoujours positive.
D’autre part, la notion de distribution diffé- rentiable de masses peut être définie comme distincte de celle de forme diffé- rentielle. NotonsT(
le fibrétangent à ; T*(JtL)
le fibré dual àT(Jt(.);
le fibré des
pseudoscalaires
sur J6(i.
e. descouples
d’une orientation et d’un scalaire réel À, lecouple (e, À)
étantéquivalent
aucouple (-
e,-
À)
où - edésigne
l’orientationopposée
àe).
Une forme différentielle dedegré
3 est une section du fibré une distribution différentielle de masse est une section du fibré(3AT*(J.,)) Q9
Supposons qu’une
distribution différentielle de masse soit donnée loca- lement comme leproduit
tensoriel d’une fonctionpseudoscalaire
par une forme :(e, À(u1, u2, u3)) Q9 (p(MB
u2,u3)dui
A du2 Adu3),
où s est une orientation définie sur tout le domaine des coordonnées usa
(i.
e. soit l’orientation pourlaquelle
cesystème
estdirect,
ou celle pourlequel
281 MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE
il est
inverse).
Soit m lesupport
d’uncycle
différentiable me, d’orientation E, la masse de m sera :On vérifie sans
peine
que cette masse nedépend
que duproduit
des ten-seurs donnés ci-dessus et non de la
présentation particulière
de ceproduit (on peut changer s
en - e et x en - À; ou encore À encpÀ
et p enp/cp,
cp dési-gnant
une fonctionquelconque).
2.2.
Cinématique
etmétrique
deposition.
Une
disposition spatiale
du continuum de masses sera uneapplication
différentiable
injective (deux points
matériels distincts nepeuvent
avoir mêmeposition
à un mêmeinstant...)
de la variété J6 dansl’espace
euclidientridimensionnel. Un mouvement du continuum de masses sera une suite de
dispositions spatiales dépendant
différentiablement d’unparamètre t,
le temps variant sur un intervalle de la droite réelle. Si
l’espace
euclidienest
rapporté
à unsystème (généralement orthonormal)
de coordonnéesxi,
un mouvement sera donné par un
système
de fonctions différentiables de a uatre variables :Le vecteur
vitesse,
àl’instant t,
dupoint matériel {
a pour composantes euclidiennes :les composantes va dans un
système
de coordonnées matérielles ua sont reliées aux vl par lesystème (où
il convient de sommer par rapport à l’indicemuet
comme le tableau des a un déterminant non nul
(i.
e. la différen- tielle del’application
«disposition »
est nondégénérée),
onpeut
écrireles formules inverses :
Et de même pour l’accélération :
A tout
instant t,
ladisposition spatiale
définit sur J6 unemétrique
eucli -dienne ;
lamétrique
deposition,
dont le ds2 sera noté :on a :
où
=8iJ
si les coordonnées x= sont, comme on le supposeragénérale-
ment, orthonormées. Comme on le verra, d’une part, lamétrique
deposi-
tion
simplifie
l’énoncé duprincipe
d’indifférence matérielle(cf.
e. g. Trues-dell,
t.II, 1965,
p.64;
et l’articlesubséquent
deNoll, 1955),
d’autrepart, couplée
avec lamétrique
de structure(introduite plus bas,
cf.3.1),
elledonne un modèle
simple
defluage.
Le tenseur se
présente
ici comme un élémentsymétrique
de T*Q9 T* ;
on peut encore
l’interpréter
comme unisomorphisme
de T sur T* :l’isomorphisme
inverse sera noté il est défini par :peut s’interpréter
encore comme la formequadratique
sur T* trans-porté
de(considérée
comme formequadratique
surT)
parconsidérée comme
isomorphisme
de T surT*)...
Après
les considérationscinématiques
de cenuméro,
on doit revenirsur la distribution des masses. On a :
la fonction du
point
etdu temps :
283 MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE
est
appelée
massespécifique
etgénéralement
notée p. Considérée commefonction des je’ et
de t,
p satisfait à uneéquation
de continuité :p + pdivv=0;
calculant p à
partir
de la fonction.(ui,
u2,u3) (qui
nedépend
pas det)
par l’intermédiaire des nous sommes assurés que
l’équation
de conti-nuité est satisfaite.
