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Premiers résultats du projet Cannalex

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Le Courrier des addictions (19) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2017 22

This article highlighted the relationship of viewers to their binge watching behavior toward TV shows.

The concept of “addiction” is usualy used by the binge watchers to describe their behavior. Based on a qualitative exploratory study on ten binge watchers who consider that they have an addiction, the article presents in which way the binge watching correspond to a real behavioral addiction or not.On the one hand, the results show there may be a confusion in the use of this term. Indeed, only a quantity criterion with the social culpability feeling to spend a long time watching TV show is considered. On the other hand, we find that some participants present some criteria with a clinically significant distress to speak about an addiction.

Les spectateurs parlent de leur binge-watching :

addiction réelle ou fi ctive ?

Binge-watching: a real or fi ctional addiction?

Viewers talk about it

A. Kwarta*, L. Romo**

Depuis une vingtaine d’années, des chercheurs et cliniciens ont souligné le potentiel addictif d’internet (1, 2) ainsi que ses conséquences négatives, tant du point de vue physique (3) que psychique (3, 4) . Le développement des différents supports de visionnages des séries, en ligne ou à la télévision, amène aux spectateurs un accès quasi illimité à leurs programmes favoris, facilitant le comportement dit de binge-watching ou binge-viewing sur lequel plusieurs études récentes se sont penchées (4-6) . Ce type de comportement face aux séries correspond au visionnage, sur une courte période, de plus de 2 épisodes d’une même série à la suite.

D’après l’étude menée par L. Romo et al., 58 % de la population appartiennent à la catégorie des binge-watchers (6) . Une étude exploratoire sur la cyberdépendance a indiqué que 35,1 % des participants avaient une application problématique d’Internet liée aux sites de streaming et étaient en demande de soin (7) . La qualification d’addiction pour des comportements d’usages problématiques ne fait pas consensus auprès des professionnels du domaine des addictions aux substances psychotropes.

Certains craignent en effet une banalisation du terme (8) .

Afin de nous éclairer sur cette problématique, nous avons mené une étude qualitative exploratoire auprès de spectateurs considérant être addicts au visionnage des séries télévisées.

Les résultats révèlent que certains participants ont des symptômes communs à l’addiction comportementale ainsi qu’une souffrance cliniquement signifi cative associée. Les autres participants associent le terme d’addiction au nombre d’épisodes regardés et présentent un rapport harmonieux entre leur intérêt pour les séries, leur pratique de visionnage et leur vie. Le critère quantitatif du nombre d’épisodes regardés qui caractérise le binge-watching, n’étant pas pathognomonique de l’addiction comportementale, amène une confusion dans l’emploi de la notion d’addiction.

* Master 2, université Paris-Nanterre.

** Université Paris-Nanterre, EA 4430 CLIPSYD ; Inserm U 894, centre hospialier Sainte-Anne, Paris.

Mots-clés : Binge-watching, passion, addiction comportementale, série télévisée, pratique de visionnage

Keywords: Binge-watching, passion, behavior addiction, TV show, viewing practice

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Les participants

Ils ont été recrutés sur la base du volontariat. Les critères d’éligibilité impliquaient qu’ils aient plus de 18 ans, considèrent présenter une addiction aux séries télévisées et regardent en moyenne un minimum de 2 épisodes d’affi lée d’une même série, selon la défi nition du binge-watching . La procédure

Au préalable, les critères d’éligibilité ont été vérifi és lors d’un entretien téléphonique. Durant la première étape de la procédure, les partici- pants remplissaient un autoquestionnaire en ligne. On leur conseillait d’être le plus sincères et spontanés possible dans leurs réponses. On leur a également demandé de répondre indivi- duellement et dans un environnement calme.

Lors de la seconde étape, chaque participant a répondu à un entretien semi-structuré. Ainsi, nous avons pu recueillir leurs témoignages sur leur vécu “ d’addiction” aux séries . L’interviewer n’a pris connaissance des réponses données à l’autoquestionnaire qu’une fois ces 2 étapes de passation terminées.

