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L Toujours dans la tourmente L Développer le secondaire: un vrai défi

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L

’ONU, via la campagne pour la réalisation des Objectifs du Millénaire et la Banque Mondiale, a poussé au développement du Primaire depuis 20 ans : le taux net de scola- risation est passé de 59 à 77 % en Afrique subsaharienne (de 84 à 90 % dans le monde), mais le taux d’achèvement n’est que de 67 %.

Pour Siaka Traoré(1), « certains parents, pour des raisons économiques, n’arrivent plus à scolariser leur enfant, si bien qu’à l’âge de 10- 11 ans, l’enfant [...] doit se livrer à de petites activités commerciales qui ne rapportent rien : les cireurs de chaussure, les petits transpor- teurs de bagages, on ne peut pas bâtir l’ave- nir d’un pays sur cela. »

Le taux de scolarisation dans le Secondaire reste très bas en Afrique subsaharienne. En Côte d’Ivoire, seuls 40 % des enfants ont accès au collège, et 25 % au lycée. De plus, l’Afrique subsaharienne est la région du monde où les taux de scolarisations entre garçons et filles diffèrent le plus.

Carences

Les infrastructures font cruellement défaut ; les effectifs sont partout pléthoriques, la centaine d’élèves par classe étant un minimum. La for- mation des enseignants est également souvent insuffisante, surtout lorsque le recrutement de précaires l’emporte sur le celui de profes- seurs-fonctionnaires, du fait des mesures d’ajustement structurel.

Les carences du secteur public sont une aubaine pour les établissements privés, qui prolifèrent. Dans la région de Ouagadougou (Burkina Faso), sur 354 établissements du Secondaire, 320 sont privés ! En Côte d’Ivoire, le nombre de places en Sixième dans le public est tellement réduit qu’un concours a été mis en place, en plus du certificat d’études.

De nombreux élèves recalés (mais reçus au certificat !) se tournent vers l’enseignement privé.

Au cours des échanges, la nécessité de développer le Secondaire a fait consensus et ce pour au moins deux grandes raisons : le développe- ment de la démocratie et le développement socio-économique.

Agir pour promouvoir le Secondaire, c’est explorer toutes les voies de réussite. « L’enseignement technique et professionnel est une

priorité importante car l’enseignement ne peut pas être que général », ajoute Innocent Assogba(2). Ces lycées sont pour l’instant extrêmement rares en Afrique subsaharienne.

Échanges

Les échanges entre militants ont été particuliè- rement fructueux : « chacun a pu savoir com- ment les chosent se passent dans les pays voi- sins ; c’est extrêmement important en matière de lutte syndicale », observe Octave Bossa(3). Lors de l’atelier, les militants ont choisi de mettre en place des actions adaptées à leur pays. Au Bénin, l’accent va être mis sur la qualité de la formation des enseignants, en associant les parents d’élèves à certaines décisions : « la lutte syndi- cale ne peut aboutir sans la contribution des autres partenaires de l’École » affirme Innocent Assogba(4).

États

Les États doivent accroître les investissements dans l’Éducation.

« C’est là l’importance de l’intervention des organisations syndicales, par la pression, pour forcer à recentrer la politique éducative », estime Samuel Dembele(5).

Le caractère intersyndical des actions menées sera une condition de leur succès. Pour Mamadou Baro(6)« cela ne pose aucun problème, pour l’adhésion au projet. Il y a des actions qu’on mène déjà ensemble, avec les deux autres syndicats du Secondaire ».

Le SNES-FSU va poursuivre son soutien à ces organisations syndi- cales qui agissent concrètement pour le développement du Secondaire, des systèmes éducatifs et des conditions des personnels.

Dominique Giannotti, Florian Lascroux (1) Secrétaire général du SYNESCI, Synd. Nat. des enseignants de Côte-d’Ivoire

(2) SG du SYNAPES, syndicat national des professeurs de l’enseignement secondaire (Bénin) (3) Secrétaire chargé de la recherche syndicale au SYNAPROLYC, syndicat national des pro- fesseurs de lycée (Bénin)

(4) SG du F-SYNTER, Fédération des syndicats nationaux des travailleurs de l’éducation et de la recherche (Burkina Faso)

(5) SG du SNESS, syndicat national des enseignants du second degré (Burkina Faso)

INTERNATIONAL

©DR

AFRIQUE.Dans de nombreux pays d’Afrique, le nombre d’enfants scolarisés dans le Secondaire reste souvent faible. Le SNES-FSU a organisé un séminaire à Ouagadougou du 23 au 27 avril pour aider plusieurs syndicats d’Afrique de l’Ouest à lancer des actions pour développer le Secondaire.

Développer le secondaire : un vrai défi

LYCÉES PUBLICS D’HAÏTI

Toujours dans la tourmente

L

e tremblement de terre du 12 janvier 2010 a provoqué de gros dégâts dans les lycées publics d’Haïti. Quelques bâtiments pro- visoires ont été installés là où les structures avaient été touchées mais à ce jour il n’y a aucune évolution. Le provisoire dure...

Les lycées publics manquent de tout, et d’abord de salles de classes.

Les élèves s’entassent à plus de 100 dans les salles des bâtiments pro- visoires qui débordent (voir photo jointe). Nos collègues manquent de matériel pédagogique, il n’y a pas de laboratoire, aucun matériel d’expérimentation, pas assez de livres pour les élèves, bibliothèques en piteux état ou inexistantes. Le SNES intervient à travers son pro- gramme de coopération en soutien à l’UNNOH (Union Nationale des Normaliens d’Haïti) pour la transformation du système éducatif et l’amélioration de la situation des enseignants. Il intervient aussi par un programme de dotation de matériel pédagogique en collaboration avec les syndiqués des lycées publics de la région de Port au Prince : lycée Toussaint Louverture, lycée Alexandre Pétion, lycée Jean-

Jacques Dessalines, Lycée Car- refour Feuilles, Lycée Marie- Jeanne, Lycée Firmin, lycée Fignolet et Lycée Anakaona à Léogane.