2.3. Le tenseur des contraintes.
Soit une surface matérielle orientable
(sous-variété
de dimension 2de
J6). Supposons
que l’onsupprime
la matière de l’un des côtés de pour que de l’autre côté la matièrepersévère
dans sonéquilibre
ou dansson mouvement
(sans
discontinuité desaccélérations)
il fautappliquer
un
système
de forcesqui remplacent
celles dues àl’impénétrabilité,
à lacohésion,
etc., de la matière. C’est par des considérations de la sorte que l’on a coutume de définir à tout instant sur un continuum matériel enmouvement, le
champ
de tenseur des contraintes.Quoique
la mesure descontraintes ne soit
possible (moyennant
deshypothèses naturelles)
que dans certaines conditionsparticulières
de mouvement(e.
g.pièce métallique
soumise à la
traction...),
on considère les contraintes comme desgrandeurs
observables.
Un élément de surface dS considéré comme élément de frontière d’un élément de volume matériel sera
représenté
par un secteurorthogonal
à lasurface,
orienté vers l’extérieur de la matière et delongueur égale
à l’airede la surface
(orthogonalité
etlongueur
s’entendent pour lamétrique
deposition
à l’instant et aupoint considéré).
On écrira ce vecteur :avec les relations :
Moyennant
deshypothèses
dedifférentiabilité,
l’élément de force dF exercé suivant dS sur l’élément de matière dont elle est frontière s’écrira :En
particulier,
si dF esttoujours
normal à l’élément desurface,
ondit
qu’il
y arépartition hydrostatique
descontraintes,
oupression
pureEntre les composantes
a«3
eta;
on a les relations :Sous
l’hypothèse (non
valable pour unplasma
dedipôles !)
que la matière n’est pas soumise à des forces extérieures exerçant sur un élément uncouple
du même ordre que son volume mais non
négligeable
vis-à-vis delui,
on démontre
classiquement
que le tenseur des contraintes;
estsymé- trique,
i. e. :Dans un
système
de coordonnées u« lié à lamatière,
donc non orthonormépour la
métrique p,
lasymétrie
s’écrit :(le
termesymétrie
n’a de sens que pour un tenseur du carré tensoriel d’un espace vectoriel.Or,
on a :par contraction de a et
de p
on obtient un tenseur deT*2, qui
se touveêtre
symétrique...).
On peut faire ici sur la nature tensorielle de cr, des considérations
analogues
à celles de 2.1. La notion d’élément d’aire
dS,
considéré comme élément de frontière n’a été identifiée à celle de vecteur que par l’intermédiaire de lamétrique
p. Il estpossible, indépendamment de p,
de définir le tenseur des contraintes et d’enexprimer
lasymétrie.
Un élément de
frontière,
sera un élément duproduit
tensoriel :en
bref,
au tenseur :(où a,
b sont des vecteurs deT, s
uneorientation,
À un scalaireréel),
onassociera l’élément de frontière défini
par 1 À 1
fois leparallélogramme
construit sur a,
b,
ceparallélogramme
étant considéré comme bord de la matière située du même côtéqu’un
vecteur c tel que lesystème :
ait l’orientation s.
MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE 285
Ainsi le tenseur des contraintes a
apparaît
comme un élément decomme le facteur T
figure
deux fois dans ceproduit,
onpeut
donc inter-préter l’expression
a estsymétrique,
comme(où 0 :(T) désigne
le sous-espace des tenseurssymétriques
de T0 T*).
2.4.
L’équation dynamique.
On écrit que tout élément de volume matériel est en
équilibre
sous l’actiondes forces
d’inertie,
des forces extérieures et des forces de contraintes.Si on note g le vecteur force extérieure exercé sur l’unité de masse
(e.
g. forcemassique
depesanteur...)
on al’équation classique (cf.
e. g.Noll, 1955,
p.
17) :
ou sous forme tensorielle :
(équation
où nous avons faitfigurer
le tenseurmétrique p
= 8 pour que les contractions se fassent comme il se doit entrepaires
d’indices l’unhaut,
l’autre
bas).
°Dans un
système
de coordonnées ua liées à lamatière,
la formule donnantle
champ
de vecteur(section
deT(JC)) divergence
duchamp
de tenseur aest
plus complexe.
On a alorsl’équation dynamique :
formule où
(cf.
e. g.,Cartan, 1925,
p. 11 ouLichnerowicz),
les r sont lessymboles
deChristoffel,
donnés par :Considérons dans
quelle
mesure on peut, en étudiant un milieucontinu,
faire abstraction du mouvement mêmet),
pour ne considérer que lamétrique
deposition
et les contraintes(sur
le lien entre les deux cf.infra).
