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Les jeunes de bas niveau de qualification (VI, Vbis, V) face à l emploi : une comparaison Haute-Normandie/France

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

Armelle Testenoire, Danièle Trancart GRIS-Université de Rouen

76821 Mont Saint Aignan cedex a.testenoire@wanadoo.fr

trancart@epeire.univ-rouen.fr

Les jeunes de bas niveau de qualification (VI, Vbis, V) face à l’emploi : une comparaison Haute-Normandie/France

S’il est une transition difficile pour les jeunes sortant du système éducatif au début des années 90, c’est bien l’insertion professionnelle. Dans une situation caractérisée par un essor de la flexibilité, la précarité affecte l’ensemble des jeunes et des débutants. Ce phénomène est encore plus marqué si l’on raisonne en termes de flux, puisque la plupart des recrutements se font sous statut précaire (la reprise récente des créations d’emploi confirme ce constat). Les jeunes de bas niveau de qualification (V, Vbis et VI) sont particulièrement exposés aux trajectoires précaires, scandées par un chômage récurrent.

L’objet de cette étude est d’analyser, à partir de l’exploitation de données issues d’un vaste échantillon de jeunes de niveau V, Vbis et VI sortants du système éducatif en 1992, les processus de différenciation des parcours d’insertion ou de retrait, voire de “ désaffiliation ”. Les données sont issues de l’enquête Génération 92 du Cereq. Nous centrerons l’analyse sur les bas niveaux de qualification (inférieur au bac) et sur la comparaison France entière (hors Ile de France)/ Haute Normandie, région pour laquelle un échantillon suffisant de jeunes a été interrogé.

I La "génération 92"

L'enquête génération 92 du CEREQ

Les données de l’enquête permettent d’analyser les caractéristiques des jeunes ayant quitté le système éducatif en 1992 et leur parcours professionnel entre 1992 et 1997. Près de 27000 ont été interrogés.

Cette enquête a une large représentativité : elle couvre 530 000 sortants sur les 640 000 estimés par l’enquête Emploi de l’INSEE. En Haute Normandie, l’échantillon compte près de 2000 jeunes, ce qui constitue un échantillon représentatif des niveaux III (hors IUT), IV, V, Vbis et VI. C’est la seule région pour laquelle des analyses assez fines peuvent être conduites.

Nous avons retenu les thèmes suivants : 1 Les caractéristiques des jeunes

(2)

Formation, contexte familial et social (sexe, âge, âge en 6ème, niveau et classe de sortie, apprenti, lieu naissance, niveau d’études des parents, situation par rapport à l’emploi des parents etc..)

2 La situation des jeunes par rapport à l’emploi

L’itinéraire professionnel est reconstitué de façon séquentielle mois par mois pendant 5 ans (travail, chômage, service national, reprise d’études et inactivité)

a- indicateurs globaux : nombre de périodes de chômage, d’intérim, de formation, d’emploi, temps d’accès au premier emploi, au premier CDI, etc…

b- Description des emplois occupés Répartition par niveau de qualification

Les niveaux de qualification :

Niveau VI : Sorties du 1er cycle du second degré (6ème, 5ème, 4ème) et des formations préprofessionnelles en 1 an

Niveau V bis : Sorties de 3ème générale, 4ème et 3ème technologique et des classes des seconds cycles courts professionnels avant l’année terminale

Niveau V : Sortie de l’année terminale des seconds cycles courts professionnels (CAP,BEP, mention complémentaire), abandon de la scolarité du second cycle avant la terminale

Niveau IV : Sorties des classes terminales du second cycle et abandon des scolarités post bac avant d’atteindre le niveau III (niveau Bac)

Niveau III : sorties avec un diplôme de niveau Bac+2

Niveau I et II : sorties avec un diplôme de niveau supérieur à Bac+2

La "Génération 92" est mieux formée que les précédentes. Alors qu'en 1980, 26% d'une classe d'âge obtenait le baccalauréat, en 1992 plus de 50% atteignait ce niveau ( Géographie de l’école, M.E.N).

Au sein de l'échantillon national de l'enquête "Génération 92", 56% des jeunes possèdent au moins le baccalauréat, soit 29% qui ont un diplôme de l'enseignement supérieur (niveau I, II ou III) et 27% un niveau équivalent au baccalauréat (niveau IV). En dépit de l'élévation générale du niveau de formation, 13% des jeunes1 sortent encore sans aucune qualification (Niveau Vbis et VI). Ce dernier chiffre bien qu'en baisse, demeure élevé au regard de la loi d'orientation de 1989 qui prévoyait des moyens nécessaires pour que tous les élèves poursuivent leur scolarité jusqu'au niveau V (CAP ou du BEP).

En Haute-Normandie, l’échantillon ne comporte pas de jeunes ayant une formation supérieure au niveau III (BTS, DUT). La comparaison France/Haute-Normandie ne peut donc s'effectuer qu'en excluant de l'échantillon national les niveaux I et II. Les deux graphiques ci-dessous permettent de comparer la répartition par niveau de formation.

1 En réalité, selon les sources (INSEE, DPD ou CEREQ), ce chiffre est évalué à 10%au début des années 90 (Poulet, 1999). L’écart observé ici peut en partie s’expliquer par le fait que le champ d’observation de G92 correspond à 80% des sortants.

Haute-Normandie

niveau 3 9%

niveau 4 24%

niveau 5 45%

niveau 5bis, 6 22%

France

niveau 3 16%

niveau 4 32%

niveau 5 36%

niveau 5bis, 6 16%

(3)

Globalement, la Haute-Normandie se distingue par son faible niveau de qualification. Les niveaux V, Vbis et VI y sont sur-représentés par rapport à l'ensemble de la France. Ils atteignent 67% de l'échantillon Haut-Normand contre 52% en France2. L'écart est particulièrement significatif pour les CAP/BEP (niveau V).

Niveaux V et VI : des scolarités marquées par des difficultés

Les difficultés scolaires rencontrées au cours de la scolarité peuvent être évaluées à partir de deux indicateurs : le retard en 6° et le fait de n'avoir pas suivi de classe de troisième. Alors que dans l'ensemble de l'échantillon, tous niveaux confondus, 31% des jeunes ont un retard en 6°, cette part s'élève à 48% pour les niveaux V et à 64% pour les niveaux inférieurs (Vbis et VI). En Haute- Normandie, le retard est accentué pour les jeunes sans qualification (niveau Vbis et VI).

Champ d’étude Niveau Retard 6ème

Dont 2 ans et plus

Niv V 48% 10,7%

National

(Hors Ile de France) Niv Vbis et VI

64% 21%

Haute N Niv V 47% 10%

Niv Vbis et VI

67,6% 24%

National tous niveaux 31% 6,7%

L'orientation précoce vers des filières courtes est plus marquée en Haute-Normandie. Ainsi 37,8% des jeunes des niveaux V et VI n'ont pas suivi de classe de troisième3, ils ne sont que 32% en France.

Champ d’étude Niveau Pas de classe de 3ème National

(Hors Ile de France)

Niv V Niv Vbis et VI

32%

Haute Normandie Niv V Niv Vbis et VI

37,8%

National tous niveaux 15,6%

Des scolarités plus courtes et plus difficiles expliquent l'écart de qualification observé en Haute- Normandie. Le passé industriel pèse encore sur les orientations précoces vers des CAP/BEP. Ces orientations concernent plus fréquemment les garçons.

