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La place du français dans les pratiques langagières des lycéens de Béjaïa

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La place du français dans les pratiques langagières des lycéens de Béjaïa

Bachir BESSAI Université de Béjaïa

Notre recherche propose l’analyse sociolinguistique d’une situa-tion bien spécifique de contact de langues en Algérie, celle de la ville de Béjaïa dans le but de comprendre comment cette coexis-tence de langues se gère dans ce contexte urbain. Elle tente donc de répondre aux questions classiques : dans la ville de Béjaïa, qui parle quelles langues, à qui, dans quel contexte, pourquoi ? Avant d’entrer dans la présentation et l’analyse des résultats, il est utile de rappeler quelques données générales du contexte.

Béjaïa et ses langues

L’Algérie en général et Béjaïa en particulier se caractérisent par une situation sociolinguistique complexe ; le paysage linguis-tique est constitué d’un bouquet de langues d’une grande variété. Cette ville côtière, Béjaïa, peut constituer un laboratoire pour l’étude du plurilinguisme et des contacts de langues. En effet, des populations originaires de toutes les régions du pays y parlent plusieurs langues et les dynamiques sociolinguistiques y sont particulièrement complexes. Cette ville subit l’influence des autres villes dans la mesure où beaucoup de gens viennent s’y installer. Les villes, quelle que soit leur importance, consti-tuent des terrains privilégiés pour les études sociolinguistiques,

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en raison du brassage des langues qui les caractérise. Dans cette optique, Calvet (1994) note que les villes sont des milieux parti-culièrement importants pour les contacts économiques, poli-tiques, culturels et linguistiques.

Le kabyle (taqbaylit) est aujourd’hui la langue maternelle et quo-tidienne de la majorité de la population de cette ville mais la population urbaine traditionnelle bougiote était majoritairement arabophone. La variété d’arabe parlée à Béjaïa est appelée le bougiote ou béjaoui. Ce parler est présent en milieu familial, voire social, parmi les anciennes familles bougiotes habitant notamment les vieux quartiers de la Haute-Ville.

La présence de l’arabe classique se réduit aux espaces institu-tionnels formels, placés sous le contrôle direct de l’administra-tion centrale de l’État comme les écoles, les tribunaux, les gendarmeries, etc. (Chaker : 2004). En pratique, c’est plutôt le français qui est employé pour les usages écrits ou savants et, de façon presque exclusive, dans le commerce et la publicité. Cette langue est très présente au sein de la population où elle est uti-lisée comme langue de la conversation. Dans la communication de tous les jours, on croise des locuteurs francophones dans les deux grands groupes linguistiques, arabophone et berbéro-phone. L’alternance des langues est une production courante chez les locuteurs bougiotes, notamment dans les situations informelles.

Présentation de l’enquête

Dans la ville de Béjaïa, l’espace qui retient le plus notre attention se situe dans la sphère scolaire lycéenne, à savoir les lycées de la ville de Béjaïa qui constituent les lieux de la formation des élèves du niveau secondaire. Pour mieux cerner notre terrain de recherche, nous avons décidé de nous intéresser uniquement au

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cas des lycées, terrain privilégié par les études sociolinguis-tiques. Les lycées représentent un lieu de transmission et d’échange de savoir tant au niveau scientifique qu’au niveau culturel. Nous avons donc essayé d’atteindre les différentes caté-gories socioculturelles en interrogeant des élèves provenant de divers milieux.

Notre contribution prend appui sur une enquête sociolinguis-tique menée auprès des jeunes lycéens de la ville de Béjaïa. Nous avons collecté des données quantitatives et qualitatives au moyen de deux techniques différentes. Pour des raisons maté-rielles, nous avons d’abord eu recours à une enquête par ques-tionnaire auprès de plus de deux cents lycéens de la ville de Béjaïa. Nous avons ensuite effectué neuf entretiens22.

Pour entrer en contact avec les élèves, nous avons eu recours surtout à des professeurs de langues, à des collègues exerçant dans la ville de Béjaïa. Le questionnaire a été distribué dans plu-sieurs lycées de la ville de Béjaïa. Au total 225 élèves ont parti-cipé à cette enquête.

