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Faune du sol et microflore.II.Saprophagie, predation et mediation chimique
M. Pussard
To cite this version:
M. Pussard. Faune du sol et microflore.II.Saprophagie, predation et mediation chimique. Agronomie, EDP Sciences, 1991, 11 (5), pp.411-422. �hal-02706200�
Zoologie (synthèse)
Faune du sol et microflore. II. Saprophagie, prédation et médiation chimique
M Pussard
INRA, station de recherches sur la faune du sol, 17, rue Sully, 21034 Dijon Cedex, France (Reçu le 16 mai 1990; accepté le 13 mars 1991)
Résumé — Puisque la fourniture de ressources trophiques supplémentaires ne peut expliquer totalement la stimula- tion de la microflore par les animaux, d’autres mécanismes doivent intervenir. En premier lieu, les animaux pourraient,
par prédation, agir sur les niveau des populations microbiennes dont ils modifieraient ainsi l’activité. La bactériopha- gie, évidente chez beaucoup de protozoaires, ne représente, chez la plupart des invertébrés saprophages, qu’un
mode d’alimentation mal établi, non susceptible de modifier le niveau des populations bactériennes et d’expliquer
l’effet de stimulation. À l’inverse, la mycophagie est pratiquée par de nombreux invertébrés mais elle semble provo- quer plutôt une diminution de l’activité fongique. L’étude expérimentale des relations faune-bactéries est plus simple
dans le cas des protozoaires. Ainsi, un travail récent a permis de montrer que ces protistes stimulent l’activité bacté- rienne, non par la valeur nutritive de leurs excrétions ou par une modification de la densité de population bactérienne, mais par l’émission de substances stimulantes. Ce résultat important pourrait avoir des applications en lutte microbio- logique et en biotechnologie. Par extension, un nouveau mécanisme peut être envisagé dans le cas de la faune dans
son ensemble : les invertébrés comme les protozoaires émettraient des substances stimulantes actives sur le méta- bolisme bactérien. Mais pour le prouver, il faut d’abord disposer de techniques fiables d’axénisation des invertébrés.
faune du sol / relation animal-microflore / stimulation microbienne / régime alimentaire / médiateur chimique
Summary — Soil animals and microflora. II. Saprophagy, predation and chemical mediation. Since food rela-
tionships do not explain all the animal-mediated increase in microflora activity, we must look for other mechanisms
(Pussard, 1991). Microbial-feeding animals appear to modify the density and therefore the activity of the prey popula-
tion. Bacteriophagy is obvious in many protozoa but in saprophagic invertebrates it is less clear and probably cannot modify bacterial population density and activity. Inversely mycophagy is very frequent in invertebrates but tends to
bring about a decrease in fungal activity. A study of fauna-bacteria relationships is easier with protozoa. A recent study, showed that amoebae do not increase bacterial activity by the nutritive value of their excreta or by population control, but by the release of stimulating substances. This result has led us to propose a new mechanism to explain
faunal impact on bacterial microflora. Invertebrates such as amoebae may release stimulating substances. In order to
verify this hypothesis, reliable techniques must be available for the production of axenic invertebrates.
soil fauna / animal-microflora relationships / microbial stimulation / diet / chemical mediator
INTRODUCTION
Dans la
première partie
de cetexposé (Pussard, 1991),
nous avons mis l’accent sur ledécalage paradoxal qui
existe entre le niveau d’activitémétabolique
reconnu à la faune et le niveau de stimulation de la microflore observé enprésence
d’animaux. Cette stimulation est
généralement
attribuée à la fourniture par la faune de res-
sources
trophiques supplémentaires (excrétions,
sécrétions, transfert etdémasquage
de sub-strats)
utilisables par la microflore.Cependant,
l’examen
descaractérisques générales
du mo-dèle animal nous a conduit à émettre de sé-
rieuses
réserves quant à la valeur d’une tellethéorie.
Nous nous proposons donc ici de rechercher
d’autres hypothèses
pourexpliquer
leparadoxe
fonctionnel. Il
estpossible
enparticulier
que la fauneagisse
par laprédation
sur le niveau despopulations
microbiennes, en provoquant ainsichez ces
dernières une réactionmétabolique
dé-pendant
de la densité depopulation.
