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Mémoire Spiritaine. Salvador Eyezoo. Volume e anniversaire de la mémoire à l'histoire Article 8

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(1)

Volume 21 10 e anniversaire de la mémoire à l'histoire Article 8

2005

L'expulsion des missionnaires allemands du

Cameroun pendant la première guerre mondiale à travers la correspondance des Pères français Barreau et Hermann

Salvador Eyezoo

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Eyezoo, S. (2005). L'expulsion des missionnaires allemands du Cameroun pendant la première guerre mondiale à travers la correspondance des Pères français Barreau et Hermann.Mémoire Spiritaine, 21(21). Retrieved fromhttps://dsc.duq.edu/memoire- spiritaine/vol21/iss21/8

(2)

Zoned'évangélisation confiée auxmissionnairespallottinsde 1890à 1915.

Lapartienord duCamerounestabsente: elleaétéconfiée auxmissionnaires allemandsduSacré-Cœur deSaint-Quentinen 1914.

(Extraitde:HermannSkolaster,DiePallottinerinKamerun. 25JahreMissionarbeit, Limburg/Lahn, 1924.)

(3)

Mémoire Spiritaine,21,premiersemestre 2005,p. 116àp. 132.

L'expulsion des missionnaires allemands du Cameroun pendant

la

première guerre mondiale

à travers

la

correspondance des Pères français Barreau

et

Hermann

SalvadorEyezoo

Introduction

La

première guerre mondiale éclate en Europe en 1914. Opposant principalement l'Allemagneaux puissances alliées, elle s'étenddans les possessions européennes d'Afrique.

Au Cameroun

allemand, les opérations militaires

commencent

aumoisd'aoûtde la

même

année, ets'achèventenfévrier 1916, parlavictoire des troupesalliées (franco-britanniqueetbelge) K L'évolution généraledu pays enestperturbée.

Le

conflit affectelesMissions chrétiennes.

En

effet, après laconquête, tous lesAllemands, y compris lesmissionnaires, sont expulsésdu territoireparles vainqueurs. Les

nouveaux

maîtres (surtout français) comprennent en fait la nécessité d'une action concertée entre

Historien, spécialiste en histoire du christianisme en Afrique (Cameroun), Chef du Départementd'histoire/géographieàl'ENS(UniversitédeYaoundéI);membreduCRÉDIC.

Email:seyezoo@yahoo.fr

1.Pour plusde détails surla première guerre mondiale au Cameroun, lire les ouvrages suivants : J.

AYMÉRICH,

Lo conquêtedu Cameroun. 1^''août 1914-20février 1916, Paris, Payot 1933 ; E.

MVENG,

Histoiredu Cameroun, tome II,Yaoundé, CEPER, 1985,p. 102- 119; J.CRIAUD, La geste des spiritains. Histoire de l'Église au Cameroun 1916-1990, Mvolyé-Yaoundé, ImprimerieSaint-Paul, 1990,p.35-60.

(4)

autorités civiles et religieuses, afin d'effacer rapidement les traces allemandes2.

Mais

lamise en

œuvre

surleterraindecette« unionsacrée^ »ne rencontre pas le

même

écho chez tous. L'on est surpris de constater que certains missionnairesfrançaisplaidentenfaveurdumaintiendeleurscoreligionnaires allemands au

Cameroun.

Qu'est-ce qui expliquecette prisedeposition?

Pour tenter de répondre à cette question, il n'y a qu'à lire et analyser la

correspondanceinéditedes missionnairesBarreauetHeraiann,déposées aux archives générales de la congrégation

du

Saint-Esprit à Chevilly-Larue en France.

L'expulsion des missionnaires

allemands du Cameroun

Les missionnaires d'origineallemande expulsés du

Cameroun

pendantla grande guerre sont transportés soit à Fernando Po, soit en France,

comme

prisonnierscivils^.SeulelaMissionpresbytérienneaméricaineestrelativement à l'abridelatourmente. Ses stationsn'ontpas étésinistrées. Elle a sugarder soneffectif, et l'a

même

augmenté. Ses missionnaires n'ont pasétémobilisés, car ils appartiennent à une nation neutre (du moins jusqu'en 1917, date d'entréedes États-Unisd'Amérique dansleconflit,auxcôtésdesAlliés).

Son œuvre

adonc évoluénormalement, malgré laguerre ^.

D'une

manière générale, les missionnaires, qu'ils soient catholiques ou protestants,sonttraitésdela

même

façon.

En

tantqu'Allemands,lesautorités militairesfrançaisesdel'époquene peuventvoireneux quedes« ennemis »,

des propagateursinfluentsdes idéesdeleurpaysd'origine,fournissant à leurs compatriotes desrenseignementssurlesstratégieset lespositionsdes troupes

alliées.C'estlaraisonpourlaquelle, ellesdécidentdefairepartirdu

Cameroun

tous les missionnaires allemands. Ils ne peuvent donc rester au milieu de leursfidèles,parceque leursort estlié àcelui des troupes allemandes.

En

se retirantde leurancien protectorat, les militaires allemandsbrûlent desvillages, pendentet fusillenttousceuxqui,à leursyeux, sontsoupçonnés

2.L.