L’éthique

Les participants ont dûment complété et signé un formulaire de consentement éclairé rappelant le respect de l’anonymat et la confi dentialité des données, ainsi qu’une autorisation d’enregistre- ment sur support audio-numérique.

Les mesures

Les données sociodémographiques ont été recueillies à l’aide de questions descriptives en rapport avec les renseignements suivants : le sexe, l’âge, le niveau d’étude, l’activité profes- sionnelle, le statut matrimonial et le logement du participant.

Les comportements face aux séries ont été recueillis à l’aide de questions descriptives en rapport avec la fréquence de visionnage, le type de support, les séries regardées, la somme d’argent dépensée, le type d’accès aux séries, la quantité d’épisodes d’une même série regardés d’affi lée, la rapidité de visionnage d’une saison, la croyance du participant sur les facteurs possibles d’addiction au visionnage des séries.

Le rapport addictif aux séries

Les participants réagissaient à la question suivante : “ Pensez-vous avoir un problème d’addiction aux séries télévisées ? ” Puis, ils répondaient à la version française du Questionnaire de l’utilisation probléma- tique d’Internet (PIUQ-F12) , de L. Kern et D. Acier (tableau I)   [9] , en 12 items, adaptée

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Tableau I. Résultats cotateurs des participants au PIUQ-F12.

Dimensions du PIUQ-F12 Manque

d’autocontrôle

Conséquences négatives

Sevrage psychologique

Préoccupation Total (m = 12,26,

σ = 9,35) sur 18

Flavie 13 14 10 10 47

Sylvie 11 7 7 8 33

Léa 11 10 11 7 39

Chantale 9 5 13 14 41

Alice 18 17 12 13 60

Annie 10 7 6 9 32

Lise 10 7 3 7 27

Julie 14 13 7 8 42

Paul 9 5 5 9 28

Sonia 5 4 6 10 25

Tableau II. Résultats des participants à l’échelle de passion pour les séries.

Passion harmonieuse Passion obsessive Passion Item 2 : craving

Item 11 : perte de contrôle sur 7

Flavie 3 2 5 3 2

Sylvie 6 4 7 4 6

Léa 4 3 5 3 4

Chantale 5 4 7 6 5

Alice 4 6 6 7 7

Annie 3 1 6 1 1

Lise 4 2 5 2 4

Julie 5 4 5 5 5

Paul 5 3 4 2 5

Sonia 6 2 5 3 1

pour l’addiction aux séries (ce questionnaire présente de bonnes qualités psychométriques).

Le PIUQ-F12 a été adapté ici aux séries télévi- sées et mesure 4 dimensions : l’autocontrôle (items 3, 6 et 12), les conséquences négatives (items 2, 5 et 10), le sevrage psychologique (items 7, 9 et 11) et la préoccupation (items 1, 4 et 8).

La passion des séries

L’échelle de passion de R.J. Vallerand et al. a été adaptée pour évaluer celle, spécifique, vouée aux séries télévisées (tableau II) [10]. Il s’agit d’un autoquestionnaire en 16 items. La passion est définie comme un intérêt particulier envers une activité aimée, qui est importante pour soi et dans laquelle l’individu investit du temps et de l’énergie (10). Cet outil permet de qualifier la forme sous laquelle s’exprime la passion des participants et son intensité.