Cette intervention n’est évidem- ment pas suffisante. Il faut à la fois soutenir l’action de nos cama- rades syndiqués haïtiens pour que les centaines de millions de dol- lars promis soient investies dans

l’éducation publique mais il faut aussi mettre sur pied des actions mili- tantes entre lycées en Haïti et lycées en France pour faire bouger cette situation que ni les pouvoirs publics français, ni les pouvoirs publics haïtiens ne prennent en compte. Pour toute précision, contactez

roger.ferrari@snes.edu ■ Roger Ferrari

©DR

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Supplément au no720 du 26 avril 2012 -US MAGAZINE- 37

«

A

ujourd’hui,il faut avoir de la ténacité et une volonté de résistance. » C’est en ces termes que Manuela Men- donça (FENPROF, Portu- gal) a conclu la déclaration faite au nom des invités internationaux présents au congrès : Chili, Brésil, Tur- quie, Japon, Burkina Faso, Québec, Haïti, Maroc, Tuni- sie, Palestine, Italie, Grèce, Espagne, Portugal, Slova- quie et Pays-Bas.

Réduction

systématique des moyens budgétaires

La déclaration élaborée

pendant le congrès à partir de débats et d’échanges sur la situation dans les différents pays, a pointé la tendance quasi-générale de

« réductions systématiques des moyens budgétaires destinés à l’éducation publique (la seule exception vient du Brésil, qui est en train de développer des politiques sociales pour réduire les inéga- lités) ». De telles politiques se caractérisent par des attaques sur le statut et les conditions de travail des enseignants et le sens même de leur métier. Concrètement, on observe que « le nombre d’élèves par classe augmente, les horaires des élèves sont réduits et ceux des enseignants alourdis ». Un constat d’autant plus sévère que les pre- mières victimes de ces politiques sont les enfants et les jeunes des catégories sociales les plus fragiles. Des politiques menées avec beaucoup de brutalité dans des pays comme le Chili, le Maroc et

la Turquie. « Dans ce der- nier pays, cela s’accom- pagne d’une répression violente : les manifestants sont brutalisés, des syndi- calistes emprisonnés, cer- tains depuis plus de cinq ans ».

Des luttes importantes

Tout en soulignant que les plans d’austérité avec les mêmes recettes néo-libé- rales conduisent à une spi- rale de récession écono- mique et de régression sociale, la déclaration a clairement mis en évidence

« les luttes importantes, plusieurs grèves générales en Grèce, au Portugal, en Italie et en Espagne, deux grèves massives d’enseignants au Pays-Bas (les plus fortes depuis plus de 20 ans) ».

Une déclaration particulièrement tonique et offensive avec l’impérieuse « nécessité de promouvoir de fortes campagnes contre la privatisation de l’éducation et pour une école publique de qualité pour tous, à travers la création de plateformes qui associent diffé- rents acteurs : enseignants, étudiants et la société civile ». Nécessité aussi d’avoir des réponses syndicales fortes et coordonnées au niveau européen d’abord et au niveau mondial. « Car dans un contexte où les politiques sont de plus en plus concertées au niveau supranational, le mouvement syndical doit aussi globaliser ses réponses ». Voilà un sujet qui reste d’actualité ! Odile Cordelier

CONGRÈS DE REIMS 2012

À l’écoute des invités internationaux

©Daniel Maunoury

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u 16 au 19 mai à Francfort, siège de la Banque centrale euro- péenne, le SNES sera au côté de la GEW qui appelle aux journées européennes d’action « pour une Europe démo- cratique et sociale, contre les décrets de la Troïka et la domi- nation des marchés financiers ».

Plusieurs initiatives ont été programmées par les mouvements sociaux (associations, réseaux, partis politiques) dont le blocus de la BCE et du quartier des banques le 18 avec un temps fort qui prendra la forme d’une grande manifestation le 19. Au moment où ces lignes sont écrites, les autorités allemandes ont « autorisé » l’organisation de la manifestation mais en revanche interdit toute initiative ou rassemblement les deux jours précédents.

Enseignants mobilisés

La GEW, dont il convient de souligner qu’elle est la seule orga- nisation syndicale enseignante à appeler ses adhérents à s’inves- tir dans ces actions, a décidé de maintenir un séminaire international le 17 mai sur le thème de l’éducation dans un contexte de crise et des réponses syndicales à y apporter.

Le SNES y interviendra avec des camarades du premier degré et du second degré de Grèce ainsi que du Portugal. Il y a d’autres alternatives que les plans d’austérité dont on voit bien qu’ils provoquent un retour de la récession et une hausse du chômage, particulièrement chez les jeunes. Sur la base des mandats adoptés lors du Congrès de Reims (entre autres, redéfinition des missions et du statut de la BCE), le SNES portera ses revendi- cations et contribuera à la réflexion sur la mise en œuvre d’autres ini- tiatives syndicales à l’échelle européenne. Odile Cordelier

©Fotolia.fr / Jarma

ACTION SYNDICALE EUROPÉENNEen direction de la BCE

Manifestation

à Francfort

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CULTURE L i v r e s / R e v u e s À LIRE

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a philosophie de Hannah Arendt – elle se vou- lait plutôt « écrivain politique » – est un curieux mélange de radicalisme, de libéralisme et de conservatisme, le tout enveloppé dans un style d’écri- ture centré autour du « charme » ; le présentateur, Philippe Raynaud, de cette édition le répète à plu- sieurs reprises et il a raison. Le lecteur est souvent, presque à son insu, séduit par cette écriture ouverte, lisible tout en définissant des concepts et une méthode d’analyse. Les œuvres réunies dans cette édition Quarto, Condition de l’homme moderne, De la révo- lution en une nouvelle traduction, La crise de la culture, Du mensonge à la violence, sont majeures pour comprendre son apport. Augmentée d’une interview et surtout d’un glossaire, cette édition per- met d’entrer dans l’univers singulier de cette philo- sophe élève et amante de Heidegger dont témoigne leur correspondance qui, visiblement, a eu du mal à se séparer du système philosophique qu’il avait construit, notamment de ses réflexions sur la tech- nique qui se retrouve dans son essai publié en 1958, L’humaine condition. Elle « sonne » actuelle. Le for- matage de nos conditions de vie, de travail, de la

« vita activa » comme elle dit, par la technique, la technologie est une « modernité » qui n’a pas vieilli.