Plus de garçons sortant à un niveau inférieur au bac

2 Ces pourcentages sont calculés sur l'effectif des jeunes de niveau III, IV, V, V bis et VI.

3 Certains jeunes de la génération 92 ont quitté le collège avant la fin d’une classe de troisième et ont été orientés vers des filières courtes dès la fin de la cinquième. Aujourd’hui, la quasi totalité d’une classe d’âge effectue un Tableau 1 :

Le retard en 6°

Tableau 2 : Absence de classe de 3ème

(4)

On peut vérifier sur nos données nationales que le niveau de qualification des filles est globalement plus élevé que celui des garçons. Alors que l'ensemble de l'échantillon, tous niveaux de formation confondus, est constitué de 52% de garçons et de 48% de filles, les garçons sont sur-représentés au sein des niveaux de qualification V et VI. Ainsi que le met en évidence le tableau ci-dessous, ils représentent 57% et 56% des effectifs des niveaux V et VI (soit une sur-représentation de respectivement 5 et 4 points).

Cet écart de qualification est plus conséquent en Haute-Normandie, où la part des garçons au sein de ces niveaux atteint 58 et 60% (soit un différentiel de +6 et 8 points. Dans cette région, la part des garçons dans les formations professionnelles (CAP ou BEP, au niveau V) ainsi que dans les sortants sans qualification (niveau V bis et VI) est particulièrement élevée.

Sexe Champ d’étude Niveau

G F

Niv V 57 % 43 %

National

(Hors Ile de France) Niv Vbis et VI

56 % 44%

Niv V 58 % 42 %

Haute N

Niv Vbis et VI

60 % 40 %

National tous niveaux 52 % 48 %

Origine sociale et situation familiale

Les jeunes sortants de niveau Vbis ou VI, sans diplôme, ont plus souvent que les autres jeunes des parents qui eux-mêmes sont non diplômés : soit 38% en France et 31% en Haute-Normandie. Dans les données analysées il semble que l’écart observé, à l’avantage de la Haute Normandie, soit dû à une plus grande part de parents ayant obtenu le certificat d’études ou le BEPC dans cette dernière région.

Le statut des parents par rapport à l’emploi est assez proche selon les niveaux, en France et en Haute Normandie, avec un léger avantage pour cette dernière pour les parents de jeunes non-qualifiés : les deux parents sont moins souvent sans emploi et la mère a plus souvent travaillé.

Plus que les différences régionales, c’est l’écart entre les situations des parents de niveau Vbis et VI et les parents de jeunes de niveau V qui est très important. En effet, si l’on compte 17% de jeunes, tous niveaux confondus, dont les deux parents sont sans diplôme, on en compte à peine un peu plus parmi les jeunes de niveau V (18,2% en France et 19% en Haute Normandie), mais beaucoup plus parmi ceux de niveaux inférieurs (respectivement 38% et 31%). L’observation de la situation par rapport à l’emploi des parents et du travail de la mère conduit aux mêmes remarques.

Statut des parents par rapport à l’emploi Champ d’étude Niveau Deux parents

sans diplôme

C.S employés et

ouvriers Les deux parents sans emploi

Mère n'ayant jamais travaillé

Niv V 18,2% 68% 7% 18%

National

(Hors Ile de France)

Niv Vbis et VI

38% 76% 15% 28%

Tableau 3 :

Part des filles et des garçons au sein des niveaux V et VI

Tableau 4 : Origine familiale

(5)

Niv V 19% 73% 8,6% 15,3%

Haute N

Niv Vbis et VI

31% 79% 12% 20%

National tous niveaux 17% 55,8% 6% 17,8%

On observe également plus de jeunes issus de familles nombreuses lorsque le niveau de qualification est bas, avec des structures similaires en Haute Normandie et en France. Là encore, c’est entre le niveau V et les plus bas niveaux que les différences sont importantes.

Le lieu de naissance des parents donne une indication sur l’origine du jeune. On compte une part importante de jeunes d’origine étrangère (surtout Maghreb, reste de l’Afrique ou Turquie) parmi les jeunes sortant sans qualification, en France. En Haute Normandie, les chiffres sont plus bas, car c’est une des régions où la proportion d’étrangers est la plus faible (MEN, Géographie de l’école)

Champ d’étude Niveau Famille nombreuse

2 parents nés hors de France et d’Europe

du Nord

Niv V 11% 9%

National

(Hors Ile de France)

Niv Vbis et VI

22% 17,3%

Haute N Niv V 12,5% 6%

Niv Vbis et VI

21% 8%

National tous niveaux 9,5% 10,8%

Si, le niveau de sortie du jeune est fortement dépendant de son parcours scolaire, on observe donc une grande différence entre la situation familiale des jeunes non qualifiés et celle des autres jeunes. Les sortants au niveau V présentent souvent une situation proche de la moyenne pour la plupart des variables étudiées.

Tableau 5 :

Incidence de la composition familiale

(6)

II Situation par rapport à l'emploi

Un contexte économique défavorable

Après la reprise des années 1988-1990, les années 92 et surtout 93 se caractérisent par une forte récession (baisse de -1,3% du PIB en 93) ainsi que par une dégradation de la situation sur le marché du travail. En 1992, le volume de l'emploi régresse de 0,1% dans l'ensemble de l'OCDE; l'Europe est particulièrement touchée avec recul de -1,3%.En France, les DEFM4 atteignent 3,2 millions en janvier 93 (selon l'enquête emploi INSEE, la PSERE5 est de 2,5 millions). Dans ce contexte, l'insertion professionnelle des jeunes sortant du système éducatif en 92 est problématique, d'autant plus que leur emploi est très sensible face aux variations conjoncturelles de l'activité. Ainsi le taux de chômage des jeunes progresse vivement passant de 19,4% en 1992 à 27,5% en 94 (Enquête emploi INSEE). En effet depuis le milieu des années 80, l'emploi des jeunes "surréagit" à la conjoncture relativement aux autres catégories d'actifs. Les entrants ne sont cependant pas égaux face aux aléas conjoncturels. Des diplômes élevés (niveau I,II et III) donnent accès à des segments plus stables du marché du travail qui atténuent la sensibilité au cycle. Les jeunes de bas niveau de qualification sont touchés de plein fouet par les variations conjoncturelles, d'autant plus qu'en période de pénurie d'emploi la sélectivité s'accroît, entraînant des effets d'éviction pour les moins diplômés (Fournier, Minni, 1999).

En outre, les nouveaux entrants sur le marché du travail sont confrontés aux formes d'emplois proposées sur le marché externe. Or les recrutements s'effectuent de plus en plus sur des emplois à durée déterminée et des postes peu qualifiés. Si en 1991 27% des embauches s'effectuaient sur contrats temporaires, cette proportion s'élève à 33% en 1993. Les jeunes faiblement qualifiés (niveaux Vbis et VI) sont les plus affectés par cette précarisation des emplois. Les conditions d'insertion professionnelles, auxquelles est confrontée la "génération 92" sont donc particulièrement défavorables. Mais au-delà de l'effet de la "mauvaise conjoncture", l'analyse des modalités d'entrée dans le rapport salarial constitue un point d'observation privilégié des transformations structurelles de celui-ci.