NGONGO,

Histoire des forces religieuses au Cameroun. De la première guerre mondialeà l'indépendance (1916-1955),Paris,Karthala, 1982,p. 15-16.

3.E.

M'BOKOLO,

AfriqueNoire. Histoireetcivilisations, tomeII,Paris, Hatier,p.393.

4.Arch.CSSp.2J1.6, RapportduP. J.Douvryau Ministre des coloniessur samission au Cameroun, décembre 1916.

5.Arch. DÉFAP, SMÉP, Lettre de J.Bianquis au Ministre des colonies, Paris, 15novembre 1916.

(5)

de complicité avec !'«

ennemi

». C'est le cas du roi

Douala Manga

Bell et de l'officier Martin Paul

Samba,

accusés de haute trahison et exécutés publiquement,le8 août19146.

On comprend

lesensdel'accueil «triomphal » qu'unefoulenombreuse,fraîchement traumatisée parletristesouvenirdeces exécutions,réserve aussibienaugouverneurFourneau qu'auxPèresspiritains français, lors de leurdébarquement à Douala.

A Yaoundé

par contre, les chrétiens autochtones qui voient arriver les

nouveauxmaîtres,considèrenttous ceux-ci(militaîres etmissionnaires)

comme

devéritables « intrus », venus tout simplement se substitueraux anciens. Ils assistentavecstupéfaction àl'expulsiondetouslesAllemands, ycomprisles religieux.

La

scène se passe

un dimanche

matin, au mois dejanvier 1916.

Le

chroniqueurdujournalde

Mvolyé

relate: « Leschrétiensprésents àlaMission regardent,étonnés,unofficierdel'arméevictorieusequifaitlescent pasdans

lacouren...récitantsonchapelet. » Ils'agissaitdupère Bittrémieux, d'origine belgeetaumôniermilitaire.

Le

religieux scheutistes'adressaàquelquescatéchistes en cestermes : « Je suis

un

Père catholique,

comme

vos Pères allemands. Je vais célébrer laGrand-messe. Pouvez-vousprévenir lesgens ^ ?»

Les catéchistes hésitèrent d'abord, parce qu'ils ne comprenaient pas

« qu'un decessoldatsdu Diable qui ont chasséleursPères, leursfrères, leurs sœurs, veutdirelamesse^ ! » Parletambourd'appel, ilsinvitèrentnéanmoins

leschrétiens à venir suivrele

message

quevoulait délivrerce militaire-prêtre.

La

foulevenuenombreuseàcettemesseinéditeserenditcomptequ'il s'agissait

d'unprêtrebienqu'ilfûtunsoldat ;quelerituel étaitle

même

(messe,gestes, prières, chants,

communion).

Ce

premiercontactentrelescatholiquesde

Yaoundé

etl'aumôniermilitaire belge, n'est pasun élémentsuffisantpourbien comprendrelaréactionde ces chrétiensautochtones, quant au

changement

qui s'étaitopérésurlacollinede Mvolyé.

En

assistant le

même

dimanche, et au

même

lieu, à deux scènes successives : l'expulsion des Pères allemands, et la célébration d'une

messe

improvisée par

un

prêtre-soldat de l'armée d'occupation, ces chrétiens autochtones eurent la

même

impression que le chroniqueur du journal de Mvolyé. Sousla

plume

decedernier,onpeutlireeneffet: « [...]en cetinstant unique [...] s'est opérée laplus authentique passation de pouvoirdes prêtres allemands à leurs confrères ennemis

-

mais confrères

quand même -

de

6.E.

GHOMSI,

«Résistanceafricaine à l'impérialismeeuropéen: lecas desDouala du Cameroun»,AfrikaZamani,4, 1975,p. 171.

7.Arch.CSSp:2J2,3a-Yaoundé-Mvolyé.Chapitres 1916-1922.Cf.J.CRIAUD,op.cit., p.40-41.

'S.Ibid. -,

(6)

Belgique, de France, d'Angleterre, peuimporte. LesCamerounais n'ont fait

que changer demaîtres^. »

Ce changement

étonne aussi les chefs catholiques autochtones qui, lors

d'une entrevue avec les généraux du corps franco-anglais, leur tiennent ce discours:

«Vous avez enlevé nos missionnaires, les

Gennan

Fathers, parceque vous avezla guerreavec leurpays(sic). Cela, c'est votre affaire,votre palabre. Maisnous,nous

riepouvonspas rester ainsi sans Pères, sans messe, sans sacrements, sans doctrine.

Envoyez-nousdesPèresdevotrepays i^. »

Ilestévidentquesans l'avalde

Rome,

ce typedepassationde pouvoirest contraireauxprincipesdel'Eghse.

Ne

comprenantpaslesraisonsde cebrusque

changement

dupersonnel àla têtedelaMission,leschrétiensautochtonesde

Yaoundé

pensent que la foi catholique, du fait de son caractère universel, devraittranscenderlesfrontièresdenationalité.

À

l'instardeceuxd'Édéa,ils

semblent éprouverla nostalgie

du

régime missionnaireallemand, à savoirla langue perdue.

