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Du constat à la mise en œuvre dans les établissements sanitaires, médico-sociaux et sociaux

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Academic year: 2022

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La qualité de vie au travail au service de la qualité des soins

Du constat à la mise en œuvre dans les établissements

sanitaires, médico-sociaux et

sociaux

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En partenariat avec

Ce guide, comme l’ensemble des publications, est téléchargeable sur www.has-sante.fr

Haute Autorité de Santé – Service Communication - information 5 avenue du Stade de France 93218 Saint-Denis-La Plaine CEDEX

Tél. : +33(0)1 55 93 70 00 - Fax : +33(0)1 55 93 74 00

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Sommaire

Synthèse ___________________________________________________________________________ 4 Introduction ________________________________________________________________________ 5 1. Qu’entend-on par « qualité de vie au travail » _________________________________________ 7

2. Tous concernés par la qualité de vie au travail, pour des raisons différentes mais

complémentaires ________________________________________________________________ 8 2.1 Des professionnels conscients des contraintes et qui aspirent à travailler autrement…

pour les dépasser ____________________________________________________________ 8 2.2 Des cadres au cœur du dilemme de la qualité des soins _____________________________ 9 2.3 Un corps médical en transformation : entre droit commun et spécificité _________________ 10 2.4 La gouvernance : entre contrainte externe et cohérence interne ______________________ 10 2.5 Les représentants du personnel : vers des pratiques syndicales renouvelées ____________ 11

3. La qualité de vie au travail installe un cadre d’action ancré sur les enjeux de

performance et de qualité des soins _______________________________________________ 12 3.1 Redonner du pouvoir d’agir aux professionnels sur le terrain _________________________ 12 3.2 Accompagner les équipes au cœur des transformations ____________________________ 13 3.2.1 Une direction présente mais pas omniprésente ___________________________________ 13 3.2.2 Un état des lieux élaboré au regard de l’activité ___________________________________ 13 3.2.3 Un mode opératoire : tester, évaluer, décider _____________________________________ 14 3.2.4 Une intégration de la qualité de vie au travail _____________________________________ 15 3.3 Renforcer la synergie avec la qualité des soins, la sécurité des patients ________________ 15 3.3.1 La qualité de vie au travail : la qualité du travail au cœur des équipes __________________ 16 3.3.2 Management de la qualité et de la gestion des risques, amélioration continue de la

qualité des soins, facteurs de qualité de vie au travail ______________________________ 17

Conclusion ________________________________________________________________________ 21 Pour aller plus loin __________________________________________________________________ 22 Auteurs ___________________________________________________________________________ 23 Relecteurs _________________________________________________________________________ 24

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Synthèse

Ce document s’adresse à l’ensemble des professionnels intervenant dans un établissement de santé, médico-social ou social qui sont susceptibles de s’investir sur la qualité de vie au travail : direction, encadrement, salariés, médecins et représentants du personnel.

Vous n’y trouverez pas de démarches clés en main, car la qualité de vie au travail s’appréhende surtout au regard des enjeux locaux et d’une situation concrète. Il appartient à chaque établissement de cons- truire son propre chemin de qualité de vie au travail. Identifier quelques points de repère est cependant utile avant de passer à l’action.

Qualité de vie au travail : de quoi parle-t-on ?

La qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de con- cilier amélioration des conditions de travail pour les salariés et performance globale des établissements de santé, médico-sociaux et sociaux. Dans un contexte complexe, parfois difficile, la qualité de vie au travail ouvre de nouvelles voies. Pour ce faire, elle développe les ressources liées à l’engagement des professionnels et s’intéresse aux organisations concrètes du travail. Elle s’appuie sur l’expertise des professionnels quant à leur propre travail et à leur capacité à identifier des marges de manœuvre et des moyens d’améliorer les organisations.

Elle repose sur l’engagement de toutes et de tous et postule d’un renouvellement managérial favorisant une plus grande autonomie laissée à chacun dans la réalisation de son travail. Une telle approche invite chacun à s'interroger sur son positionnement au sein du collectif de travail, sa contribution au travail collectif, et à réinventer les modalités de ces coopérations.

La qualité de vie au travail n’est en aucun cas un nouveau projet autonome qui viendrait se surajouter à tous les autres projets déjà en place, contribuant ainsi à saturer un peu plus l’organisation et les équipes.

Elle est, au contraire, une façon de construire l’action collective qui entre en résonnance et s’articule avec les démarches d’amélioration de la qualité des soins dont elle constitue l’un des déterminants principaux.

Une ressource dans la transformation de l’activité liée à des évolutions économiques, sociales, organisationnelles et environnementales

Concrètement elle repose sur la réalisation d’un état des lieux partagé et sur un mode opératoire qui se résume en trois mots : tester, évaluer, décider.

Tester, c'est expérimenter des réponses aux doutes ou controverses portés par les professionnels concernés sur l’organisation idéale du travail en collectif.

Évaluer, c'est « embarquer » les professionnels concernés par l'expérimentation dans un processus collectif d'identification des critères qui permettront de juger de la pérennisation ou non de la nouvelle organisation.

Décider, c'est, à l'aune des résultats de l'évaluation « embarquée »1, assumer les compromis néces- saires pour la mise en œuvre du changement projeté. Il s'agit d'une nouvelle manière d'instruire un processus décisionnel plus transparent et plus impliquant pour tous.

Une résonnance entre qualité de vie au travail et qualité des soins

La mise en place d’une démarche QVT doit être imaginée comme un processus itératif étroitement corré- lé à l’amélioration de la qualité des soins. Ce document formalise la jonction entre des pratiques visant à améliorer la qualité de vie au travail et des pratiques visant à améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients, notamment dans le cadre de la démarche de certification.

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Introduction

Pourquoi s’intéresser à la notion de qualité de vie au travail ? Pourquoi s’intéresser à la notion de qualité de vie au travail dans les établissements de santé, médico-sociaux et sociaux ? Pourquoi faut-il rendre compte de cette démarche dans le compte qualité dans le cadre du dispositif de certification des établis- sements de santé ? Encore une nouvelle exigence des pouvoirs publics qui viendrait se surajouter à toutes les autres et dont le sens profond peut parfois rester caché ?

Les acteurs sont nombreux aujourd’hui à promouvoir l’amélioration de la qualité de vie au travail :

• le ministère des Solidarités et de la Santé avec la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail ;

• la HAS avec la certification ;

• les organisations syndicales de toutes les catégories professionnelles se faisant le relais du vécu des professionnels et dénonçant régulièrement la dégradation des conditions de travail et la hausse des risques psycho sociaux ;

• la Direction générale de l’administration de la fonction publique incitant à des négociations pour abou- tir à un accord sur le sujet ;

• des directions d’établissements de santé, médico-sociaux et sociaux en recherche de nouvelles formes de management plus efficientes sur le plan social et sur le plan de la qualité des soins, les pro- fessionnels témoignant d’une perte de sens au travail, d’une pression leur laissant un sentiment d’inachevé en quittant le service, le soir ou le matin ;

• les usagers qui déplorent les situations où les professionnels sont trop peu disponibles et qui font le lien avec la bientraitance…

La qualité de vie au travail apparaît alors protéiforme : elle est à la fois un résultat recherché et le chemin pour y parvenir. Elle permet ainsi de répondre à la diversité des attentes et à l’ambition de redonner de la cohérence à la multitude des projets et des enjeux des établissements.

La revue de littérature publiée en 2015 par la HAS démontre comment qualité de vie au travail et qualité des soins2 entrent en résonnance, à partir de l’analyse de recherches venant de disciplines différentes.

