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Introduction La tendance est à la réforme

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Academic year: 2022

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La tendance est à la réforme

Si l’école d’autrefois était d’une remarquable stabilité, celle d’aujourd’hui est indiscutablement plus changeante. Elle est devenue une fenêtre ouverte sur un monde en mutation. Aussi, pour faire corps avec son époque, l’institution scolaire n’a pas le choix de s’ajuster au rythme effréné de l’évolution des mœurs, des politiques, de l’économie, de la technologie, des savoirs et de la culture, ce qui explique sans doute pourquoi elle subit de plus en plus fréquemment les ondes de choc d’importantes réformes.

On associe généralement à l’action réformatrice trois idées-forces complémentaires. La première est celle de changement. On emploie comme synonyme de réformer les verbes changer, transformer ou refondre qui traduisent tous le passage d’un état connu à un état nouveau et différent.

Le sens de cette mutation est bien entendu positif. En effet, quel autre but une réforme pourrait-elle avoir en dehors de bonifier un système en dys- fonctionnement ? C’est là le deuxième effet que l’on attend d’une réforme.

Elle n’a pas pour seul but de changer, mais de changer en bien, d’améliorer, de rectifier, de rénover ou encore de corriger les travers de l’ancien régime.

De ces prétendues insuffisances découlent d’ailleurs la troisième idée, celle d’une « avant-réforme », dont il faut se libérer pour avancer. Cela explique sûrement pourquoi il est dit d’une chose réformée qu’elle a été mise hors service et qu’on trouve aussi comme synonyme de réformer des verbes comme enlever, retrancher, supprimer ou exempter qui marquent une rupture avec le passé.

Ce bref essai de définition montre comment, dans un monde idéal, devrait se dérouler une réforme. Dans ce monde, on quitterait donc un mal pour un bien afin de donner un nouvel élan à l’objet réformé. Il ne faut pas pousser bien loin sa curiosité pour comprendre qu’au Québec nous sommes loin de cette réalité. En fait, quelques mots échangés avec quiconque s’in- téresse un tant soit peu au domaine de l’éducation suffisent à faire surgir de vives réactions au sujet de l’actuelle réforme. Pour de multiples raisons,

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celle-ci ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté éducative, elle entraîne même de sérieuses insatisfactions autant chez les enseignants que chez les parents d’élèves et les universitaires. Il faut dire que le virage auquel aboutit cette réforme est très serré, qu’il mène ni plus ni moins vers un changement de paradigme qui dépasse, certains diront détourne, les objec- tifs fixés initialement par le Ministère à l’issue des consultations tenues lors des États généraux sur l’éducation.

En accord avec Reboul (1984), nous pensons que toute forme d’œcu- ménisme est utopique dans un domaine comme l’éducation puisque : « […]

les querelles, les passions qu’il suscite ou qui le suscitent, les justifications rationnelles ou pseudorationnelles qu’il invoque, le mélange explosif de logique et d’émotivité qui le constitue, tout cela laisse entendre qu’il [le discours éducatif] est profondément idéologique. » (p. 9) Or, si cette nature idéologique semble incontournable, elle n’en reste pas moins inquiétante dans la mesure où, comme c’est le cas présentement au Québec, elle produit à terme un discours pédagogique éclaté, suffisamment éclaté d’ailleurs pour se poser la question, comme le font Allaire et Tondreau (2005) : « Doit-on arrêter la réforme en éducation ? » Lorsque l’avenir d’une génération d’enfants est en jeu, une telle remise en question est surprenante, dérangeante même.

Pourquoi en est-on arrivé à une telle impasse ?

En quêtE dE l’Esprit dE la réformE

Comme l’explique Legendre, pour mettre en œuvre le programme, il faut d’abord en comprendre l’esprit (Virage, Hiver 2001). Facile à dire, mais loin d’être aussi simple à faire quand on pense que c’est précisément l’essence de cet esprit qui nous a conduits à cette impasse. Mais faisons quand même l’exercice et entamons notre réflexion sur ce concept d’« esprit » qui semble si limpide pour certains, mais qui ne l’est pas du tout pour nous. Qu’entend- on par esprit de la réforme ? C’est la question qui nous habite dans cet ouvrage.

Il y a dans la notion d’esprit quelque chose d’insondable, une part d’inconnu qui intrigue comme en fait foi l’évolution du sens qu’on lui a accordé. En effet, ce sentiment d’évanescence s’explique entre autres par le sens biblique qu’on attribue à ce mot. Du latin spiritus, « le souffle », on y entend dans les Évangiles le souffle de Dieu, celui qui guide et prêche la bonne parole partout où il passe. Ainsi, cette inspiration divine est comme un fil d’Ariane qui guide les adeptes sur la bonne voie, celle du Seigneur.