Par contre la séparation stricte qu’elle effectue entre politique et social mérite d’être lue avec un esprit critique, comme sa valorisation de la révolu-

tion américaine – révolution réus- sie essaie-t-elle de démontrer – face à la révolu- tion française qui a construit l’idée d ’ É t a t - N a t i o n et de droits du citoyen permet-

tant d’exclure une partie des êtres humains, est à considérer à la fois comme partie prenante de son histoire personnelle et à remettre dans le contexte de ses années de « guerre froide » et de « coexis- tence pacifique ».

Il reste une réflexion, une pensée vivante qui se veut lucide sur les sociétés qu’elle considère. Des réfé- rences étranges surgissent parfois, des échos de Proudhon notamment et de ses rêves ou d’autres

« utopistes » français. Comme Raymond Aron, elle se situe résolument dans la société capitaliste.

La lire, dans le contexte actuel, est une source de fraîcheur tout en retrouvant la nécessité d’une dis- tance pour forger d’autres concepts pour com- prendre le monde « moderne ». ■ Nicolas Béniès

• L’humaine condition, Hannah Arendt, préface, présen- tation et glossaire de Philippe Raynaud ; Quarto/Galli- mard, 1 050 p., 26 euros.

LES ŒUVRES CLÉS DE HANNAH ARENDT (1906-1975)

Écrivaine politique

Visites de Villes

Les grandes villes tentaculaires sont éclatées en quartiers. Cha- cun a son histoire. À Paris, tous les manifestant(e)s le savent, celui de la Bastille est particulier. Pas seulement à cause de la prise de cette prison qui se dressait là sur la place, mais surtout par son héri- tage révolutionnaire, de toutes celles qui ont marqué les XIXeet

XXesiècle. Le faubourg Saint- Antoine a longtemps vécu au rythme des barricades. Paris comme Londres, New York, Oslo ont une histoire, une mémoire, une âme. Elles façonnent les habi- tant(e)s comme elles sont struc- turées par elles et eux qui partici- pent à son histoire.

Le polar avait-il un rôle à jouer ? Essentiel bien sûr. L’Histoire, ce sont souvent des histoires de vio- lences, de crimes qui laissent des traces sanglantes sur les pavés. Il fallait les retrouver ou construire de nouvelles légendes qui tissent des rapports différents avec la Ville, ces métropoles qui ont conservé – les résultats électoraux en France le

montrent – un minimum de solidarités col- lectives. L e s t r o i s premiers volumes – du moins je sup- pose que ce sont les premiers – nous entraînent d’abord à Paris. Il fallait bien com- mencer par là. La Ville lumière n’existe plus depuis belle lurette.

Les auteurs réunis par Aurélien Masson nous invitent à voir la capi- tale différemment, d’un regard oblique, pour redécouvrir Paris, le vrai. Deux introductions ouvrent la porte à des lectures différentes.

La première pour l’édition fran- çaise, la seconde pour l’édition américaine. De quoi se régaler de tous les clichés qui peuvent circu- ler. Londres ensuite pour dresser une sorte de portrait(s) de la capitale britannique avec toutes ses contra- dictions et son « Big Ben » qui a tendance à pencher comme la tour de Pise. Los Angeles enfin pour se rendre compte d’une ville fantôme.

Une ville écartelée. Des quartiers qui n’ont que peu de rapports les uns avec les autres, un réseau rou-

tier qui tient du fantastique, une usine à rêve devenue le temple du profit. Toutes ces nouvelles ne sont évidemment pas d’une qualité égale. Elles permettent de découvrir de nouveaux auteurs. Une « play list » pourrait ouvrir la porte à des musiques liées à ces nouvelles.

En prime, Folio policier vous offre un fascicule pour vous orienter dans les villes en question. Mal- heureusement, Los Angeles n’y figure pas mais Oslo est en plus alors que le volume n’est pas

encore paru. N. B.

• Paris Noir, coordonné par A. Mas- son, Londres Noir, coordonné par Cathi Unsworth, Los Angeles Noir, coordonné par Denise Hamilton, Folio/Policier.

Moscou, 1936

Le polar historique a de beaux jours devant lui. William Ryan s’est lancé dans une entreprise étrange au regard des critères qui président habituellement à cette branche, raconter l’histoire de l’URSS dans ce milieu des années 1930, au moment où le nazisme assure son pouvoir en Allemagne et que l’op- position à Staline commence à faire entendre à nouveau sa voix. L’as-

sassinat de Kirov changera la donne. Les procès pourront com- mencer. Nous n’en sommes pas là. Par contre, les divergences au sein de la Tcheka sont l’objet prin- cipal de cette intrigue via l’inspec- teur Korolev qui veut à la fois enquêter sur le meurtre de cette Américaine et sauver sa peau. Il est obligé de s’acoquiner avec les Voleurs qui sont aussi des révoltés et ont construit Le royaume des Voleurs, titre de ce

premier opus. Les intrigues tissent leur toile qu’il ne com- prend pas toujours.

Le lecteur lui non plus ne saisit pas tous les tenants et les aboutissants s’il n’a pas connaissance de

l’Histoire. L’auteur sait faire vivre son récit. On a vraiment l’im- pression d’être à Moscou en 1936.

La suite arrive... N. B.

• Le royaume des Voleurs, William Ryan, 10/18.

Le coin du polar

Coin du polar

SUR LE SITEWWW.SNES.EDU

Notre sélection

BON ANNIVERSAIRE

Folio, cette collection de poche qui fait du blanc sa marque de fabrique, fête ses 40 ans. Elle ne les fait pas…

On y trouve la réédition des grandes œuvres de Salman Rushdie dont Les versets sataniques qui ont fait cou- ler beaucoup d’encre et qui a valu à l’auteur d’être protégé 24 heures sur 24, autrement dit de ne plus avoir de vie, mais aussi les contes comme Est, Ouest ou La honte pour redécouvrir cet auteur un peu mésestimé à cause de la fatwa lancé contre lui.

