34 | La Lettre du Rhumatologue • N° 443 - juin 2018
GRIO
Coordonné par T. Thomas
(Saint-Étienne)
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Les signes d’alerte devant faire rechercher une maladie osseuse rare
chez le sujet adulte
K. Briot
(Service de rhumatologie, centre de référence des maladies rares du métabolisme du calcium et du phosphate, filière OSCAR, hôpital Cochin, AP-HP ; Inserm U1153, Paris)
Certaines maladies osseuses constitu- tionnelles (MOC) rares ou certaines maladies rares du métabolisme du calcium et du phosphate peuvent se révéler ou être diagnostiquées à l’âge adulte, à l’occasion d’une consultation pour des fractures répétées de faible traumatisme, pour des douleurs arti- culaires, ou à l’occasion de la découverte de calcifications sur enthésopathies. L’identifica- tion d’une ostéoporose sévère ou avec fractures trop fréquentes doit donc conduire à se poser la question du diagnostic de fragilité osseuse constitutionnelle.
L’ostéogenèse imparfaite (OI), la plus fré- quente des MOC (prévalence de 1/1 000 à la naissance), associe des signes squelettiques de sévérité variable : des fractures répétées de faible traumatisme, une hyperlaxité ligamen- taire, des signes extrasquelettiques inconstants (sclérotiques bleutées, surdité, fragilité vascu- laire) et une dentinogenèse imparfaite. Il existe une grande variabilité d’expression, allant de formes majeures létales périnatales à des formes modérées pouvant passer inaperçues.
Le diagnostic de forme modérée d’OI peut être posé devant la survenue de fractures répé- tées chez un adulte jeune et doit conduire à la recherche d’un faisceau d’éléments (frac- tures de faible traumatisme dans l’enfance, autres signes squelettiques : scoliose, hyper- laxité ligamentaire, signes extra- articulaires : sclérotiques bleutées et/ou grisâtres, surdité,
complications dentaires, hématomes fré- quents) et à une enquête familiale chez les apparentés (1, 2). Les principaux diagnostics différentiels sont l’ostéoporose idiopathique juvénile (OIJ), le syndrome ostéoporose- pseudogliome, le syndrome d’Ehlers-Danlos, la dysplasie cléido crânienne, l’ostéoporose liée à l’X et l’hypo phosphatasie.
L’hypophosphatasie (HPP) peut se révéler chez l’adulte par des fractures, essentielle- ment des métatarses et des fémurs, ainsi que par des arthropathies microcristallines. Les valeurs basses de phosphatases alcalines sont souvent négligées (3-5). La maladie a pu passer inaperçue dans l’enfance et se dévoiler à l’âge adulte. Les fractures, les complications arti- culaires de la chondrocalcinose, les périarthrites calcifiantes, voire l’état polyalgique, peuvent révéler la maladie, dans ses formes mineures, chez l’adulte. Le diagnostic repose sur le taux plasmatique des phosphatases alcalines, et une bonne corrélation entre la sévérité de la maladie et l’activité résiduelle est observée, mais ces anomalies passent fréquemment inaperçues (6). Reconnaître l’HPP est impor- tant pour pouvoir donner le traitement le plus approprié aux fractures, qui se compliquent souvent de pseudarthrose, et surtout pour éviter les traitements antirésorbeurs, habituel- lement délivrés après la survenue de ce type de fractures causée par une fragilité osseuse, considérées à tort comme “ostéoporotiques”.
Des cas cliniques de fractures atypiques surve- nant sous ces traitements, prescrits après un diagnostic d’ostéoporose se révélant au final erroné, ont été rapportés et ont ainsi révélé une HPP à l’âge adulte (7).
D’autres signes peuvent conduire au diagnostic d’une maladie osseuse rare. La découverte d’ossifications ou d’enthésophytes, associés à une arthrose précoce des membres infé- rieurs, peut être observée dans des formes peu sévères de rachitisme vitamino résistant génétique liés à l’X. Ces formes diagnostiquées chez l’adulte sont parfois étiquetées et traitées comme des spondylarthropathies axiales (8).
Le diagnostic est orienté par une insuffisance staturale, une déformation des membres infé- rieurs et la présence d’une hypophosphatémie avec fuite rénale de phosphate. Après avoir écarté les causes évidentes comme l’arthrose, la découverte d’une densité osseuse élevée sur l’ostéo densitométrie (T > +3 aux 2 sites) peut conduire à un diagnostic de dysplasie osseuse génétique modérée (ostéopétrose), en parti- culier s’il existe des antécédents familiaux et d’autres signes (élargissement de la mâchoire, augmentation de la taille des pieds, incapacité à flotter, etc.). Dans tous les cas, la suspicion d’une maladie osseuse rare nécessite une prise en charge dans un centre de référence. ■
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
1. Bishop NJ, Walsh JS. Osteogenesis imperfecta in adults.
J Clin Invest 2014;124(2):476-7.
2. Al Kaissi A, Windpassinger C, Chehida FB et al. How frequent is osteogenesis imperfecta in patients with idio- pathic osteoporosis?: case reports. Medicine (Baltimore) 2017;96(35):e7863.
3. Mornet E. Hypophosphatasia. Best Pract Res Clin Rheu- matol 2008;22(1):113-27.
4. Briot K, Roux C. Adult hypophosphatasia. Curr Opin Rheumatol 2016;28(4):448-51.
5. Sutton RA, Mumm S, Coburn SP, Ericson KL, Whyte MP. “Atypical femoral fractures” during bisphosphonate exposure in adult hypophosphatasia. J Bone Miner Res 2012;27(5):987-94.
6. Maman E, Borderie D, Roux C, Briot K. Absence of reco- gnition of low alkaline phosphatase level in a tertiary care hospital. Osteoporos Int 2016;27(3):1251-4.
7. Maman E, Briot K, Roux C. Atypical femoral fracture in a 51-year woman: revealing a hypophosphatasia. Joint Bone Spine 2016;83(3):346-8.
8. Sivas F, Yurdakul FG, Durak M, Hatipoğlu G, Önal ED, Bodur H. Hypophosphatemic osteo malacia:
a case simulating anklylosing spondylitis treated with anti-TNF therapy. Osteoporos Int 2016;27(12):
3651-4.
Références bibliographiques