On en différencie 2 types : la passion harmo- nieuse (items 1, 3, 5, 6, 8 et 10) et la passion obsessive (items 2, 4, 7, 9, 11 et 12). La première met l’accent sur le versant actif de l’individu qui garde un contrôle et une liberté vis-à-vis de l’activité. Sa volonté lui permet de s’engager pleinement dans l’activité sans que celle-ci vienne interférer avec d’autres ni qu’elle entrave l’individu dans son identité. La seconde met plutôt l’accent sur la passivité de l’individu qui se retrouve contraint de s’engager dans l’acti- vité, qui entre alors en conflit avec les autres sphères de sa vie. Quatre items sont ajoutés afin de déterminer si le participant est passionné ou non par les séries (items 13, 14, 15 et 16). La consistance interne de la sous-échelle de passion harmonieuse était de 0,73 et de 0,85 pour la sous-échelle de passion obsessive (10).

L’entretien semi-structuré

Il a été constitué de sorte à explorer l’ensemble du vécu, associé au binge-watching. Nous avons exploré les aspects suivants : les conditions de visionnage, les attentes des participants, les réponses (émotionnelles, cognitives et comportementales) en début, milieu et fin de visionnage, l’impulsion ou la compulsion au comportement entre 2 épisodes, afin d’appré- hender la notion de craving (désir impérieux et urgent), le sentiment de perte de contrôle, les symptômes de manque en cas d’absence d’accès souhaité aux séries, et le sentiment d’addiction, les conséquences positives et négatives (sur le plan social, financier, professionnel, physique et psychologique).

Le traitement et l’analyse des données Ils sont à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les entretiens ont servi à évaluer cliniquement les participants à partir du PIUQ-F12 afin d’en comparer les résultats avec les réponses

subjectives qu’ils ont faites lors de la première étape de passation. On a fait l’analyse des entretiens via le logiciel d’analyse de corpus textuel et de tableaux de données : “Interface de R pour les Analyses Multidimensionnelles de Textes et de Questionnaires” (IRAMUTEQ). Afin de repérer les différents profils de participants, nous avons effectué, via ce logiciel, une analyse factorielle de correspondances, une classifica- tion hiérarchique descendante et une analyse des fréquences d’apparition de mots. Le trai- tement de ces données repose sur des graphes dimensionnels.

Pour respecter l’anonymat des participants, les prénoms ont été modifiés pour l’étude.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

La population

On a pu retenir pour l’étude 10 partici- pants : 9 femmes et 1 homme. Ils étaient âgés de 24 à 67 ans (moyenne d’âge de 39,4 ans ;

écart-type = 17,9). Leurs caractéristiques socio- professionnelles : 4 étudiants, 3 salariés, 3 à la retraite. Leur état civil : 6 vivaient en union libre ou mariés et 4 étaient célibataires et vivaient seuls.

L’évaluation des pratiques

L’analyse des résultats a montré que seuls 6 participants sur les 10 présentent au moins 2 critères de l’addiction comportementale selon le DSM-5 (11). Parmi eux, une partici- pante présente les 4 critères suivants : besoin impérieux et irrépressible (score élevé à l’item 2 à l’échelle de passion et à l’item 12 du PIUQ-F12) ; perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié au visionnage des séries (score élevé à la dimension “manque de contrôle”

du PIUQ-F12 et à l’item 11 de l’échelle de passion) ; poursuite du comportement malgré les conséquences négatives physiques ou psychologiques (score élevé à la dimension

“conséquences négatives” du PIUQ-F12), acti- vités réduites au profit des séries (score élevé à l’item 2 du PIUQ-F12). Deux des participants

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Le Courrier des addictions (19) – n° 4 – octobre-novembre-décembre 2017 24 en présentent 5, soit les 4 évoqués précédem-

ment et l’un des 2 suivants : désir ou effort persistant pour diminuer le temps de vision- nage (score élevé à l’item 3 du PIUQ-F12), ou présence d’un syndrome de sevrage psycho- logique (score élevé à la dimension syndrome de sevrage psychologique du PIUQ-F12). Ces 3 participants auraient donc une addiction au visionnage de séries télévisées d’intensité modérée (présence de 4 à 5 critères). Un des participants a les 6 critères déjà évoqués (11).