D’abord,
il estpossible
connaissant lechamp
de tenseurt)
et le mouvement d’un
repère
matérielparticulier (i.
e. pour unpoint
matérielparticulier
les 3 fonctions du temps :et les neuf fonctions du temps :
celles-ci
assujeties
aux six relations(cf. 2.2) :
ce
qui
fait donc 3+
9 - 6 = 6(fonctions numériques
dutemps),
de recons-tituer,
parintégration
deséquations
deconnexion,
les trois fonctions dequatre
variablesqui
décrivent le mouvement.Pareil calcul n’offre aucun intérêt
pratique.
Enrevanche,
si on peutnégliger
les forces d’inertie(on
dit alors que le mouvement estquasi statique),
ainsi que les forces extérieures
(ou
que les ga sont faciles à calculer parcequ’il s’agit
duchamp
constant de lapesanteur
et que des considérations desymétrie
donnent les composantes de la verticale dans lesystème
desu« ... ) l’équation dynamique
ne comporteplus
que a et p. Mais outre la relation contrainte-déformation(cf. infra),
il fautajouter
àl’équation dynamique (entre
a et p, deséquations
de deuxsortes) ;
1° Annulation du tenseur de courbure de la
métrique
deposition :
enMODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE 287
effet,
cettemétrique
n’est réalisable dans un espace euclidien que si(cf.
Car-tan,
1925,
p.22,
ouLichnerowicz) :
(cette
condition nécessaire n’est suffisante que localement : elle assurel’existence d’une
application
de fil dansl’espace
euclidien induisant lamétrique p,
mais elle n’assure pas que cetteapplication
soitinjective).
20 Conditions aux limites :
On ne peut, sans
intégrer d’équations différentielles, exprimer
en p et ri des conditions telles que : unpoint
matériel de la frontière est soumis à uneforce de contact
dépendant
de saposition.
Nous nous limiterons donc à des conditions aux limites de deux types :pression superficielle
et encastre- ment(il
est clairqu’on
a en vue ici des matériaux solides ouplastiques
non des
fluides).
a)
Pressionsuperficielle :
supposons que la surface libre du milieu soit définie par uneéquation implicite
un vecteur normal à la surface sera :
la contrainte à
laquelle
est soumis l’élément de surfacereprésenté
par na.devra être 1t. na.
(1t pression)
d’où :b)
Encastrement : les conditions d’encastrement concernent p, non a;on
exprime
que les deux formesquadratiques
fondamentales(au
sens de lagéométrie
différentielleclassique)
de la surface du milieu sont cellesimposées
par l’encastrement.
Supposons
quel’équation
de la surface libre soit u3 = 0(pratiquement,
il est naturel de choisir leparamétrage
pourcela).
Lesfonctions et :
qui
sont les six coefficients des deux formesquadratiques
fondamentales de la surface u3 =0, rapportée
aux coordonnéesparamétriques
ut, u2,doivent être
indépendantes
du temps.c)
Conditions mixtes : si le bord 3-~C de fl est divisé en nportions
connexesmu
dont chacune est, soitencastrée,
soit soumise à unepression
7~, on écrira nsystèmes
de conditions de l’un des deux types ci-dessus. Mais il fautprendre garde
que si deuxportions disjointes
du bord sont encastréesdans des
appuis
reliésrigidement
entre eux, on fixe non seulement les formes de cesportions (cf. 6),
mais aussi leurposition
relative. D’où une conditionde forme
intégrale
sur la connexion associée à lamétrique
deposition.
Notons ici que les
équations
peuvent enpremière approximation
êtrelinéarisées sous la seule
hypothèse
que les variations relatives locales de lamétrique
deposition
soientfaibles,
au sens suivant :quel
que soit le vecteur ha. situé aupoint u~
le carré de normevarie
au cours du temps de moinsqu’un
pourcentage fixé(e.
g. 5%).
Unetelle
restriction,
comme l’amarqué
Novozhilov(1948, § 10)
estcompatible
avec de
grandes
déformationsglobales (e.
g. si unelongue pièce
secourbe,
la distance entre les extrémités peut être divisée par 2 sans que la courbure
ne soit nulle part
grande.
2.5. Le
problème rhéologique.