La procédure de l’administration du questionnaire a été réalisée de deux manières différentes. La première consistait à distribuer le questionnaire dans les classes, 20 minutes avant la fin du cours ou dans les cours des lycées pendant la récréation ou les heures creuses, et à laisser les élèves remplir le questionnaire. A la fin de la séance, les questionnaires étaient rassemblés. Les profes-seurs de français des lycées sélectionnés qui nous ont autorisé à faire remplir les questionnaires en classe, nous ont permis de nous assurer qu’ils avaient été remplis en toute indépendance. De plus, cette méthode nous a procuré un nombre très élevé de questionnaires effectivement remplis.

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La deuxième manière consistait à distribuer des questionnaires en demandant aux élèves de les remplir chez eux. Dans certains cas, les questionnaires rendus n’étaient pas totalement remplis. Ce qui explique, d’ailleurs, le nombre assez important de non-réponses. Les enseignants donnaient les recommandations aux élèves et s’assuraient que les questions étaient bien comprises. La saisie des réponses des élèves aux questionnaires a été faite sur ordinateur à l’aide d’un logiciel d’enquête appelé « SPHINX ». Le logiciel calcule la distribution numérique et la distribution en pourcentage des réponses pour toutes les questions. Le question-naire a donc fait l’objet d’un traitement statistique.

Après avoir fait un petit tour d’horizon du plurilinguisme de la ville de Béjaïa et présenté la population concernée par l’enquête, nous essayerons, à partir des réponses des élèves au question-naire, d’analyser leurs pratiques langagières.

Répartition des langues selon les domaines de communication

Nous avons invité nos enquêtés à attribuer les différentes langues aux différents interlocuteurs : parents, frères et sœurs, amis, professeurs et personnes inconnues. Etant conscient qu’il pourrait s’agir de plusieurs langues à la fois, nous leur avons demandé de distinguer les langues selon la fréquence de leur usage (toujours, souvent, parfois, jamais). Notre étude met l’accent sur les trois langues les plus présentes dans l’environnement des élèves à savoir : le kabyle, l’arabe (algérien) et le français.

Usage de la langue kabyle en fonction de l’interlocuteur

Les déclarations concernant l’usage du kabyle avec les différents interlocuteurs se répartissent chez les élèves de la façon suivante (graphe 1). Ce graphe montre, à ses extrémités, que l’écrasante majorité des élèves dit parler fréquemment le kabyle avec les

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parents, soit un pourcentage de 90,2% (addition des réponses

toujourset souvent). Ceux qui disent ne jamais utiliser le kabyle ne représentent qu’une très faible proportion (0,5%). Un usage plus fréquent du kabyle (réponses toujours et souvent) apparaît donc chez 90% en ce qui concerne la communication avec les parents et 87% avec les frères et sœurs, 81% avec les amis, 69% avec les personnes inconnues. On peut donc noter que c’est en dehors de l’école que sont localisés les usages les plus fréquents (souvent, toujours) de la langue kabyle. Environ 22% des élèves ne s’en servent jamais quand ils discutent avec leurs professeurs.

Usage de la langue arabe en fonction de l’interlocuteur

Le graphe 2 révèle que presque un tiers des élèves ne parle pas fréquemment la langue arabe. 31,5% des élèves déclarent ne

jamais utiliser l’arabe pour communiquer avec leurs parents, alors que ceux qui disent utiliser toujours l’arabe ne représentent qu’une très faible proportion (10,9%). De même, environ 22% des élèves disent ne jamais employer cette langue dans leurs discus-sions avec les frères et sœurs, et un peu plus de 15% des élèves

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déclarent ne jamais utiliser l’arabe avec les amis. L’arabe n’est pas très présent chez les élèves pour aborder une personne inconnue dans la rue : un peu plus de la moitié (59%) des élèves disent ne

jamaisparler l’arabe avec les inconnus ou seulement parfois. Le pourcentage le plus important de l’usage de l’arabe concerne les situations où les élèves s’adressent à leurs professeurs. Dans ce cas, presque 85% des enquêtés disent avoir recours toujours ou souvent à l’arabe. Notre questionnaire ne permet pas de savoir quelle est la variété de l’arabe employée avec les professeurs, mais il nous semble qu’il s’agit fort probablement de l’arabe clas-sique. En somme, l’image obtenue est que les élèves ne parlent pas fréquemment l’arabe dialectal : cette remarque est confirmée par la proportion des réponses parfois qui dépassent presque 40% dans toutes les situations proposées.