L'enquête "génération 92" suit l'insertion progressive d'une cohorte, sortie la même année du système scolaire. Ce suivi longitudinal permet de focaliser l'analyse sur la situation des débutants. Si la conjoncture défavorable des années 92/93 pèse lourdement sur leur insertion, celle-ci se décline différemment selon les bassins d'emploi, les qualifications mais aussi le sexe. Ce sont ces différenciations que nous nous proposons ici d'analyser. La comparaison Haute-Normandie/France se déclinera selon le niveau de qualification (niveau V d'une part et Vbis et VI d'autre part) et selon le sexe.

Les tableaux 6 et 7 donnent une première approche de la situation professionnelle de l'ensemble des jeunes enquêtés (garçons et filles) aux dates extrêmes de l'enquête.

4 Demandes D’Emploi en Fin de Mois (évaluation du chômage par l’ANPE).

5 Population Sans Emploi à la Recherche d’un Emploi (évaluation du chômage par l’enquête emploi).

(7)

tableau 6

Situation en France (Hors Ile de France)

Niv III Niv IV Niv V Niv V bis VI

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête Recherche

d'emploi

20,8% 7,2% 24,6% 13,2% 27,9% 17,9% 43,2% 33,7%

Inactivité 3,2% 2,1% 5,7% 2,8% 3,9% 4,2% 11% 7,9%

Service N. 24,5% 0% 17,5% 0,2% 17,7% 0,2% 7,4% 0,9%

Formation 1% 2,5% 1,2% 5% 1% 2,9% 4,6% 5,1%

Total emploi:

50,5% 88,2% 51,1% 78% 49,5% 75,2% 33,8% 52,3%

dont Intérim 3% 1% 3,3% 1,8% 3,5% 4,2% 2,9% 5,6%

dont autres emplois

47,5% 87,2% 47,8% 76,2% 46% 71% 30,9% 46,7%

Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%

Tableau 7

Situation en Haute Normandie

Niv III Niv IV Niv V Niv V bis VI

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête

Janv 93 97 date enquête Recherche

d'emploi

16,4% 5,5% 24,8% 11,8% 25,8% 15,1% 35,1% 29,1%

Inactivité 1,6% 2,6% 3% 4,1% 4,7% 4,7% 10,7% 10,9%

Service N. 21,9% 0% 18% 0% 20% 0% 8,2% 0%

Formation 0 % 1% 0,8% 3% 0,7% 3,4% 4,8% 5,6%

Total emploi:

60,2% 91,1% 53,4% 80,9% 48,8% 76% 41,1% 54,3%

dont Intérim 6,3% 4,2% 4,5% 5,5% 4% 7,5% 7,3% 7,6%

dont autres emplois

53,9% 86,9% 48,9% 75,4% 44,8% 68,5% 33,8% 46,7%

Total 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100% 100%

(8)

Pour tous les niveaux de qualification, on observe de 93 à 97 la progression de la part des jeunes en emploi (quel que soit le statut de celui-ci). Cette croissance atteint 27/30 points pour l'ensemble des niveaux de qualification à l'exception des jeunes sans qualification (niveau Vbis et VI), pour lesquels la progression est significativement plus faible (respectivement +18,5 points en France et 13,2 points en Haute Normandie). En fin de période plus des deux tiers des jeunes de niveau III, IV et V sont en emploi contre à peine plus de la moitié des jeunes sans qualification. De plus au sein de cette dernière catégorie, outre le fort taux de chômage, on observe un fort pourcentage d'inactifs(ves).

La Haute-Normandie se distingue par la part importante de jeunes employés dans des sociétés d'intérim (7,5% et 7,6% pour les niveaux V et VI en fin de période). Alors qu'au fil des ans la part des intérimaires les plus qualifiés (niveau III) décroît, celle-ci demeure stable ou progresse pour les bas niveaux de qualification. Transition avant l'accès à un emploi pour les plus qualifiés, l'intérim ne joue pas ce rôle pour les bas niveaux. Le fort pourcentage d'inactifs(ves) est également caractéristique de la situation Haut-Normande. Il atteint 10,9% pour les jeunes de niveau Vbis et VI. De plus, en Haute Normandie, cette part ne régresse pas au fil des ans, et ce pour tous les niveaux de qualification. Ces premières observations doivent être affinées par une analyse plus approfondie distinguant la situation des filles de celle des garçons.

Les jeunes de niveau V

1) Les garçons

Globalement, l'accès des jeunes hommes au premier emploi s'effectue dans un contexte à peine plus défavorable en Haute-Normandie qu'en France. Certes, le taux de chômage est légèrement supérieur en début de période (93) en HN, mais il se rapproche peu à peu du niveau français et ce dès 95. Les premiers emplois sont majoritairement des emplois atypiques, soit 75% (67%) d'emplois temporaires, 12% d'emplois aidés (12,4%) et 18% (18,6%) de temps partiel. Pour ce niveau de qualification, la précarisation du recrutement est devenue la norme, y compris au sein des grands établissements.

Au fil des années, le statut des emplois s'améliore progressivement. Cinq ans plus tard, les emplois temporaires représentent 36% des emplois en Haute-Normandie. La stabilisation est plus rapide en France(25,6% des emplois) en 97.

2) Les filles

L'accès au premier emploi s'effectue dans des conditions similaires en Haute-Normandie et en France, tant en terme de niveau de salaire (3700F/mois), qu'en terme de statut de l'emploi. La précarité des statuts domine. En Haute-Normandie 77% des emplois sont temporaires (73% en France) et 52% à temps partiel (53%). Pour un tiers des filles de niveau V, le premier emploi est un emploi aidé (tant en HN qu'en France). La composition de ces emplois diffère cependant : la part des emplois CES est moindre en HN (47,5% contre 71 % en France), et celle des contrats de qualification plus importante (43,8% contre 21,5%). A la différence des garçons, la stabilisation des statuts s'effectue parallèlement en Haute-Normandie et en France. En 97 les emplois temporaires représentent encore un tiers des emplois, tant en Haute-Normandie qu'en France. Le temps partiel demeure très élevé : 44% en HN et 41% en France.

Sur l'ensemble de la période, on observe une grande proximité entre les taux de chômage en France et en Haute-Normandie (de 35% en 92 à 25% en 97). Le pourcentage de temps passé au chômage est également similaire (25%). Cependant l'inactivité est légèrement plus fréquente en HN (7,6% du temps contre 6,7% en France).

(9)

Pour l'ensemble des jeunes de niveau V, les conditions d'insertion et la structure de l'emploi sont très proches en Haute-Normandie et en France. Seule une plus grande précarité affecte les emplois masculins en Haute-Normandie.

(10)

Les jeunes de niveau Vbis et VI : une situation atypique

1) Les garçons

Au moment de l'enquête (fin 1997), il s'avère que le taux de chômage des garçons non qualifiés est nettement plus faible en Haute Normandie (28,5%) qu'en France (33%) (soit un écart de 4,5 points, ce qui est significatif). Rapportée à la population totale, la part des actifs occupés (garçons de niveau V) est de 65% en Haute Normandie contre 60,8% en France. On observe un écart similaire sur toute la période enquêtée (1992/1998). En effet, la part du temps passé en emploi pendant la période 1992/1998 est de 62% en Haute Normandie contre 57, 7% en France (+4,3 points), la part du temps passé en chômage étant respectivement de 22, 6% et de 30,7% (La moitié de ce différentiel de 8 points est imputable à davantage de périodes d'inactivité et de formation). Au sein des chômeurs, la part des chômeurs longue durée est moins forte en Haute Normandie (19% des chômeurs) qu'en France (37,7%).