Ainsi, son addiction serait sévère. Deux des participants en ont seulement 2 critères, parmi les 6 déjà évoqués. Leur addiction serait donc d’intensité légère.

Quatre participants ne présentent pas le nombre nécessaire de critères pour valider la présence d’un trouble d’addiction comporte- mentale (11).

Les résultats montrent que, chez les 4 parti- cipants qui présenteraient une addiction d’intensité modérée à sévère, les critères suivants sont présents : sentiment de soula- gement ressenti lors du visionnage (chez ces 4 participants, d’après leur témoignage) ; préoccupation fréquente en rapport avec le visionnage (chez 3 d’entre eux, score élevé à la dimension préoccupation du PIUQ-F12) ; sensation croissante de tension précédant immédiatement le début du comportement (chez 3 d’entre eux, d’après leurs témoignages) [tableau I]. Ces facteurs sont inclus dans les critères de l’addiction comportementale proposés par A. Goodman (12).

Les résultats à l’échelle de passion sont cohérents avec les interprétations précédentes.

Tous les participants de l’étude ont bien une passion pour les séries. Nous pouvons observer que ceux qui n’ont pas ces critères d’addiction comportementale montrent un rapport de passion harmonieuse pour elles. La dimen- sion des préoccupations envers les séries du PIUQ-F12 est influencée par le degré de passion.

Cela peut expliquer pourquoi plusieurs de ces participants ont un score élevé sur cette échelle.

Ils gardent un contrôle et la liberté de choisir de s’adonner à leur pratique de visionnage.

La passion harmonieuse est reliée à un affect positif (10) que l’on retrouve effectivement dans leur discours (tableau II).

“C’est un petit plaisir que j’aime bien m’accorder” (Annie, 24 ans)

Les participants qui auraient cette addiction d’intensité légère à modérée ont une passion majoritairement harmonieuse pour les séries.

Cependant, ils peuvent perdre le contrôle et/ ou sont débordés par leurs désirs et leur frustra- tion. D’après M.J. Ferguson et al., l’aspect auto- matique de leur visionnage de séries soulignerait la dimension passive, en dehors de la conscience, non intentionnelle, incontrôlable et efficiente du comportement (13).

“Je suis comme un zombie devant mon écran, je me pose plus de question, j’enchaîne directement” (Alice, 26 ans) Cette jeune femme présenterait une addiction au visionnage de séries d’intensité sévère. Elle se sent constamment soumise à une pression interne qui la pousse à continuer à regarder les épisodes suivants. La passion obsessive pour une activité produit un affect négatif (10) qui augmente pendant et après l’activité. Alice, lors de son entretien, a bien décrit cette tension interne désagréable : “j’ai l’impression que je ne peux pas vivre ma vie comme je le voudrais parce que je passe quasiment tout mon temps à regarder des séries. [...] Quand j’essaye de pas regarder d’épi- sode, je ressens vraiment une sorte de tension, une oppression et je n’arrête pas d’y penser. J’essaye de faire autre chose, mais je ne suis pas concentrée. Et quand je finis par céder, je suis en partie soulagée mais d’un autre côté, je garde quand même cette tension quelque part en moi parce que je sais que je devrais arrêter de regarder.”

Six participants sur les 10 présenteraient ainsi une problématique d’addiction comportemen- tale liée au binge-watching, les 4 autres, un comportement de binge-watching, associé à une passion harmonieuse et contrôlée pour les séries télévisées.

