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147 Vol. 15, No. 1 (2014)

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Jérémy Lambert, Peinture et bibelot. Prégnance du pictural dans l’œuvre

de Joris-Karl Huysmans

Clément Dessy

Résumé

Compte rendu de Jérémy Lambert, Peinture et bibelot. Prégnance du pictural dans l’œuvre de Joris-Karl Huysmans.

Abstract

Review of Jérémy Lambert, Peinture et bibelot. Prégnance du pictural dans l’œuvre de Joris-Karl Huysmans.

Jérémy Lambert, Peinture et bibelot. Prégnance du pictural dans l’œuvre de Joris-Karl Huysmans

Paris, Champion, coll. « Essais », 2012.

ISBN-13: 978-2745324955

À l’entame d’un ouvrage sur les rapports entre la peinture et l’œuvre de Joris-Karl Huysmans, on se trouve irrémédiablement placé dans une attente exigeante tant le sujet semble s’imposer chez cet auteur particulier. Pour cet écrivain dont l’activité de critique d’art ainsi que l’intégration de la peinture à la fiction romanesque et à l’œuvre poétique constituent unanimement un trait définitoire majeur de l’œuvre, il y avait là un pari risqué qu’a pris Jérémy Lambert.

En introduction de son ouvrage, l’auteur rappelle à juste titre que, si les études ponctuelles sur l’œuvre de Huysmans et ses rapports avec le pictural sont légion, les travaux de synthèse sur cette question ne figurent pas souvent parmi les plus récents. Le petit livre de Jérémy Lambert apporte donc à cet égard une juste contribution. Soigné et attentif, son travail soumet au lecteur de nombreux extraits littéraires analysés stylistiquement et de façon détaillée. L’attention textuelle de l’ouvrage constitue sans doute l’une de ses qualités majeures.

Jérémy Lambert entend soumettre dans son projet une grille de lecture applicable à l’ensemble de l’œuvre de l’écrivain. Projet audacieux et louable que l’auteur fonde en s’intéressant donc à l’ensemble de la production huysmansienne et qu’il poursuit en se focalisant parfois sur des textes moins sollicités par la critique comme Le Drageoir aux Épices (1874) ou Trois primitifs (1905).

La bibliographie de l’ouvrage brasse large, et c’est une qualité qu’il faut saluer. Cependant, l’on s’étonnera sans doute de l’absence de référence aux travaux de Gilles Bonnet faisant pourtant autorité à propos de Joris-Karl Huysmans. La vocation de synthèse de l’ouvrage est cependant tout à fait rencontrée. Jérémy Lambert convoque le musée imaginaire d’un auteur qui a orienté ses prédilections sur les peintres de la Renaissance nordique (Primitifs flamands, hollandais et allemands) et sur des artistes contemporains comme, dans un premier temps de la carrière, les impressionnistes (avec Edgar

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Degas), puis, ensuite, Gustave Moreau, Odilon Redon et Félicien Rops. Les considérations de l’étude sont multiples et permettent au lecteur de se familiariser avec divers aspects de l’œuvre de Huysmans.

Le livre se compose de six chapitres qui évoquent successivement la place de la peinture dans la biographie de Huysmans (notamment dans son héritage familial), les représentations de doubles littéraires de l’écrivain dans son œuvre, les manières d’inscrire la référence à la peinture dans ses textes, la matérialité et l’édition soignée de ses livres, une étude spécifique du Drageoir aux Épices et, enfin, un panorama synthétique de sa critique d’art.

À l’issue d’une lecture attentive, plusieurs réactions s’imposent néanmoins par rapport à une recherche dont j’ai dit d’emblée toute l’exigence qu’elle appelait auprès du lecteur intéressé. Certaines propositions suscitent en effet discussion. Le travail de Jérémy Lambert prétend à la synthèse mais non à l’exhaustivité ainsi qu’il l’énonce d’emblée :

Pour des raisons méthodologiques, cet ouvrage ne s’attachera pas à la recension exhaustive et à l’étude systématique des références explicites au pictural (noms de peintre ou d’œuvres) disséminées au sein du corpus huysmansien, mais veillera plutôt, dans une perspective synthétique à dégager les lignes directrices d’une poétique du sujet huysmansien qui éclaire les enjeux de la problématique esthétique développée dans son œuvre. (p. 19)