Que peut-on retenir de cette revue de littérature qui aujourd’hui viendrait éclairer notre démarche ? À un niveau micro, elle montre l’importance du collectif de travail et de l’équipe comme ressource pour les professionnels : le soutien des pairs, le soutien du management, la qualité des relations permettent tout à la fois de réaliser un travail de qualité et de faire face aux difficultés de l’exercice professionnel dans un contexte de charge mentale importante dans le secteur de la santé. Elle porte en elle la nécessi- té d’entendre ce que les professionnels ont à dire de leur quotidien.

À un niveau macro, les transformations majeures du système de santé viennent percuter profondément les organisations du travail, que ce soit :

• les réorganisations territoriales, avec notamment les groupements hospitaliers de territoire (GHT), mais également le mouvement important de fusion dans le secteur privé, l’incitation à structurer l’offre de soins selon les parcours des patients qui contraignent à de nouvelles coopérations et répartition des tâches ;

• les évolutions du financement de l’activité, les évolutions de la gouvernance des établissements, de la place des usagers, autant de réformes qui viennent bousculer les organisations et mettre en difficulté les collectifs de travail ;

• le virage ambulatoire porté par les pouvoirs publics qui vient transformer la nature même du travail à réaliser ;

• la question de l'évaluation des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients qui nécessite des espaces de réflexion ;

• le développement des nouvelles technologies, la télémédecine qui oblige à de nouveaux modes d’exercice et de coopération, entre professionnels et avec les patients ;

2 www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2610262/fr/revue-de-litterature-sur-qualite-de-vie-au-travail-et-qualite-des-soins

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• ou tout simplement l’augmentation des maladies chroniques dont les dernières études prospectives menées par la CNAMTS montrent l’importance toujours croissante et qui change l’objet du travail : il ne s’agit plus de soigner pour guérir un malade, mais d’accompagner des patients pour leur permettre de vivre au mieux au quotidien avec une maladie et d’acquérir plus d’autonomie.

L'enjeu est de faire entrer la qualité de vie au travail au plus près des équipes, afin de s'adapter au mieux à ces évolutions. Il s'agit aussi de garantir un « bien-être au travail » par des démarches nouvelles qui enrichissent et prolongent les dispositifs existants d'amélioration de la qualité des soins.

Grâce au financement et à l’implication de la DGOS, la HAS et le réseau Anact-Aract pilotent, depuis 2015, un vaste projet d’expérimentation dans les établissements, principalement de santé, mais égale- ment médico-sociaux. Il s’agit de mettre en œuvre, de façon opérationnelle, la démarche de qualité de vie au travail et de développer les méthodes qui permettent d’atteindre les résultats escomptés. Au total, 15 régions et 189 établissements auront expérimenté une démarche de qualité de vie au travail d’ici le début de l’année 2018. Les enseignements de cette expérimentation sont multiples et sont le terreau de ce document intitulé « de l’idée à la mise en œuvre ». Ils ont été formalisés d’une part au sein de séminaires méthodologiques réunissant les Aract et d’autre part grâce au travail des chercheurs impliqués dans l’évaluation du dispositif d’expérimentation. Ces résultats ont été discutés au sein de groupes de travail réunissant ARS et Aract et au sein du comité paritaire rassemblant fédérations d’établissements de san- té, organisations syndicales de salariés et de médecins.

Ce document, s’adresse aux acteurs, y compris les usagers, intervenant à tous les niveaux dans un établissement de santé ou médico-social pour participer à l’ancrage de la qualité de vie au travail, no- tamment en pilotant différemment les projets en cours ou à venir et en revisitant dès à présent la manière de travailler ensemble. Certains établissements se verront encouragés dans leur fonctionnement déjà orienté vers la qualité de vie au travail.

Ce document a pour objectif, à partir de l’ensemble de ces matériaux, de proposer un cheminement réflexif, permettant à chacun d’appréhender de manière concrète :

• ce qu’est la qualité de vie au travail ;

• pourquoi il y a un intérêt individuel et collectif à s’investir sur les dimensions de la qualité de vie au travail ;

• comment cet investissement collectif peut se construire, se co-construire à tous les niveaux des éta- blissements et au regard de leurs enjeux actuels, enjeux locaux et enjeux du système : performance, qualité des soins, adaptations aux réorganisations de l’offre de soins et coopérations territoriales.

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1. Qu’entend-on par « qualité de vie au travail »

La qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de con- cilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des établissements de santé, médico-sociaux et sociaux3. Elle se traduit par un sentiment individuel et collec- tif de bien-être au travail qui résulte :

• des conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail ;

• et de leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci.

La clé de voûte de la qualité de vie au travail réside dans le pouvoir d’agir sur son travail : elle place le travail, son organisation, sa transformation au centre du dialogue professionnel au sein des services et du dialogue social au sein des instances représentatives du personnel. Redonner le temps pour pouvoir discuter et agir sur les conditions d’exercice favorise l’engagement des personnes et permet de dégager des marges de manœuvre dans un contexte où directions comme professionnels ont souvent le senti- ment de subir des injonctions venant d’ailleurs. Cela repose sur des mécanismes renouvelés de respon- sabilisation, d’autonomie et de prise de décisions.

Dans cette perspective, le cheminement des équipes est tout aussi important que les sujets abordés. Il permet la mobilisation des différents professionnels sur les conditions de réalisation du travail :

• Comment préparer, anticiper une organisation du travail efficace lorsqu’une nouvelle prise en charge, un nouveau processus doit être mis en œuvre ?

• Comment animer la confrontation des points de vue et des attentes des différents acteurs concernés : managers et gestionnaires ; experts de l’organisation et des processus ; représentants du personnel, professionnels impactés par les changements attendus ; représentants des usagers et bénévoles as- sociatif intervenant dans les services ?

En réalité, l’installation d’une culture de la qualité de vie au travail passe par un changement profond dans la posture des différents acteurs. Elle demande un engagement de la direction pour légitimer les démarches et introduire un renouveau dans la manière d’instruire le processus de décision. Elle néces- site une implication des organisations syndicales en tant que possibles facilitateurs et porteurs de propo- sitions dans leur mission de représentants du personnel.

Elle repose aussi sur une politique managériale différente, qui installe une véritable culture de service, qui fait vivre des valeurs partagées, qui fait circuler l’information et qui anticipe les évolutions. Cela passe par :

• un management qui soutient le collectif, le conduit à définir des orientations, des objectifs, et qui lui donne les moyens de les atteindre mais aussi qui aide les professionnels à s’inscrire dans un par- cours professionnel tout au long de leur vie ;

• une politique incitant les cadres à fonctionner en réseau, dans l’entraide.

Ce que n’est pas la qualité de vie au travail :

• un nouveau projet social parachuté dans l’établissement et déconnecté du fonctionnement quoti- dien ;

• une norme qui s’appliquerait indifféremment à tous ;

• un contrepoint des risques psychosociaux : plaisir au travail versus souffrance ; un supplément d’âme…

En aucun cas, la qualité de vie au travail ne peut se réduire à :

• des recommandations relevant plutôt de l’hygiène de vie : « faire 10 000 pas par jour, manger des fruits »… ;

• des mesures à la périphérie du travail : salle de sport, crèche… ;

• des mesures d’accompagnement individuel : permanence de psychologue, coach.

3La qualité de vie au travail a été encadrée par un accord national interprofessionnel signé par les partenaires sociaux le 19 juin 2013. Il définit à la fois le cadre d’une démarche et le périmètre thématique de la QVT.