Usage de la langue française en fonction de l’interlocuteur

Ce graphe montre clairement que les usages du français varient suivant les interlocuteurs. C’est en dehors de la famille (parents, frères et sœurs) que sont circonscrits les usages les plus fréquents de cette langue : 57,7% des élèves emploient fréquemment le français

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dans leurs discussions avec les amis et environ 75% des élèves disent qu’ils parlent fréquemment (toujours et souvent) le français avec leurs professeurs. Par contre, l’usage du français diminue dans la communication avec les parents où plus de 60% des enquêtés ne font appel à cette langue que rarement.

Le rôle important que joue désormais le français dans la com-munication quotidienne ressort de façon évidente dans ce graphe. Dans 87% des familles des enquêtés interrogés, on parle français (addition des réponses toujours-souvent-parfois) même si c’est à des degrés différents, et dans 27% des cas, c’est même la pratique la plus fréquente. La présence du français est encore plus forte au sein de la jeune génération. Il y a seulement 6,6% des élèves qui disent ne jamais utiliser cette langue avec les frères et sœurs. Alors que le pourcentage d’élèves qui ne se servent pas du français pour parler avec leurs amis ne dépasse pas 2,7%.

Caractéristiques des enquêtés employant le français avec leurs parents

Dans la deuxième partie de cette contribution, nous allons mettre en avant les principales caractéristiques des enquêtés employant le français fréquemment avec leurs parents. Nous avons retenu

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le sous-ensemble des enquêtés déclarant parler toujours ou

sou-vent le français dans leurs discussions avec leurs parents car les enquêtés déclarant toujours parler français est très réduit. Notre démarche ici s’inspire de celle adoptée par Sophie Babault (2006) dans son ouvrage : Langues, école et société à Madagascar. Normes

scolaires, pratiques langagières et enjeux sociaux.

Notre objectif est donc de mesurer l’impact du milieu sur les pratiques langagières par l’étude des relations entre les élèves et leur environnement, en faisant l’hypothèse que l’usage qui est fait de la langue française dans les relations familiales dépend en partie des variables extralinguistiques. En effet, nous avions pris en considération plusieurs facteurs tels que le milieu socio-cultuel (profession, langue et niveau d’instruction des parents), l’origine géographique des parents, etc. L’analyse des différentes caractéristiques de cette catégorie d’enquêtés révèle des tendances nettes.

L’origine géographique des parents

An niveau de l’origine géographique des parents, les chiffres indiquent une forte proportion des enquêtés dont les parents sont originaires de la ville de Béjaïa. Le taux des élèves déclarant

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que leur père est originaire de la ville de Béjaïa représente 55,2% du sous-ensemble étudié contre 32,4 % du total. On peut obser-ver la même tendance pour les enquêtés déclarant que leur mère est originaire de la ville de Béjaïa avec 56,7% des réponses (contre 33,9% dans les résultats globaux).

Dans le but d’étudier le positionnement socioculturel des familles, nous avons retenu deux variables : le niveau d’études et la profession des parents.

Le niveau d’instruction des parents

Ce graphe révèle que la proportion des élèves qui ont des parents d’un niveau d’études poussé est nettement supérieure

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à celle de l’effectif général. Le pourcentage des élèves de père universitaire dans le sous-ensemble dépasse 34% alors qu’il est au départ de l’ordre de 24%. De même, le taux des mères de niveau secondaire est nettement supérieur (46% contre seulement 25,9% du total).

La profession des parents

Les résultats concernant la profession de la mère ne dessinent pas de véritable tendance, même si le taux d’emploi maternel dans le sous-ensemble dépasse légèrement celui de l’effectif général (29,2% contre 20,2% dans le groupe général). La prise en compte de la profession exercée par les mères ne donne pas de résultats significatifs : dans les deux groupes, les mères exercent des pro-fessions de haute qualification (enseignante, médecin…).

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La profession des parents est éventuellement un indice plus fiable du positionnement socio-culturel des familles, surtout dans les sociétés patriarcales comme la nôtre. Au niveau de la profession du père, nous remarquons dans le sous-ensemble une proportion accrue de professions de haute qualification (mé-decin, professeur, pharmacien, ingénieur…). Le pourcentage des pères qui exercent une profession de haute qualification représente 64% dans le sous-ensemble alors qu’il est de 43% dans l’effectif général.