En

effet, lanouvelle administrationexigel'apprentissage,par tous,delalanguefrançaise.Lesmoniteurs, lescatéchistes,ettouslesouvriers delaMissiondoiventdonc abandonnerl'allemandpours'approprierlalangue desnouveaux maîtres duterritoire.

En

outre, lesautochtones trouventqu'au planreligieux,laformationlivrée parles missionnaires allemands est

un

peu différente decelle dispensée par les Pères spiritains français.

Chez

les premiers, la discipline et la morale semblentassez souples (baptêmesplus faciles).Ilya aussisurabondance des pratiques extérieures du culte. Tandis que les nouveaux venus seraient plus sévères.

En

attendant que l'avenir seclarifie, ils subissent d'abord malgré eux, le

choc du changement. Puis, vient cette question récurrente: « Si tous les missionnaires sont avant tout catholiques, pourquoi les Français ont-ils chasséles missionnaires allemands ?

»

En somme,

les spiritainsfrançais reconnaissentque les premiers contacts avec leschrétiens autochtonesdel'intérieurdu territoire ontétédifficiles ^^.

9.1bid.

10.M.BRIAULT,«LamissiondeDoualaavantetaprèslaguerre»,inAnnalesdesPères duSaint-Esprit,ianvier 1934.p.27.

11.« District du Cameroun(1922-1926)», in Bulletinde la Congrégation des Pèresdu Saint-Esprit(BG),mai 1926,p.613.

(7)

Leurs écrits révèlent qu'en partant, les pallottins avaient dit aux chrétiens :

« Bientôt nous reviendrons ^2 i »

La

situation militaire à cette époque est encore favorable à l'Allemagne (du

moins

en Europe) malgré la débâcle du

Cameroun. La

guerre n'est pas terminée. Les missionnaires allemands, à l'instar de leurs concitoyens civils, gardent l'espoir qu'un jour, ils reviendraientau

Cameroun.

Pendant ce temps, les spiritainss'approprient ce bel espace missionnaire qu'ils convoitentdepuis la findu xix^ siècle ^^.

Les

missionnairesfrançais

occupent

lesstationsallemandes

Pendant que se déroule la conquête militaire du territoire parles troupes des puissances alliées, les missionnaires des congrégations françaises du Saint-Espritetdu Sacré-Cœurde Saint-Quentinassurent,sanstarder, larelève desreligieuxallemands. Celle-ci se faitde manièreprogressive parcequ'elle est

commandée

par les circonstances

du

conflit, le patriotisme des missionnaires, et lecontrôle du pays parles vainqueurs dela guerre.

Avant le début du conflit, l'ancienne colonie allemande

du Cameroun comprend

deuxterritoires missionnaires catholiques : leVicariat apostolique du

Cameroun,

confié aux Pères pallottins, et la Préfecture apostolique de l'Adamaoua, attribuée auxPères du

Sacré-Cœur

deSaint-Quentin (province allemande).

L'ancienne Mission pallottine

compte

alors 15 stations, répartiesen trois principaux groupes. Il y a la régioncôtière (Marienberg etGrand-Batanga) ;

la région des montagnes qui abrite des maisons de formation, séminaires, écolesdecatéchistes, etc.(Engelbert, Victoria, Ikassa, Einsielden, Dschang) ;

celledu

Cameroun

central(Yaoundé,

Ngovayang,

Minlaba) quiregroupeàla foisdes stationsanciennesetrécentes, de loinlesplus développées. C'est ici

que le

mouvement

de conversion, poursuivi avec zèle et méthode, secondé par l'influence de grands chefs appuyés par le gouvernement allemand, groupe des chrétientés considérables ^'^. D'après les stadstiques des Pères

12. Ibid.

13.Leprojetde fondationd'uneMission catholiqueauCameroun,parles spiritains, dès 1884,échoua:d'abord,parcequ'ilsfurent assimilésauxjésuites,alorsinterditsenAllemagne;

ensuiteparcequelepaystombasouslacoupe allemandela

même

année. Cf. J.CRIAUD,La

geste desspiritains. Histoirede l'Églisedu Cameroun 1916-1990, Mvolyé- Yaoundé, Saint- Paul, 1990,p.27-30.

14.Arch.C.S.Sp., 2J1.3, Rapport du R.

R

J. Douvry à la Sacré Congrégation de la

PropagandesurlaMissionduCameroun, Douala,janvier 1917.

(8)

pallottins datant de

décembre

1913 ^5, il y a au

Cameroun

37592 chrétiens, avec34 Pères, 36 Frèreset 29Sœurs.

À

lafindeshosfilités militairesen1916, touslesmissionnairesdenationalité allemande,sontexpulsésduterritoire.Afinde sauvegarderautantquepossible les intérêtsdes Missionscatholiques,laSacréeCongrégafion delaPropagande

nomme

lePère Jules

Douvry

administrateur apostolique delaMission pour

leVicariatdu

Cameroun,

situéen zoned'occupafionfrançaise. C'estdansles

mêmes

condifions que le Père Joseph Shanahan, préfet apostolique de la

congrégation du Saint-Esprit au Nigeria, est

nommé

administrateur apostoliquedelapréfecturede l'Adamaoua,dontlamajoritédes missionsest située dans la zone britannique^^. Cette juridicUon ecclésiastique ayantété réoccupéepar des

membres

belges et français de laCongrégation des Pères du Sacré-Cœur, sa situation est de ce fait, régularisée. Il ne reste plus qu'à occuperleVicariatdu

Cameroun.