La collection « biographie » a pris aussi toute sa place. Elle mêle allègrement toutes les « stars » de la littérature, de la musique, du cinéma… Une des dernières en date est celle de Jimi Hendrix par Frank Médioni pour découvrir l’étrange destin de ce gui- tariste de blues devenu un « guitar hero », transformateur de cette guitare électrique avec qui il entretenait des relations d’amour/haine jusqu’à la brûler sur scène, pour finir seul dans une chambre d’hôtel et mourir dans son vomi.

Folio publie aussi des Essais dont celui, humoristique, de Louis-Bernard Robitaille, correspondant de La Presse, journal québécois, à Paris et qui raconte sa vision de « ces impossibles Français »…

qu’il aime pour cette raison.

Et la moisson continue… N. B.

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Supplément au no720 du 26 avril 2012 -US MAGAZINE- 39

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ans le livre de Gueniffey, « Histoires » s’écrit avec un « s ». La séquence qui s’ouvre en 1789 par l’établissement de l’égalité devant la loi, et s’achève en 1815 par la chute de celui dont les titres de « fos- soyeur » et de « continuateur » de la Révo- lution n’ont pas fini de se disputer le sur- nom, ne semble pas portée par une seule et même nécessité. Rassemblant des articles écrits dans les vingt dernières années, l’auteur confère à la diversité des commandes et de l’inspiration la vertu d’un miroitement déjouant premièrement la tentation du point de vue privilégié. Dans la Révolution et l’Em- pire, les grands mécanismes historiques pèsent çà et là, mais aussi les hasards, et le mystère des caractères et des caprices. Miroi- tement aussi dans le choix des sources, sources parfois inattendues, à la manière dont l’infrarouge sait montrer ce qu’une lumière vive laisse à jamais dans l’invisible. Ainsi, dans la biographie de La Fayette, dont, selon Chateaubriand, « l’aveuglement (…) tenait lieu de génie », dont « l’imbécilité [du] carac- tère, la timidité [de] l’âme et les courtes dimensions de [la] tête » sont l’objet des railleries de Mirabeau, peut se lire la tension longtemps vécue par les Révolutionnaires entre Monarchie constitutionnelle et Répu- blique. Ainsi le chimiste Chaptal traverse-t-

il en première classe Révolution, Empire et

Restauration, et mérite-t-il autant le titre de girouette que celui de témoin privilégié.

Quant à Bonaparte, c’est sa fascination pour l’Orient, ce lieu d’infinie liberté, qui semble en dévoiler plus largement le caractère. Où l’on apprend la vénération du plus célèbre des Français pour Mahomet, parti de rien, devenu tout, « incarnation de la volonté de puis- sance ». C’est une telle obsession de la volonté qui donne d’ailleurs à la Révolution et à l’Empire leur commune tonalité. Sur ce point Robespierre s’accorde avec tout ce qu’on aperçoit, à travers le kaléidoscope de ses interprètes, du complexe Napoléon. L’un par les lois, l’autre par le glaive, semblent avoir à cœur de montrer que tout est pos- sible. Il y a là de quoi aiguiser notre foi en nous-mêmes, intimidés comme nous le sommes par les forces de l’économie, comme jadis la Tradition faisait ployer sous sa majesté ceux qui ne croyaient pas en l’avè- nement de la République. Au-delà des mas- sacres, au-delà des sanglants remous, c’est bien la principale leçon de ces Histoires. ■ Matthieu Niango

• Histoires de la Révolution et de l’Empire, par Patrice Gueniffey, éditions Perrin, collection Tempus, 2011

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rances a sept ans quand sa tante Ada vient la cher- cher à la campagne pour l’amener vivre avec elle en ville, dans l’appartement cossu de son grand-père.

Étrangement, la fillette et sa tante ne se sont jamais ren- contrées auparavant. Le père de Frances, August, en rup- ture avec sa famille, vient de mourir dans des circonstances mystérieuses. La mère de la petite, Ester, est partie depuis longtemps. Ainsi commence le premier épisode de Frances, une bande dessinée en trois tomes, publiée de 2008 à 2012. Joanna Hellgren, jeune auteure suédoise, a été éditée directement en français aux éditions Cambourakis.

À la manière des contes, le récit s’inscrit dans une époque et dans des lieux non précisés, qui évoquent toutefois des pays du Nord des années 30 ou 50. L’histoire est construite de façon aussi déstabili- sante qu’efficace autour d’allers-retours dans le temps et dans la vie des personnages qui ont joué un rôle dans la vie de Frances. De mys- tères en dévoilements progressifs, le lecteur est tenu en haleine et en même temps transporté dans la chronique feutrée d’une famille disloquée. Le subtil équilibre entre dialogues et images nous en dit juste assez pour saisir le destin des personnages, tout en laissant tra- vailler l’imagination.

Une atmosphère mélancolique empreinte de douceur et de gravité révèle les fêlures. Frances met en lumière la volonté et la difficulté des êtres à vivre librement, à assumer leurs choix, qu’il s’agisse d’al- ler à l’encontre de la volonté d’un père, d’un milieu social ou du des- tin traditionnellement réservé aux femmes, celui du mariage et de la maternité. À travers le choix d’une petite héroïne androgyne, enfant non désirée, ou de l’homosexualité d’Ada, Joanna Hell- gren interroge avec subtilité et empathie le statut des femmes et le destin de ceux qui choisissent les chemins de traverse.