Ceci nousconduira à examiner l’état des connaissances re-
latives à la
bactériophagie
et à lamycophagie
chez les animaux et en
particulier
chez les es-pèces saprophages.
Puis, pour étudier l’effet de laprédation
sur l’activité de lapopulation
deproies,
nousprendrons
commeexemple
le casle plus simple, celui des protozoaires
bactério-
phages. Nous serons amenés à rejeter le méca-nisme
dépendant
de la densité et à proposerune nouvelle
hypothèse,
celle de l’existence de médiateurschimiques.
Importance
de la consommation de biomasse microbienne par la fauneLes
espèces
phytophages et lesespèces
car-nassières mises à part, il est
généralement
admis que les animaux du sol peuvent avoir 3 types de
régime
alimentaire : labactériophagie,
la
mycophagie
et lasaprophagie.
Cette dernière traduit en faitl’ignorance
de la nature de la res-source
exploitée.
En effet, sontgénéralement
considérés comme
saprophages
au senslarge
les animaux du sol
qui
ne sont ni carnassiers, niphytophages
et quin’ingèrent
pas les propa-gules fongiques
avec leur paroi. Le tube digestifde ces
espèces
est soitoptiquement
vide(es- pèces microphages,
tels de nombreux néma-todes),
soit encombré de débrisvégétaux
et/oude terre
(animaux saprophages
au sens strict,tels les
lombriciens). Appartenant
à cette der-nière catégorie, les
espèces géophages ingèrent
essentiellement de la terre et utilisent la matière
organique plus
ou moins étroitement associéeaux éléments minéraux.
La nature exacte de la ressource
trophique exploitée
par les animaux saprophagesqui ingè-
rent un matériel
particulièrement complexe
faitl’objet
d’un débatqui
a puparaître
purementacadémique (Swift
et al,1979). Cependant,
dansle cadre de nos
préoccupations,
il serait utile de savoir si ces animaux sontsusceptibles
de con-sommer assez de
microorganismes
pouragir
de façon significative sur la densité de populationde ces derniers et modifier ainsi leurs activités.
La consommation de corps microbiens par les animaux pose un
problème
determinologie.
Leterme de
«broutage»
et sonéquivalent anglo-
saxon
«grazing»
sont souventemployés
à laplace
du terme deprédation,
sans doute sous leprétexte
de l’affinitévégétale
reconnuejadis
auxbactéries et aux
champignons.
En se référantprécisément
aubroutage
de l’herbe par les rumi- nants, nous considérons que, chez les microor-ganismes
aussi, lebroutage
devraitdésigner
l’in-gestion
d’unepartie
seulement de laproie,
lasurvie de cette dernière n’étant pas
systémati-
quementcompromise.
En revanche, laprédation
suppose
l’ingestion
totale de l’individu(ou
colonyforming unit)
avec la mort de ce dernier : ainsibactériophagie et mycophagie relèvent bien de la
prédation.
Bactériophagie
En raison de son
importance
dans laplupart
des milieux, la biomasse bactériennereprésente
uneconsidérable ressource
trophique potentielle.
Dans
quelle
mesure est-elle utilisée par la faune ?Du fait de la faible taille et des
particularités
structurales des bactéries, le
protoplasme
bacté-rien n’est pas accessible par
simple
effractionmécanique
et sa digestion suppose l’intervention de substances bactéricides oud’enzymes spéci-
fiques capables delyser
laparoi
bactérienne(type lysozyme).
La bactériophagie est infiniment mieux établie chez les
protozoaires
que chez les invertébrés.En effet, chez les
premiers
la consommation de bactéries peut être constatée directement : l’in-gestion
et la lyse bactérienne sont faciles à obs-erver in vivo sous le
microscope.
Il faudra donc examiner avec une attentionparticulière
le rôledes protozoaires dans le contrôle des
popula-
tions bactériennes et dans la stimulation de ces
dernières.
À
l’inverse, chez les invertébrés, la bactério-phagie
est beaucoup plus difficile à mettre en évidence puisque la démonstration estobligatoi-
rement indirecte. Quatre types de preuve ont été avancés.