On ne manquera pas de regretter l’annonce de cette limitation, en cette fin d’introduction, que le titre de l’ouvrage ne laissait pourtant présager (« prégnance »). D’autant plus que les « raisons méthodologiques » invoquées ne sont pas clairement énoncées et que l’on se demande si celles-ci ne dissimulent pas une réduction des ambitions d’un travail plus audacieux. Une nouvelle publication sur un sujet aussi incontournable constituait pourtant l’opportunité rêvée de s’aventurer et de prendre des risques dans le traitement de textes non suffisamment exploités. Comme l’énonce l’auteur, l’exhumation de ces écrits est largement balisée à présent par les Bulletins de la Société Joris-Karl Huysmans ainsi que par les éditions de Patrice Locmant (Bartillat, 2006) et de Jérôme Picon (Garnier-Flammarion, 2008). L’inclusion d’un relevé minutieux et systématique dans le travail n’impliquait donc guère de démarche heuristique fastidieuse (p. 168).

Par ailleurs, certaines distinctions opérées par l’auteur ne sont pas toujours très convaincantes. Si la volonté de typologiser est en soi louable par le souhait qui la sous-tend de rendre plus accessible au lecteur un matériau dense et complexe d’appréhension, il n’apparaît pas que les lignes tracées par Jérémy Lambert soient toujours les plus judicieuses. La distinction nette que l’auteur veut établir entre les « écrits sur l’art » et les textes de « critique d’art » se révèle sans doute trop artificielle (p. 168-171). En se basant sur le dénigrement par Huysmans du travail journalistique (trait postural qu’il est très loin de ne pas partager avec d’autres écrivains même éloignés), Lambert entend distinguer les textes uniquement parus en revues, qui seraient assimilables à de la « critique d’art », et les morceaux valorisés par une reprise dans des recueils ultérieurs d’« écrits sur l’art ». Sachant que l’ensemble de ces textes est essentiellement paru en périodiques et que la sélection par l’écrivain des textes à rassembler en recueil s’établit après leur première parution dans ces périodiques (ne laissant guère la possibilité d’établir préalablement une telle distinction), cette différenciation ne semble établir qu’une répartition

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entre des textes « mauvais » ou « reniés » (critique d’art ?) et d’autres « soignés » et « validés » (écrit sur l’art ?). On relèvera d’ailleurs que cette distinction ne semble pas tout à fait résoudre les questions de l’auteur puisque le chapitre VI est intitulé « Le critique d’art » alors que le résumé de cette partie dans l’introduction le décrit comme une étude des « écrits sur l’art » de l’écrivain (p. 19).

Une autre distinction de Lambert qui aurait peut-être demandé plus d’explications est celle pratiquée entre des hypotyposes et ekphraseis picturales de type « simple », de type « impressionniste » et de type « gravure textuelle » (p. 99-118). On se demande ici si ces distinctions ne recoupent pas davantage des phases chronologiques et évolutives dans les pratiques d’écriture de Huysmans et dans ses prédilections picturales plutôt que de véritables distinctions génériques. Le travail, malgré ses références aux réflexions de Bernard Vouilloux, semble par ailleurs ne pas prendre assez de distance avec l’étiquette d’« impressionnisme littéraire », dont on perçoit mal, dans l’usage qui en est fait (notamment à travers le « tachisme »), ce qui en différencie la définition de celle ancienne et dépassée, dénoncée par Vouilloux1.

Produit d’un mémoire de master remanié, le livre n’échappe sans doute pas à une structure quelque peu scolaire (« Analyse des destinataires », « Analyse du paratexte », « Analyse du pictural », « Analyses de détails » constituent par exemple les sous-titres d’un cinquième chapitre portant le titre d’un recueil du Huysmans : Le Drageoir aux Épices). La disposition de l’ouvrage présente d’autres imperfections structurelles. Celle-ci donne le sentiment d’une juxtaposition d’études autonomes dont l’enchaînement manque parfois de transition et de clarté. Par exemple, le fait d’aborder dans un quatrième chapitre les conditions de publication et les liens de l’écrivain avec le milieu éditorial, après un troisième chapitre consacré à la langue et au style de Huysmans et avant un cinquième s’attachant à une analyse plus proche du texte via l’exemple du recueil Drageoir aux Épices, n’apparaît pas comme la répartition la plus à même de mettre en valeur le travail. Malgré ses qualités formelles, le livre adopte donc une allure un peu dispersée.