Passion harmonieuse... et pourtant Ces 4 derniers se désignaient pourtant comme dépendants aux séries. Ils se qualifiaient ainsi à travers des critères liés à leurs contenus même, à l’intérêt qu’ils leur trouvent, et aussi à la quan- tité d’épisodes qu’ils regardent. Les addictions peuvent être le résultat d’une interaction de plusieurs facteurs de risque (14) : ceux qui sont liés aux produits et les facteurs individuels, envi- ronnementaux et sociaux, de vulnérabilité. Dans le cas des séries, leurs caractéristiques psychoac- tives restent à démontrer (13). Notre étude s’intéresse plutôt au comportement de vision- nage intensif qui présenterait un risque d’ad- diction comportementale, plutôt qu’au contenu addictif des séries elles-mêmes. Ainsi, pour Léa, 30 ans : “Les séries pour moi, c’est qu’un outil pour éviter d’être seule avec moi-même et de penser à mes problèmes, mais ce n’est pas la cause même de mes problèmes. C’est ma détresse qui crée ma dépendance à la série, pas la série elle-même. Les séries, elles ne sont pas assez puis- santes pour ça, c’est pas comme quand je prends de la cocaïne où là, clairement, peu importe le contexte, si j’en ai sous les yeux il faudra absolu- ment que j’en prenne. […] C’est nous-même qui les rendons addictives en les utilisant comme échappatoire. Pendant une période où je n’allais pas bien et où j’avais besoin de m’enfuir, je me suis fait toute une montagne de Melrose Place, quand même !”

Les personnes de l’étude ne présentant pas une problématique de personnalité liée à la gestion

des désirs et des pratiques de visionnage, ne manifestent pas cette addiction comporte- mentale.

Tous les participants évoquent le temps passé à regarder les séries et le nombre d’épisodes d’une même série regardés d’affilée. Le comportement de binge-watching se définissant uniquement comme étant le visionnage, sur une courte période, de plus de 2 épisodes d’une même série à la suite ne peut donc pas être considéré comme une addiction en tant que telle.

Le sentiment de culpabilité présent chez la grande majorité des participants, y compris ceux qui ne présentent pas d’addiction, nous permet de faire l’hypothèse que, pour certains, cette culpabilité est plutôt sociale que résultant d’une forme de souffrance personnelle. En fait, passer du temps à regarder des séries ne serait pas suffisamment valorisé socialement. Selon C. Combes, malgré l’observation de plusieurs sociologues qui travaillent dans le champ des Reception Studies, qui ont fait émerger l’idée d’un spectateur actif, les séries restent consi- dérées socialement comme un “mauvais genre culturel” (15). Comme si, du fait de ses modalités industrielles de production marchande, elles ne pouvaient pas prétendre au statut d’“œuvre” :

“On peut toujours faire quelque chose de mieux, de plus constructif que de passer son temps libre devant des séries”, disait Lise, 24 ans.

La question de l’autoquestionnaire comptabi- lisant le nombre d’épisodes d’une même série regardés d’affilée ne prend pas en compte le fait de regarder plusieurs séries d’affilée. Ainsi, le nombre total d’épisodes visionnés pourrait être supérieur au nombre indiqué dans cette étude.

Le critère de la quantité d’épisodes visionnés semble être un critère d’addiction non négli- geable, bien qu’il ne soit pas suffisant et que ce nombre nécessiterait d’être estimé.

Concernant la problématique des troubles asso- ciés, nous pouvons faire l’hypothèse selon laquelle certains participants, manifestant une addiction au visionnage de séries selon les critères du DSM-5 (11), présentent des troubles psychiques associés, notamment dépressifs (score élevé à l’item 11 du PIUQ-F12 se référant au soulage- ment des affects dysphoriques via le visionnage des séries) et du sommeil. Pour 2 d’entre eux, les comportements addictifs face aux séries semblent être provoqués par une dépression.

L’augmentation périodique des symptômes qu’ils évoquent va dans le sens cette hypothèse. Les séries télévisées sont utilisées afin de soulager une tension et non plus seulement pour le plaisir.

Julie, 26 ans, parlait de “fuite de la réalité” ; Flavie, 27 ans, de désir de “se couper du monde”, et Léa, “ d’arrêter de penser et d’oublier ses soucis”.