Ici, l'occupation estassez difficile parceque le

nombre

de missionnaires dont disposela congrégation du Saint-Esprit (cinq au débutde laguerre) est vingtfois inférieurà celuides Pèrespallottins.Aussi, cinqstationssurquinze seulementsont-elles occupéesjusqu'en 1916par les spiritains.

D'une

façongénérale, la totalitédesstationsdes Missionscatholiques jadis occupées parlesmissionnairesallemands,danslapartiefrançaisedu Cameroun,

lesont àlafinde 1916, parlesreligieuxfrançais.

Mais comme

lerelèvesibien

lePère

Douvry

dans sonrapport adresséau Ministère descolonies,les spiritains français,enrentranten possession desstationsdeleursprédécesseurs allemands, n'ont

pu

malheureusement,reprendreimmédiatementettotalementtoute leur influence.Lespallottinsavaientuneffectifpléthoriquede reUgieux ;ilss'étaient àlalonguecréésun outillage matérieletdes ressourcessurplace ; tandisque

les spiritains n'étaient que douze Pères, répandus dans des stations et dans quelqueschrétientés.Les unesavaient étévidéeset lesautresbouleversées par deux années deguerre.

La

pénurie du personnel religieux spiritain d'une part, l'insuffisance de

moyens

matérielset financiers d'autre part, nécessitentdès lors, le

mainden

des pallottinsdans leurancienVicariatdu

Cameroun.

LesPères Barreau, de

lacongrégationdu Saint-Esprit,et

Hermann,

decelledesMissionsafricaines de Lyon, partagent fortement cetteopinion.

15. Ibid.,Aperçuhistoriquedu Cameroun, 1920.

16. Ibid., Lettre de Mgr Le Roy au Cardinal Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande demandantlaréorganisationduVicariatdu Cameroun,Paris,27avril 1920.

(9)

Les

Pères

Barreau

et

Hermann

:

deux

discours équilibrés entre supranationalité

de

l'Église et patriotismefrançais

Dans

unrapportque lePère

Douvry

adresse à la SacréeCongrégation de

laPropagande, l'administrateurapostoliqueprendsoindene pas afficherson patriotisme auprès de la hiérarchie

suprême

de l'Église romaine. Il fait

d'abord l'éloge de ses prédécesseurs pallottins, dont l'œuvre accomplie au

Cameroun,

aproduit« deschrétientéstrèsflorissantes ^^ ». Ilparle ensuitede l'abandon des Missions, pourposerenfin laquestiondu maintiendeceux-ci dans leurs anciennesstations.

À

ce propos, il affirme que les Pèresfrançais

Hermann,

Barreau,

Douvry

et le Belge Bittrémieux, tous aumôniers dans les troupes alliées, avaientfait plusieursfois cette proposition ^^.

La

double

démarche du

Père

Barreau

Le

plaidoyer du Père Barreau en faveur des missionnaires allemands se fait dans deux directions : la maison-mère spiritaine à. Paris, et le général Joseph Aymérich,

commandant

des troupesfrançaisesetpremierCommissaire de laRépubliqueau

Cameroun.

S'adressant à

Mgr Le

Roy, supérieurgénéral delacongrégationdu Saint- Esprit, lePère Barreau lui rend

compte

des dernières opérations militaires à Yaoundé,puisàÉbolowa,avantlalivraisonduderniercombatparlesAllemands, à lafrontièredu

Sud-Cameroun.

Aprèscette brève évocationdela

campagne

militaire, il s'attarde sur le sortdes Pères pallottins, qu'il qualifie de « point noir[...] àlacausereligieuse '^ ».Ildéplorele faitque dansd'autresanciennes possessionsallemandes

comme

leTogo,leSud-OuestAfricain,onaitmaintenu tous les missionnaires, alors qu'au

Cameroun,

les Pèresallemands sont faits prisonnierset expulsés

du

pays.

Que

reproche-t-on à ces missionnaires?

17.Arch.C.S.Sp.,2JL3,RapportduP. J.DouvryàlaSacrée Congrégation delaPropagande, surlaMissionduCameroun,Douala,janvier 1917.

18. Ibid.,«Cameroun,aperçu général» in5G, tome30,n° 384, août 1922,p.725.

19.Arch.C.S.Sp.,2J1.6,LettreduPèreBarreauàMgrLeRoy, Douala,30janvier1916.Il est important de souligner que la Congrégation du Saint-Esprit dont il est membre, est à dimension internationale. Elle a créé des «provinces» en Europe et en Amérique, parmi lesquelles, celled'Allemagne. Cf. J.T. RATH, «Le retourdes spiritains enAllemagne», in

Mémoire Spiritaine, 1, 1995, p. 83-105; G.VIERA, «300 ans d'histoire spiritaine au servicedelamission (1703 -2003)», inMémoireSpiritaine, 16, 2002/2,p.7-42.

(10)

On

les accuse d'être patriotes. Pour le Père Barreau, lepatriotisme n'est pas dangereux «tant qu'on n'use pas d'armes et de

moyens

indignes de la conscienceetdelareligion 20».