Utilisation de l’aliment bactérien en
élevage
Ce
premier
type de preuve consiste à obtenir la survie, la croissance et même ledéveloppement
complet de l’invertébré auxdépens
du seul ali-ment bactérien. C’est ainsi
qu’à
pu être démon- trée labactériophagie
chez les nématodes. Lepoint
faible d’une telle démonstration réside dans l’absence de désinfection des animaux mis enélevage (Zobell
et Feltham, 1938; Flack et Har- tenstein,1984)
ou dans l’insuffisance duprocédé
de désinfection. Dans les 2 cas, des
protozoaires risquent
de contaminerl’élevage
sous forme dekystes qui
chez certainesespèces
peuvent êtretrès résistants aux
antiseptiques
utilisés(hypo-
chlorite, dérivés
mercuriques). À
l’insu de l’expé- rimentateur, cesprotozoaires
se multiplieraientde façon intense aux
dépens
des bactéries et, à l’état de trophozoïtes, constitueraient des proiesfacilement
digérées
par les animaux (Piearce etPhillips,
1980; Rouelle,1983).
Les protozoairesserviraient alors d’intermédiaires
trophiques
entrebactéries et invertébrés : cette éventualité a été
évoquée par
lesnématologistes (Stephenson,
1942; Sohlenius, 1968; Elliot et al, 1980) tandisqu’elle
semble avoiréchappé
auxspécialistes
devers de terre
(Flack
et Hartenstein, 1984). Pour-tant divers auteurs (Miles, 1963; Duhlinska, 1979; Rouelle, 1983) ont montré que le lombri- cien Eisenia fetida avait une croissance très ra-
lentie et ne parvenait pas à l’état adulte dans un
environnement microbien privé de protozaires.
Utilisation de biomasse bactérienne
marquée
Un deuxième type de preuve de la
bactériopha-
gie utilise le passage d’un élément radioactif de la biomasse bactérienne dans les tissus de l’in- vertébré(Hargrave,
1970;Reyes
etTiedje,
1976;Harper
et al, 1981 a;Bignell,
1989). Malheureuse- ment, les auteurs ne prennent aucuneprécaution particulière
pour éviter que lesprotozoaires
neservent d’intermédiaires dans le tranfert du mar-
queur.
Évolution
du nombre de bactériesau cours du transit
digestif
Un troisième type de preuve, le plus ancien, consiste à comparer les densités de
populations
bactériennes mesurées en fin de transit digestif à
celles observées soit dans la
partie
antérieure du tubedigestif,
soit dans un échantillon de milieu ambiant :l’hypothèse implicitement
admise dansce dernier cas est que l’animal
ingère
sans choi-sir. Diverses causes d’erreur interviennent dans
une telle démarche :
ignorance
de la densité bac-térienne réellement
ingérée;
variation de l’état dedispersion
du bol alimentaire (et desbactéries)
en fonction du traitement
mécanique (gésier
deslombriciens)
ou despropriétés physicochimiques
du liquide
digestif;
vitesse de transit variable sui- vant la taille desparticules; multiplication
desbactéries dans certains segments du tube
diges-
tif; activitélytique
desactinomycètes
souventabondants dans le tube
digestif
des invertébrés(Parle,
1963; Kristufek et al, 1989; Chu et al, 1987; Szabo,1989).
Chez certainesespèces,
cette méthode a
permis
d’observer effectivementune diminution de l’effectif bactérien
(Wavre
etBrinkhurst, 1971; Baker et Bradnam, 1976;
Lopez et Levinton, 1978; Wotton, 1980; Harper
et al, 1981b; Austin et Baker,
1988);
chezd’autres invertébrés tels les lombriciens
(Bassa-
lik, 1913; Cameron, 1932; Dawson, 1948;Day,
1950; Brüsewitz, 1959; Parle,1963),
c’est aucontraire une forte augmentation du
peuplement
bactérien
qui
a été constatée. Dans tous les cas,ce
procédé
ne permet pas de conclure à la réali- té de labactériophagie.
Activités
bactériolytiques
La dernière sorte de preuve consiste à mettre en
évidence dans le tube digestif des invertébrés des activités
enzymatiques capables
delyser
laparoi
bactérienne(Zobell
et Feltham, 1938;McHenery
et al, 1979; Childs et Bowman, 1981;Malke,
1965)
ou des substances bactéricidescomme la peroxydase du tube digestif de cer-
tains lombriciens
(Hassett
et al,1988).