La langue d’instruction des parents

L’ensemble des pratiques langagières déclarées est, pour l’échantillon considéré, en étroite corrélation avec les langues d’instruction des parents  : on remarque par rapport aux résultats généraux une forte augmentation de l’usage du français chez les élèves dont les parents sont formés en langue française (93,1% contre 83,2% pour les pères et 69% contre 48,9% pour les mères).

La langue maternelle des élèves

Au niveau de la langue maternelle, les chiffres montrent que les élèves se déclarant francophones représentent 31,6% du sous-ensemble étudié, contre seulement 12,6% du total.

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La maîtrise du français

La prise en compte des résultats concernant l’auto-évaluation des élèves de leur niveau dans la langue française révèle que la proportion des élèves qui s’auto-évaluent positivement (bons ou excellents) dans cette langue dans le sous-ensemble est bien supé-rieure à celle du groupe général. La somme des réponses bon et

excellentdans le sous-ensemble est de 76,6% contre 61% dans l’ef-fectif général.

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L’usage du français avec les frères et sœurs

Nous constatons que les élèves qui disent utiliser souvent ou

tou-joursle français avec leurs parents, ont tendance à l’utiliser éga-lement avec les autres membres de la famille. Les chiffres montent ainsi clairement que la fréquence d’usage du français avec les frères et sœurs est nettement supérieure dans le sous-ensemble : 42,3% des réponses toujours dans le sous-ensemble contre 15,8% dans l’échantillon total. Les réponses jamais sont absentes dans le sous-ensemble alors qu’elles représentent 7,3% de l’effectif général.

L’usage du français à la maison

Nous remarquons que les élèves qui déclarent parler souvent ou

toujoursle français avec leurs parents ont également tendance à utiliser cette langue à la maison – dans cette question nous avons demandé aux élèves de dire quelle est la langue qui domine dans les discussions à l’intérieur de la maison. Aucun élève ne dit ne

jamaisutiliser le français à la maison dans le sous-ensemble. Par contre, nous remarquons que plus de 9,3 % des élèves enquêtés disent ne jamais utiliser le français dans l’effectif global.

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une augmentation des réponses souvent et toujours, parallèle-ment à une diminution des réponses parfois.

Conclusion

Nous observons, effectivement, que l’usage fréquent du français avec les parents dépend de plusieurs facteurs. Le facteur socio-culturel arrive en première position, caractérisé par une relation certaine entre la profession exercée par les parents (notamment celle du père) et l’usage du français : le taux des professions qua-lifiées est beaucoup plus conséquent dans les familles qui emploient le français, et diminue proportionnellement dans celles qui n’en font pas usage. Cette tendance est, bien entendu, sujette à variation ; elle ne doit pas faire oublier un nombre non négligeable de cas atypiques.

De même, la prise en compte de la langue d’instruction a donné des résultats significatifs, l’utilisation du français étant plus importante chez les élèves dont les parents ont suivi une forma-tion francophone.

L’origine géographique des parents entre, elle aussi, en jeu, puisqu’on compte une forte proportion de familles originaires de la ville de Béjaïa parmi les utilisateurs du français. En revanche, l’utilisation du français se réduit chez les élèves dont

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les familles sont originaires des autres régions d’Algérie.

Quant à la présence d’un environnement francophone, elle est caractérisée par une corrélation globale entre l’ensemble des phénomènes linguistiques touchant au français pour chaque individu : ceux qui parlent le plus français avec les parents sont également ceux qui utilisent le plus fréquemment cette langue avec leurs frères et sœurs et dans l’enceinte familiale en général. Sur le plan des compétences dans cette langue, la plus forte pro-portion d’usage du français en famille se retrouve parmi les élèves qui disent parler bien cette langue. Ce qui tendrait à indi-quer, du moins pour certains, des usages intenses au fur et à mesure que les niveaux augmentent dans cette langue.