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2. Tous concernés par la qualité de vie au travail, pour des raisons différentes mais

complémentaires

Le système de santé est sous tension et pour beaucoup d’acteurs un sentiment d’impuissance prédo- mine. La contrainte économique, la question des effectifs, les restructurations nombreuses, la complexité des organisations ne créent pas, a priori, un climat favorable à une discussion sur la qualité de vie au travail alors même que cette dernière s’inscrit dans une démarche d’accompagnement du changement et d’amélioration des processus. Pour autant, certains établissements s’engagent dans des démarches qui permettent d’ouvrir le débat sur le contenu et l’organisation du travail : non seulement pour améliorer des conditions de travail mais aussi pour réfléchir aux enjeux stratégiques et à la manière d’adapter l’organisation pour répondre à ces derniers. À ce titre, les motivations des établissements à intégrer les dispositifs expérimentaux proposés par la HAS, l’Anact et la DGOS ont été de six ordres :

• Faire face à des changements propres à la structure : développement de l’activité ;

développement d’une nouvelle activité ; fusion, déménagement…

• Traiter les difficultés, problèmes, dysfonctionnements déjà repérés.

• Améliorer leur image vis-à-vis de la population, des usagers du système de santé.

• Gagner en attractivité vis-à-vis des professionnels et plus particulièrement vis-à-vis du corps médical.

• Entretenir des relations mutuellement constructives avec l’ARS ou les améliorer.

• Assurer une cohérence de leurs travaux avec la certification des établissements de santé.

Les professionnels des établissements de santé, médico-sociaux et sociaux, quant à eux, ont des enjeux et des logiques qui leur sont propres, de nature différente selon leur position dans l’établissement.

À partir des éléments de la littérature, des échanges avec le comité paritaire et des remontées des expé- rimentations, il est possible d’identifier les problématiques de chacun des acteurs concernés et en quoi la qualité de vie au travail peut y répondre. Des professionnels conscients des contraintes et qui aspirent à travailler autrement… pour les dépasser.

Le constat

Les professionnels témoignent de plusieurs sources de contrariété :

• un sentiment de faire du travail de qualité en dépit des contraintes imposées par leur établissement ;

• une perte de temps à pallier les défaillances de l’organisation et à tenter de contrecarrer les effets délétères de la rationalisation budgétaire ;

• une difficulté à concilier organisation du travail médical et organisation du travail paramédical.

S’ils attestent de la solidarité entre collègues, entre pairs, ils ont parfois du mal à communiquer sur leurs contraintes et leurs difficultés, à rendre compatible leur activité avec celle de leurs collègues. Ils doivent de plus faire face parfois à des difficultés liées aux dysfonctionnements d’autres services, sans avoir le sentiment de pouvoir changer la situation. Beaucoup expliquent qu’ils ne se sentent pas toujours recon- nus par leur hiérarchie et notamment par la direction qui leur paraît très éloignée de leurs préoccupations quotidiennes. Ils s’interrogent sur des décisions qui sont prises et dont ils ne comprennent pas toujours la finalité.

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L’approche qualité de vie au travail

À la longue, ces dissonances exposent les professionnels aux risques psychosociaux et peuvent être à l’origine d’une usure prématurée. C’est pourquoi la notion de « qualité de vie au travail » positionne le professionnel comme l’expert de son travail. À ce titre, il est le mieux placé pour faire valoir ses attentes, ses contraintes, en discuter avec ses collègues et proposer les solutions les plus adaptées au regard des problèmes rencontrés. Plusieurs retours d’expérience montrent que, naturellement, les profession- nels portent une attention particulière et intègrent dans leurs réflexions et dans les solutions qu’ils pro- posent des éléments propres aux contraintes qui pèsent sur l’établissement (financières, réglemen- taires…). La qualité de vie au travail invite à l’échange et à la discussion entre les professionnels, au sein des métiers mais également au sein des collectifs de travail. Elle invite à réinterroger régulièrement les pratiques et à définir les règles du fonctionnement ensemble. Car cette prise de parole, cette dyna- mique d’expression individuelle et collective ne s’improvisent pas. Les espaces de discussion sont reliés au circuit de décision global de l’établissement, ils permettent aux professionnels de voir ce qu’il advient de leurs suggestions ou propositions, aux représentants du personnel et à la direction d’élargir leur corpus de connaissances et d’idées qui viennent nourrir le dialogue social sur ce qui fait enjeu et alimen- ter in fine les éléments de la décision pour la direction.

2.1 Des cadres au cœur du dilemme de la qualité des soins

Le constat

Chargé de l’organisation du travail et de la régulation de l’activité au quotidien, le cadre a pour responsa- bilité principale le repérage des tensions et contradictions dans l’activité, l’arbitrage et l’élaboration des compromis d'action. Or, pris entre les injonctions de la gouvernance, les exigences des usagers, les demandes des équipes, il a parfois du mal à concilier ces différents attendus. Le plus souvent mobilisé par une importante charge de gestion, le cadre se trouve souvent bloqué dans son bureau, y déployant une activité essentiellement administrative, en décalage avec le concret de l’activité. Il n’assume plus son rôle de régulateur entre le patient et l’équipe. Moins présent auprès des équipes, sa fonction de res- source auprès des professionnels s’en trouve amoindrie et de ce fait il a parfois du mal à faire autorité et à apporter la sécurisation attendue à des collectifs malmenés par le turn-over, l’absentéisme ou un faible niveau de séniorisation. On parle le plus souvent de « management empêché »4. Ce n’est pas un « trop » d’encadrement que les équipes dénoncent, un encadrement qui mettrait sous pression, sous contrôle, mais au contraire un éloignement du terrain, une absence.

L’approche qualité de vie au travail

Il s’agit d’opérer le « désempêchement » des managers, ce qui nécessite de redonner du temps, des moyens et de la valeur aux activités de régulation du travail. Cette recherche peut prendre la forme de différents types d'aménagements : limitation de l'information descendante et des tâches de reporting, simplification des procédures, redistribution de tâches connexes à des personnels de soutien logis- tique… À son niveau, le cadre a besoin de marges de manœuvre pour agir face aux difficultés identi- fiées avec son équipe et pour réguler. Sans cette latitude, la discussion sur l’organisation du travail apparaîtra comme stérile.

4 Detchessahar M (2011), « Santé au travail : quand le management n'est pas le problème... mais la solution ». Revue française de gestion, mars, n° 214, p. 89-105.

Detchessahar M, Grevin A (2009), « Une organisation de santé... malade de gestionnite ». Annales des Mines, Gérer et com- prendre, décembre.

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2.2 Un corps médical en transformation : entre droit commun et spécificité

Le constat

L’expression du corps médical sur ses conditions de travail est relativement récente. Elle a surtout pris la forme d’alertes autour de l’état de santé mentale de la profession médicale, dénonçant un niveau de stress inquiétant, évoquant des risques croissants de burn-out, médiatisant les suicides. Étudiants en formation, internes, médecins libéraux, médecins hospitaliers, tous sont exposés. Les raisons de cette dégradation, avancées par les différentes organisations, font référence d’une part à leur fragilisation à la fois d’ordre juridique, symbolique et identitaire, ainsi qu’une perte de sens du travail notamment face à une pression gestionnaire et économique toujours plus grande générant une surcharge continue. Les relations avec leurs collègues se sont, dans certains contextes, durcies. D’autre part, ils évoquent leur difficulté à assumer le mangement d’équipes nombreuses pour lequel ils n’ont pas été formés.