Le

missionnairespiritainn'est d'ailleurspas opposéàcequ'onexpulseceuxqui n'ont pas respectélarègle.

Mais combien

y ena-t-il eu pourpunir toutle

monde

?

Selon lui, la justification de ces expulsions proviendrait de trois actes qu'auraient

commis

des missionnaires allemands.

Le

premier concerne

un

Frèreet

non

un Pèremobilisé,quel'on auraitchargédefaire sauterlebateau anglais Duarf. « Or, àce

moment -

soutient-ilen effet -, iln'était plus chez

lespallottins, suite àson exclusion dela Congrégationparson évêque. »

Le deuxième

chef d'accusation porte surles signauxfaitssurleclocher d'Édéa, dont on ignore l'auteur.

Le

troisième enfin, concerne un autre Frère de la

Mission d'Édéa, qui

commit

la simple imprudence de sortir à une heure indue, à25 mètres delamaison, etqui fut pris, sans motifplausible^1.

Le

PèreBarreauestimequelesautorités militaires françaisesetanglaises, au cours de leur campagne, ont agi de façon arbitraire à l'égard des missionnaires allemands, et ont laissé le pillage s'exécuter dans les stations abandonnéesparceux-ci.

Ces

stationsontétéoccupées

comme on

lesait,par les troupes alliées.

Ces

dernières les auraient transformées en de véritables lieux de débauche (l'évêché devenu un harem) au grand scandale de toutle

monde.

« Tout cela

-

relève le prêtre spiritain

-

sera exploitécontre nous en Allemagne, en

Espagne

età

Rome

^2. »

En

effet, lesjournaux allemands surtout, ont accusé les Français d'avoir organisé le pillage des églises. «Pure calomnie», réagit le Père Barreau, puisque des ordres ont été donnés pour respecter les missions.

Mais

ces instructionsn'ontpasétéexécutéespartout,surtoutparles« chefssubalternes peusérieuxtantchezlesAnglaisque chezlesFrançais 23 ». Malgrécesactes regrettables, l'auteur de la lettre souligne que les soldats alliés n'ont tué personne dans leurs missions, et les Anglais n'ont pas voulu faire exécuter

l'ex-Frère quiavaitconduitlamachine infernale contreleDuarf.

En

dépitdetouscesévénementsdontlestémoignagessont parfois contra- dictoires, le Père Barreau partage les

mêmes

préoccupations que le Père

Hermann.

Selon les deux religieux, il faudrait maintenir la présence missionnaire allemande au

Cameroun,

ne serait-ce qu'à titre provisoire. Il

20.Ibid.

ll.Ibid.

22.Ibid.

23.Ibid.

(11)

(1877-1940) Néle 2avril 1877 àLaHaye- Descartes (diocèsedeTours)

religieux spiritainen 1898 prêtreen 1900 missionnaire auGabon

en 1901 pour38ans;

s'engagecommeaumônier volontairedelaMarine danslesforcesfranco-anglaises pourla conquêteduCameroun en 1914-1915;

meurtàparis le23juin 1940.

Ci-contreetci-dessous: PortraitduP.Barreau;

le

même

àson bureau :

«lachambre dumissionnaire».

(PhotosArchivesspiritaines.)

(12)

s'agit enclair, de

demander

aux pallottins d'envoyer quelques Pères anglais et italiens, auxquels on adjoindrait, après avis du gouvernement, des Pères allemands au courant des affaires locales. Pour ce faire, il faudrait que

Mgr Hennemann,

alorsvicaire apostolique du

Cameroun,

partagecette idée, et que la Propagande fasse une

demande

aux deux Ministères anglais et français des colonies.

On

pense ici à l'intervention

du

cardinal

Boume

à Londresetàcellede

Mgr Le Roy

àParis.

Que

peut-on espérer desautorités anglaisesetfrançaises ?

Le

Père Barreau pensequ'ellesn'ontpaslereculnécessairepourune

bonne

perspective. Pour

elles, les missionnaires pallottins et ceux dela congrégation

du

Sacré-Cœur de Saint-Quentin sont avanttoutdesAllemands. Cependant, ilespère quele supérieur des spiritains pourra user de sa haute autorité, soit près de

Mgr Hennemann,

qui juridiquement, est encore vicaire apostolique du

Cameroun,

soit près de la Propagande, ou alors auprès du gouvernement français.

Ce

dernier a l'obligationdesepréoccuperde laquestionmorale et ne doit guère escompter trouver un contingent important de missionnaires français.

La

secondepisteempruntéeparlePèreBarreau pourplaiderenfaveur des missionnaires allemands est celledu généralJoseph Aymérich.

En

sadouble qualitéde«prêtre missionnaire» etde« citoyenfrançais »,il sollicitede lui

unentretien.

À

cet effet,il lui faittenirune correspondance^4trois semaines aprèscelle adressée à

Mgr

leRoy.

L'objet est le

même

: « la question religieuse

du Cameroun

».

L'argumentation y est plus développée.

Le

ton change en fonction du destinataire, qui est la plus haute autorité du territoire

du Cameroun

sous occupationfrançaise. L'aumôniermilitaire écrità son général d'armée, avec déférence, maisaussi avecbeaucoupde franchise.