L’esprit sera un peu plus tard défini comme un être incorporel ou l’émana-

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tion d’un corps. Ici encore, l’image d’une réalité diffuse domine. Rien de palpable ou de concret pour un esprit qui nous échappe toujours plus.

Beaucoup plus terre à terre, l’esprit fut plus récemment associé à la pensée.

Ainsi décrit, il évoque l’idée d’une réalité pensante, d’une sorte de doctrine philosophique sur la matière. Pouvoir d’action remis en cause, déterminisme ou fatalisme exacerbé, nous sommes pilotés par des lois immuables qui dépassent notre entendement, mais qui émergent d’un inconscient collectif.

La dernière définition, plus proche de celle qui nous intéresse, redonne à l’humain ses droits d’auteur sur sa vie. L’esprit est considéré comme un fond d’idées ou de sentiments qui oriente l’action d’une collectivité concrète ou abstraite.

Malheureusement, on se rend compte qu’il n’est pas plus simple de circonscrire un fond d’idées que de contenir un être spirituel. C’est justement ce côté imperceptible qui nous incite à nous questionner : est-il possible de délimiter cet être immatériel qui préside à la réforme ? Le discours qui entoure cette dernière est-il suffisamment clair sur la nature de cet esprit ? L’état actuel du débat sur les effets du renouveau pédagogique1 montre que la réponse à ces questions est loin d’être évidente. Les nombreuses difficultés éprouvées au cours de l’implantation de la réforme proviennent, selon nous, d’une part, d’un manque certain de lisibilité quant aux intentions réelles des réformateurs et, d’autre part, de l’inconsistance qui caractérise le discours de cette réforme. Tantôt tranchés, tantôt nuancés, tantôt blancs, tantôt noirs, et même parfois gris, les tenants et les aboutissants de cette réforme éducative nous filent entre les doigts pour nous laisser au bout du compte perplexes devant le genre de contradictions suivantes illustrées sous forme de vignettes.

1. La réforme du curriculum s’est transformée en « renouveau pédagogique » en cours d’implantation. Ce changement est apparu en 2005.

Précisons d’emblée que la réforme de l’édu- cation ne décrète pas un changement de paradigme, mais s’inscrit plutôt à l’intérieur de changements qui ont cours depuis plu- sieurs années déjà et constituent la trame de fond sur laquelle vient se greffer le nouveau curriculum. (Legendre, 2004a, p. 19)

le changement de paradigme de l’ensei- gnement à l’apprentissage est l’un de ces virages que devra effectuer le milieu de l’éducation. (Virage Express, 2001)

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[…] non, la réforme du curriculum d’études n’est pas d’abord une réforme ou un re- nouveau pédagogique. Cette réforme, ce renouveau si l’on préfère, est, comme d’ailleurs on le nommait tout au début, une réforme du programme d’études de l’école primaire et secondaire. Et en ne parlant ja- mais de cette réforme ainsi, en ne nommant pas ce qu’elle est d’abord, on se disperse, on s’épivarde dans des batailles secondaires, on manque l’essentiel. (Inchauspé, 2007, p. 15)

La réforme implique plus qu’un réamé- nagement du curriculum. En effet, elle ouvre des chantiers qui touchent à toutes les di- mensions de la pratique éducative : la pratique elle-même, plus autonome, mais plus concertée; l’évaluation des apprentissa- ges; l’intégration des technologies de l’information et des communications; la formation initiale; la formation continue, pour éviter l’illusion d’un changement qui n’affecterait que les contenus de programmes. (Virage, Hiver 1998)

La formation ou l’accompagnement à don- ner aux enseignants, dans un contexte de changement comme celui qui caractérise la réforme de l’éducation et la rénovation du curriculum, ne doit pas s’inscrire en com- plète discontinuité avec les pratiques existantes […] (Legendre, 2004a, p. 44)

« Nous sommes maintenant dans une trajec- toire de changements qui est probablement beaucoup plus de l’ordre de la rupture que la continuité. » (Tardif, Virage Express, 2001)

Les orientations du Programme de formation ouvrent à la diversification des pratiques pédagogiques. L’enseignant ou l’enseignante doit être en mesure de choisir les approches pédagogiques qui lui conviennent et qui correspondent aux besoins des élèves.