Globalement, ces différents indicateurs sont convergents : que ce soit en terme de trajectoire ou au moment de l'enquête, les jeunes hommes sans qualification sont moins touchés par le chômage en Haute Normandie qu'en France. Ce constat doit bien entendu être relativisé par le niveau élevé du taux de chômage des jeunes sans qualification. Il s'agit donc d'un avantage, tout relatif, pour les hauts normands. Cette situation amène à s'interroger sur la qualité et le statut des emplois occupés. Le différentiel constaté serait-il dû au fait que les hauts normands, occuperaient des emplois de moins bonne "qualité", soit en terme de statut : (emplois temporaires, temps partiels, emplois aidés), soit en terme de rémunération ? En bref, une plus grande flexibilité favoriserait-elle l'emploi ?

Or ce n'est pas le cas. Les niveaux de salaire sont similaires, (salaire moyen 5628/5777, salaire médian 5800/5600, les écarts sont légèrement moins importants en H.N.: Q3/Q1=1,25, 1,33 en France), et les emplois sont moins précaires en Haute Normandie. Le temps partiel y est moins développé qu'en France (12,1% des emplois/15,8%), la part des emplois aidés est moins forte (5,8%/10,7%). Ceci serait dû à plus d'emplois dans le secteur public et dans des entreprises plus grandes en H.N. (fonctionnaires : 7,2%/2,7%, emploi dans entreprises de moins de 10 salariés : 21,7%/24,3%).

Globalement tous les indicateurs (taux de chômage, part du chômage longue durée, statut de l'emploi) convergent. Il semblerait qu'au regard du critère de l'emploi, la situation des jeunes hauts normands de niveau Vbis et VI soit moins défavorable en Haute-Normandie qu'en France. Il y aurait (encore) davantage d'emplois non qualifiés, susceptibles d'être occupés par ces jeunes, et notamment dans le secteur public et les grandes entreprises.

2) Les filles

Les actives occupées (ayant un emploi) constituent une minorité tant en Haute-Normandie (37,2% en 97) qu'en France (41,5%). Cette faible part est due à des taux particulièrement élevés de chômage (47%/48% en France) et d'inactivité (23%/14,8% en France).

Parmi celles qui ont travaillé au cours de la période, l'accès au premier emploi s'est effectué dans des conditions très proches de celles des filles de niveau V. Les contrats temporaires dominent 77% en HN (79% en France) ainsi que le temps partiel (52%/ 59% en France); les contrats aidés sont moins représentés en HN (26%) qu'en France (33%). Si la part des contrats aidés est semblable à celle des filles de niveau V, leur structure se modifie. Par rapport aux filles de niveau V, la part des contrats de qualification décroît fortement en Haute-Normandie (-21 points) et celle des CES progresse (+16 points). En outre, les filles sont peu concernées par l'apprentissage, qui demeure majoritairement masculin (Moreau, 2000). L'absence de qualification a ainsi des effets cumulatifs. En raison d'une sélectivité des emplois aidés, celles6 qui auraient le plus besoin de contrats qualifiants n'y ont guère accès.

6 Cette tendance se constate également pour les garçons, mais elle est moins accentuée en raison de la part plus importante de contrats d'apprentissage.

(11)

Que ce soit en HN ou en France, les salaires des filles de niveau Vbis et VI sont les plus bas de toutes les catégories. La Haute-Normandie creuse encore l'écart, puisque sur l'ensemble de la période, les salaires y sont plus faibles qu'en France. Cet écart (en terme de médiane) est de 13,7% au niveau du premier emploi et de 7% à la date de l'enquête.

Ce qui caractérise la situation des filles hauts-normandes est le niveau élevé de leur taux d'inactivité : 23,2% en 97 contre 14,8% en France. Ce niveau particulièrement élevé du taux d'inactivité se constate sur toute la période : la part du temps passé en inactivité de 92 à 97 atteint 21,8% en Haute- Normandie7 (14,8% en France). De plus, ce taux d'inactivité progresse au fil des années : de 18,6% en 93 il passe à 20% en 94 et 22, -% en 97.

En Haute-Normandie, la moitié des filles sans qualification n'a connu aucune période d'activité professionnelle8 au cours des dix huit mois qui précèdent l'enquête (37,4% en France). Pour ces filles, il n'y a pas d'insertion lente et progressive mais un processus cumulatif, conduisant à des trajectoires d'inactivité.

Dans un contexte de progression générale des taux d’activité féminin, ces jeunes femmes non qualifiées se distinguent de la tendance générale. Des recherches (Battagliola, 1997, 1998) ont mis en évidence la progression de l’inactivité des jeunes mères peu qualifiées ces dernières années. Les effets de l’Allocation Parentale d’Education amplifient cette tendance depuis 1994, en faisant chuter le taux d’activité des mères de deux enfants9 (Bonnet, Labbé, 2000) (Afsa, 1998). A cet égard, la Haute-Normandie, où le taux d’inactivité est élevé, constitue un lieu privilégié d’observation de cette tendance. Quels sont les motifs et les variables de ce retrait du marché du travail ?

III Impact des caractéristiques individuelles sur le risque d’inactivité ou de chômage longue durée.

Au cours des 16 mois précédant la date de l’enquête, sur l’ensemble de l’échantillon national, la moitié des jeunes occupe un ou plusieurs emplois, sans interruption (intérim compris). Un peu plus du tiers (35,8%) connaît des successions de périodes d’emploi, d’intérim ou d’inactivité (absence de recherche d’emploi, formation ou service militaire10) Enfin 14,2% de ces jeunes n’a exercé aucun emploi pendant cette période de 16 mois. Cette dernière situation peut être considérée comme un début de retrait du marché du travail.

Nous nous intéressons ici aux caractéristiques individuelles pouvant exercer un impact sur le risque de retrait du marché du travail, tel qu'il est défini ci-dessus. Les principales caractéristiques prises en compte sont :

• le sexe

• le niveau de qualification :qualifiés (niveau V) ou non-qualifiés ( V bis ou VI)

• classe de troisième : suivie ou non

• retard scolaire en 6ème

: inférieur à 2ans ou supérieur ou égal à 2 ans

• lieu de scolarisation à la sortie du système éducatif : Haute-Normandie, autre

• la situation professionnelle des parents par rapport à l’emploi : aucun emploi ou parent (s) en emploi

• le niveau d’études des parents : aucun diplôme ou parent (s) diplômés

• travail de la mère : mère en emploi ou non

• lieu de naissance du jeune : Europe du Nord ou Hors Europe du Nord

• lieu de naissance des parents : les deux parents nés hors de l’Europe du Nord ou pas

• famille nombreuse : oui ou non

• catégorie socioprofessionnelle du père, à défaut de la mère : Employé, ouvrier ou autre catégorie

7 Pour les filles de niveau V, le pourcentage est de 7,6% en HN et de 6,7% en France.

8 Soit en raison de périodes de chômage et d'inactivité.

9 Leur taux d’activité a chuté de 74% en 1994 à 56% en 1998.

(12)

Pour affiner cette analyse et pour tenir compte des effets conjoints entre variables, nous avons effectué des modèles de régression logistique. Ces modèles permettent d’identifier l’effet propre de chacune des caractéristiques, “ toutes choses égales par ailleurs ”.