Dès

son introduction, le Père Barreau rappelle le contexte de la guerre.

Celle-ci estterminée au

Cameroun,

et «le péril allemand

-

selon lui

-

n'est plus à redouter».

Mais

il reste à résoudrela «grande causereligieuse ».

Le

prêtre français en parle parfois avec

beaucoup

de passion dans la première partie de salettre,il seprésenteauprès deson correspondant, d'abord en qualitédereligieux.

La

«grandecausereligieuse»qu'il défendici, «prend sasourcedans le

souverain

domaine

de Dieu et les droits imprescriptibles et universels de la

24.Arch.C.S.Sp., 2J1.6, Lettre officielle du Père J. B.Barreau au général Aymérich, Douala 22février 1916.

(13)

L'EXPULSION DES MISSIONNAIRES ALLEMANDS DU CAMEROUN

127

conscience

humaine

et qui

comme

telle déborde les limites des nationalités^^ ».

À

sesyeux, «cettequestionreste intacte etinviolable,quelles quesoient les idées, les sentiments, laphilosophie du conquérant^6 ».

Pour

amener

legénéral

Aymérich

àmesurerl'impactdu catholicismedans r

ex-Cameroun

allemand évangélisé parles missionnaires pallottins, le Père Barreau exhibeles chiffres : 30

000

chrétiens vivantset 8

000

élèvesinscrits

dans les écoles, avantlaguerre ^7.

Ce

qui tient à

cœur

ce Père spiritain, et qui

commence

à inquiéter les responsablesreligieux enEurope, « c'estdevoiréliminerpendantlongtemps peut-être etsans motifsplausibles [...] l'élémentdirecteurchrétiennécessaire àla vitalitéreligieuse et morale demilliers de personnes^8 ».

De

peurque lecatholicisme nedisparaisse, du faitdel'expulsionde tous les missionnaires allemands,plusieurspensent qu'il fautfaire débarquerdes missionnairesfrançais. Or, lescongrégations catholiquesfrançaisesontperdu

1

500

membres.

Ce

videsembledifficileàcombler dans l'immédiat.

En

outre, leursressources ontbiendiminué ^9.

La

pénurie demissionnaires catholiques français est donc

un

problème

crucial, qui touche

non

seulement les Missions en général, mais aussi et surtoutle

champ

du

Cameroun,

qui absorbait, pourles seuls pallottins, une centainede

membres.

Silasolution radicaledesgouvernementsalliésconsiste à continuer l'expulsionde quelques dizaines de missionnairesrestants, il est évidentquel'avenir

du

catholicisme dansce pays serahypothéqué^^.

Le

pèreBarreau

demande

alorsaugénéralAymérich, s'ilestau courantde tout cet exode massif de missionnaires allemands sur

Femando-Po

et l'Angleterre.Pourtenterd'expliquerlesraisonsdeces départs forcés,onapu soutenir que ces religieux étaient dangereux durant la période de conquête.

La

rumeurabeaucoupcirculé, et elleaalimentéunecertaineopinionpublique, défavorableàlaFrance. Or, lorsqu'ils'agitd'une mesureaussigravequecelle d'expulser tous les représentants de quelque Église que ce soit, il faut des

preuves proportionnées -^^ ,:.

25.Ibid.

26.Ibid. .

'

27.Ibid.

'

- -

2^.Ibid.

29.Ibid.

30.Audébutdu moisdefévrier1916,legouvernementanglaisfitencorepartir18Pères, FrèresetSœurspallottins.

31.Ibid.

(14)

Pourlecasdu

Cameroun,

lePèreBarreauconsidèrequ'aucunfaitsérieux ne peut être opposé aux missionnaires catholiques allemands, apportant la

preuve qu'ils ont

manqué

aux lois civiles et aux lois canoniques^2.

En

conséquence,unemesuregénéraleconsistantàleschasser

du

territoire, serait considérée

comme

peu« sérieuse».

En

sa qualité de prêtre catholique, il prend une fois deplus ouvertement position pour ses coreligionnaires allemands. Il le dit clairement dans sa lettre :

«QuelesAllemandsen Europe,aientcommisdesactes inqualifiablesàl'endroitde nos prêtresetdenos temples-etc'estun pauvre argument pourdesgensàcourtevue ousansprincipes-onn'enapaspourautantledroitd'userdereprésaillesà l'endroit d'innocents, de missionnaires et de milliers de chrétiens, de rendre muettes leurs églises,déjà assez éprouvées parlepillage afin d'ajouterunmalàunautremal^^.»

De

plus, il attire l'attention du général

Aymérich

sur le fait qu'au Togoland, et au Sud-Ouest Africain,

on

ait maintenu les missionnaires.

Comment

expliquer «que ce qui parut légal, là-bas en pleine guerre, soit illégal ici en fin de conquête?