Supposons,
cequi
est assurément fort peuréaliste,
que l’on soit maître de donner auchamp
deforce g
une valeur arbitraire fonction du temps.Il sera alors
possible
de faireprendre
aux~’(M~),
donc aux Pa.f3{~}; t),
des valeurs
quelconques :
carquelles
que soient les contraintesqui
appa- raissent dans la matière du fait de cesdéformations,
on pourrafixer g
pour
équilibrer
ces contraintes et les forces d’inertie.Le
problème
fondamental de larhéologie peut
maintenant s’énoncerainsi, indépendamment
de toute considérationdynamique :
Étant
donné un continuum matériel étudier comment le tenseur des contraintes a, y est fonction de lamétrique
deposition
p.On notera ici :
1 ° que
nousparlons
de lamétriques
deposition p
et non du mouvement : c’estpostuler implicitement
leprincipe
d’indifférencematérielle,
selonlequel
un
déplacement (isométrique)
fonction du tempscomposé
avec un mouve-ment ne
change
rien aux contraintes(ce principe
estplus général
que leprincipe
deGalilée ; principe qui,
il estvrai,
concerne leséquations
de ladynamique,
éliminées de notreobjet
par l’introduction d’unchamp
exté-rieur de
compensation...);
289 MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE
20 que tel que nous l’avons
posé
- relation entre a, p, u - leproblème
semble
physiquement
indéterminé. D’une part, nous n’avons rien dit desphénomènes thermiques ;
d’autre part, il ne suffit pas d’avoir lagéo-
métrie
macroscopique
des masses pour calculer les contraintesqui,
aumoins dans un
solide,
résultent del’organisation
intime de ce que l’on peutgrossièrement
sefigurer
comme un réseau de ressorts reliant ces masses ! tDans la
suite, complétant
le schémamathématique
du domaine matériel pour décrireadéquatement (au
niveaumacroscopique) l’objet physique
que nous avons en vue, nous introduirons un être
géométrique
non obser-vable,
lechamp
tensorielmétrique
de structure.3. UN
MODÈLE
DEMATÉRIAU
ISOTROPE ET PERMANENT
Au centre de nos modèles est l’idée d’associer à tout matériau un état de référence à la fois variable au cours du temps
(du
fait dufluage)
etgéné-
ralement non
euclidien,
irréalisable dansl’espace
ordinaire comme un étatd’équilibre.
Nous traitons presque exclusivement de matériauxisotropes
et dont on peut
dire,
enbref,
que leurs modules(d’élasticité,
defluage,
de
viscosité)
sont constants(permanents). Toutefois,
à3.5.3,
nous combi-nons un modèle
plus complexe qui
permetd’expliquer
lephénomène
du «
gelage
des déformations ».3.1. Déformation et
métrique
de structure.Soit E et F deux espaces euclidiens
(espace
vectoriel muni d’une formequadratique
définiepositive)
de même dimensionL ;
uneapplication
linéairenon
dégénérée
de E sur R. On saitqu’il
existe unsystème unique
de troisapplications
linéairesB, I,
C :B et C
symétriques (relativement
à lamétrique
euclidienne de E et F res-pectivement),
1isométrique,
telles que :1 est la
partie déplacement
et C(ou B)
lapartie
déformation del’appli-
cation L.
En
mécanique
des milieuxélastiques,
on considère communémentqu’à
l’instant 0 la matière est au repos dans un état de contrainte
hydrostatique
uniforme
(i.
e.pression
pure constante, cf.2.3).
On écrit :les
équations
du mouvement en fonction despositions initiales ;
ondécompose
la différentielle à l’instant t :de
l’application
« mouvement » de R3 dansR3,
endéplacement
et défor-mation,
selon le schémarappelé
ci-dessus. On formule alors une relation entre contrainte et déformation.Pareille méthode peut se trouver en
défaut,
du fait de deux difficultésprincipales,
que les mécaniciens ontdepuis longtemps
notées :10 On
peut fabriquer (par frettage,
cf.infra 3.2,
ou par refroidissementnon
uniforme...)
despièces métalliques
pourlesquelles
il n’existe pas d’étatd’équilibre hydrostatique : quelques
conditions aux limitesqui
leur soientimposées,
cespièces
seront lesiège
de contraintes nonisotropes.
2° La
plupart
dessolides,
e. g. lesmétaux,
sontsusceptibles
defluage :
soumis
(même
àfroid)
à des effortsconvenables,
ils peuvent à lalongue,
sans se rompre
ni,
apparemment, sedétériorer, changer
deforme; quand
cessent les efforts
déformants,
lapièce
ne revient pas à l’étatd’équilibre hydrostatique
où elle étaitinitialement,
maisprend
un nouvel état(où généralement,
cf.1°,
subsistent d’ailleurs des contraintes nonisotropes).