Tableau 8

Modèle 1 : Analyse globale de l’impact des caractéristiques individuelles Modalité de

référence

Modalité active Coefficient dans le modèle

Seuil de significativité

Probabilité estimée de risque de retrait (modalité active)

Constante -2,18 0,0001

Probabilité estimée pour la situation de référence 10,2%

Niveau V Non qualifié 1,08 0,0001 25,1%

Filles Garçons - 1,07 0,0001 3,75%

Né en Europe Nord

Né hors Europe du Nord

0,25 0,05 12,7%

Parent (s) en emploi

2 Parents sans emploi

0,53 0,0001 16,1%

Pas issu de fam nombreuse

Issu famille nombreuse

0,18 0,02 12%

Parent (s) né (s) en Europe Nord

2 parents nés hors Europe du Nord

0,10 0,3

N.S

11,1%

Parent (s) diplômé (s)

2 parents non diplômés

0,03 0,6

N.S

10,5%

Mère en emploi Mère sans emploi 0,2 0,006 12,1%

Pas de retard 6ème 2ans ou plus

Retards 6ème 2ans ou plus

0,09 0,2

N.S

11,1%

Hors Haute- Normandie

Haute-Normandie 0,31 0,03 13,4%

Père à défaut mère non Employé et non Ouvrier

Père à défaut mère Employé ou Ouvrier

0,27 0,0001 13%

A suivi une classe de troisième

N’a pas suivi une classe de troisième

0,2 0,001 12,2%

Note de lecture : on part de la situation de référence suivante : Niv V, Fille, Née en Europe Nord, Parent (s) en emploi, Pas issue de fam nombreuse, Parent (s) né (s) en Europe Nord, Parent (s) diplômé (s), Mère déjà travaillé, Pas de retard 6ème

de 2ans ou plus, n’appartenant pas à l’échantillon Haut-Normand, Père à défaut mère non Employé et non Ouvrier, A suivi une classe de troisième. Par un modèle de régression logistique on estime le risque de retrait du marché du travail pour un jeune dans cette situation par 10,2%. Un jeune présentant toutes les caractéristiques de la situation de référence mais qui serait non

(13)

qualifié plutôt que qualifié aurait 25,1% de chances d’être en retrait. L’écart entre les deux pourcentages mesure l’effet propre d’être non qualifié plutôt que qualifié.

L’analyse du tableau montre que cette situation de chômage ou d’inactivité de longue durée est particulièrement sensible pour les jeunes présentant toutes les caractéristiques de la situation de référence mais qui serait non qualifié plutôt que qualifié (25,1% contre 10,2%). En revanche, les garçons présentant toutes les caractéristiques de la situation de référence ont un risque estimé nettement inférieur à celui des filles (3,75% contre 10,2%). Parmi les autres caractéristiques, on peut remarquer également le surcroît de risque pour les jeunes dont les 2 parents sont sans emploi (16,1%

contre 10,2%). Enfin, le fait d’avoir effectué sa scolarité en Haute-Normandie a également un impact négatif sur l’insertion des jeunes (13,3% contre 10,2%)

Ces différents éléments d’analyse confirment, au-delà du diplôme, la permanence de l’impact des différenciations sexuées, des caractéristiques sociales, familiales, et du facteur géographique sur l’insertion.

Pour tenir compte de l’effet très significatif du sexe et du niveau de qualification, nous avons estimé les risques de retrait associés aux 4 modèles construits pour chacun des sous groupes associés à ces variables : Modèle 2 : Garçons niv V, Modèle 3 : Garçons niv V bis ou VI, Modèle 4 : Filles niv V, Modèle 5 : Filles niv V bis ou VI.

Pour les garçons qualifiés de Niveau V, avec les mêmes modalités de référence, le risque estimé de retrait est de 4,5%. De façon marginale, il passe à 8% pour les garçons dont les deux parents sont sans diplôme. Les autres variables ne sont pas significatives.

Pour les filles qualifiées de Niveau V, avec les mêmes modalités de référence, le risque estimé de retrait est de 10,6%. De façon marginale, il passe à 19,3% pour les filles dont les deux parents sont sans emploi et à 14% pour les filles dont le père ou à défaut la mère est ouvrier ou employé. Les autres variables ne sont pas significatives.

Ainsi, dans le cas des jeunes de niveau V, en dehors de la situation des parents par rapport à l’emploi ou au diplôme, on trouve peu de variables significatives.

Il n’en va pas de même pour les jeunes non qualifiés, et surtout pour les filles. Tout se passe comme si les effets des variables se conjuguaient et conduisaient à des situations de forte précarité par rapport à l’emploi (tableau 9). En effet, si le risque estimé de retrait pour les jeunes filles non qualifiées est estimé à 18,2% dans la situation de référence, il passe à 26% pour les jeunes filles dont les parents sont nés hors Europe du nord, 30% si les 2 parents sont sans emploi et surtout près de 32% pour l’échantillon haut normand. Alors que cette dernière variable n’avait aucune influence dans les autres modèles concernant les sous groupes décrits ci-dessus, le surcroît de risque mis en évidence pour l’échantillon de Haute-Normandie confirme le constat que nous avions effectué : le fort taux d’inactivité des filles non qualifiées en Haute-Normandie.

(14)

Tableau 9 Modèle 4 et 5 :

Impact des caractéristiques individuelles pour les garçons et les filles non-qualifiés Garçons NQ Filles NQ

Modalité de référence Modalité active Proba estimée

Proba estimée

Constante 11,9% 18,2%

Né en Europe Nord Né hors Europe du Nord

10,8%

n.s

25,9%

Parent (s) en emploi 2 Parents sans emploi

16,7% 29,8%

Pas issu de fam nombreuse

Issu famille nombreuse

17% 20%

n.s Parent (s) né (s) en

Europe Nord

2 parents nés hors Europe du Nord

12,5%

n.s

20%

n.s

Parent (s) diplômé (s) 2 parents non diplômés

11,7%

n.s

16%

n.s Mère déjà travaillé Mère jamais

travaillé

17% 22%

Pas de retard 6ème 2ans ou plus

Retards 6ème 2ans ou plus

14,4%

n.s

19%

n.s Echantillon hors Haute-

Normandie

Haute- Normandie

12,6%

n.s

31,8%

Père à défaut mère non Employé et non Ouvrier

Père à défaut mère Employé ou Ouvrier

12,3%

n.s

31,7%

A suivi une classe de troisième

N’ a pas suivi une classe de troisième

15,6% 23,4%

IV Les classes de trajectoire des jeunes normands

Alors que les analyses précédentes étaient statiques, nous nous proposons d’effectuer ici une analyse dans une perspective longitudinale, centrée exclusivement sur l’échantillon haut-normand. L’itinéraire professionnel du jeune est reconstitué de façon séquentielle mois par mois, de janvier 93 à juillet 97.

La démarche utilisée (classification ascendante hiérarchique) vise à résumer l’ensemble des parcours, à partir de 9 états possibles pour les 55 mois observés en quelques formes ou classes stables. Ces 9 états sont : formation, service, inactivité, chômage, intérim, CDD, CDI, mesures (emplois aidés) et

(15)

autres emplois (saisonniers, stagiaires, "petits boulots"…). On repère alors chaque jeune par sa classe d’appartenance, l’analyse est ensuite complétée en mobilisant les autres variables d’identification pour expliquer les classes.

Les différents états permettent de mettre en évidence, non seulement la situation par rapport à l'emploi, mais également le statut des emplois occupés. Cette dernière variable est décisive, dans la mesure où la croissance des emplois atypiques constitue une mutation structurelle du marché du travail (qui ne s'infléchit guère avec la reprise). Les débutants de bas niveau de qualification sont les premiers affectés par la flexibilité : un emploi oui ! Mais à quelles conditions et à quel prix ?