N'y

aurait-il point de l'arbitraire ou des influences inconnues34 7»

Au

terme de la première partie de son argumentation, l'avocat de circonstance des missionnaires allemands, avant de revêtir son manteau de citoyen français,

demande

au commissaire de la République française au

Cameroun,

«defairemaintenirau

moins

provisoirementets'iln'estpastrop tard, lesderniers Pères, Frères et

Sœurs

pallottins : dix entout, dont le chef

attitré [...] estlepère Hoegn, provicaire [...] 3^. »

En

défendantses coreligionnaires allemands, lePère Barreaunevoudrait pas apparaître aux yeux du représentant de la France,

comme un

mauvais

patriote.Fier d'être Français, illerésume danscette petitephrase :«

Nous

ne saurions rester indifférents à toute

campagne

anti-française, et à toute disposition loyale quipourrait amoindrircette

campagne

^^ ».Par

campagne

anti-française,ilentend,celle

menée

parlesnationsditesneutreset

Rome,

et qui tend,par« desargumentstendancieux »,àcomparerleravage des églises en Europeet lesmalheurs dontsouffrent cellesdu

Cameroun.

32.Ibid.

33.Ibid.

34.Ibid.

35.Ibid.

36.Ibid.

(15)

S'agissant de la situation sinistrée de ces églises, le Père Barreau tente d'apporterdesclarificationssur certainesaccusationsportéescontrelaFrance.

Celle-là

même

que les journaux rendent responsable de la spoliation des Missions, de certains mauvais traitements et dela façon partrop expéditive, dontcertains religieuxontétéchassésdeleurs stationsavec quelques hardes3^.

Il faudrait éviter que cette

campagne

anti-française perdure au détriment de la patrie, qui est déjà trop meurtrie.

D'où

l'interpellation finale

du

Père spiritain :

«[...]

mon

Général, alors qu'il est peut-être encore temps,je vous prie au

nom

de

l'Église,de30000conscienceshumainesetau

nom

denotrechère France,fdleaînée de l'Égliseetvengeressedudroit, dene pas permettre-si toutefoisvous enavezle

pouvoir-laconsommationd'une mesureanti-religieuseaumoins dansseseffets,et certainementantipatriotiquedans lescirconstances actuellesetfutures^^. »

Du

côtédes alliés britanniques, lePère

Hermann

desMissionsAfricaines de Lyon,etchapelaindes Anglais, engageluiaussides négociations enfaveur des missionnaires allemands.

Les interventions

du

Père

Hermann

auprèsdesautorités anglaises

Il écrit d'abord à quelques Pères allemands pour les rassurer. Il le fait

également de vive voix aux Pères prisonniers internés à Douala, avant leur

embarquement

pour la Guinée Espagnole

ou

le Nigeria. Il en parle aussi au PèreHoegn, alorsprovicairede laMissionpallottine au

Cameroun.

Ilproposeaugouvernementanglaisquequelques-unsdeces missionnaires soientmaintenus à

Douala

etdans les environs : rivedroite

du

Wouri.

On

lui fait de belles promesses, mais pour plus tard.

Le

Père

Hermann

relance les négociations auprès desautorités militaires locales.

Pressé de s'expliquer, l'officier anglais représentant le général Dobell, répond que la neutralité anglaise est de ne laisser aucun

Allemand

dans les colonies^^. Etpourtant, l'on pensait audépart, que dans lapartie soumise à l'influence anglaise, le retour des Pères pallottins dans leur Mission était

37./&/J.

38.Ibid.

39.Ibid. etLettreduPère BarreauàMgrLeRoy, Douala,30janvier1916.

(16)

beaucoupplusprobablequ'en zonefrançaise,d'autant plusqu'ilsavaientdes missionnairesd'origine anglaise^0.

Quant

àlapartie française,laquestiondu remplacementdes missionnaires allemandsseposede façondifférented'unterritoireecclésiastiqueà

un

autre.

Dans

la préfecture de l'Adamaoua, confiée aux Pères du Sacré-Cœur dé Saint-Quentin (province allemande) avant la guerre, le transfert semble

facile,puisque la

même

congrégation disposedemissionnairesdenationalité française. C'est àeux que revient la charge dès 1920, de continuer l'œuvre

commencée

par leurs confrèresallemands^1.

Par contre,dans levicariat apostolique du

Cameroun,

laprobabilité pour

les missionnairesdenationalité allemande derevenirdans leurchamp, après la guerre, est infime. Plusieurs officiers supérieurs de l'armée française d'occupation ont déclaré au Père

Douvry

que, ni pendant la conquête du

territoire, ni plus tard, les missionnaires allemands ne reviendraient au

Cameroun

'*2.

Les démarchesentreprisesparcertainsrnissionijairesfrançaisenfaveurde leurs coreligionnaires allemands ont finalement été vaines.

Cef

échec s'explique parle faitquelesautorités militairesonteuàstatueraussibiensur le cas des missionnaires protestants (suspectés d'avoir collaboré avec les

Allemands), quesur celuidesreligieux catholiques.Aussi ont-ellesjugéque

lesunset lesautres,

compte

tenude leurinfluencedanslepays,échapperaient difficilement au danger de se trouver impliqués-s'ils restaient

-

dans des

affaires politiques^3.

On

le comprend, en situation de guerre, «l'ennemi » est souvent traité

comme

tel.