(Rioux-Dolan, Virage, juin 2000)

L’approche par compétences amène le per- sonnel enseignant à travailler sur des situations-problèmes, dans le cadre d’une pédagogie du projet en même temps qu’elle demande aux élèves d’être actifs et engagés dans leurs apprentissages. (Perrenoud 1995b, p. 6)

Nous pouvons repérer dans le discours qui entoure la réforme une multitude d’exemples de ce genre, nous aurons l’occasion d’en examiner plusieurs en détail dans les trois chapitres qui composent cet ouvrage. L’im- portant à retenir pour l’instant est que le discours de la réforme est porteur de confusion. Or, nous sommes bien obligés de constater avec Inchauspé (2007) que, au fil des discours et des écrits, cet agrégat de propos nous amène tout simplement à « perdre l’esprit » :

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Bien sûr, il est normal que vous soyez un peu perdus. Vous n’avez plus, me dites-vous, de repères dans le brouhaha qui actuellement entoure cette réforme de l’éducation pourtant en marche depuis dix ans. En effet, comment y voir clair ? Le ministère de l’Éducation lui-même devant les contestations auxquelles il a dû faire face semble avoir perdu le sens premier de ce qu’il entreprenait. Pour calmer les craintes des opposants, il ne parle plus de « réforme » pédagogique, mais de renouveau pédago- gique. La pilule, pense-t-il, sera plus facile à avaler. (p.15)

Bel euphémisme que l’image de la pilule, mais nous serions tentés de la remplacer par celle de la cuillère d’huile de foie de morue tant la tournure que prend la réforme éducative au Québec fait grimacer notamment en atteignant le seuil du secondaire où la contestation de la réforme, au dire d’Inchauspé (2007) « […] a pris la forme d’une cacophonie où se sont entremêlés débats d’universitaires spécialistes des sciences de l’éducation, résistances d’organisations syndicales, interventions des médias frisant par- fois la désinformation, chacun renforçant sa position par celle de l’autre ».

(p. 12) L’accumulation de critiques n’a fait qu’augmenter le flou qui entou- rait déjà le renouveau pédagogique au point que l’on se trouve une fois encore dans la plus totale confusion.

Le problème soulevé ici est bien celui d’un manque de clarté quant à nature de la réforme du curriculum au Québec. Maintes fois invoqué et évoqué, l’esprit de la réforme paraît néanmoins insondable. L’éclatement du discours qui entoure les changements qui s’opèrent au sein du système éducatif québécois brouille les pistes, si bien que nous n’arrivons plus à distinguer l’essentiel du secondaire, l’ivraie du bon grain. Très largement, on parle de réforme du curriculum, mais le problème est que, pour certains, le gros du travail concerne les programmes d’études, alors que pour d’autres, ce sont les stratégies pédagogiques utilisées en classe qui doivent être entiè- rement revisitées.

En faisant se rencontrer dans cet ouvrage des thèses souvent opposées provenant aussi bien de discours officiels, de témoignages, de travaux de chercheurs ou d’articles de presse, nous souhaitons retracer l’évolution du discours qui a accompagné la mise en œuvre de la réforme afin d’en com- prendre le sens.

EncorE un ouvragE sur la réformE…

C’est justement parce qu’elle se situe au cœur de débats houleux et bien souvent complexes, que la réforme éducative au Québec a déjà fait

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couler beaucoup d’encre. Que peut-on alors espérer d’un ouvrage supplé- mentaire sur le sujet ? Notre étude porte sur le discours qui fonde la réforme du curriculum depuis son initiation jusqu’à nos jours. Son originalité con- siste à associer, par une revue documentaire, différents registres de discours pour tenter de reconstituer l’évolution des idées et des réactions qu’elle a suscitées au sein de la communauté éducative.

Mus par le désir de mettre un visage sur l’esprit de la réforme curri- culaire au Québec, il nous a donc fallu, en premier lieu, déterminer un ensemble de textes en rapport avec cette réforme et dont le contenu per- mettrait d’atteindre notre objectif. Ensuite, il s’est avéré important de structurer notre corpus en trois catégories de textes, chacune apportant un éclairage particulier à la compréhension du discours qui porte sur la réforme du curriculum. Ces familles de textes nous permettent de couvrir un champ d’investigation assez large qui combine une perspective horizontale et une perspective verticale. La première fait référence à la dimension historique de notre étude ou, plus modestement, à la volonté de porter un regard en profondeur sur l’ensemble de la réforme, alors que la seconde renvoie aux différentes institutions d’attache (Martinand, 1992) ou cultures d’apparte- nance (Vincent, 2004) impliquées dans cette réforme et dont nous essaierons de prendre en considération les points de vue. Ce regard croisé devrait nous permettre de mieux comprendre l’évolution et les subtilités du discours de la réforme.