Dans une ville marquée par la présence de plusieurs langues, il est évident que les locuteurs tendent à acquérir des langues fortes sur le marché linguistique. Les élèves sont conscients de la valeur du français sur le marché du travail. Car, rappelons-le, le français est la langue presque exclusive des études supérieures techniques et scientifiques, les seules à donner accès aux métiers lucratifs, comme l’ingénierie, la médecine, la pharmacie, l’architecture, la gestion des entreprises. Le français ici apparaît comme un pas-sage obligatoire vers une quelconque promotion sociale.

Comme le montre notre étude, la pratique et la transmission du français sont directement liées au niveau socio-économique et culturel des familles et des personnes. Plus on est aisé et intel-lectuel, plus on parle et transmet le français. Cette étude confirme encore que le français ne se cantonne pas dans une sorte de ghetto scolaire mais est utilisé dans divers contextes. En effet, certains parents, soucieux d’atteindre un statut social pres-tigieux, choisissent de transmettre à leurs enfants dès leur plus jeune âge la langue française en même temps que le kabyle ou l’arabe dialectal. L’appropriation linguistique du français peut

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se réaliser par le biais de la famille c’est ce qu’on peut lire dans cet extrait : « L’enfant issu de parents intellectuels, enseignants universitaires, membres de professions libérales, hauts fonction-naires, évoluent dans un milieu où l’usage de la langue française est fréquent » (Queffélec et al, 2002 : 94). Dans la même optique, Salem Chaker (2004) souligne qu’en « Kabylie, notamment dans les couches moyennes scolarisées, c’est plutôt le français qui concurrence significativement le berbère, bien sûr à l’écrit, mais aussi dans toutes les situations formelles ou requérant une cer-taine élaboration linguistique (usages techniques et scientifiques, politiques…) ».

Néanmoins, il faut noter que les élèves qui parlent exclusive-ment le français sont très rares. La communication quotidienne laisse de plus en plus de place au mélange kabyle-français. Le mélange de langues est une pratique très courante chez les lycéens rencontrés, qui apparaît tant dans leurs pratiques lan-gagières que dans leurs propres évaluations. Nous avons demandé aux élèves s’ils utilisent plusieurs langues à la fois. Lors de l’analyse des réponses nous avons été surpris par la fréquence du phénomène de mélange de langues. Certes, nous nous attendions à l’existence d’un tel phénomène dans une ville plurilingue comme Béjaïa, mais pas à cette fréquence : plus de 94 % des élèves interrogés disent mélanger des langues dans leurs conversations quotidiennes. 38,9 % disent avoir recours parfois à ce mode d’expression, alors que plus de 22,2% des élèves indiquent que le mélange est souvent présent dans leur discussion et que presque un tiers des élèves en font un usage régulier. Le mélange de langues en Algérie n’est pas uni-quement une affaire d’individu, il touche toutes les franges de la société comme le note D. Caubet (2002 : 21) dans son analyse de code switching (CS) au Maghreb :

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« le CS pratiqué par les bilingues à un niveau sociétal (comme au Maghreb), n’est pas le même que celui des situations fami-liales individuelles (couples bilingues) ou, plus encore, des cas où on a un déséquilibre entre la connaissance de la langue dominante et d’une langue maternelle. »

Pour conclure, nous tenons à souligner que les résultats de notre recherche ne sont pas forcément représentatifs de l’ensemble des lycéens algériens, mais nous pensons qu’ils ont une chance d’avoir une certaine représentativité des lycéens bougiotes. Tou-tefois, il nous semble qu’il sera toujours possible de comparer ces résultats avec ceux de travaux ultérieurs qui seront réalisés dans les autres lycées ou dans les mêmes lycées.

Bibliographie

– AOUMER, Fatsiha, 2009, « Renversement de situation : l’arabe de Bougie, un très ancien parler arabe citadin menacé par le berbère », Revue des Études

Berbères, 1, Centre de recherches des études berbères, Paris, INALCO. – BABAULT, Sophie, 2006, Langues, école et société à Madagascar. Normes

sco-laires, pratiques langagières et enjeux sociaux, Paris, L’Harmattan.

– CHAKER Salem, 2004, « Le berbère de Kabylie (Algérie) », Encyclopédie

ber-bère XXVI, 4055-4066.

– CAUBET, Dominique (dir.), 2002, Comment les langues se mélangent, Paris, L’Harmattan.

– QUEFFÉLEC, Amboise et al., 2002, Le français en Algérie. Lexique et dynamique

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