Ainsi,
non seulement un état de référence initial où les contraintes sontisotropes
et uniformes n’existe pas engénéral (cf. 1 °),
mais à supposerqu’il existe,
cet étatpeut,
au cours du temps, cesser decorrespondre
à unepossibilité mécanique,
et n’être doncplus
le niveau de référence parrapport auquel
onpuisse
valablement calculer les contraintes(cf. 2°)...
Pour
échapper
aux difficultés que nous venons designaler,
on aessayé plusieurs
voies :a)
Faire de tous les milieux continus une théoriequi,
comme celle desliquides
soitpurement phénoménologique,
en ce sensqu’y interviennent
seules des
grandeurs
observables(gradient
duchamp
devitesse,
au lieu dela
déformation;
etcontraintes, supposées mesurables...)
à l’exclusion de toute variable d’état cachée(telle
que les dimensions de la matière dans unétat de référence
dont
nous venons de voir combien il estphysiquement
insaisissable...).
-291 MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE
Dans cette
voie,
les recherches lesplus
fameuses sont sans doute celles de Truesdell et des chercheursqui, après lui,
ont étudiél’hypoélasticité (cf.
e. g.,Noll, 1955).
b)
Tenir compte non seulement de la valeur instantanée dequelques grandeurs
observables ou non, mais de toute l’histoire de ladéformation,
histoire dont les
propriétés
instantanées du matériau seraient des fonction- nelles. Dans cettevoie,
ouverte, croyons-nous par Boltzmann(1874),
se sont
engagés
Green et Rivlin(1957),
Coleman et Noll(1960).
c)
Conserver son rôle fondamental à l’état deréférence,
mais en prenantgarde
que celui-ci peut n’être ni constant(cf. 2~),
ni réalisable dansl’espace
euclidien comme un état où les contraintes sont
isotropes
et uniformes(cf. 1~).
Dans cettevoie,
nous citerons deux beaux mémoires où Krôner(1960)
et
Toupin
et Rivlin(1960)
ontétudié,
engéomètres
autantqu’en physiciens,
les dislocations des
cristaux;
la mailleirrégulière
d’un cristal en dislocationdéfinit,
eneffet,
un état deréférence,
où les chaînes d’atomes sont desaxes
privilégiés...
A la base du modèle que nous définirons dans ce
paragraphe
est la notiond’état de référence non euclidien variable.
Puisqu’il
estvariable,
cet étatde référence
dépend
de l’histoire dumatériau,
c’est donc une sorte de mémoire.Cependant,
l’état de référence peutgénéralement
être éliminé(au
sensalgébrique
du terme, cf.3.4.3),
deséquations qu’il
apermis d’écrire,
laissant unsystème qui
ne comporte que les variablesphénoméno- logiques
et détermine l’évolution de celles-ci.Les méthodes de ce
paragraphe
segénéralisent
à des matériaux non iso- tropes(matériaux
pourlesquels
iln’y
a pas d’étatprivilégié
àpartir duquel
la relation entre déformation et contrainte admette un groupe de
symétrie isomorphe
au groupe des rotations deR3);
on peut dans la recherche d’un état de référence àpartir
de donnéesphénoménologiques macroscopiques reprendre
les considérations de Noll(1958) (sur
le grouped’isotropie...)
et non permanents
(e.
g. s’il y aécrouissage
oufatigue
irréversible : nonseulement l’état de référence varie en fonction du temps, mais la
relation
entre l’état de référence les contraintes et le mouvement, relation
qui,
pour
l’usager,
définit lespropriétés mécaniques
instantanées dumatériau,
varie elle
aussi).
Mais ils’agira principalement
ici(sauf
à3 . 5 . 3)
de matériauxisotropes
etpermanents (en
un sens que seul l’énoncé même deséquations
définira
rigoureusement...).
L’état de référence sera
défini,
sur la variétéfl,
par la donnée d’unemétrique
fonction du temps :ANN. INST. POINCARÉ, B-ll l-3 20
cette
métrique,
oumétrique
de structure, n’est pas engénéral
euclidienne(elle
n’a pas, comme lamétrique
deposition (cf. 2.4, 1~),
un tenseur decourbure
nul). Physiquement,
elle définit les dimensions queprendrait
localement et infinitésimalement la matière pour être en
équilibre
à latempérature To
sous lapression
7to. Nous disons « localement et infinitési- malement » parce que,globalement (et
même localement pour uneportion finie), l’équilibre hydrostatique
uniforme estimpossible :
on peutimaginer qu’une sphère
matérielle infinimentpetite
étantséparée
du tout etplongée
dans un
liquide
à lapression
7?o, on en considère les nouvellesdimensions... ;
mais si
pareille
fiction soutientl’imagination,
ce n’est que par leséquations qu’elle
noussuggère, qu’elle
peut trouverplace
dans une théorierigoureuse.