Le charme de cette œuvre incroyablement maîtrisée tient pour beaucoup à l’utilisation exclusive du crayon gris. Le trait faus- sement enfantin confère une grande élégance au dessin, à la fois léger et intense, à la manière de certaines peintures expression- nistes. La part faite aux rêves et aux histoires qu’on raconte, qu’on se raconte, crée un climat onirique en lien avec une esthé- tique scandinave dépaysante en bande dessinée. ■

Stéphanie Marco

• Frances de Joanna Hellgren, trois tomes, éditions Cambourakis

Le coin de la BD : destins de femmes

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OS COLLÈGUES PUBLIENT

RÉSISTANCE GRECQUE Professeure d’histoire, Joëlle Fon- taine nous plonge dans une période peu connue de l’histoire grecque. Ses recherches révèlent comment la Résistance grecque – l’une des plus actives et efficaces de l’Europe occu- pée par les nazis – puis les syndicalistes et les démocrates, ont été massacrés ou mis au pas par les collaborateurs et les Anglais en 1944, relayés par les Américains les années suivantes... pour rétablir l’ordre social d’avant-guerre. On y découvre ainsi par exemple des aspects occultés de la politique de Churchill. Tout ce qui va adve- nir par la suite, de la dictature des colonels à l’humiliation d’aujourd’hui, est en germe dans cette histoire tragique de la Résis-

tance grecque. Alain Prévot

De la Résistance à la Guerre civile en Grèce : 1941-1946, éditions La Fabrique.

POUR UNE ÉCOLE ÉMANCIPATRICE Huit contributions regroupées dans un petit recueil coordonné par Nicolas Béniès. Huit lectures sti- mulantes sur des sujets aussi variés que la laïcité, la scolarisa- tion en maternelle, les nouveaux programmes d’histoire en classe de Première. Guy Dreux revient sur la mutation néolibérale du système éducatif et Jean-Pierre Terrail plaide pour une véritable école commune. Un autre regard sur l’école et des perspectives pour construire des individus

émancipés. C. C.

Pour une école émancipatrice. Les cahiers de l’émancipation. Éditions Syllepse.

QUELLES HISTOIRES !

Voici venu le temps de l’homme

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aysa, Seba et Nelly vivent au Caire et subissent quotidiennement un machisme agressif et impuni, dans les bus, dans les rues et jusque dans leurs maisons. Faysa qui porte pourtant le foulard et des tenues austères en est au point que, pour se rendre à son travail, elle n’emprunte plus les transports en commun mais le taxi dont elle doit marchander le prix de la course. Seba et Nelly qui sont logées à la même enseigne vont décider de s’élever contre le harcèlement sexuel en même temps que Faysa, mais chacune à sa façon.

Faysa en répondant aux attouchements dont elle victime dans le bus à l’aide d’une épingle ou d’une lame, Nelly en traînant, malgré tous les obstacles qu’elle rencontre, un de ses agresseurs devant la justice.

Les femmes du bus 678 est inspiré de l’histoire réelle de Noha Rushdi.

Elle a osé affronter son agresseur qui a été condamné à trois années d’emprisonnement. Elle a ainsi créé une jurisprudence nouvelle en Égypte. Le réalisateur, Mohamed Diab, à ouvert une brèche dans un pays où, souvent, le premier cadeau qu’un homme offre à sa fiancée est une bombe d’autodéfense !

Le film est sorti en Égypte sur 45 copies, un mois avant la révolution.

Non seulement il a connu un succès considérable, mais il a permis l’ou- verture de débats houleux entre ceux qui niaient les faits et ceux qui se félicitaient de voir enfin les mœurs évoluer.

Mohamed Diab a été la cible de plusieurs procès qui portaient sur la mauvaise image de l’Égypte que donnait son film ou sur le fait qu’il incitait les femmes à se venger des hommes avec violence. Mais le réa- lisateur a gagné ses procès et, dans le même temps, une loi était votée, officialisant le délit de « harcèlement sexuel ».

Les femmes du bus 678, film engagé, décrit une Égypte au quotidien en lente mutation tout en restant d’une certaine façon fidèle au cinéma tra- ditionnel égyptien, en passant par une image et des situations qui pour- raient s’apparenter à l’atmosphère du roman-photos. Les relations hommes-femmes, la résistance des idées reçues, le souci d’une dignité de façade, l’image de la famille ou les difficultés économiques que connaît le pays, donnent au film son caractère social. Le traitement de ces données est aussi original que traditionnel. ■ Francis Dubois

DVD

Filmer le jazz

Antoine Hervé, pia- niste, compositeur et enseignant, a décidé de reprendre La leçon de jazz. Le but : expli- quer les techniques de composition et d’improvisation de quelques grands créa- teurs du jazz ou d’autres musiques appelées « cousines ». Il s’agit de mettre en scène chaque musicien par le biais du concert, soit par un arrangement original, soit en repre- nant sa manière de jouer. Tout le problème est là : comment imager la musique et la parole ?

Le dernier opus de cette collection est consacré à un géant du piano, Oscar Peterson qui nous a quittés en décembre 2007. Le filmage colle un peu trop au trio réuni dans la salle Lino Ventura, sans faire preuve d’originalité. Du coup, le propos du conférencier devient, en certains moments, soporifique. La musique sauve le tout mais au prix d’une baisse d’attention. Par contre, le dessin du clavier, en haut de l’image, permet aux néophytes de se faire une idée des doigtés et de leur difficulté. Dans l’improvisation

orale, quelques erreurs se glissent, seulement repérables par les spé- cialistes.

Au total, ces 2 h 40 de concert sem- blent se tirer en longueur. Il reste de grands moments : la marche d’An- toine Hervé pour expliquer le shuffle ou la walking bass comme la concentration dont il fait preuve pour jouer, dans le texte, les impro- visations de Oscar Peterson. ■ Nicolas Béniès

• Oscar Peterson, le swing et la vir- tuosité, double DVD, RV Productions / Harmonia Mundi.

Dans cette collection, La Leçon de Jazz, sont déjà parus Anto- nio Carlos Jobim et la Bossa-Nova dans laquelle Antoine Hervé est en duo avec le chanteur

Rolando Faria pour expliquer le rythme particulier de ce succédané de samba profondément lié au Brésil et à la période des années 60 ; et Wayne Shorter, jazz- man extra-terrestre où Antoine Hervé est en compagnie du saxophoniste Jean- Charles Richard pour introduire le spectateur dans ce monde si particulier, celui du saxopho- niste et compositeur Wayne Shorter.