L’enchaînement des chapitres cités précédemment s’effectue certes sur la base de la notion de « bibelot », importante chez les écrivains français de la seconde moitié du XIXe siècle. Néanmoins, il s’agit d’une dimension et d’une articulation insuffisamment traitées comme telles au sein l’ouvrage qui érige pourtant par son titre le « bibelot » au rang d’une moitié constitutive de l’étude. On évoque d’abord la prégnance de la peinture avant de glisser subrepticement sur celle du bibelot (le culte de l’objet orfévré) et de revenir in fine sur le pictural. Si le lien entre ces deux éléments semble en effet important et incontournable pour des lecteurs familiers de Huysmans, elle ne va néanmoins pas de soi en toute circonstance et le travail aurait davantage dû se pencher sur les raisons et les motivations de ce rapport si spécifique. La valorisation des arts décoratifs à la fin du XIXe siècle entendait placer ces derniers sur le même plan que la peinture, reconnue, quant à elle, comme un art « noble », académique. Quel intérêt un écrivain pouvait-il avoir à s’immiscer dans ces questions ? Comment se qualifie le « bibelot » ? Le titre de l’ouvrage de Jérémy Lambert, en inféodant par son sous-titre le bibelot au pictural, ne rend pas assez cette dimension. Plus qu’une prégnance du « pictural », c’est une prégnance du souci pour l’art, en général, qu’il aurait mieux valu mettre en avant (si l’on permet provisoirement, pour cette recension, une expression aussi peu élégante).

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Sans doute, le recours à une problématisation de type psychanalytique, pas toujours opportune, n’a pas permis à Jérémy Lambert de médiatiser ces diverses dimensions, puisque la référence au pictural, à travers cette représentation de Huysmans en perpétuelle quête d’une figure paternelle tutélaire, doit incarner une part de ce « moteur fondamental de l’acte d’écriture [qui] réside dans le besoin de réparer une “difficulté d’être” » (p. 16) :

descendant d’une famille paternelle de peintres hollandais reconnus, Huysmans est le seul à ne pas être doué pour la peinture, une spécificité qui peut être vécue comme une anormalité familiale et causer ainsi la blessure narcissique que vient panser l’écriture. (p. 193)

Cet axe choisi afin de fonder la problématisation de l’ouvrage n’est sans doute pas idéal et n’a pas facilité la tâche de l’auteur dans son travail d’articulation des nombreuses notions évoquées. Cette façon d’aborder la relation au père paraît surdéterminée à plusieurs endroits même s’il est connu que Huysmans a joué sur l’héritage de son nom pour se présenter comme un héritier de la peinture. De là à percevoir sa pratique de la critique d’art comme une catharsis…

Enfin, certaines digressions du travail n’ont, de même, pas toujours semblé opportunes dans la compréhension de l’œuvre de Huysmans. L’acte de publication du recueil des Drageoirs aux Épices est par exemple analysé à la lumière rapport avec l’acte liturgique du baptême chrétien que Lambert prend le temps de redéfinir (pp. 139-141). L’idée peut être a priori intéressante en ce qui concerne cet écrivain lié au renouveau catholique, encore qu’il ne se situait pas encore en 1874 dans la phase intense de conversion… Cela ne nécessitait peut-être pas une réexplicitation du rituel chrétien dans ses détails les plus précis, depuis la désignation du parrain et de la marraine, la « purification par immersion », etc. à l’aide de références théologiques : l’entrisme au champ littéraire, perçu comme baptême via « la rupture avec la mère », semble vouloir réconcilier originalement différents courants critiques.

Qu’à cela ne tienne, outre ces quelques notes spécifiques, l’ouvrage de Jérémy Lambert réjouit par son soin et sa clarté d’expression. Il démontre en effet la « prégnance du pictural » dans l’œuvre de Huysmans. Il ne reste qu’à souhaiter, avec l’auteur, qu’advienne un « travail minutieux et d’ampleur qui n’a pas encore été réalisé » (p. 19) et qui étudierait de façon systématique l’ensemble des références picturales et leur portée chez cet écrivain incontournable de la fin du XIXe siècle.

Clément Dessy est Chargé de recherches F.R.S.-FNRS et Maître d’enseignements à l’Université libre de Bruxelles.

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