Malheu-reusement de tels travaux ne tiennent
jamais
compte de l’interférencepossible
des proto- zoaires ou d’autresmicroorganismes lytiques
as-sociés à l’animal.
En conclusion
La
bactériophagie,
si elle est évidente chez lesprotozoaires,
est rarement établie en toute ri-gueur chez les invertébrés; de plus, elle ne
semble pas
pouvoir
couvrir une partimportante
des besoins alimentaires de ces animaux
(cf
Lasaprophagie).
Chez les vertébrés, en liaison avec le déve-
loppement
de l’axénie, les connaissances sontplus précises :
ainsi chez les mammifères mono-gastriques,
il a été établi que le tubedigestif
d’in-dividus
axéniques
peuthéberger expérimentale-
ment
n’importe quelle
souche bactérienne (Ducluzeau et Raibaud,1979),
ce qui montre qu’un tel animal nepossède
pas d’activité enzy-matique susceptible
delyser
toute bactérie entransit. Ainsi, le
compartiment digestif agirait
es- sentiellement en favorisant defaçon
sélective ledéveloppement
despopulations
bactériennes tandis que lesdispositifs bactériolytiques
se-raient affectés à la
protection
des autres com-partiments
del’organisme.
On peut supposerqu’il
en est de même chez de nombreux inverté- brés. Pour toutes ces raisons, la réalité de labactériophagie
ne peut êtreacceptée qu’au prix
d’une démonstration sans faille. Seuls les proto-
zoaires sont incontestablement
impliqués
dansla consommation de biomasse bactérienne.
La
mycophagie
En milieu
édaphique,
la biomassefongique
constitue une ressource
trophique importante, susceptible
d’êtreexploitée
par de nombreux or-ganismes. Les invertébrés surmontent l’obstacle de la paroi fongique par effraction mécanique
grâce
à des stylets perforants (nématodes) ou despièces
buccales broyeuses(arthropodes).
Chez eux la
mycophagie
est établie defaçon beaucoup
plus sûre que labactériophagie puis-
que les organes
fongiques
en voie dedigestion
sont
repérables
dans le tubedigestif après
dis-section. De
plus,
leur tubedigestif
est leplus
souvent associé à une microflore
capable
d’ef-fectuer la
lyse enzymatique
de laparoi fongique.
La
mycophagie
est trèsrépandue,
en particulier chez les nématodes, les acariens et les collem- boles.Chez les protozoaires, il existe une mycopha- gie opportuniste qui concerne les
propagules
dont la forme et les dimensions permettent une
phagocytose
normale(spores, levures).
Cer-taines
espèces
par contre sont desmycophages spécialisées :
ellespossèdent
un comportementphagocytaire particulier qui
leur permet d’utiliser leprotoplasme mycélien (Old,
1977; Pussard et al, 1979; Pussard et al, 1980; Old etDarbyshire,
1980; Foissner et Didier,
1983).
Toutefois, lesespèces mycophages
strictes sont peu nom- breuses et leurspopulations
ne semblent pascapables
de modifier defaçon appréciable
ladensité des
peuplements fongiques (Alabouvette et al, 1981).
La
saprophagie
Comme nous l’avons
indiqué
ci-dessus, la na-ture des aliments assimilés par les animaux sa-
prophages
n’est pas connue avec exactitude. Unrythme d’ingestion
élevé(Fenchel, 1972)
permet de supposer que ces animaux n’utilisentqu’une
très faible fraction du matériel
ingéré.
Par ailleurs, ilsingèrent plus
volontiers la matière or-ganique lorsqu’elle
est colonisée par les microor-ganismes (Kaushik
etHynes,
1971;Wright,
1972;MacKay
et Kalff, 1973; Calow, 1974; Bär-locher et Kendrick, 1975; Cooke et Luxton,
1980).
Unepremière hypothèse
consiste à sup- poser que les animaux se nourrissent aux dé-pens de la biomasse bactérienne. Certains au- teurs (Zobell et Feltham, 1938; Fredeen, 1964;
Calow, 1974; Lopez et Levinton,
1978)
semblentadmettre que les bactéries
présentes
dans lesdébris
organiques
constituent une biomasse suf- fisante pour couvrir les besoins alimentaires des animaux; tandis que d’autres(Fenchel,
1972;Baker et Bradnam, 1976; Wotton, 1980; Newell
et Field,
1983) rejettent
cette éventualité en fai- sant remarquer que les bactéries sont trop peu nombreuses dans les bols alimentaires pour re-présenter
une sourcetrophique appréciable.