© DR

CULTURE C i n é m a / T h é â t r e / S p e c t a c l e

LES FEMMES DU BUS 678, UN FILM DE MOHAMED DIAB (ÉGYPTE)

Une Égypte en mutation

JAZZ :

DEUX CRÉATEURS

• Miles Davis, reste aujourd’hui l’une des références incontour- nables du jazz. C’est le baobab qui cache toute la forêt des trompettistes présents

et passés. Beaucoup d’ouvrages lui sont consacrés et il fait l’objet de toute l’attention des rééditeurs. Mat- thieu Thibault, musicien de rock, musicologue et enseignant, a voulu retracer l’histoire de cet album mythique de 1970, Bitches Brew. Il parle de Jazz psychédélique en réfé- rence à l’époque. Cet ouvrage vaut surtout par la mise en évidence des filiations venant du rock, du funk (James Brown comme Jimi Hen- drix mais aussi Betty Davis, la deuxième épouse de Miles), plus que celles venant du jazz lui-même.

Sur ce dernier terrain, beaucoup d’approximations. N. B.

• Bitches Brew ou le jazz psychédélique, M. Thibault, Le Mot et le Reste.

• John Coltrane, dernier grand génie du jazz, continue d’exercer un magis- tère sur tou(te)s les musicien(ne)s de jazz et au-delà. Xavier Daverat, dans Tombeau de John Coltrane, propose à la fois une analyse de l’œuvre mul-

tiforme du saxo- phoniste et une sorte de tableau des musicien(ne)s qu’il a influencé(e)s. Une généalogie qui frise la typologie. La plupart des acteurs de la scène du jazz

sont ici répertoriés. Une interroga- tion surgit : peut-on définir un style de jazz du XXIesiècle ? Sans traiter cette question, l’auteur nous invite à réécouter encore et encore John Col- trane tout en incitant à créer d’autres

voies. À suivre. N. B.

• Tombeau de John Coltrane, X. Daverat, collection eupanilos/Éditions Parenthèses.

FESTIVAL

Le Vésinet, dans les Yvelines, a décidé l’an dernier de se lancer dans un Jazz piano festival. Cette première édition a été un succès. Il récidive en invitant au théâtre du Vésinet, Claude Bolling, plus de 72 printemps, Monty Alexander jouant la musique de sa Jamaïque natale mâtinée de Oscar Peterson, Roberto Fonseca pour Cuba et Tigran Hamasyan pour la virtuosité quelquefois un peu vaine. N. B.

• Du 22 au 26/05. Rens. : 01 30 15 66 00, www.vesinet.org

Films conseillés

: CRITIQUES SUR LE SITE WWW.SNES.EDU

À VOIR ÉGALEMENT

Je fais feu de tout bois. Dante Desarthe invente un ton résolument nouveau pour faire un état des lieux du cinéma en ce début de décennie. Tonalité joyeuse, voire déjantée, hardiesse du propos avec, en filigrane, ce qu’il faut de gravité. Réjouissant. F. D.

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Supplément au no720 du 26 avril 2012-US MAGAZINE- 41 Spectacle et CD de Utgé-Royo

L’espoir têtu sera un nouvel album de Serge Utgé-Royo. L’itinéraire artistique et militant de ce grand poète en comporte une vingtaine (en CD ou DVD), et il sera possible de le retrouver – ou de le découvrir – avec de nou-

velles chansons et ses musiciens habituels, sur la scène du Vingtième Théâtre à Paris le 4 juin pour la soi- rée de clôture annuelle des Lundis de la chanson. Les textes de cet auteur, une bonne centaine, conju- guent poésie, bonheur de vivre,

révoltes, incitation à renouer avec les grandes utopies sociales généreuses, tout en incitant à la vigilance contre les régressions sur les terrains des libertés et des solidarités. Ph. L.

• Utgé-Royo au Vingtième Théâtre le 4 juin.

Voirwww.snes.edu/-Culture-.htmlet www.utge royo.compour découvrir aussi l’ensemble de ses autres albums, créations personnelles et autres dates de concerts. Réservations à tarifs réduits pour les syndiqués, sur réservation impérative auprès d’Édito Musiques : 01 43 52 20 40 / 06 12 25 52 85

L’ACTUALITÉ CULTURELLE :

www.snes.edu

M

atisse,de sa période fauve à la fin de sa vie, s’est amusé à retravailler une même composition en variant les techniques picturales. Certaines fois, l’une des toiles a été peinte en quelques jours, là ou les autres de la série ont été reprises pendant des semaines ou des mois. Il a rendu visible, ainsi, ses recherches et sa réflexion sur la peinture, en variant les cadres, les supports, les techniques, les cou- leurs, indépendamment du thème représenté.

Le Centre Pompidou présente jusqu’au 18 juin une soixantaine d’œuvres. Des paires, souvent, comme les très grands tableaux Luxe I et Luxe II (1907), très aboutis. Des séries comme trois vues du Pont Saint-Michel, peintes entre 1900 et 1901 ; trois portraits de sa fille Marguerite, par- tis d’une série de cinq peints en 1914, dont le dernier est quasiment cubiste ; trois paysages d’Étretat de 1920 qui évoquent furieusement Monet... et, pour finir, les quatre superbes Nus bleus en papiers découpés de 1952. Le tra- vail et les recherches du peintre se dévoilent sous nos yeux. On peut admirer les dessins, variations sur une fleur, un nu, réalisés pour le livre qu’Ara- gon lui consacre : Thèmes et variations, en 1943. Comme les différents états de la Blouse roumaine et du Rêve, présentés en 1945 à la Galerie Maeght. Ils percent les secrets de fabri- cation des œuvres et le cheminement de la pen- sée de Matisse. À voir (et revoir).

Christopher Wool.Là encore, des séries. Évi- demment, l’époque, et donc les œuvres, sont dif- férentes. Le musée d’Art moderne de la Ville

de Paris présente jusqu’au 19 août une trentaine d’œuvres de grand format réalisées entre 2000 et aujourd’hui, par ce peintre américain né en 1955. Héritier du pop’art, il en utilise les outils : spray, pochoirs, peinture à la bombe, images informatiques, images sérigraphiées sur toile...