L’existence d’une ligne hiérarchique paramédicale indépendante de celle des médecins a également contribué, ici ou là, à tendre les relations entre personnels médicaux et personnels paramédicaux. Si les médecins libéraux souffrent parfois d’un isolement dans leurs pratiques, les praticiens hospitaliers se plaignent davantage de contraintes bureaucratiques les éloignant du cœur de leur métier. Certains peu- vent se sentir en insécurité, craignant l’erreur, redoutant les plaintes des patients. Les médecins aspirent à des relations professionnelles apaisées, et des temps de récupération bénéfiques à leur propre santé.

Plus globalement, il s’agit pour eux aussi de concilier vie professionnelle et vie personnelle.

L’approche qualité de vie au travail

La qualité de vie au travail apparaît alors comme le véhicule approprié pour installer des temps d’échanges pluri-professionnels, recréer de la cohésion au sein des collectifs médicaux/soignants, re- donner prise à tous les professionnels qui contribuent, directement ou non, à la qualité des soins des patients. Mais cela conduit également à remettre en débat les enjeux de performance avec la gouver- nance et les moyens d’y répondre concrètement. Dans un contexte où les médecins ont tendanciellement le sentiment de « subir », la qualité de vie au travail peut leur permettre de retrouver de l’espace pour agir et le plaisir d’un métier qu’ils ont choisi.

2.3 La gouvernance : entre contrainte externe et cohérence interne

Le constat

Les directions affrontent, elles aussi, des contraintes de plus en plus fortes aux frontières de l’établissement, liées aux exigences de tutelles, d'actionnaires, d'analystes, d’usagers, de certificateurs…

ou à la pression sociétale, relayée par la presse ou les associations de patients. Tout se passe comme si ces directions mobilisaient l'ensemble de leurs lignes hiérarchiques pour produire des réponses à ces contraintes externes et multiples, ce qui laisse peu de moyens à l'écoute des équipes au travail et à leur animation.

L’approche qualité de vie au travail

Pour la directrice ou le directeur, il s’agit d’engager une réflexion approfondie et transversale sur les enjeux de performance économique et sociale. Ces enjeux se cristallisent principalement sur l’évolution des activités et des organisations, sur la cohésion interne qui permet de maintenir la motivation, l’engagement des salariés et enfin sur la qualité du dialogue social. La construction des orientations stratégiques nécessite de s’appuyer sur une meilleure connaissance des situations réelles de travail et

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2.4 Les représentants du personnel : vers des pratiques syndicales renouvelées

Le constat

Les instances représentatives du personnel sont souvent réduites à des espaces d’affrontement entre des représentants du personnel et de la direction, qui seraient le reflet d’une opposition vécue comme irréconciliable entre directions : les uns plutôt orientés vers des objectifs de santé, et les autres vers des objectifs économiques et/ou organisationnels. Il résulte de cette vision que les attentes s’expriment sou- vent en termes de moyens supplémentaires, qui se heurtent aujourd’hui à un contexte de rationalisation constante et de restriction budgétaire. S'il est légitime, pour les organisations syndicales, de négocier, notamment, des moyens, les attentes des personnels évoluent, et elles se trouvent de plus en plus inter- pellées sur des problématiques de stress, de mal-être ou de tensions au travail, de conflits interperson- nels, et surtout de perte de sens du travail qui ne trouvent pas de réponse dans la seule approche

« moyens ». L’approche syndicale doit se faire sur et par le travail, afin d’être au plus près du travail réel.

Cela éloigne les représentants des personnels de leurs domaines traditionnels d'action sur les conditions de travail ou le statut.

L’approche qualité de vie au travail

C'est un domaine nouveau et complexe pour lequel il est nécessaire de repenser les moyens d'action. De ce point de vue, la qualité de vie au travail offre des perspectives de traiter ces problèmes sous l'angle d'une prévention primaire, c’est-à-dire de recherche de la suppression des causes, plus que sur celle couramment observée de prévention tertiaire qui consiste à traiter les effets. Il s'agit donc d'un nouvel objet d'action des représentants du personnel qui suppose, sur ce plan, des approches syndicales nou- velles. Pour les représentants du personnel, il s’agit donc de considérer le professionnel comme expert de son travail, force de propositions. Cela nécessite un renouvellement des pratiques syndicales, no- tamment en s’intéressant au contenu du travail lui-même et à sa réalisation au plus près du terrain.

La mise en débat du travail déplace les rapports sociaux non seulement entre exécution et conception mais aussi entre représentés, représentants des salariés et représentants de l'employeur. Cette trans- formation du dialogue social repose donc sur un équilibre qui se joue à trois niveaux :

• la discussion entre tous les professionnels permettant de faire remonter et circuler des pistes con- crètes d’amélioration des conditions de travail partant des situations réelles ;

• la mise en débat de ces pistes et suggestions au sein des instances de concertation et de négocia- tion ;

• l’intégration dans les processus de décision des éléments mis en exergue dans ces espaces d’échange et de régulation.

Le rôle du médecin du travail et des équipes pluridisciplinaires de santé au travail

Dans le cadre des obligations de l’employeur à assurer la sécurité et la protection des salariés placés sous son autorité, les équipes de santé au travail sont appelées à jouer un rôle central. Elles sont un acteur à la fois de la prévention des risques, mais également des démarches de qualité de vie au travail.

Elles jouent un rôle essentiel d’écoute, de conseil : sur le plan individuel bien sûr, mais également sur le plan collectif (conseils sur l’organisation du travail, la chronobiologie, les choix de matériels…). Elles établissent un dialogue permanent entre ce qu’elles identifient comme des facteurs de construction de la santé et les situations préjudiciables qu’elles peuvent repérer quand elles analysent des situations de travail.

Cette fonction peut à la fois être confrontée à l’isolement et soumise à des interpellations virulentes en cas d’accidents ou de situations avérées d’insécurité. La qualité de vie au travail porte l’ambition d’entretenir une veille continue sur le vécu des professionnels. Celle-ci passe notamment par un rôle affirmé des équipes de santé au travail au sein des instances représentatives et des liens structurés avec les différents niveaux du management qui ont besoin de renforcer leur culture de la prévention.

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3. La qualité de vie au travail installe un cadre

d’action ancré sur les enjeux de performance et de qualité des soins

Cela a été dit, répété, écrit, la qualité de vie au travail n’est pas un truc en plus. Elle vient en soutien de l’activité pour renforcer ou réorienter ce qui est déjà à l’œuvre : elle invite non pas à faire en plus mais à faire différemment. Concrètement, elle se traduit par :

• une culture managériale participative, impulsée par la direction, reposant sur quatre principes : subsi- diarité, droit à l’erreur, décloisonnement des acteurs, pluri professionnalité ;

• des modalités d’accompagnement des équipes face aux transformations de l’activité reposant sur une prise en compte de l’impact sur l’organisation et le contenu du travail et une reconnaissance de l’expertise des professionnels sur leur travail et l’organisation ;

• une convergence avec le management de la qualité et la gestion des risques.

3.1 Redonner du pouvoir d’agir aux professionnels sur le terrain

Si la direction a une vision globale des enjeux et des objectifs à poursuivre, les professionnels doivent être en capacité de proposer des solutions opérationnelles et de participer collectivement à l’organisation du travail au regard des contraintes.

Cela signifie que la direction fixe une stratégie, les grands objectifs, puis délègue aux managers et aux équipes la mise en œuvre d’une organisation adaptée à l’atteinte de ces objectifs. Les équipes échangent entre elles, se concertent sur leurs modalités de travail et peuvent interpeller la ou les directions pour discuter de solutions qui vont au-delà de leur seul périmètre de responsabilité. On sort d’un système hiérarchique descendant pour aller vers une organisation plus transversale et plus souple qui permet des prises de décision nourries également des expériences de terrain. Un tel système peut se résumer en quatre principes.