Une première famille de textes réunit les textes fondateurs. Les comptes rendus des États généraux sur l’éducation (L’exposé de la situation, MEQ, 1996a et Les dix chantiers prioritaires, MEQ, 1996b), associés à la missive de la ministre Pauline Marois Réaffirmer l’école : Prendre le virage du succès (MEQ, 1997a), le rapport Inchauspé publié la même année (MEQ, 1997b) et le Programme de formation de l’école québécoise (MEQ, 2001) consti- tuent selon nous les textes fondateurs de la réforme. Les deux premiers avaient pour objectif de faire le bilan des consultations préliminaires orga- nisées par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS2), les deux suivants présentaient la formulation explicite des nouvelles orientations éducatives qui présideraient la restructuration du curriculum de l’école québécoise. Par la lecture de ces textes, nous souhaitons mettre au jour les raisons et les intentions premières qui ont bercé la présente réforme, étape obligée si nous voulons avoir la possibilité de saisir les débats actuels. De

2. Lors du remaniement ministériel effectué par le gouvernement libéral de M. Jean Charest, le 18 février 2005, le ministère de l’Éducation (MEQ) est devenu le minis- tère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).

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plus, comme les discussions qui ont eu lieu au début de cette réforme s’ins- crivaient dans le prolongement d’autres rapports, comme le rapport Corbo (1994), par exemple, il nous est paru important de relire quelques ouvrages de référence qui retracent l’histoire des réformes éducatives au Québec (Gosselin et Lessard, 2007 ; Gauthier et Saint-Jacques, 2002 ; Painchaud et Lessard, 1998 ; Rocher, 2004), et ce, afin d’inscrire la réforme actuelle dans un contexte historique plus large et d’améliorer notre compréhension des enjeux qui la sous-tendent. Enfin, le dernier de ces textes fondateurs, le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), ne correspond ni plus ni moins qu’à l’aboutissement de la démarche, le produit final qui a été appliqué dans toutes les écoles primaires du Québec. Il constitue en cela un document essentiel à analyser.

Une deuxième famille de textes regroupe les articles de la revue Virage, publiée par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Nous cher- chions un moyen efficace de suivre de près l’implantation de la réforme éducative. La revue Virage s’est imposée à nous comme une évidence. Après tout, ses rédacteurs l’ont définie comme la revue de la réforme, car elle y a été exclusivement consacrée. La publication de Virage a été interrompue à l’hiver 2009 après 12 ans d’existence, le Ministère ayant estimé que le renouveau étant maintenant en place au primaire et au secondaire et que la revue avait accompli sa mission. L’objectif de cette revue ministérielle a été de soutenir l’ensemble des personnes concernées par le travail d’appropria- tion et de mise en œuvre de la réforme et des nouveaux programmes d’études.

En fait, cette publication a constitué l’outil privilégié par lequel le Ministère a prodigué ses conseils aux différents membres et acteurs de la communauté éducative. Il faut également savoir que les rédacteurs de Virage ont construit en grande partie leurs écrits grâce aux propos rapportés d’hommes politiques, d’universitaires, d’enseignants, de parents et même d’élèves. L’accès, même indirect, aux propos de différentes cultures d’appartenances augmente nos chances de couvrir de façon plus exhaustive le discours de la réforme. La revue Virage a été éditée en volumes couvrant chacun une année scolaire (de septembre à août) et contenant plusieurs numéros. Notre corpus englobe l’ensemble des numéros parus entre 1998 et 2007, soit un total de 40 numéros.

Un sondage a été réalisé en 2004 par le service de recherche du minis- tère de l’Éducation auprès de 2800 enseignants pour vérifier l’impact de la revue dans les écoles. Ce sondage visait à : 1) s’assurer que la revue Virage cheminait bien jusqu’au milieu scolaire ; 2) vérifier la pertinence d’une telle publication auprès de son lectorat et 3) évaluer de quelle manière la revue Virage pouvait continuer à aider les milieux scolaires à progresser sur le

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chemin de la réforme. Les résultats ont été les suivants : 99, 4 % des répon- dants ont affirmé recevoir la revue Virage à leur école, et ce, en nombre suffisant. De plus, 70 % des répondants ont souligné qu’il était pertinent que le ministère de l’Éducation publie une revue d’information pour aider les intervenants du réseau scolaire à implanter la réforme (Virage, décembre 2004, p. 20).