Lesbactéries
ingérées représenteraient
moins de 4%des besoins alimentaires des larves de
diptères
Simuliidae
(Martin
et Kukor,1984)
et moins de15% du carbone
rejeté
par la respiration d’uncrustacé
isopode
d’eau douce(Findlay
et al,1984).
PourFindlay
et Tenore(1982),
les bacté-ries constitueraient
cependant
laprincipale
source d’azote utilisée par les invertébrés dans
un milieu où cet élément est un facteur limitant.
Dans tous ces travaux, le rôle éventuel des
protozoaires
n’estjamais pris
en compte. Or,nous avons
indiqué précédemment
que les pro- tozoaires étaient de bons utilisateurs de la bio-masse bactérienne avec des rendements élevés
(40-50%).
Deplus,
les stades actifs(tropho- zoïtes) qui
sontlysés
au cours du transitdigestif
chez les lombriciens (Piearce et
Phillips,
1980;Rouelle,
1983)
doivent l’êtreégalement
chezd’autres invertébrés. Il ne semble pas
cependant
que les
protozoaires
seulspuissent représenter
une part importante de l’alimentation des inverté- brés du fait de leur faible densité de
population.
Comme dans le cas des bactéries, il convient de
nuancer cette
appréciation
en considérant le rôle éventuel du choix alimentaire : ainsi le comporte-ment de certains invertébrés
qui
raclent les sur-faces
(Lopez
et Levinton,1978) pourrait
per- mettre l’ingestion d’une forte densité deprotozoaires
sessiles(ciliés, flagellés)
ou ram- pants(amibes).
La biomasse
fongique ingérée
avec les débrisorganiques
ne couvrirait, elle aussi, qu’une faiblepartie
des besoins alimentaires des invertébréssaprophages,
8%d’après
Martin et Kukor(1984)
chez les larves de
tipule (diptères, Tipulidae).
Quelle que
puisse
être leurimportance
dansl’alimentation des invertébrés, les
prélèvements opérés
auxdépens
de la microflore bactérienne devraient avoir un effetinsignifiant
sur l’activitémicrobienne
globale
du milieu en raison de la faibleproportion
de la microflore totalequi
tran-site par les tubes
digestifs
des animaux(Gorben-
ko et al,1986).
Les invertébrés
saprophages
pourraient enfinse nourrir de substances facilement assimilables provenant de la digestion extracellulaire de la mi- croflore vis-à-vis de
laquelle
ils se comporteraientalors en
parasites.
Chez les lombriciens, l’activitémétabolique
de la microflore en transit dans letube digestif
serait stimulée par laproduction
demucus; ce dernier
agirait
par«priming
effect» et provoquerait unedégradation
microbienne ac- crue des matièresorganiques
du bol alimentaire,avec des chutes de concentration oscillant entre 9 et 19% (Lavelle, 1988). Ce
phénomène
devraitêtre limité par la
dépense énergétique
correspon-dant à la
synthèse
du mucus. Deplus,
il convientde
préciser
que la production de mucus,géné-
rale chez les animaux, est
interprétée
chezl’homme d’une manière très différente
(Leclerc
et Mossel, 1989) : elle estplus
considérée comme un élément deprotection
de l’organisme quecomme un facteur de
prolifération
bactérienne.En conclusion, les invertébrés saprophages
qui
ne peuvent assurer leur subsistance directe- ment àpartir
despolymères
structuraux, se nour- riraient deprotozoaires,
demycélium,
deproduits
de la
digestion
extracellulaire de la microflore et éventuellement de bactéries.Cependant,
laconsommation de ces dernières ne
paraît
pas suffisante pouragir
defaçon
notable sur les po-pulations
bactériennesqui
sont lesprincipales
concernées par le
phénomène
de stimulation.Cas
particulier
des relationsprotozoaires -
bactéries et mise en évidence d’une médiation
chimique
Dans l’introduction de cet article, nous avons
supposé
que la stimulation microbienne pourraitêtre due à la
régulation
du niveau de populationpar la
prédation.