Nous pensons mettre en évidence des classes d’insertion lente ou rapide et des classes dans lesquelles chômage et inactivité dominent, surtout pour les jeunes filles de bas niveau de qualification.

La classification des jeunes normands fait apparaître 5 classes de trajectoire d'inégale importance. Les trois premières regroupent respectivement : 37%, 13,7% et 38,7% des jeunes. Le choix de retenir les deux dernières classes, représentatives de respectivement 4% et 6,6% des effectifs, est motivé par leur forte homogénéité. Elles permettent une compréhension des trajectoires les plus difficiles en terme d'emploi.

Les classes 1 et 2 regroupent la part la plus importante de jeunes qualifiés de notre échantillon. Leurs caractéristiques sont très proches au regard de la qualification :

-respectivement 75% et 72% de jeunes qualifiés -peu de retard scolaire

-parents ayant un diplôme à 77% et un emploi à plus de 90%.

- leurs salaires moyens sont proches (6000 et 6030) soit les plus élevés de l'ensemble des classes.

Seul le statut de l'emploi les distingue : CDI (classe 1), intérim (classe2).

Note de lecture : Si en début de période 40% des jeunes de cette classe ont un CDI, ils sont près de 90% en fin de période.

Classe 1

0%

20%

40%

60%

80%

100%

J 93 M 93 M 93 Jl 93 S 93 N 93 J 94 M 94 M 94 Jl 94 S 94 N 94 J 95 M 95 M 95 Jl 95 S 95 N 95 J 96 M 96 M 96 Jl 96 S 96 N 96 J 97 M 97 M 97 Jl 97

Formation Service Inactivité Chomage Autres emplois Mesures Interim CDD CDI

S.N.

C.D.I.

(16)

Classe 2

0%

20%

40%

60%

80%

100%

J 93 M 93 M 93 Jl 93 S 93 N 93 J 94 M 94 M 94 Jl 94 S 94 N 94 J 95 M 95 M 95 Jl 95 S 95 N 95 J 96 M 96 M 96 Jl 96 S 96 N 96 J 97 M 97 M 97 Jl 97

Formation Service Inactivité Chomage Autres emplois Mesures Interim CDD CDI

Note de lecture : Si en début de période, près de 50% de jeunes sont en emploi : dont 5% CDI , 8% CDD, 30% en Intérim et 7% répartis en mesures et autres emplois), il sont près de 90% en fin de période dont plus de 50% en intérim

Classe 1 : les CDI (37% des effectifs)

Les garçons représentent 65% de ce groupe. De la sortie du système scolaire à fin 95, l'insertion professionnelle s'effectue progressivement sur des CDI. Nombreux à être au service militaire en début de période, la fin du service (1995) correspond à la stabilisation dans un emploi stable. On observe, néanmoins, une légère progression du chômage de fin 95 à 97 (instabilité de certains emplois ?) En fin de période, 88% de ces jeunes sont en CDI. Les jeunes de ce groupe se montrent les moins inquiets face à l'avenir, 76% estiment que leur situation professionnelle leur convient.

Cette stabilisation progressive permet une indépendance financière, qui entraîne la décohabitation (72% en 97) et la constitution d'un couple (à 60%). La synchronisation des différentes étapes du passage à l'âge, qui caractérisait les jeunes de milieu populaire (Galland, 1991) après le service militaire se réalise pour une part conséquente de ces jeunes.

Classe 2 : l'intérim (13,7% des effectifs)

Cette classe est massivement masculine (à hauteur de 84%). Comme le groupe précédent, la fin du service militaire (plus marqué en raison de la forte proportion de garçons) est concomitante d'une insertion professionnelle progressive. Celle-ci s'effectue majoritairement sur des missions d'intérim.

L'année 95 marque un infléchissement de la part de l'intérim au profit de CDD et d'une insertion plus stable en CDI. En 1997, 56% de ces jeunes sont en situation d'intérim, 16% en CDD et 10% en CDI.

Un certain volant de chômage, lié aux fins de contrats, se maintient sur toute la période.

En dépit de salaires légèrement plus élevés que ceux de la classe 1, 59% de ces jeunes se montrent inquiets face à l'avenir, en raison de la précarité du statut de leur emploi. Le modèle de référence, qui autorise une projection dans l'avenir, demeure le CDI. De fait cinq ans après leur entrée sur le marché du travail, près de la moitié de ces jeunes vivent encore chez leurs parents, seuls 39% vivent en couple.

C.D.I.

C.D.D. Intérim

S.N.

(17)

Note de lecture : Dans cette classe, la part des jeunes en emploi CDI, CDD ou Intérim en début de période est de 20%. On compte également plus de 40% de jeunes de cette classe au chômage. En fin de période, la part emploi augmente, celle de chômage reste au niveau de près de 38%.

Classe 3 : chômage récurrent (38,7% des effectifs)

Cette classe, de peu la plus nombreuse, regroupe à égalité filles et garçons. Elle exprime l’insertion lente et éminemment vulnérable de nombreux jeunes, touchés de plein fouet par la flexibilité. Ceux-ci alternent emplois aidés, emplois précaires (CDD) et de fréquentes périodes de chômage. C’est dans cette classe que l’on compte le plus de périodes emploi ou chômage. On observe une modification de la structure des emplois à partir de 1995. La part des CDI croît à partir de 1995 et atteint 20% du total des emplois en 1997. Le pourcentage de chômeurs se maintient, néanmoins, à un taux élevé sur l’ensemble de la période. Ainsi en 1997, 38% des jeunes sont au chômage. Parmi ceux-ci, 30% n’ont occupé aucun emploi au cours des dix huit mois précédant l’enquête.

La part des jeunes sans qualification est à peine plus élevée que dans les deux classes précédentes (32% contre respectivement 25 et 28%), mais le pourcentage de jeunes ayant connu des difficultés lors de leur scolarité est plus conséquent (17% avaient un retard en 6° et n’ont pas effectué de classe de troisième). Ces jeunes sont plus souvent que dans les deux classes précédentes d’origine étrangère (11%).

54% de ces jeunes se déclarent inquiets face à l’avenir. La précarité qui caractérise leur parcours freine la décohabitation et la constitution d’un couple : en 1997 48% vivent encore chez leurs parents et 40% vivent en couple, situation similaire au groupe des intérimaires.

C.D.D.

Mesures emploi

Classe 3

0%

20%

40%

60%

80%

100%

J 93 Av 93 Jl 93 O 93 J 94 Av 94 Jl 94 O 94 J 95 Av 95 Jl 95 O 95 J 96 Av 96 Jl 96 O 96 J 97 AV 97 Jl 97

Formation Service Inactivité Chomage Autres emplois Mesures Interim CDD CDI

C.D.D.

C.D.I. S.N.

Mesures emploi Chômage

(18)

Les deux dernières classes, minoritaires par leurs effectifs, regroupent les jeunes les moins qualifiés de notre échantillon (respectivement 50% et 62% de jeunes non qualifiés). Leurs parcours sont les plus éloignés de l’insertion professionnelle. Face à de grandes difficultés d’insertion, deux types de trajectoires, exprimant des rapports diamétralement opposés à l’activité, se dessinent.

