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De la communication à la décision – 34e congrès de la SFPO Paris, 22-24 novembre 2017

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CONGRÈS RÉUNION

112 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVII - n° 2 - février 2018

De la communication à la décision

34

e

congrès de la Société française de psycho-oncologie Paris, 22-24 novembre 2017

P. Amsalhem*

* Pôle gériatrie, CHI de Montfermeil.

P

our la 34e fois, à Paris, le congrès de la Société française de psycho-oncologie (SFPO) a réuni psychologues, psychiatres et oncologues autour de sujets abordés en ateliers et en sessions plénières, toujours enrichis de discussions et d’avan- cées, sous les yeux de 450 auditeurs venant d’ho- rizons différents, qui ont à cœur un même intérêt, celui d’aider les patients atteints d’un cancer à mieux vivre et appréhender leur maladie.

Aussi est-ce avec un regard objectif, scientifique et humain qu’a été abordé le thème “de la communi- cation à la décision”, grâce aux différentes études et expériences rapportées par les experts.

C’est donc à partir de l’observation du déroule- ment d’une consultation en oncologie qu’une étude menée par S. Lelorain (université de Lille), portant sur 296 patients, a pu être réalisée ; elle inté- grait 2 variables : l’empathie du médecin, d’une part, et les compétences émotionnelles du patient, d’autre part ; et ce afin de montrer comment certaines caractéristiques du fonctionnement émotionnel du patient, notamment son intelligence émotionnelle, peuvent moduler l’effet bénéfique de l’empathie médicale sur son ressenti.

L’empathie est la capacité d’un individu à ressentir les émotions, les sentiments, les expériences d’une autre personne, ou la capacité de se mettre à sa place. Elle varie avec ce que l’on peut dénommer

“les compétences émotionnelles du patient”, c’est- à-dire son intelligence émotionnelle, soit sa capa- cité à identifier ses propres émotions autant que celles des autres, à les comprendre, les exprimer, les écouter mais aussi à les réguler. Aussi, même si on sait aujourd’hui que l’empathie médicale a un impact positif sur la santé du patient en oncologie, parce qu’elle diminue la détresse et améliore la qualité de vie – comme c’est d’ailleurs le cas en diabétologie où elle réduit le taux de complications et améliore le contrôle de l’hémoglobine glycosylée ou encore en

médecine générale –, on peut affirmer que le niveau de compétences émotionnelles du patient influence les effets de la consultation. Et cela apparaît encore Tableau. Consultation de suivi de 296 patients

avec 22 médecins.

Médecins (n) 22

Français (%) 64

Hommes (%) 59

Âge (ans) [extrêmes] 89,7 ± 8 [82-97]

Spécialité (%)

Oncologie médicale 82

Patients 296

Français (%) 82

Allemands (%) 18

Hommes (%) 65

Âge (ans) [extrêmes] 63 ± 10 [25-85]

Habitant avec quelqu’un (%) 81 Éducation (%)

Baccalauréat ou moins 69

Baccalauréat 19

Enseignement supérieur 12

Situation financière (%)

Plutôt difficile 14

Correcte 53

Confortable 39

Situation professionnelle (%)

Retraité 65

Employé 26

Sans emploi 9

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CONGRÈS RÉUNION

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVII - n° 2 - février 2018 | 113 plus nettement lorsqu’on distingue la consultation

d’annonces de mauvaises nouvelles et la consulta- tion de suivi. Pour le montrer, 296 patients, âgés en moyenne de 63 ans, en majorité des hommes, français, en couple, retraités, atteints de cancer du poumon de stade I à IV, en cours de chimiothérapie, se sont entretenus en consultation avec 22 médecins (tableau). Les résultats retrouvent effectivement une interaction significative (p > 0,5) entre empa- thie du médecin et compétences émotionnelles du patient (figure 1).

Dans l’ensemble, on constate, en consultation de suivi, que les personnes ayant les plus faibles compé- tences émotionnelles sont celles qui bénéficient le plus de l’empathie du médecin (figure 2, p. 114).

En consultation d’annonce de mauvaises nouvelles, ce sont les patients ayant de fortes compétences émotionnelles qui en bénéficient le plus, tandis qu’il n’y a pas de bénéfice pour ceux ayant de mauvaises compétences émotionnelles (figure 3, p. 114). On comprend donc mieux que l’empathie du médecin ne peut avoir un effet sur le bien-être du patient que si ce dernier est capable de la recevoir, mais aussi de la comprendre, et de réguler ses émotions.

On peut en conclure que, lors des consultations de suivi, les médecins doivent être attentifs aux patients présentant de faibles compétences émotionnelles et les adresser à des psychologues en cas d’annonce de mauvaises nouvelles.