S’apprécient les variations à partir du même motif (taches noires, images décalées comme retravaillées par un logiciel de traitement de photos, grands gestes de peinture colorée) qui donnent le sentiment d’une improvisation très construite et d’une grande liberté.

Buren.Pour la cinquième année, du 10 mai au 21 juin, Monumenta invite un artiste majeur à investir la nef du Grand-Palais. Cette année, Daniel Buren crée une œuvre in situ, nommée Excentrique(s) Travail in situ, un parcours fait de ses bandes de tissu de 8,7 cm, blanches et colo- rées alternativement. La simplicité du procédé et sa répétition a priori obsédante engendrent en fait un maximum d’effets, accrus par la taille, la majesté du lieu et de son architecture, dont l’im- pressionnante verrière. Sylvie Chardon

• Centre Georges Pompidou, Paris. Tarif réduit 10: Pass éducation. Tél. : 01 44 78 12 33, www.centre- pompidou.fr

• Musée d’Art moderne : 11, av. du Président-Wilson, Paris 16e. Tarif réduit 4,50: Pass éducation. Accès gratuit aux collections permanentes. Tél. : 01 53 67 40 80, www.mam.paris.fr

• Grand Palais : avenue W.-Chruchill, Paris 8e. Tarif : 5. Gratuit pour les scolaires et leurs accompagna- teurs, www.monumenta.com

Ont participé à la conception de ces pages : Nicolas Béniès, Sylvie Chardon, Carole Condat, Francis Dubois, Philippe Laville, Micheline Rousselet

EXPOSITIONS

De Matisse à Buren en passant par

Christopher Wool

RÉFLEXION

Où en est le jazz ?

Savez-vous que près de 150 Théâtres et festivals, dans diverses régions, certains depuis plus de vingt ans, ont accepté de faire bénéficier les syndiqués d’un tarif réduit, dans le cadre du partenariat

« Réduc’SNES », sur présentation de la carte SNES ? La seule contrainte est de réserver à l’avance. N’hésitez pas en béné- ficier car c’est aussi un moyen d’accroître le nombre de lieux culturels partenaires.

Quelques-uns sont d’ailleurs animés par des collègues, ou d’anciens collègues, comme le théâtre de la Vieille Grille à Paris (M° Monge) www.vieillegrille.fr qui, au cœur d’une pro-

grammation de qualité, reprend le 15 mai et le 15 juin 2012 un beau spectacle titré Méliès cabaret magique, conçu et interprété par Anne Quesemand et Laurent Berman, qui associe ha- bilement de nombreuses scènes théâtrales et qua-

torze petits films dont certains quasi inédits sur l’affaire Dreyfus (l’engagement de Méliès pour la libération de Dreyfus valut à certains de ces films « d’inaugurer » la censure cinématographique)...

Utilisez Réduc’SNES ! Tous ces lieux partenaires et de nombreux spectacles sont présentés sur le site du SNES, où on peut découvrir plus de 1 000 articles dans les onze rubriques qui com- plètent les pages culture de ce Magazine sur www.snes.edu/-Culture-.html. Outre les spectacles, des mises à jour hebdo- madaires concernent notamment l’actua- lité cinématographique, musicale, des ren- contres et débats, des expositions.

N’hésitez pas à nous signaler des lieux ou initiatives qui mériteraient l’attention de tous et que nous n’aurions pas évoqués.

Philippe.Laville@snes.edu

A

u moment où les grands fes- tivals du printemps – l’Eu- ropa djazz du Mans et Jazz sous les Pommiers de Coutances – se terminent et où vont s’ouvrir ceux de l’été, l’interrogation autour d’un style d’époque revient sur le devant de la scène. Tous les festi- vals de jazz – et ils sont nom- breux, plus de 800 recensés en France – font la preuve de la vita- lité de cette musique, de son pré- sent multiforme. En même temps, la place est faite aux « musiques cousines », musiques africaines, électro et d’autres qui proviennent de « l’air du temps ». Souvent le mot-valise de « musiques du monde » sera utilisé, un mot qui brille par le regroupement hété- roclite de cultures différentes.

Comment définir le jazz du coup ? Les clichés se bousculent.

D’abord, jusque dans les années

1980 moment de la victoire de l’idéologie libérale, « musique de sauvages » puis bruits et fureurs avec le « free jazz » pour devenir, par insinuations successives et vieillissement de ses publics,

« Musique d’intello », insulte suprême des cours de récré. Avec un cortège bigarré de musique

« ennuyante » pour la jeune géné- ration d’aujourd’hui qui ne sait plus à quel saint se vouer partagée entre rap, hard rock, métal et l’électronique, le tout enveloppé dans du MP3 qui concasse le son, réalité technologique qui inclut une modernité régressive dans la manière d’entendre.

Le jazz fut longtemps une musique liée à la lutte, une musique de révolte, de liberté, d’égalité. Le temps d’un solo génial, on pouvait se croire Icare, loin de la réalité raciste des socié-

tés. Aujourd’hui, son éclatement révèle une situation qui vise toute la culture. Le XXIesiècle n’a pas su créer d’œuvre d’art, de révo- lutions esthétiques. Tous les styles du passé ont droit de cité.

Entre la répétition, l’acceptation de règles et la recherche liée à la musique contemporaine qui conduit le jazz en des sentiers étranges. Le paradoxe tient en ce que cette musique contemporaine s’est nourrie aussi du jazz...

La culture du résultat, la nécessité de « réussir » – la peur de l’échec – tuent dans l’œuf toute possi- bilité de création... Il va être temps de rompre avec toute cette idéologie pour ouvrir le champ des possibles. Nicolas Béniès

CD jazz

SUR LE SITEWWW.SNES.EDU

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CULTURE M u l t i m é d i a

La genèse

Paris, 19 décembre 2011. Il pleut, il fait froid, bref c’est l’hiver... Au Sénat, on rati- fie la rénovation de la loi dite Lang de 1985 sur la copie privée, caduque au 22 décembre 2011 (www.senat.fr/cra/s20111219/s2011 1219_4.html#par_21 / www.senat.fr/cra/

s20111219/s20111219_4.html#par_21).