Nous
parlons
d’unepression
7to et non de lapression nulle,
parce que notre modèles’applique
auxliquides qui
entrent en ébullitionlorsque
lapression
est inférieure à la tension de vapeur
(laquelle
est fonction de latempérature).
Il résulte du
principe
de conservation de la matière que l’élément de volume sur ~ associé à lamétrique
de structure, est constant et propor- tionnel à la mesure ~(cf. 2.1).
En toutpoint
defl,
et à toutinstant,
leproduit (cf. 2.2) :
.est
égal
à la massespécifique
po du matériauconsidéré,
à latempérature T o,
sous la
pression
po.La déformation peut maintenant être définie dans le cadre
mathématique rappelé
au début de ce numéro.Ici, l’espace
dedépart
E estl’espace T(JtL)~
(tangent
à la variété ~ en unpoint m)
muni de lamétrique
de structure q ;l’espace
d’arrivée F est le même espaceT(i~)~,
muni cette fois de lamétrique
de
position
p;l’application
L estl’application identique
deT(JL)m
danslui-même. La
décomposition
obtenue ne nous donnera évidemment pas la rotation d’une moléculeplacée
en mdepuis
un instant initial deréférence,
car
l’usage
même de lamétrique
deposition (au
lieu des x’({ M~ }; t),
coor-données du
mouvement) équivaut
à travailler à undéplacement pi ès (cf.
2 . 2et
2.5,
10 :principe
d’indifférencematérielle). Puisque
L est l’identité B et C sont tous deux l’inverse de I. Commed’habitude,
on a uneexpression
rationnelle non pour B et
C,
mais pour leur carré que nous noterons D :D a pour directions propres les directions
principales d’allongement
dela matière
(ces
directions forment un trièdreorthogonal
à la fois pour lamétrique q
et lamétrique p), chaque
valeur propre est le carré durapport
de la p-norme à la q-norme d’un vecteur propre.MODÈLE GÉOMÉTRIQUE DE MILIEU CONTINU DÉFORMABLE 293 On définit aussi le tenseur
d,
vitesse de déformation :(où Pa.f3
est la dérivéetemporelle
depas( { M~ }; t);
cette notation sera utiliséedans la suite pour tous les
tenseurs).
Ce tenseur,qui
nedépend
que de lamétrique
deposition,
coïncide avec celui définiclassiquement
àpartir
du
gradient
des vitesses. Le tenseur d estsymétrique (relativement
àp).
Ses valeurs propres sont, on le
sait,
les tauxd’allongements
dans troisdirections
principales
instantanées de déformation.Enfin,
ondéfinit,
pour lamétrique
de matièrel’analogue
de d : c’est le tenseurf
defluage
que nous introduisons pourexprimer
la vitesse aveclaquelle
se modifiel’organisation
interne de lamatière,
l’état de référence...On pose :
Le tenseur
f
estsymétrique
relativement à. q(sur
lasymétrie
cf.2.3).
Ilrésulte du
principe
de conservation de la matière(cf. supra)
que le tenseurf
est de trace nulle.
En fonction du tenseur de
fluage
et du tenseur de vitesse dedéformation,
on
peut
calculer la dérivée de D. On a la formule :Dans la
suite,
nous donnerons deséquations reliant f, d, D,
a.Aupara-
vant, nous donnerons desexemples
demétrique q
noneuclidiennes ; puis
nous traiterons des fonctions invariantes de
matrices,
fonctionsqui
inter-viennent dans nos
équations.
3.2.
Exemples
de structures non euclidiennes.3.2.1. Donnons d’abord une
analogie
bidimensionnelle. E. Cartana démontré
(cf. 1925,
p.52) qu’une
variété de dimension n munie d’un ds2peut
être réalisée(localement)
comme sous-variété d’un espace euclidien de dimension auplus n(n
+1)/2 (la
distance étant celle induite parl’espace ambiant).
Un ds2 de dimension 2 est donc le ds2 d’une surface del’espace
tridimensionnel. Enassujétissant
une coque àprendre place (sans
frotte-ment)
entre deuxplans parallèles indéformables,
on pourra réaliser le ds2 de structure bidimensionnel leplus général...
3.2.2. Considérons un
cylindre
infini de rayons ro surlequel
est frettéun tube