Cependant, le degré d’empathie du médecin n’est pas figé, et un entraînement à l’empathie est possible, comme l’a démontré une méta-analyse d’essais contrôlés randomisés (1) qui donne des indices pour détecter rapidement et facilement le profil des patients selon leurs compétences émotionnelles. De même, un entraînement aux compétences émotion- nelles des patients est nécessaire, et un essai actuel- lement mené au CHRU de Lille, intitulé EMOVie, le compare à la relaxation.

Dans cette session traitant de l’effet de la commu- nication sur les prises de décision, Y. Libert (institut Jules-Bordet, Bruxelles) s’est quant à lui intéressé aux conséquences de l’incertitude sur les modes de communication entre médecin et malade. En effet, les consultations sont aujourd’hui de plus en plus complexes, et davantage encore lorsqu’elles font appel à la prise de décision partagée entre le médecin et le patient. Il règne de plus en plus souvent un sentiment d’incertitude chez les méde- cins lorsqu’ils doivent annoncer à un patient une nouvelle option thérapeutique et le faire participer à la décision. Ils vont très souvent développer des

réactions de défense. Une étude menée auprès de 140 médecins se trouvant face à une actrice jouant le rôle d’une patiente montre que plus on avance dans la maladie et les lignes de traitement, plus l’incertitude du médecin grandit, entraînant une baisse de l’efficience de la communication de ce

La mise à distance

Exemple d’évitement par la surinformation :

Patient : “Euh… Je voulais vous demander. Est-ce qu’en rejetant les traitements curatifs, je fais un mauvais choix ?”

Médecin : “Non, puisque, de toute façon, vous avez l’avis de notre conclusion multidisciplinaire. Si, au jour d’aujourd’hui, est-ce que vous faites un mauvais choix en rejetant le traitement curatif, non ! Dans 6 mois, malheureusement, vous aurez de multiples métastases. On peut en discuter encore, mais à la règle est-ce que le rejeter aujourd’hui est une erreur ? Non. Comme j’ai commencé par vous dire, il y a pas vraiment de solution.

Donc, par rapport à des situations qui nous occupent, le choix d’une radiofréquence sur la masse pulmonaire n’est pas loin d’être une hérésie. Maintenant, je peux reparler des autres traitements et les réexpliquer, mais ça ne changera pas grand-chose, je crois.”

Exemple d’évitement par la fuite :

Patient : “Mais, vous, personnellement, vous pensez que je prends une mauvaise décision ?”

Médecin : “À mon avis, oui.“

Patient : “Mh mh.”

Exemple d’évitement par la persuasion :

Médecin : “On voudrait vous éviter un épisode de saignements beaucoup plus dramatique comme ça se voyait jadis dans la tuberculose où les gens s’étouffaient dans leur

vomissement sanguinolent.”

Encadré. Moyens de communication défensifs du médecin dus à la baisse de l’efficience de la communication et à son incertitude vis-à-vis d’une patiente dont la maladie progresse.

En contrôlant les variables sociodémographiques et médicales, on a trouvé une interaction significative (p < 0,05) entre

Consultation de suivi Consultation de mauvaise nouvelle

Compétences

émotionnelles Empathie Compétences

émotionnelles Empathie

Figure 1. Interaction entre empathie du médecin et compétences émotionnelles du patient.

Patients qui ne le font pas (%)

n %

Évaluer ses souhaits quant au support à l’information 139 99

Évaluer son niveau d’implication souhaité 117 84

Vérifier sa compréhension de l’information 94 67

Offrir explicitement la possibilité de questionner 59 42

Explorer ses préoccupations relatives à chaque option 30 21

Explorer ses anticipations propres à chaque option 20 14

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CONGRÈS RÉUNION

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dernier, qui développe des moyens de communica- tion défensifs tels que la mise à distance du patient ou l’évitement par la surinformation ou encore par la fuite ou la persuasion (encadré, p. 113).

Plus l’intolérance à l’incertitude est grande, plus les moyens de mise à distance augmentent.

La dernière intervention de la session s’est intéressée à la prise de décision telle qu’elle peut se faire dans l’expression des directives anticipées, dans lesquelles le patient précise par anticipation sa volonté concer- nant sa fi n de vie, depuis la loi du 2 février 2016 numéro 2016-87. L. Copel (unité de soins palliatifs, groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, Paris) a rappelé la diffi culté de la rédaction de ce texte pour le patient. Il existe plusieurs modèles de directives anticipées, mais ils peuvent parfois poser des problèmes. Ainsi, on constate qu’ils ne tiennent pas compte de l’évolution psychique du patient ou de l’évolution de la maladie ; ils sont parfois trop détaillés, apeurant le patient, et ils peuvent même être incompréhensibles, voire partisans. C’est alors encore la “page blanche” qui, remplie spontanément par le patient, est la plus représentative et permet de recueillir des informations non envisagées dans un questionnaire.