Le principe de subsidiarité signifie que le pouvoir de décision incombe au niveau hiérarchique com- pétent le plus proche de ceux qui sont directement concernés par une action. Autrement dit, une déci- sion qui peut être prise au niveau d’un service n’a pas à être prise au niveau du pôle ou de l’établissement. Ce principe repose sur la responsabilité partagée et la confiance. Il permet de réduire les circuits de décision et de validation, rendant plus réactives les organisations. La confiance ne se décrète pas, c’est vrai, mais elle s’instaure quand équipes et managers testent de nouveaux formats de participation dont les résultats ne sont pas garantis d’avance mais qui témoignent d’une volonté commune à faire autrement.

Le droit à l’erreur pose un cadre qui autorise la prise d’initiative, l’autonomie et l’expérimentation, dimensions centrales des modalités opératoires de la qualité de vie au travail. Le droit à l’erreur est indissociable de l’organisation apprenante et se caractérise par une adaptation permanente à l'envi- ronnement. Ses effets sur l’enrichissement du travail et la satisfaction des professionnels sont pro- bants. Il permet également de faire baisser la pression excessive d'une course à la performance.

Le décloisonnement des acteurs installe les conditions pour permettre de prendre des décisions qui respectent le travail de chacun et rendent compatibles les différentes activités. Le décloisonnement génère des mécanismes qui favorisent la prise de parole quelle que soit la position dans la hiérarchie, partant de l’idée que la confrontation de ces points de vue crée une intelligence collective et permet d’avancer.

La pluri professionnalité permet de mobiliser les ressources venant des différents corps de métier pour œuvrer pour la qualité de vie au travail. Ce n’est ni le domaine réservé d’une catégorie profes- sionnelle, ni celui d’une direction. Si la qualité de vie au travail nécessite des actions en matière de

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L’ensemble de ces principes repose sur la reconnaissance et la valorisation d’expériences de terrain, comme source de performance sociale, organisationnelle, technique et économique.

Les organisations syndicales ont d’ailleurs une mission particulière pour valoriser et veiller à la recon- naissance de ces savoirs d’expériences dans les instances décisionnelles. En ce sens, cela doit contri- buer à une meilleure articulation entre dialogue social et dialogue professionnel.

Ces changements de posture doivent in fine produire de nouvelles régulations au sein du système d’acteurs.

3.2 Accompagner les équipes au cœur des transformations

3.2.1 Une direction présente mais pas omniprésente

Confrontées à de multiples transformations qui génèrent de multiples répercussions sur le contenu et l’organisation du travail, les équipes ont besoin d’être accompagnées et soutenues. Cela commence par une volonté et un engagement de la direction, qui se concrétise par la possibilité de :

• affecter des moyens pour nourrir le dialogue professionnel, c’est-à-dire permettre de dégager du temps et des espaces de discussion ;

• permettre aux équipes d’être force de propositions et faciliter l’échange avec la direction, dès qu’un besoin d’arbitrage est identifié ;

• soutenir les encadrants :

en allégeant leurs tâches administratives pour leur permettre de dégager du temps au- près de leurs équipes sur la régulation de l’activité ;

en leur ouvrant aussi des espaces formatifs et réflexifs pour favoriser le changement managérial sans les mettre en difficulté ;

• intégrer la dimension qualité de vie au travail dans les modalités d’évaluation du travail managérial ;

• établir un circuit décisionnel clair pour tous, qui intègre la remontée d’informations du terrain et s’appuie sur les espaces de discussion à tous les niveaux de l’organisation ;

• définir une politique de ressources humaines qui s’intéresse aux parcours professionnels et au déve- loppement des compétences en lien avec les évolutions de l’organisation. Le plan de formation, dis- positif essentiel de cette politique, vient soutenir les équipes face à des changements d’activités pour renforcer leurs compétences et les cadres pour absorber les évolutions managériales ;

• articuler le dialogue professionnel et le dialogue social en faisant du CHSCT, une instance dédiée non pas aux seules approches techniques de la santé et sécurité au travail mais abordant des enjeux d’envergure centrés sur la réalité du travail, grâce à une concertation partant des éléments remontés du dialogue professionnel.

3.2.2 Un état des lieux élaboré au regard de l’activité

Cette approche nouvelle n’est envisageable que si les équipes adoptent une méthode de conduite de projet centrée sur la question du travail : son objectif, son contenu et ses conditions de réalisation.

L’objectif est de pouvoir anticiper les répercussions possibles positives et négatives d’un changement sur l’activité de travail et d’identifier les ressources à disposition de l’équipe pour y faire face.

Cet état des lieux est fait par les personnes concernées par la situation visée ou le changement envisa- gé. Il repose sur des approches pluri professionnelles permettant de croiser l’ensemble des regards. Les espaces de discussion insatisfaisants aux yeux du professionnel aborderont les questions de l’état des lieux et de l’impact du changement sur le travail concret du personnel : comment travaille-t-on au- jourd’hui ? Ce qui pose problème ? Sur quoi sommes-nous d’accord pour parler de qualité du travail ? En quoi le changement à venir va-t-il impacter notre manière de travailler ? De quoi aurons-nous besoin pour mieux travailler ?

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La réalisation de cet état des lieux au regard des questions du travail n’est pas forcément simple : parler de son travail, de ses difficultés, d’un travail mal fait est difficile et ne se fait pas spontanément.

Pour tenir compte de ces difficultés, le réseau Anact-Aract a mis au point trois outils qui ont fait leurs preuves dans la première vague de l’expérimentation nationale et qui permettent d’éviter certains écueils.

Des outils issus de l’expérimentation nationale

La « boussole » QVT permet, au démarrage de la démarche, de faire un pré diagnostic, et consti- tue une porte d’entrée sur le sujet de la qualité devenant le socle d’un référentiel commun pour les acteurs du projet.

Le « reportage photo » permet de disposer d’un support concret de situations réelles mises en débat au sein du comité de pilotage ou du groupe de travail : « C’est une toute petite équipe, les photos ont vraiment été choisies ensemble, et il y avait ensuite un porte-parole de la profession au groupe de travail. Ce qui en est ressorti c’est que ce ne sont pas que des photos, vu les échanges riches derrière. Cet outil devrait resservir derrière pour le remettre en place ailleurs ». (psychologue du travail)

Les « espaces de discussion sur le travail » permettent de renouer les fils d’un dialogue autour des questions au sujet du travail, de pouvoir partager les expériences du travail et de débattre des propositions d’amélioration. Ce sont des espaces de liberté encadrés avec des règles de fonction- nement partagées. «Le projet se situe dans le cadre d’une restructuration, d’un virage ambulatoire.

Un espace de discussion est mis en place dans une unité qui passe de 20 à 30 lits : celui-ci nous a permis une meilleure connaissance des métiers, des difficultés de chacun, une plus grande tolé- rance et ouverture d’esprit. Il a également permis l’émergence de propositions peu coûteuses et faciles à mettre en place. »

3.2.3 Un mode opératoire : tester, évaluer, décider

Tester, expérimenter

À l’issue de l’état des lieux et de son analyse, des priorités d’action peuvent être identifiées et des solu- tions imaginées. Identifier et choisir collectivement la (les) meilleure(s) solution(s) n’est pas toujours simple. Le mode expérimental permet de prendre en compte ces doutes ou controverses ; l’épreuve de réalité peut, elle, mettre tout le monde d’accord.