Cettehypothèse
devrait être vé- rifiée facilement dans le cas desprotozoaires qui
consomment activement les bactéries et
qui
seprêtent
très bien au contrôlerigoureux
des condi-tions
expérimentales.
Curieusement, les travaux récents consacrés à l’étude des relations proto- zoaires-bactéries traitentbeaucoup plus
souventdu
problème
dedynamique
depopulation
que de celui des réactionsmétaboliques
des bactéries.Prédation et
dynamique
depopulation
L’intérêt
particulier porté
à cet aspect sejustifie
par la recherche d’un modèle
mathématique
per- mettant deprévoir
l’évolution despopulations
enprésence. Cela se justifie à la fois sur le
plan
fondamental et sur le plan
appliqué
dans la per-spective
du traitement biologique des eaux usées ou de l’inoculation des sols avec des bac- téries utiles,génétiquement
modifiées ou non.Dans ce dernier cas, les travaux réalisés par Alexander et ses collaborateurs
depuis
1975(voir
enparticulier
Acea et al,1988)
sontparticu-
lièrement intéressants : les
principales
conclu-sions sont les suivantes. Les
protozoaires
sontresponsables
de la diminution du nombre de bactéries lorsqu’elles sont introduites massive- ment(10 9 -10 10 bactéries/g
desol)
dans un sol.Si les bactéries n’ont pas la
possibilité
de se multiplier, elles peuvent être éliminées(bacté-
ries
pathogènes
des homéothermes,pouvoir épurateur
dusol);
dans le cas contraire, la den- sité depopulation
bactérienne se stabilise à unniveau relativement élevé, de l’ordre de 105bac-
téries/g
de sol(Xanthomonas)
ou de 107 bacté- ries/g de sol (Rhizobium). L’étatd’équilibre
at-teint alors est non pas
statique
maisdynamique, prédateurs
etproies
conservant un faible taux demultiplication;
les pertes parprédation
sontcompensées
par la croissance résiduelle des bactéries. Différents modèles ont étéproposés
pour traduire ces évolutions de
populations (Steinberg, 1987).
De très nombreux travaux ont été réalisés en
fermenteur
(Sambanis
et Fredrickson,1988)
mais
toujours
en portantplus
d’attention aux ef- fectifs qu’aux modifications du métabolisme bac- térien.En conclusion, puisque les protozoaires
jouent
un rôleimportant
dans larégulation
despopulations
bactériennes, ils constituent un ma-tériel de choix pour savoir si cette
régulation
esteffectivement à l’origine de la stimulation.
Prédation et activité bactérienne Travaux anciens et
conception classique
Les travaux sur les modifications du métabo- lisme bactérien en
présence
deprotozoaires
sont peu nombreux et datent presque tous de la
première
moitié du XXe siècle(Pussard,
1971ou Coûteaux et al,
1988).
La conclusion com- mune étaitqu’in
vitro l’activité bactérienne est si-gnificativement
accrue enprésence
de proto- zoairesbactériophages.
Ellepouvait paraître paradoxale puisqu’en présence
deprédateurs,
la densité des
populations
bactériennes estgé-
néralement
plus
faible. Par ailleurs, elle n’est pas conforme à la notiongénérale
deprédation
qui
chez les métazoaires s’accompagne plutôt d’une réduction d’activité de lapopulation
deproies.
C’estpourquoi
ces travaux anciens n’ontguère
étépris
en considération et cela d’autant que lesinterprétations
des résultats étaient criti-quables.
En effet, les activités mesurées étaient souvent communes aux bactéries et aux proto- zoaires (émission deCO 2 ;
rejet de N-NH4), d’où la tendance à attribuer auxprotozoaires
l’excèsd’activité observée en culture mixte par rapport à
une culture bactérienne pure servant de témoin.
Quelques
auteurs ont pourtant étudié une fonc- tionspécifiquement
bactérienne, la fixation d’azoteatmosphérique
par Azotobacter. Malheu- reusement, leurs travaux ontmanqué
derigueur (Hervey
et Greaves,1941)
et les auteurs ulté-rieurs
(Darbyshire, 1972)
n’ont pas retenu leurs conclusions. Récemment, Griffiths(1989)
a si-gnalé
la stimulation de la nitrification enpré-
sence de
protozoaires bactériophages qui
ne peuvent êtresuspectés
departiciper
à cettefonction.