Souvenez-vous : tout support numérique destiné à un « enregistrement pour usage privé » (CD, DVD, clefs USB, disques durs externes...) est soumis à un prélèvement destiné à compenser l’absence de droits d’auteur perçus lors de cette copie. Deux nouveautés dans cette nouvelle version : les professionnels peuvent s’en faire rem- bourser le prélèvement. Plus intéressant, on introduit la notion de « source légale de la copie ». C’est quoi donc ? En gros, cela signifie que le copiste devra s’assurer de la légalité de sa source avant de la copier.

Sans commentaires...

Pour se faire une meilleure idée du débat,

« la quadrature du net » (association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet) avait alors publié un billet pré- sentant les implications de cette loi (www.laquadrature.net/fr/le-senat-enterre- la-copie-privee-et-les-droits-du-public).

Des bibliothécaires (dont l’esprit machia- vélique est bien connu) se sont penchés sur cette notion de licéité (!) de la source.

Lionel Maurel, conservateur à la biblio- thèque de France, en conclut dans son blog S.I.lex que « le prêt en bibliothèque ou la consultation de documents sur place consti- tuent bien une manière licite d’accéder aux œuvres et donc des “sources licites”...

Concrètement, cela signifie que des usagers de bibliothèques, à condition qu’ils réali- sent des copies avec leur propre matériel (leur appareil photo, leur téléphone por- table, leur ordinateur chez eux, etc.) et réservent ces copies à leur usage personnel, pourraient réaliser des reproductions à

partir de documents consultés ou emprun- tés en bibliothèque, sans tomber sous l’ac- cusation de contrefaçon, y compris lorsque les œuvres en question sont toujours pro- tégées par le droit d’auteur ».

Silvère Mercier, chargé de médiation numé- rique à la BPI, aborde cette notion de Copy party dans Bibliobsession : « Il est désormais possible d’organiser... une Copy party dans une bibliothèque à ces conditions pour res- ter dans un cadre légal: les copies doivent être réalisées avec le propre matériel des usagers. Ces copies doivent être réservées à leur usage personnel et faites à partir de documents consultés ou empruntés en biblio- thèque acquis de manière légale : c’est le cas des livres (droit de prêt), des DVD (droits négociés), mais pas des CD dont le prêt n’est pas négocié, ni des jeux vidéo ».

L’acte de copie ne doit pas briser une mesure de protection technique (rappelons

que casser un DRM est illégal depuis la loi DADVSI).

Ces deux fauteurs de troubles ont organisé, avec Olivier Ertzscheid enseignant cher- cheur, maître de conférences en Sciences de l’information et de la communication à l’IUT de la Roche-sur-Yon et auteur du site Affor- dance, la première copy party.

Il ne s’est rien passé le mercredi 7 mars 2012

La B.U. de la Roche-sur-Yon a accueilli des usagers équipés de portables, de scanners, d’appareil photos. Ces derniers ont consulté des ouvrages divers et variés et en ont effec- tué des copies... de façon tout à fait licite avec leur matériel. Ils ont également pu boire un coup et grignoter au buffet (auquel ils avaient évidemment contribué).

Cette copy party n’est pas un panégyrique du piratage. C’est une action visant à sensi- biliser à la problématique de la circulation des œuvres, notamment de façon numé- rique, ainsi qu’au financement de la création.

Cette problématique nous touche chaque jour en tant qu’enseignants. Qui peut affirmer qu’il n’a jamais violé la loi (de façon invo- lontaire) en ce qui concerne la diffusion d’œuvres en classe ? Comment parler d’une œuvre sans la montrer ? Comment être cer- tain de ne pas contrevenir à la loi en la mon- trant ? Le patrimoine culturel doit-il être systématiquement payant ?

Quel peut être l’intérêt

pédagogique d’une copy party ?

La loi sur la copie privée et cette manifesta- tion qui en découle sont toutes récentes. Il est encore tôt pour présenter une réflexion péda- gogique aboutie. Cependant, on peut d’ores et déjà proposer quelques pistes.

La copy party semble être un excellent sujet à traiter en enseignement d’explora- tion de Seconde « littérature et société » : elle permet d’aborder plusieurs des thèmes proposés, dont l’aventure du livre et de l’écrit. Jetons un œil aux pistes de travail :

« En abordant la question des formes actuelles du livre et de la textualité numé- rique, on fait réfléchir les élèves sur leurs propres pratiques de lecture et d’écriture, sur ce que les technologies numériques induisent dans l’approche des textes et des documents mais aussi sur ce qu’elles modi- fient du point de vue de l’expression per- sonnelle, des modes d’échange et de la création littéraire ».

Ce peut être un moyen de réconcilier l’élève avec les bibliothèques et les CDI, de

Let’s copy (party)

LA PREMIÈRE COPY PARTYa eu lieu à la bibliothèque universitaire (B.U.) de la Roche-sur-Yon le mercredi 7 mars 2012.

Copy party, avez-vous dit ? En voici le principe, la mise en œuvre et quelques pistes pédagogiques.

Nous avions déjà réalisé un dossier en mars 2011 intitulé « Et si on passait une vidéo libre de droit en classe ? » :http://adapt.snes.edu/spip.php?article645.

Pour fêter la journée mondiale du droit d’auteur, le B.O. n° 16 du 19 avril présente un protocole d’accord sur l’utilisation d’œuvres en classe :

www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59631avec un beau tableau synthétique (merci !) qui démontre bien la complexité de la démarche.

Lionel Maurel a publié ce point de vue : « Droit d’auteur et enseignement en France : état d’urgence ! » : http://scinfolex.wordpress.com/2012/04/26/droit-dauteur-et-enseignement-en-france- etat-durgence. Ce dossier peut donc contribuer à la réflexion, aux débats sur ce que pourrait

ou devrait être une véritable exception pédagogique.

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Références

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