Pour favoriser la mise en place d’une expérimentation, il faut définir son périmètre. Les conditions de faisabilité et d’évaluation devront être réunies. Ainsi est-il préférable de choisir un objet concret, une clé d’entrée bien identifiée afin de pouvoir tester en toute sécurité et surtout de s’assurer que des enseigne- ments seront tirés.

Le choix du périmètre des unités, services ou pôles peut se faire selon différentes voies : celle des ins- tances (CHSCT, CTE, structure ad hoc) ou par appel à projets (les cadres, les équipes proposent un projet expérimental) et en élaborant collectivement des critères de choix (conditions de faisabilité, durée, coûts…). Quoi qu’il en soit, les IRP sont toujours informées.

Cela implique donc de définir l’expérimentation en accord avec la hiérarchie et en précisant le temps d’expérimentation. Il est indispensable d’avoir des échéances. Et surtout… une expérimentation n’est jamais un échec sauf si elle n’est pas évaluée.

Quelques conseils

• La démarche s’adapte à chaque situation : les objectifs, les méthodes, la nature des « livrables » sont à concevoir en fonction du contexte de l’établissement. Elle vise la recherche de solutions pragma- tiques, pertinentes.

• Il est préférable d’opter pour un périmètre restreint pour faciliter l’appropriation de la démarche.

• Les actions doivent porter sur du court terme pour avoir des résultats tout de suite et du long terme

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Évaluer collectivement

Le principe de l’évaluation embarquée repose sur l’évaluation par les premiers concernés. On la dé- nomme « embarquée », parce qu’elle n’est pas extérieure au projet. Elle ne s’inscrit pas dans une pers- pective de contrôle, mais d’apprentissage collectif : ce sont les professionnels qui mettent en œuvre l’expérimentation, qui définissent a priori les critères qui permettront de juger de la pérennisation ou non de la nouvelle organisation. Ils sont également parties prenantes dans le recueil des données.

L’évaluation embarquée permet également de réaménager au fur et à mesure les orientations prises si cela s’avère nécessaire. Elle évalue les progrès, les avancées, et met l’accent sur le processus, la qualité du cheminement de chacun.

Là encore, l’évaluation embarquée nécessite des méthodes pour soutenir le processus : des objectifs intermédiaires, la définition collective des critères (économiques, techniques et sociaux), un questionnaire d’évaluation, un tableau de bord, des jours prévus, des audits ou encore des revues de processus cen- trées sur la qualité de vie au travail…

3.2.4 Une intégration de la qualité de vie au travail

La question de la pérennisation des dispositifs est toujours posée. C’est une question à laquelle on ne peut répondre : le renouvellement des équipes, les évolutions, la survenue de nouveaux enjeux, tout concourt à vider tôt ou tard un dispositif de son sens. Autrement dit, l’enjeu n’est pas de pérenniser un type de démarche sur la qualité de vie au travail mais d’envisager l’intégration de la culture de qualité de vie au travail dans tous les projets de l’établissement. Il s’agit de systématiser le questionnement de l’impact des projets, des transformations, sur l’organisation et le contenu du travail lui-même, systémati- ser l’implication des professionnels pour évaluer ces impacts et faire des propositions. Cela posé, la manière de faire, l’implication des acteurs, le système d’acteur seront à renouveler constamment pour coller aux réalités de chacun.

Plus que de chercher à pérenniser des organisations de promotion de la qualité de vie au travail, il vaut mieux chercher à les banaliser, à intégrer temporairement mais systématiquement cette dimension dans la conduite de tous les projets quelle qu'en soit la nature.

3.3 Renforcer la synergie avec la qualité des soins, la sécurité des patients

Depuis plusieurs années, prenant appui sur la certification des établissements de santé, la HAS a produit des méthodes et des outils dans le champ de l’amélioration de la qualité des soins et de la gestion des risques. Ces méthodes visent en général à identifier les dysfonctionnements potentiels ou avérés, à les analyser, à proposer un plan d’action permettant d’améliorer l’organisation et de réduire les risques, de suivre sa mise en œuvre et ses résultats par des indicateurs. La certification permet une évaluation régu- lière de l’engagement de l’établissement et des équipes. Plus récemment, la HAS a développé un pro- gramme d’amélioration continue du travail en équipe.

Dans la mesure où ces démarches visent à améliorer la qualité des soins et donc la qualité du travail, il paraît naturel de les relier aux démarches de qualité de vie au travail. Ainsi Yves Clot, psychologue du travail, affirme-t-il que qualité de vie au travail et qualité du travail vont de pair : ce qui fait en partie la qualité de vie au travail pour un professionnel réside dans la satisfaction du travail bien fait. Pour illustrer cette synergie, il suffit de s’intéresser au contenu des questionnaires de culture de sécurité dont les ques- tions posées portent clairement sur des déterminants de la qualité de vie au travail5. Ainsi le question- naire explore-t-il la dimension de la reconnaissance, le fait que les « supérieurs hiérarchiques félicitent le personnel quand le travail est réalisé dans le respect des règles de sécurité des soins, prennent en con- sidération les suggestions du personnel pour améliorer la sécurité des soins ». Il s’intéresse également au fait que cela fonctionne sur le principe d’une organisation apprenante avec une réponse non punitive à

5www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2015-

05/questionnaire_culture_securite_ahrq_traduit_et_valide_par_le_ccecqa.pdf

Ce questionnaire a été intégré au document de la HAS, La sécurité des patients : mettre en œuvre la gestion des risques associés aux soins en établissement de santé - Des concepts à la pratique. 2012. Il est utilisé dans le cadre de Pacte.

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l’erreur et l’assurance d’une liberté d’expression. Il s’attache à évaluer le travail en équipe et entre équipes, le soutien du management pour la sécurité des soins, en termes notamment d’instauration d’un climat de travail. Enfin, la culture de sécurité nécessite d’aborder des questions concrètes de ressources humaines : y a-t-il suffisamment de personnel pour faire face à la charge de travail ? Le nombre d’heures travaillées est-il adapté à une qualité optimale des soins ? Le personnel n’essaie-t-il pas de faire trop de choses trop rapidement ?

Cette synergie étant mise en évidence dans son contenu, il convient de poursuivre ce parallèle pour montrer en quoi l’investissement dans les démarches d’amélioration continue de la qualité des soins et de la sécurité des patients produit de la qualité de vie au travail, et surtout à quelles conditions. Le propos n’est pas d’exonérer les établissements qui mènent des démarches d’amélioration de la qualité des soins d’une réflexion sur la qualité de vie au travail. Au contraire, il s’agit surtout d’une invitation à mener une réflexion visant à faire un état des lieux des démarches d’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité du patient, évaluer leur fonctionnement et leurs résultats, afin, le cas échéant, de les faire évo- luer pour s’assurer qu’elles prennent bien en compte les attendus de la qualité de vie au travail, attendus qui ne manqueront pas d’améliorer les démarches entamées et donc les résultats attendus.

Deux points seront successivement abordés pour traiter de cette synergie :

• le travail en équipe ;

• le management de la qualité et de la gestion des risques.