Pour
expliquer
lephénomène
de stimulation, les mécanismes lesplus
divers ont étéproposés
sans véritable vérification : maintien d’une faible densité de
population
bactérienne et/ou d’une forteproportion
de bactériesjeunes,
modification dupH
du milieu,rejet
de substances stimulantes par lesprotozoaires.
Dans la littérature, il existe toutefois desexceptions
à larègle
de stimula- tion : ainsiHuang
et al(1981)
ont observé unediminution de la
dégradation
duparaaminoben-
zoate par la bactérie
Alcaligenes
enprésence
deTetrahymena.
Indépendamment
de ces travaux, uneéquipe pluridisciplinaire
de Fort-Collins(Coleman
et al, 1984) etd’Uppsala (Clarholm, 1985)
a entreprisl’étude des interactions entre nématodes, proto- zoaires et bactéries en microcosmes gnotoxéni-
ques. L’objectif était d’étudier l’effet de ces inter- actions sur la minéralisation de la matière
organique
ens’inspirant
de travaux réalisés enmilieu
aquatique (Jost
et al, 1973; Fenchel etJorgensen, 1977).
L’intensification de la minérali- sation de l’azote et duphosphore
observée enprésence
deprotozoaires
est attribuée à l’excré-tion de
N-NH 4
et dephosphates
par ces der- niers. Les auteurs admettentimplicitement
que l’activitémétabolique
des bactéries n’est en rienmodifiée en
présence
deprotozoaires;
seule in-terviendrait la consommation de corps bacté- riens. Ce
postulat
de l’invariabilité du comporte-ment bactérien a été contesté par Coûteaux et al
(1988) qui
ont attribué l’excès deCO 2 produit
enculture mixte non pas à la
respiration
des proto-zoaires, considérée comme
négligeable,
mais àune croissance bactérienne
supplémentaire, masquée
par lesprélèvements
dus à lapréda-
tion et
appelée
pour cette raison croissance«cryptique». Ainsi la
production
bactérienne se-rait effectivement plus grande en
présence
de prédateurs (Pussard et Rouelle, 1986). La crois-sance cryptique serait possible du fait de la for- mation de substrats nutritifs
supplémentaires
provenant de ladigestion incomplète
de la bio-masse bactérienne consommée par les
préda-
teurs
(substances
autochtones de Sambanis etal,
1987).
Ainsi, laconception classique
consi-dère que la stimulation est le résultat de l’excré- tion - défécation de substrats par les proto- zoaires et
qu’elle
est liée à uneaugmentation
dela
production
bactérienne. Cetteinterprétation
est conforme à celle admise actuellement pour
expliquer
le rôle des invertébrés dans le sol.Kuikman
(1990)
admet toutefoisqu’il
existe aussiun effet de stimulation du métabolisme des bac- téries survivantes
indépendamment
de l’effet liéau
recyclage partiel
de la biomasse consomméesans toutefois proposer
d’hypothèse
sur le méca-nisme en jeu.
Démonstration de la médiation
chimique
Dans un récent travail de thèse, Levrat
(1990b)
aétudié le mécanisme de la stimulation sur un mo-
dèle
biologique
favorable constitué par une amibebactériophage
Acanthamoeba castellanii et une bactérieprototrophe (aucun
besoin enfacteur de
croissance)
fluorescente du genre Pseudomonas. L’activité de lapopulation
bacté-rienne a été suivie
grâce
à laproduction
depig-
ment fluorescent (pyoverdine à
propriétés
de si-dérophore) spécifique
des bactéries et facile à doser parspectrophotométrie.
Dans un milieu deculture (milieu B de King dilué au 1/10) permet- tant la croissance simultanée des 2 microorga- nismes, la concentration de
pigment
est environ2 fois
plus
élevée en culture mixte qu’en culturepure
(Levrat
et al,1989).
Ce même résultat peutêtre
intégralement reproduit
en culture pure de bactéries par addition de 2-5% de filtrat acellu- laire de culture mixte ou de cultureaxénique
d’amibes (Levrat,
1990a).
Si laproportion
de fil-trat
dépasse
2%, laproduction
depigment
n’estpas
augmentée
pour autant. Autre faitcapital,
dans ces cultures pures additionnées de filtrats de culture mixte, donc en absence de
prédation,
le niveau de