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Tirer les leçons de l'infortune

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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d o s s i e r t h é m a t i q u e Génomique

et progression métastatique

143 Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. V - n° 4 - octobre-novembre-décembre 2016

INTRODUCTION

Tirer les leçons de l’infortune

Magali Lacroix-Triki*

* Département de pathologie, institut Gustave-Roussy, Villejuif.

U ne fois n’est pas coutume, ouvrons ce dossier par un peu de philosophie... En fouillant les méandres hétérogènes d’Internet (merci Wikipedia), je suis un jour tombée sur une étrange théorie, dite “du rhizome” (1).

Cette théorie, développée par Gilles Deleuze et Félix Guattari (2), décrit une “mise en perspective hori- zontale, omnidirectionnelle et vivace, qui s’oppose à la conception verticale, plus ou moins statique, d’un modèle pyramidal ou strictement arborescent”. Dans le processus rhizomique, l’organisation des diff érents éléments ne suit pas une ligne de subordination hiérarchique avec une base (illustrée par une racine ou un tronc) à l’origine de plusieurs branchements. Tout élément, peu importe sa position, peut aff ecter la conception des autres éléments de la structure, et infl uer sur les processus actifs au sein du réseau, dans une dynamique croisée complexe, “polymorphe – voire polycéphale”. Le rhizome n’a par conséquent pas de centre (mais il existe cependant des lignes de solidité, fi xées par des ensembles de concepts affi ns) ; sa direction peut être inopinée et sa progression pour le moins chaotique, intégrant l’aléatoire à son épanouissement. Le rhizome se forme par liaisons d’éléments hétérogènes, sans qu’aucun ordre préalable n’assigne de place à chaque constituant (principe de

“rupture asignifi ante”, absence de hiérarchie et d’articulations prédéfi nies). La théorie du rhizome intègre aussi la notion de cartographie (en opposition au calque) : la carte est un “tracé original” qui présente une réalité que nous ne connaissions pas encore, avec des entrées multiples, et des repré- sentations, par exemple d’un même endroit, sous des angles diff érents. Toutes ces caractéristiques (connexion et hétérogénéité, multiplicité, principe de rupture, principe de cartographie) off rent à ce modèle une mobilité essentielle et une souplesse qui rendent possible sa transformation permanente.

Mais revenons à nos moutons... Qu’avons-nous appris de la multitude de données issues de l’analyse de la maladie métastatique ? Avec l’enrichissement de nos connaissances moléculaires, le périmètre de nos incertitudes et de nos tâtonnements rétrécit. La preuve en est nos avancées dans la prise en charge des carcinomes de primitif inconnu. C. Massard et al. (page 146 ) nous montrent que, à côté des rigoureuses explorations cliniques et radiologiques, une étude immunohistochimique appro- fondie, associée à la recherche de certaines anomalies moléculaires (par exemple, des mutations de KRAS, de PIK3CA, d’ERBB2, etc.), peut considérablement changer la prise en charge thérapeutique et le pronostic de nos patients. L’“oncogénomique”, dont l’ambition est la caractérisation exhaustive des altérations génomiques et épigénétiques des cancers, est au cœur des essais cliniques de nou- velle génération en situation métastatique (tels que les essais MOSCATO, SHIVA ou SAFIR), guidant

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Génomique et progression métastatique

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INTRODUCTION

l’oncologue dans le choix d’une thérapie, si possible ciblée (cf. article de O. Trédan et al., page 152 ).

Appliquée à la comparaison périlleuse de paires tumeur primitive/métastases, cette nouvelle dis- cipline nous fait redécouvrir l’hétérogénéité intratumorale (la boîte de Pandore est ouverte) et ses dommages collatéraux – progression clonale, résistance aux traitements , etc. (cf. articles de A. Lupo et al., page 164 et de C. Franchet et al., page 172 ).

Mais si le concept d’arborescence darwinienne reste la règle (le dogme ?) dans la compréhension de la progression tumorale, y a-t-il aussi un peu de place pour d’autres schémas, horizontaux et plastiques, tel le fameux “rhizome” ? C’est peut-être ce que nous montrera la “phénomique”, complément naturel de la génomique, qui s’attache à étudier la correspondance entre les caractéristiques phénotypiques à grande échelle et le code génétique et épigénétique (3). L’étude du “phénome” tumoral est sans doute à même d’aborder d’autres aspects que la génomique, notamment le dialogue “rhizomique”

complexe (“tout élément peut aff ecter la conception des autres éléments de la structure”) entre les cellules tumorales et leur micro-environnement. Ainsi, associée aux nouvelles technologies disponibles telles que la biopsie liquide (cf. article de P. Hofman et al., page 158 ), la compréhension des interactions entre cellules tumorales et système immunitaire (on pense, par exemple, à la rela- tion entre instabilité génétique, charge mutationnelle et production de néo-antigènes activant le système immunitaire [4]) pourrait off rir de nouvelles perspectives pour la prise en charge de nos patients. Pour le plus grand bonheur du clinicien en mal d’armes thérapeutiques, l’ensemble des données moléculaires issues de l’étude de la maladie métastatique promet d’être vaste, voire infi ni.

Et puisque l’Homme est une belle plante, inspirons-nous donc de la botanique...

Bonne lecture à tous ! ■

M. Lacroix-Triki déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

1. Source : Article Rhizome (philosophie) de Wikipédia en français, http://fr.wikipedia.org/wiki/Rhizome_(philosophie)

2. Deleuze G, Guattari F. Rhizome. Paris : Éditions de Minuit, 1976. Repris dans Mille plateaux. Paris : Éditions de Minuit, 1980.

3. Houle D, Govindaraju DR, Omholt S. Phenomics: the next challenge. Nat Rev Genet 2010;11:855-66.

4. Schumacher TN, Schreiber RD. Neoantigens in cancer immunotherapy. Science 2015;348:69-74.

R é f é r e n c e s

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