3.3.1 La qualité de vie au travail : la qualité du travail au cœur des équipes

La qualité de vie au travail repose sur la perception qu’ont les professionnels de leur capacité d’agir sur le contenu de leur travail. Autrement dit, leur exercice est-il purement prescrit sans aucune marge de ma- nœuvre, aucun espace de réflexion, aucun espace de construction d’un sens du travail ou, au contraire, les professionnels ont-ils suffisamment de latitude pour réorganiser leur travail, pour définir ce qui est un travail bien fait, un travail de qualité qui répond aux enjeux qui leur sont propres ? Or bénéficier de ces marges n’est possible que si l’organisation s’appuie sur des espaces collectifs qui permettent la prise de recul et la mise en discussion de ce qui est attendu du travail, de l’élaboration collective de ses critères de qualité. En effet, on ne travaille pas pour soi, on travaille avec et pour les autres, le travail est articulé et « adressé », il est donc nécessaire de le discuter collectivement et de s’entendre sur ses attendus.

La qualité de vie au travail ne se construit pas de manière individuelle ; elle nécessite l’élaboration d’un cadre qui permette une réponse à la demande sociale en tenant compte des contraintes de l’organisation. Ce cadre est d’autant plus nécessaire qu’il sécurise les professionnels qui peuvent alors s’autoriser à prendre des initiatives. Ce cadre est négocié, construit collectivement au sein des équipes, il précise les règles partagées autour du métier et du fonctionnement en équipe, offrant à la production des soins délivrés un socle commun.

L’équipe est un facteur de protection pour les professionnels, notamment pour ceux soumis à une charge émotionnelle forte.6 Ainsi, alors que l’activité de soins palliatifs instaure une confrontation à la mort quoti- dienne, des professionnels sont volontaires pour y travailler car le travail d’équipe y est par essence soutenant. Les temps de transmissions, d’échanges sont pensés, les décisions sont prises de manière collégiale, l’attention à l’autre et la solidarité entre professionnels sont instituées comme valeurs parta- gées.

Mais la question de l’équipe est également fondamentale sur le versant sécurité des soins comme en témoignent toutes les expériences étrangères autour du medical team training qui s’attache notamment à améliorer la communication au sein des équipes, source principale de survenue d’événements indési- rables, dès lors qu’elle fait défaut7,8,9. Investir l’équipe est facteur d’amélioration de la sécurité du patient, tout autant que d’amélioration de la qualité de vie au travail.

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En 2014, la HAS a lancé le programme d’amélioration continue du travail en équipe (Pacte) dans un objectif d’amélioration de la sécurité du patient. Son déroulé repose sur un certain nombre de détermi- nants communs avec les démarches de qualité de vie au travail, tels que la réalisation d’une phase de diagnostic réalisé de manière partagée au sein de l’équipe, notamment via la mise en place de temps d’échanges sur les pratiques, sur l’organisation. Cela doit aboutir notamment à la mise en œuvre d’actions pour améliorer la sécurité du patient, faisant de ces temps d’échanges des espaces de discus- sion tels que prônés dans la démarche qualité de vie au travail.

De fait, les équipes qui se sont investies dans Pacte ont, en général, témoigné d’une amélioration de leur qualité de vie au travail, du fait de la mise en discussion du travail à l'échelle du service. Autre résultat intéressant : selon certaines équipes, Pacte aurait permis de libérer du temps pour réfléchir en commun au fonctionnement du collectif et aux façons d’améliorer sa coordination, à l’identification des difficultés et aux moyens de les résoudre. La meilleure visibilité du travail réalisé par l’équipe a facilité sa reconnais- sance par la direction, notamment dans la négociation d’un soutien sur des enjeux précis. Ce faisant, elles ont contribué à donner du contenu concret à la notion d’engagement de la direction, dont l’importance a été précédemment pointée. L’expérience de Pacte a de facto entraîné un repositionne- ment de l’encadrement et de la direction, faisant écho à la nécessité de changement de posture évoqué plus haut comme étant central dans la qualité de vie au travail.

Il reste que si Pacte a atteint son objectif d’amélioration du travail en équipe, la dimension de la coopéra- tion entre les équipes reste une dimension faible des établissements de santé, conduisant à des dysfonc- tionnements venant altérer la qualité du travail et irritants pour les professionnels, tels que le manque d’information ou les interruptions de tâches, délétères à la fois pour la sécurité des patients et la qualité de vie au travail. Les résultats de l’enquête de culture de sécurité réalisée, en 2016, auprès de 11 418 professionnels de santé répondants issus d'établissements de santé10, montrent que seule la dimension travail d'équipe dans le service est développée par rapport aux neuf autres dimensions mentionnées précédemment. Plusieurs dimensions étaient peu développées : la perception globale de la sécurité, la réponse non punitive à l’erreur, les ressources humaines, le soutien du management, le travail d’équipe entre les services de l’établissement.

3.3.2 Management de la qualité et de la gestion des risques, amélioration continue de la qualité des soins, facteurs de qualité de vie au travail

Du côté des principes

Le management de la qualité et de la gestion des risques11 repose sur les éléments suivants : l’écoute du client ; le leadership ; l’implication du personnel ; l’approche par processus ; l’approche systémique du management ; l’amélioration continue ; l’approche factuelle de la prise de décision ; les relations mutuel- lement profitables avec les fournisseurs. Le vocabulaire est différent, pourtant les zones de recouvrement entre le contenu ou les principes de la qualité de vie au travail et un certain nombre de ces principes sont réelles.

Ainsi, la notion de leadership porte en elle la question de la vision commune, du sens du travail et de la mobilisation collective des équipes. Dépendant de l’engagement du leadership, l’implication du personnel reprend la question de l’engagement des professionnels dans leur travail, notamment via les espaces de discussion pour améliorer l’organisation du travail et la qualité du travail fourni. L’approche systémique du management conduit à se rapporter constamment aux questions organisationnelles et, en lien avec l’amélioration continue, la notion d’organisation apprenante. L’approche factuelle de la décision ne peut faire l’impasse sur les données provenant de l’analyse du travail.

Ces principes ainsi énoncés convergent clairement vers des dynamiques similaires à celle de la qualité de vie au travail. Pour autant, et comme pour d’autres sujets, la question de la méthode et donc du che- min emprunté pour répondre à ces principes est tout autant, si ce n’est plus, un déterminant de l’atteinte réelle des objectifs. Que ce soit en termes de management de la qualité des soins et de gestion des

10 Bouget M, Dutoit L, Pavard M, Djihoud A, Quenon J-L. Campagne interrégionale eFORAP 2015. Mesure du climat de sécurité des soi- gnants. Rapport inter régional FORAP 2016.

11 Source certification ISO 9001.

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risques ou en termes de qualité de vie au travail, une mise en œuvre de démarches qui seraient essen- tiellement prescriptives et descendante sera nécessairement contre-productive.

Du côté des méthodes

Dans les faits, la démarche d’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité du patient reprend des éléments méthodologiques similaires à la démarche de qualité de vie au travail. En effet, elle repose sur des mises en discussion du travail et de son organisation ; elle s’intéresse nécessairement à l’épaisseur de l’activité, d’entrer dans le détail de ce qui fait l’activité produite par une somme d’individus en interdé- pendance, les uns et les autres reliés à une organisation donnée. À l’instar de la qualité de vie au travail, discuter du travail n’est pas simple, ne s’improvise pas, a fortiori lorsque la discussion sur l’organisation et le contenu du travail survient à la suite de la survenue d’événements indésirables, parfois graves.

Ces méthodes s’intègrent dans une politique plus générale qui engage la direction dans un processus de dialogue avec les professionnels de terrain. La question du soutien de l’encadrement est tout aussi cru- ciale.

Plus précisément, la démarche d’amélioration de la qualité des soins et de la sécurité du patient requiert des méthodes d’analyse, d’animation et de formalisation qui permettent :

− une identification des faits, une objectivation de la situation ;

− une mise en discussion de l’analyse de la situation, des causalités ;

− la proposition et le portage concertés d’actions.