En

d'autrestermes,« levainqueur»,après avoiroccupéle territoire,

ne saurait partager le butin de guerre avec « l'ennemi vaincu». Logique militaire qui s'oppose àcelle del'Église (du moinsthéoriquement)

il est

recommandé

d'aimersonennemi, etdeprierpourlui.

Comment

concilierles

deuxlogiques entemps deguerre, lorsqu'onestàlafoiscitoyen, de quelque paysvainqueurquecesoit, etmissionnairechrétien ?

L'échec deces négociations trouveraitpar ailleurs sonexplication, d'une

part, dans l'histoire récente de la.congrégation du Saint-Esprit, de l'autre,

danscelledes baptistes anglais.

40.Arch.C.S.Sp., 2J1.6., LettreduP. J.DouvryàMgrLeRoy, Édéa,28août 1915.

41.Arch.C.S.Sp., 2J1.6., Lettre du P. J.Douvry à Mgr Le Roy, Édéa, 22 avril 1915;

P.Roblot, «Les Prêtres du Sacré-cœur de Saint-Quentin du Cameroun», in Les Missions catholiques, n°3136, 16juin1931.

42.Arch.C.S.Sp., Lettredu

P

J.Douvry,du 22avril 1915.

43.«Cameroun,aperçu général» inBG,tome30, 384,avril 1922,p.725.

(17)

L'EXPULSION DES MISSIONNAIRES ALLEMANDS DU CAMEROUN

13

S'agissant des spiritains,

un

bref rappel de leur histoire révèle que leur premier projet d'établissement dans le protectorat allemand

du Cameroun

échoua en 1885, parce que le prince de Bismarck s'y opposa.

Le

prétexte à l'époque, étaitque lacongrégation du Saint-Esprit avait étédéclarée affiliée

auxjésuitesparles loisdu Kulturkampf. Ilpensaitque« cesjésuites »étaient naturalisés français. Or, « les Français, selon Bismarck, ne souffriraient probablementpas

non

pluslaprésence des missionnairesanglais

ou

allemands dans leurs colonies'^'^». C'est pourquoi, le gouvernement allemand préféra les pallottins auxspiritains français, pourévangéliserle

Cameroun.

Il est donc clair que l'opposition des autorités militaires françaises au maintien des missionnaires allemands au

Cameroun - comme

le pensaient les spiritains

eux-mêmes

à l'époque

-

n'étaitque « leraisonnement de

M.

de Bismarckqui se retournait contre eux^5 ».

Le même gouvernement

n'était pas disposé à cohabiter avec des missionnaires baptistes anglais, dont l'influence très ancienne auprès des autochtones de la côte camerounaise était de nature à provoquer des soulèvements contre la présence allemande.

On comprend

pourquoi le transfert de lacolonie baptiste anglaise de Victoria (aujourd'hui

Limbe)

aux Allemands, le 28 mars 1887^^, obligea la BaptistMissionary Society à se retirerdu

Cameroun.

Le

territoireayantchangé de mains par suitede laguerre, les Françaiset lesAnglais, quileconvoitaientdepuisla fin

du

xix^siècle ^7,n'hésitèrentpas defaireappel à leurs ressortissantsmissionnairespour remplacerlesreligieux allemands.

Conclusion

En

prenantposition enfaveurdu maintien des missionnaires allemands, à lasuitedeleurexpulsion

du Cameroun

pendantlapremièreguerremondiale, les Pères français Barreau et

Hermann

s'inscrivent dans la logique d'un principe cher à

Rome

: l'universalité de l'Église catholique. Ils s'efforcent

44./è/J., p.724. ;.

- A5.Ibid.

46. V.G.FANSO,«CommerceethégémoniesurlacôteduCameroun(1879-1887)» in

M.Z.

NJEUMA

(dir.),HistoireduCameroun(xix^s.-début xx^s.),Paris,L'Harmattan, 1989, p.128.

47./è/J., p.99-133.

(18)

d'appliquerl'instructionromaine de 1659, quileurdemandaità seséparerde lapropagandenationale^8.

De

cefait, ilsse situentàl'avant-gardedel'esprit

de lalettre apostolique

Maximum

Illud

du

30

novembre

1919, publiée parle pape Benoît

XV

49. Bien qu'ils bénéficient des dispositions favorables àla relèvedespallottins allemands,ils se démarquent d'unpatriotisme exacerbé, susceptible d'entraver le caractère supranational du catholicisme et son enracinement enterreafricaine.Optionquiferaitcontre-poidsla«tentation

endémique

» qui consiste souvent à l'ère coloniale, d'associer sans discernement, les intérêtsdela Missionetceux de lapatrie

du

missionnaire.

Le

discours qu'ils tiennent à travers leurcorrespondanceinédite, nous paraît à ceteffetéquilibré.Ilpermetde revisiter etde nuancerlanotion d'«alliance sacrée »entrepouvoir temporeletpouvoirspirituel, oucellede«patriotisme exacerbé des agents de laMission».Ilinviteàuneréécrituredel'histoiredu christianisme missionnaire au

Cameroun,

qui prend en

compte

ladiversité des temps, des lieux, des situations, et des acteurs impliqués dans les événements.

48.J.

COMBY,

Deuxmilleansd'évangélisation, Paris,Desclée/Begédis, 1992,p.266-267.

49.Ibid.

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