Cependant, pour d’autres participants, ce lien de causalité linéaire semble moins clair. Alice : “J’es- saye de me remplir et de calmer cette tension, mais dès que les épisodes se terminent, ça revient de plus belle. Plus je m’isole dans mes séries, plus je me sens complètement en décalage avec le reste de ma vie.”

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25 L’association des troubles psychopathologiques,

comme la dépression, aux addictions compor- tementales et aux substances est soulignée dans le cadre de nombreuses études  (4, 16) . La dépression est un facteur de vulnérabilité à l’addiction comportementale. Reste à vérifi er l’hypothèse selon laquelle la dépression en serait une conséquence.

CONCLUSION

Cette étude exploratoire a permis de mettre en lumière la présence de 2 rapports diff érents au comportement de binge-watching . Chez certains, il reste avant tout un choix et un plaisir.

Chez d’autres, il est lié à une problématique d’addiction comportementale qui provoque une souff rance réelle qu’il serait nécessaire de reconnaître et de prendre en charge. Le critère quantitatif du nombre d’épisodes regardés qui le caractérise n’est pas suffisant pour parler d’addiction comportementale et amène une confusion dans l’emploi de la notion d’addiction

qu’utilisent les binge-watchers.

A. Kwarta et L. Romo déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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PREMIERS RÉSULTATS DU PROJET CANNALEX

Le projet de recherche international Cannalex , initié en 2015 pour mesurer les eff ets à court terme des réformes concer- nant le statut juridique du cannabis, a rendu publiques, le 6 octobre dernier à Paris, ses premières observations. Il a été mené par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), en partena- riat avec l’Observatoire français des drogues

et des toxicomanies (OFDT), grâce au soutien fi nancier du Conseil supérieur pour la forma- tion et la recherche stratégiques. Il s’appuie sur les expériences inédites de régulation du cannabis menées à partir de  2012 dans les États du Colorado et de Washington, aux États-Unis, ainsi qu’en Uruguay . En eff et, ces 3 territoires se sont, presque en même temps, engagés dans des processus de légalisation de la consommation de cannabis, à titre récréatif et personnel (autorisation, sous certaines condi- tions, de la détention du produit, mais aussi de sa production et de sa diff usion). Le projet combine 2 démarches complémentaires : une recherche documentaire et une analyse des sources officielles dans tous les domaines concernés par les réformes (santé publique, criminalité, économie, etc.), une enquête de terrain auprès des acteurs clés dans ces terri- toires (représentants des pouvoirs publics, autorités de régulation et personnalités de la société civile). Il n’a pas pour objectif de se prononcer sur le bien-fondé de ces nouvelles politiques ni de proposer un modèle.

Les principaux points à relever sont :

• des processus de légalisation dissemblables (décisions enlevées par des acteurs de la société

civile dans 2 États américains, régulation portée par l’exécutif en Uruguay) ;

• de premiers eff ets mesurés sur les niveaux de consommation contrastés, selon les tranches d’âge et les États (accès au produit interdit avant 21 ans dans les 2 États américains, d’où une stabilité de la prévalence des usages chez les mineurs, en hausse chez les adultes, tendance préexistante renforcée au Colorado) ;

• une nette augmentation des hospitalisations liées au produit et des cas de conduite auto- mobile après usage de cannabis ;

• des situations critiques qui perdurent en ce qui concerne les marchés (marché noir de pro- duits bas de gamme, surtout, subsistant dans les 2 États américains, ainsi qu’en Uruguay) ; • un renforcement de l’activité de réseaux criminels (le Colorado et l’État de Washington devant en plus faire face aux problèmes de trafics engendrés par la demande des États américains n’ayant pas légalisé le cannabis et à l’activité de cartels mexicains qui se reposi- tionnent sur d’autres produits, les opiacés en particulier…).

Pour en savoir plus sur Cannalex, consulter la synthèse des premiers résultats et Cannalex en 10  questions : https://www.ofdt.fr/inhesj/cannalex

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