Note de lecture : La part des jeunes en emploi passe de près de 50% en début de période (dont plus de la moitié en autres emplois ou « petits boulots »), à près de 80% en fin de période (dont la moitié également en petits boulots).

Note de lecture : Si en début de période, plus de 50% de ces jeunes sont inactifs, ils sont plus de 70% dans cette situation en fin de période.

La classe 4 : « petits boulots » (4% des effectifs)

La classe 4 correspond à des jeunes qui manifestent un rapport fortement positif à l’activité. Peu qualifiés (50% de non qualifiés), ils accèdent difficilement aux CDD, intérim et même aux emplois

Classe 4

0%

20%

40%

60%

80%

100%

J 93 Av 93 Jl 93 O 93 J 94 Av 94 Jl 94 O 94 J 95 Av 95 Jl 95 O 95 J 96 Av 96 Jl 96 O 96 J 97 AV 97 Jl 97

Formation Service Inactivité Chomage Autres emplois Mesures Interim CDD CDI

Inactivité

Chômage

Classe 5

Classe 5

0%

20%

40%

60%

80%

100%

J 93 M 93 M 93 Jl 93 S 93 N 93 J 94 M 94 M 94 Jl 94 S 94 N 94 J 95 M 95 M 95 Jl 95 S 95 N 95 J 96 M 96 M 96 Jl 96 S 96 N 96 J 97 M 97 M 97 Jl 97

Formation Service Inactivité Chomage Autres emplois Mesures Interim CDD CDI

Chômage

Autres emplois

C.D.I.

C.D.D.

Classe 4

(19)

aidés. Ils se « débrouillent » néanmoins et occupent majoritairement des autres emplois que nous qualifions de « petits boulots » ( vacations, emplois saisonniers, stages, emplois sans contrat). Les périodes de chômage sont fréquentes et diminuent peu au fil des années. L’alternance emploi/chômage est caractéristique de ce type de parcours, évitant ainsi que ne se développe un chômage longue durée. Au moment de l’enquête, tous les jeunes de cette classe avaient eu une période d’emploi au cours des derniers dix-huit mois. Ce rapport positif à l’activité se manifeste dès l’adolescence, où ils sont plus nombreux que dans les autres classes de trajectoire à avoir occupé des

« petits boulots » lors de leur scolarité et pendant les vacances.

Cette classe regroupe majoritairement des garçons (à hauteur de 60%), dont la moitié est non qualifiée. Leurs parents sont plus fréquemment que dans les autres classes sans diplôme (34%) ainsi que d’origine étrangère (12%). Au moment de l’enquête, une forte proportion de ces jeunes (56%) habite encore chez leurs parents, seul un tiers vit en couple.

La classe 5 : inactivité (6,6% des effectifs)

La classe 5 est caractérisée par un retrait du marché du travail qui s’amplifie au fil des années. Cette trajectoire d’inactivité est majoritairement le fait de jeunes femmes (à 84%), dont une forte proportion est non qualifiée (62%). C’est également au sein de cette classe que l’on observe la plus grande part de retards scolaires (26% de ces jeunes avaient un retard en 6° et n’ont pas effectué de classe de troisième).

Dès leur sortie du système scolaire, on observe que plus de 45% de ces jeunes ne se présentent pas sur le marché du travail. Parmi les actifs(ves), 20% sont au chômage. Découragement face aux difficultés d’insertion professionnelle et retrait lié aux maternités se combinent vraisemblablement pour expliquer la progression de l’inactivité, qui atteint son plus haut niveau en 1996.

Les trois quarts des jeunes de cette classe n’ont occupé aucun emploi11 au cours des seize mois précédant l’enquête. Leurs parents sont également plus fréquemment sans emploi que dans les autres classes de trajectoire (27% contre 9,5% pour l’ensemble de l’échantillon).

Ces jeunes manifestent un faible rapport à l’activité, qui s’exprime dès l’adolescence par le fait qu’ils(elles) sont significativement moins nombreux que dans les autres classes à avoir exercé une activité professionnelle pendant leurs vacances. Ils(elles) sont aujourd’hui un tiers à accorder la priorité à la vie privée sur la vie professionnelle. Cet arbitrage, fréquemment familialiste, se concrétise par la constitution d’une famille plus précoce que dans les autres classes. Cinq ans après leur sortie du système scolaire, 69% de ces jeunes vivent en couple et les deux tiers ont au moins un enfant (40% ont deux enfants). La décohabitation et la formation d’une famille est dissociée de l’accès à une indépendance économique.

V Les trajectoires d’inactivité

L’identification de cette dernière classe de trajectoire confirme le constat que nous avions effectué de manière statique. Dans un contexte de progression générale des taux d’activité féminins, les jeunes femmes non qualifiées se distinguent de la tendance générale. A cet égard, la Haute-Normandie où le taux d’inactivité est élevé constitue un lieu privilégié d’observation de cette tendance. Le souci de comprendre ces trajectoires d’inactivité nous a amenées à compléter l’exploitation des données de G92 par une enquête qualitative. Par quel (s) processus s’opère le retrait progressif du marché du travail ? Quel sens ces jeunes femmes donnent-elles à leur trajectoire ?

Des entretiens biographiques ont été menés auprès d’un échantillon de jeunes femmes de niveau V, Vbis et VI 12 n’ayant exercé aucune activité professionnelle au cours des 16 mois précédant l’enquête CEREQ. Elles ont été invitées à retracer leur trajectoire tant professionnelle que familiale et

11 Cet indicateur correspond à un cumul des inactifs et des chômeurs longue durée pendant cette période.

12 Leurs coordonnées nous ont été communiquées par l’INSEE de Haute-Normandie. Elles avaient accepté un

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résidentielle depuis leur sortie du système scolaire en 92.

Le processus de retrait

Le passage à l’âge adulte se décline traditionnellement selon trois dimensions, insertion professionnelle, constitution d’une famille et décohabitation, qui sont aujourd’hui de moins en moins synchronisées. Pour ces jeunes femmes, le passage à l’âge adulte s’effectue sur un mode familialiste : maternités précoces précipitant fréquemment la mise en couple et le départ du foyer parental. Agées de 27 ans, au moment de l’entretien, elles ont pour la plupart trois enfants. Plus encore que la vie conjugale, les maternités successives orientent leur parcours.

Ainsi Sabrina interrompt sa formation de coiffure avant d’obtenir son brevet professionnel : « Je me suis retrouvée enceinte de mon fils aîné, j’ai voulu rester avec lui pendant un an. Pour profiter de lui comme toutes les mères et quand je me suis mise à la recherche d’un employeur pour faire mon brevet, tous les patrons m’ont dit vous êtes trop vieille vous ne nous intéressez pas ! » Elle cherche quelque temps un emploi en tant qu’aide coiffeuse, mais en vain. « Donc ça m’a découragé, j’ai abandonné la coiffure ! » Sabrina touche alors l’Allocation de Parent Isolé, tout en travaillant dans les écoles (2H pendant l’interclasse de midi). « Par mois j’avais un salaire qui variait entre 500 et 700F, c’était pas grand chose et en plus il y avait beaucoup de vacances. Donc j’avais pas beaucoup de salaire, et pour si peu de salaire la CAF me retirait entre 1000 et 1500F sur mon parent isolé (allocation d’un montant de 3700 à l’époque à taux plein). Donc je travaillais en fait à perte. J’aurais gardé mon parent isolé, j’aurais été mieux mais je voulais rester avec mon fils et je voulais aussi travailler. C’était un besoin, le fait d’être à l’extérieur, voir d’autres personnes. » La mise en couple lui faisant perdre le droit à l’allocation, Sabrina trouve un autre emploi (4H par jour soit 2400 F par mois). Elle travaillera alors pendant un an dans une entreprise de nettoyage avant d’être licenciée. La naissance de son deuxième enfant, un an après, mettra fin à sa recherche d’emploi. Depuis 1996, elle perçoit l’Allocation Parentale d’Education (soit un peu plus de 3000F par mois) ; la naissance d’un troisième enfant prolongera de trois ans le versement de cette allocation.