Une troisième famille de textes rassemble les positions d’universitaires.

Alors que l’une des critiques émises est le manque de représentants univer- sitaires dans les décisions qui ont bercé la réforme, ceux-ci n’ont pas manqué l’occasion de rattraper leur retard en publiant abondamment sur à peu près tout ce qui touche le renouveau pédagogique. Il faut dire que les boulever- sements substantiels de ce dernier ont apporté de l’eau à leur moulin. Ainsi, on ne compte plus les ouvrages et articles parus au sujet de l’approche par compétences, de l’évaluation des compétences, du constructivisme ou du socioconstructivisme, de l’intégration des TIC, du changement de para- digme, etc. Tous ces textes recèlent une mine d’informations très importantes pour la compréhension du discours global de la réforme. En effet, leur statut de chercheurs et de formateurs font des universitaires un public forcément engagé dans le processus de réforme. C’est pour cette raison qu’il sera nécessaire de s’arrêter sur le discours universitaire qui fait lui aussi partie intégrante du discours plus global de la réforme.

Par ailleurs, on peut remarquer deux tendances dans le discours uni- versitaire. De façon quelque peu grossière, on pourrait dire qu’il y a, d’un côté les partisans et, de l’autre, les critiques3. D’une part, ceux et celles qui accompagnent l’implantation de la réforme en tentant d’en éclairer les fondements et d’en vanter les bienfaits, d’autre part, ceux et celles qui voient en cette même réforme une dérive évidente et qui espèrent l’enrayer avant qu’elle n’atteigne le secondaire. Ces deux réalités sont essentielles à la bonne compréhension du discours et pour cette raison, elles seront prises en con- sidération dans le présent ouvrage. Ainsi, nous étudierons aussi bien les textes d’auteurs soutenant la réforme, comme Legendre, Perrenoud, Tardif ou Jonnaert que ceux d’autres qui la contrindiquent comme Gauthier, Baillargeon, Boutin ou Pierre.

3. Certains textes critiques sur la réforme étudiés dans le présent ouvrage ont été publiés antérieurement soit par Clermont Gauthier seul soit en collaboration avec des col- lègues. Ces textes ont eu un écho dans les milieux de l’éducation au Québec et font partie en quelque sorte de l’histoire des débats sur la réforme. Ils sont considérés ici comme des objets à analyser dont nous discutons tout en sachant bien que nous sommes partie prenante dans les débats.

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C’est donc à travers l’étude du discours ministériel, du discours uni- versitaire et de celui des acteurs de terrain que nous espérons apporter au lecteur des éléments nécessaires à sa compréhension des débats en cours.

En outre, vu sa complexité et son caractère confus, il faut être conscient qu’il est difficile d’établir une chronologie parfaite dans le discours de la réforme. Nous avons tout de même émis l’hypothèse de trois mouvements qui selon nous retracent assez bien l’évolution des enjeux et des débats et qui divisent cet ouvrage en autant de chapitres. Le premier, D’une réforme curriculaire à une réforme pédagogique, reprend l’idée en tentant de l’expliquer

« […] qu’il y a eu un dérapage majeur entre ce que les États généraux pré- conisaient, ce qu’avait annoncé par la suite la ministre Pauline Marois en matière de modifications du curriculum et ce qui a effectivement été appliqué ». (St-Germain, 2008, p. 17) On peut même parler d’un glissement sur le terrain de la pédagogie qui dépasse largement le recentrage des finalités, l’ajout ou le retrait de contenus disciplinaires et une plus grande insistance sur la dimension culturelle, points qui constituaient pourtant les objectifs initiaux de la réforme (Gauthier, 2008). Le deuxième chapitre intitulé D’une réforme pédagogique à l’édification d’un nouveau paradigme éducatif décrit comment, rendu sur le terrain de la pédagogie, le discours des réformistes se radicalise par l’effet de mécanismes de filiation et d’opposition. Enfin, le troisième chapitre, D’un essai de clarification à un surplus de confusion, fait état d’un double mouvement qui découle directement des deux précédents.

Un premier mouvement de critiques sévères allant à l’encontre des choix et du ton assuré des réformistes, accompagné d’un second mouvement de repli que l’on pourrait qualifier de relativiste où les partisans de la réforme répon- dent aux reproches qui leur ont été adressés. Ces trois mouvements derrière nous, nous y verrons, espérons-le, plus clair quant à l’esprit qui anime depuis maintenant plus de dix ans la réforme curriculaire au Québec.

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