On citera la proposition de la Haute Autorité de santé (HAS) qui, accompagnée d’un très bon texte explicatif, distingue, tout en privilégiant la page blanche, 3 situations validées dans de nombreuses structures :

➤ Vous êtes en bonne santé et vous pouvez avoir un accident ou un événement aigu (infarctus, accident vasculaire cérébral, traumatisme, etc.) qui évolue vers une incapacité majeure de communication se prolongeant (état végétatif, par exemple).

➤ Vous avez une maladie grave, et une aggravation survient qui vous rend incapable de vous exprimer.

➤ Vous êtes à la fi n de votre vie (grand âge avec de nombreuses maladies, maladie au stade terminal), et un événement aigu survient, aggravant durablement une situation précaire ou qui pourrait entraîner la mort.

On citera aussi le jeu de cartes Go Wish, qui utilise 36 cartes proposant différents énoncés en relation avec l’expérience du patient (fi gure 4) [2].

Enfi n, une étude réalisée en mai 2017, intitulée “Les Direc- tives anticipées en hémodialyse chronique : état des lieux dans un centre lourd”, menée par M. Jannot et L.

Monnin (hôpitaux du pays du Mont-Blanc, Chamonix) et présentée au 4e Congrès international francophone de soins palliatifs, a permis d’interroger 97 patients Mauvaise

qualité de vie du patient

Bonne qualité de vie du patient

L’empathie du médecin interagit avec les compétences

des patients : p < 0,05 12 –

10 – 8 – 6 – 4 –

35 40 45

54 %

50 55

Empathie

46 %

Faibles compétences émotionnelles Hautes compétences émotionnelles

Figure 3. Mauvaise nouvelle.

Mauvaise qualité de vie du patient

Bonne qualité de vie du patient

Effet principal de l’empathie : p < 0,005 12 –

10 – 8 – 6 – 4 –

35 40 45

72 %

50 55

Faibles compétences émotionnelles Hautes compétences émotionnelles

Figure 2. Consultation de suivi.

Figure 4. Jeu de cartes Go Wish, développé par CODA Alliance, une organisation commu- nautaire à but non lucratif aidant les individus et leurs familles à planifi er et préparer les derniers passages de la vie (2).

® DR

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CONGRÈS RÉUNION

La Lettre du Cancérologue • Vol. XXVII - n° 2 - février 2018 | 115 sur leurs raisons d’établir des directives anticipées.

Les résultats ont montré que, sur 54 questionnaires recueillis, les motivations étaient les suivantes : la peur de l’acharnement (60,6 %), le souhait de maintenir son autonomie (45,5 %), la peur de ne plus pouvoir s’ex- primer (51,5 %), aider un proche (42,2 %), le manque de confiance dans le corps médical (9,0 %). Par ailleurs, les raisons pour lesquelles ils ne remplissaient pas les directives anticipées étaient la confiance dans leur famille (50,0 %) ou envers les médecins (54,2 %) ; pour 37,5 % des patients, cela représentait une démarche non intéressante car imprévisible. Aucune réponse n’a été donnée sur l’évolution des souhaits.

On voit donc bien toute la difficulté que peuvent soulever ces choix de directives quand celles-ci

doivent être préparées à l’avance, et c’est alors idéalement que l’on peut imaginer établir et déve- lopper des discussions à partir des directives anti- cipées comme l’a souligné L. Copel, permettant de renforcer très tôt l’échange entre le médecin et son patient pour une meilleure prise en charge.

Il s’agit d’un véritable défi qui place encore une fois sans aucun doute le patient au centre des déci- sions et d’une communication toujours meilleure, à parfaire et à affiner avec le temps. ■ P. Amsalhem déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

L’auteur remercie, pour sa collaboration, le Dr Sarah Dauchy, présidente de la SFPO et chef du département interdisciplinaire des soins de support à Gustave-Roussy Cancer Campus – Grand Paris (Villejuif).

Références bibliographiques

1. Teding van Berkhout E, Malouff JM. The efficacy of empathy training : A meta-ana- lysis of randomized controlled trials. J Couns Psychol 2016 ;63(1) :32-41.

2. Menkin ES. Go wish: a tool for end-of-life care conversations.

J Palliat Med 2007;10(2):297-303.

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