La trajectoire de Sabrina illustre les difficultés d’insertion de ces jeunes femmes. Peu ou non qualifiées, elles se trouvent confrontées simultanément à deux transitions majeures : la constitution d’une famille et leur insertion professionnelle, et ce dans un contexte économique difficile.

Il est à observer que les jeunes femmes ayant opté délibérément pour l’apprentissage, sont celles qui manifestent le rapport le plus positif à l’activité. Dans ce cas, le choix de l’apprentissage traduit une volonté d’entrer rapidement sur le marché du travail, et non une orientation passive par défaut. Pour autant aucune des jeunes femmes interrogées n’a occupé un emploi stable à temps plein. Elles n’accèdent qu’à des emplois aidés non qualifiants (CES), des emplois à temps (et à salaire) souvent très partiel, entrecoupés de périodes de chômage.

La recherche d’emploi est pour elles une épreuve, d’autant plus douloureuse qu’elle se prolonge. De plus, confrontées à des échecs successifs, elles intériorisent peu à peu une image négative d’elles- mêmes.

« Je tournais en rond. Le ménage il est fini, qu’est-ce qu’on fait ? Bon on va à l’ANPE, à l’ANPE on arrive et puis rien ! J’y allais trois fois dans la semaine. Contente d’aller à l’ANPE et puis arrivée là, rien ! Bon ben, tu reprends le car et tu rentres chez toi, et tu te dis ça sera peut-être pour la semaine prochaine ! Et puis tout le temps comme ça, tout le temps… »

- ça faisait combien de temps que vous faisiez ces allées retour ?

« ça faisait trois ans que je cherchais un emploi. Quand je rentre (de l’ANPE), ben je suis désespérée.

Parce que je me dis ça sera peut-être pour la semaine prochaine. Et puis non… et puis toujours rien.

Voir un an arriver et tu te dis : « bon ben voilà c’est encore une année qui est encore passée pour rien ! » Voilà, et après j’ai eu ma fille. » (Stéphanie)

Bon nombre de ces jeunes femmes reconnaissent au cours de l’entretien avoir connu des périodes de profonde déprime. Dans ces conditions, la sortie du marché du travail afin d’élever ses enfants représente une sortie de cette spirale de l’échec. Elle constitue, d’une certaine manière, un processus de résistance et de recomposition de soi.

En outre, ce retrait obéit incontestablement à une rationalité économique. Depuis son extension en 1994 aux naissances de rang deux, l’Allocation Parentale d’Éducation fournit un revenu de

(21)

substitution, équivalent à 57% du SMIC en 1999, pendant trois ans voire six ans (lorsqu’une troisième naissance en prolonge la durée). Cette allocation conduit nombre de femmes peu qualifiées 13, souvent actives à temps partiel ou connaissant un chômage récurrent, à se retirer du marché du travail. Toutes les mères d’au moins deux enfants interrogées ont bénéficié de cette allocation. De plus pour une grande majorité d’entre elles la troisième naissance est intervenue dans le délai des trois ans.

Le retour à l’emploi

Les jeunes femmes interrogées envisagent néanmoins toutes un retour à l’emploi. Celui-ci est motivé par des raisons économiques mais pas seulement. En dépit des apparences, elles récusent le modèle d’inactivité de bon nombre de leurs mères, celui-ci n’est envisagé que de manière transitoire, jusqu’à ce que les enfants soient scolarisés.

« Non je ne pourrais pas faire comme ma mère. » - c’est à dire ?

« Rester chez moi à attendre que tout le monde arrive, à être là juste pour faire du ménage ou faire à manger … non ! Faut que je pense à moi aussi, moi je veux pas rester sans rien faire, non ! » (Sonia, mère de deux filles de 8 et 6ans)

L’activité est devenue pour elles une évidence, même si sa concrétisation demeure problématique.

L’accès à l’emploi suppose de se projeter dans un horizon à moyen ou long terme et exige une certaine capacité d’individualisation. A cet égard, on observe un écart entre les femmes non qualifiées et les autres.

L’absence de qualification est le résultat d’un échec scolaire précoce qui a suscité l’intériorisation d’une image négative d’elles-mêmes. Ces jeunes femmes n’ont eu à aucun moment de leur trajectoire la possibilité d’exercer un choix positif en terme soit d’orientation scolaire soit de métier. Elles manifestent aujourd’hui une grande passivité dans les différents domaines de leur existence. En outre, elles sont issues de milieux défavorisés et vivent avec des conjoints qui occupent des emplois précaires et sont pour certains au chômage. Dans ce contexte, leur souci est d’assurer le quotidien.

Elles se révèlent incapables de se projeter dans un quelconque avenir. Aucun projet n’est élaboré au moment de la sortie de l’APE.

D’autres, en revanche, préparent quelques mois à l’avance leur retour à l’emploi. Leur expérience professionnelle antérieure, marquée par la précarité et des conditions de travail difficiles, ne les incite pas à rechercher un emploi dans le même métier. Ces femmes recherchent avant tout une certaine stabilité de l’emploi et des horaires compatibles avec ceux de leurs enfants scolarisés. Leurs projets sont caractérisés par une forte tension entre d’une part les contraintes familiales, mais aussi conjugales14, et d’autre part une certaine aspiration à l’autonomie. « Penser aussi un peu à moi »,

« Faire quelque chose de ma vie » revient comme un leitmotiv dans les entretiens des jeunes femmes qui envisagent une réorientation professionnelle. Concevoir un projet personnel suppose de pouvoir penser « je » et de ne pas se fondre totalement dans le collectif familial. Cette capacité d’individualisation est perceptible à travers quelques indices, tels que la possession du permis (ou d’un scooter), des sorties sans le conjoint ou les enfants, un investissement dans la vie locale, mais aussi les modalités de départ de chez les parents…. Ainsi, les jeunes femmes qui ont connu un épisode de vie célibataire15 avant leur mise en couple manifestent une plus grande autonomie que les autres vis à vis de leur conjoint. Leur capacité de négociation conjugale s’accroît.

Pour autant, à de rares exceptions près, l’enquête ne nous donne pas le recul nécessaire pour juger de la réussite de ces projets de retour à l’emploi.

13 On observe depuis 1995 une baisse importante des taux d’activité des mères de deux enfants ; celui passe de 74% en 94 à 56% en 98, alors que pendant la même période les taux d’activité des mères de un et trois enfants continuent de progresser (Bonnet, Labbé, 2000). L’APE a profondément modifié les trajectoires des femmes ; cet effet est particulièrement fort pour les femmes les moins qualifiées.

14 De nombreux hommes ont incité leur conjointe à sortir du marché du travail pour élever leurs enfants, d’autant plus qu’avec l’APE cela correspondait à une rationalité économique.

15 Au sein de l’échantillon enquêté, il s’agit de mères célibataires qui ont élevé seules pendant un an ou deux leur

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