Certaines méthodes s’attachent davantage à décrire, mettre en exergue les faits, la discussion découlant plus ou moins naturellement des éléments rapportés. Il s’agit par exemple du « chemin clinique », du

« patient traceur », du shadowing. Cette dernière méthode consiste à suivre un patient dans son parcours ou un professionnel dans ses tâches avec pour objectif de percevoir les difficultés qui jalonnent sa pra- tique quotidienne.

D’autres méthodes sont davantage focalisées sur l’analyse et la recherche des causes profondes. Il s’agit en général de méthodes d’analyse des événements indésirables. La question du fait est alors en partie déjà posée, le contexte difficile, parfois chargé émotionnellement si l’événement est grave, rend plus délicate la mise en discussion de l’événement. L’accent est donc mis sur l’analyse approfondie des causes. Les méthodes les plus mobilisées dans ce domaine sont les revues de morbi-mortalité (RMM), les comités de retour d’expérience (CREX), les revues d’événements médicamenteux (REMED)…

L’esprit dans lequel elles ont été conçues, les déterminants sur lesquels elles cherchent à agir sont de même nature que les dimensions de la qualité de vie au travail. Arrêtons-nous un instant sur la grille d’analyse ALARM12,13. Cette grille d’analyse d’un événement indésirable associé aux soins conduit à la recherche de facteurs qui peuvent expliquer sa survenue. Au-delà des facteurs individuels liés au patient, la grille liste tout ce qui concerne les tâches, leur contenu, leur répartition, les caractéristiques indivi- duelles des professionnels en termes de qualification, d’expérience, le fonctionnement de l’équipe, l’environnement de travail, l’organisation et le style de management et le contexte institutionnel. Le con- tenu de cette grille conduit à s’intéresser au contenu du travail, aux conditions de réalisation du travail, aux relations interpersonnelles et professionnelles, aux parcours professionnels… Elle permet surtout de ne pas s’arrêter aux causes immédiates, souvent porteuses de culpabilité, qui ont abouti à la survenue de l’événement, car la survenue d’un EIAS est toujours liée à une multitude de défaillances.

Cela signifie qu’une RMM correctement menée, à savoir de manière participative, pluri professionnelle, sans recherche de coupable, permettra de construire une connaissance commune et d’identifier des leviers d’action pour améliorer l’organisation et/ou les pratiques qui seraient autant de réponses aux enjeux de qualité des soins et de qualité de vie au travail. Pour ne pas tomber dans l’accusation, il y a besoin de règles claires pour encadrer la discussion adoptées par tous les participants, d’une animation rigoureuse, d’écoute, de bienveillance. Le processus, en rassemblant les professionnels autour de la table, en organisant la discussion, en permettant à l’équipe de faire face collectivement, en lui reconnais- sant sa compétence, son expertise pour analyser l’événement et proposer des solutions, aura, d’ores et

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déjà, contribué à améliorer la perception du travail bien fait et les conditions de réalisation du travail. Leur mise en place régulière peut être un espace de discussion contributif à la qualité de vie au travail.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que certaines équipes investies dans les expérimentations animées par les Aract ont utilisé des méthodes de mise à plat des problématiques, proches de celles mobilisées pour évaluer la qualité telles que l’audit de prise en charge d’un patient.

À ce stade, il est important de noter la congruence de la démarche qualité de vie au travail et les dé- marches d’amélioration de la qualité des soins et de la gestion des risques. À une époque où les équipes se plaignent de manquer de temps, il est important de montrer que « faire de la qualité de vie au travail » n’est pas un « truc de plus », un nouveau projet, contribuant ainsi à saturer un peu plus l’organisation et les équipes. Il ne s'agit donc pas forcement d'inventer de nouveaux modes d'intervention mais de savoir utiliser des techniques déjà maîtrisées par les professionnels. Mais pour que cette congruence s’opère, il existe quelques conditions :

• Un partage sur l’intérêt de la démarche : les démarches de retour d’expérience ne sont pas un travail supplémentaire demandé à l’équipe, cela relève des actions à mener pour créer les conditions de réa- lisation d’un travail de qualité. Le faire dans un esprit d’apprentissage pourra alors produire les effets escomptés sur une recherche en continu de meilleure qualité des soins et de meilleure qualité de vie au travail. À l’inverse, si le retour d’expérience est mis en œuvre sous l’angle de la contrainte il sera limité dans ses effets tant au plan de l’amélioration de la sécurisation des soins que de sa contribution à l’amélioration de la qualité de vie au travail ;

• L’impérieuse nécessité d'apporter aux professionnels une vision globale et systémique de tous ces dispositifs d'évaluation ou d'analyse de leurs pratiques et de faire reconnaitre ce temps dédié à l'ana- lyse de sa pratique dans l'activité d'un service.

Du côté de l’engagement de la direction

« La direction doit s’engager ». Incantation systématiquement énoncée sur tous les sujets, le manage- ment de la qualité n’y échappe pas : la direction s’engage et fait de l’amélioration continue des soins une priorité stratégique. Pour cela, elle permet aux équipes de dégager du temps et des moyens pour y tra- vailler collectivement.

L’engagement porte les caractéristiques communes à la qualité de vie au travail et à la qualité et sécurité des soins : le droit à l’erreur, les principes de l’organisation apprenante, la confiance.

L’un des outils, symboliquement fort, pour porter conjointement qualité de vie au travail et qualité des soins est probablement le patient safety walkrounds pour lequel une expérimentation est actuellement menée par la HAS auprès d’établissements de santé sous le nom de « rencontre sécurité du patient ».

Une équipe composée de managers issus de la gouvernance (direction générale et CME) va à la ren- contre d’une équipe médico-soignante, sur le lieu de travail de l'équipe médico-soignante, et les échanges sont centrés sur la sécurité des patients. Il s’agit d’une discussion ouverte, en confiance et respectueuse, entre les professionnels composant ces deux équipes, à propos de la sécurité des patients afin d’identifier les problèmes rencontrés et de proposer des objectifs d’amélioration. Ces rencontres permettent de constater de visu sur le terrain les points les plus critiques et discuter de leurs solutions. La littérature indique que ces rencontres ont un taux de suivi de correction par la direction de l’établissement très supérieur aux autres actions traditionnelles en matière de qualité et sécurité des soins car elles impliquent directement et nominalement le directeur qui s’est déplacé auprès des équipes. Cela illustre, a contrario, les difficultés des professionnels de terrain à s'exprimer et faire remonter des propositions dans le système organisationnel traditionnel. Cette démarche s’inscrit totalement dans les changements de posture nécessaires évoqués plus haut, s’extrayant de fait d’un fonctionnement managérial descendant.

Reste à la direction la responsabilité de construire les conditions des échanges avec et entre les équipes et de contribuer ainsi à insuffler une culture de sécurité et de qualité de vie au travail à tous les niveaux de l’établissement. Cela nécessite que le dialogue sur la qualité de vie au travail comme enjeu et res- source soit établi avec les partenaires sociaux pour renforcer cette convergence entre les dynamiques mais également avec l’ARS.

En effet, si le terrain produit de la marge de manœuvre pour l’organisation, certains aspects restent de l’ordre de la négociation avec la tutelle, ce qui nécessite d’engager cette dernière sur le sujet. D’ailleurs, les expérimentations menées dans le cadre des clusters sociaux ont impliqué les ARS, conduisant à une évolution, voire un élargissement du dialogue entre les établissements impliqués et l’autorité de tutelle.

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